Et tandis que les mauvaises mœurs et le langage grossier constataient leur impuissance contre la société polie, celle-ci prenait sur elles un invincible ascendant ; elle le prenait sans discussion, sans dispute, uniquement par la force de son exemple, par la séduction propre à son langage spirituel, élégant et gracieux ; peut-être aussi par un effet naturel du progrès des lumières, et de l’affinage des esprits dans l’exercice continu de la conversation, dont la société de Rambouillet avait eu le mérite de fournir le premier modèle. […] Ce qui distingue le langage des femmes du grand monde et de la cour, du langage commun, c’est moins l’usage de certains tours, de certaines formes et de certaines expressions réputées nobles et élégantes, que l’ignorance parfaite des paroles et des locutions grossières, qui ont pris naissance dans le peuple. […] Molière le prête à une précieuse, dans sa Critique de l’École des femmes, au sujet de la scène où Arnolphe interroge Agnès sur ce que son galant lui a pris : « il y a là, dit Climène, une obscénité qui n’est pas supportable. » Élise est étonnée du mot : « Comment dites-vous ce mot-là ?
La même raison qui doit obliger les poëtes à ne pas laisser prendre à l’amour un trop grand empire sur leurs heros, doit les engager aussi à choisir leurs heros dans des tems éloignez d’une certaine distance du nôtre. […] Ainsi j’approuve les auteurs qui, lorsqu’ils ont pris pour sujet quelque évenement arrivé en Europe depuis un siecle, ont masqué leurs personnages sous le nom des anciens romains ou de princes grecs, ausquels personne ne prend plus d’interêt. […] Je n’ajouterai plus qu’un mot à cette observation : c’est qu’à l’exception de Bajazet, et du comte d’Essex, toutes les tragedies écrites depuis soixante ans, dont le sujet étoit pris dans l’histoire des deux derniers siecles, sont tombées, leurs noms mêmes sont oubliez.
Elle est une manière de précaution qu’il a paru honnête et prudent de prendre. […] Quel parti prendra-t-elle ? […] Mais les disciples ont pris les maîtres au mot. […] On croyait le remplir par d’ineptes cris qu’on prenait pour de la passion et par des lieux-communs qu’on prenait pour de la pensée. […] Et cette âme, dans ce Rêve, comme elle y prend son bonheur, y trouve sa croyance.
Elles seroient bien-tôt estimées à leur juste valeur si le public étoit aussi capable de défendre son sentiment et de le faire valoir, qu’il sçait bien prendre son parti. […] Le public demeure indécis sur la question, s’il est bon ou mauvais à tout prendre, et il en croit même quelquefois les gens du métier qui le trompent, mais il ne les croit que durant un temps assez court. […] Il s’imagine le partager en deux factions aussi animées l’une contre lui et l’autre pour lui, que les guelfes et les gibelins l’étoient contre les empereurs et pour les empereurs, lorsque réellement il n’y a pas cinquante personnes qui aïent pris parti pour ou contre lui, et qui s’interessent avec affection à la fortune de ses vers.
Quelle fut, à les prendre dans leur ensemble, la direction principale et historique des générations qui arrivaient à la virilité en 89, et de celles qui y atteignaient vers 1803 ? […] Sa sensibilité, tempérée par la fantaisie, ne prenait pas le malheur dans un sérieux aussi continu que de loin on pourrait le croire. […] Accusé d’avoir pris part à l’évasion de Bourmont, il s’évada lui-même de la ville, et n’y revint qu’après qu’un jugement rendu l’eut mis à l’abri. […] A dater de 1820, la position littéraire de Nodier prit manifestement de la consistance. […] Nodier, qui s’était pris tant de fois de raillerie au célèbre corps, fut saisi d’une joie toute naïve et attendrie en y entrant.
. — Le père Grandet prend beaucoup de merrain, il y aura du vin cette année.” […] Le premier de ce dernier mois, elles pouvaient prendre leur station d’hiver à la cheminée. […] ici, dans ma propre maison, chez moi, quelqu’un aura pris ton or ! […] « — Ta, ta, ta, il a pris ta fortune, faut te rétablir ton petit trésor. […] Prends donc !
J’en ai pris le sujet dans la Bible. […] Je me sentis à l’instant rassuré et pris au cœur par la bonhomie sincère et grandiose à la fois de cette figure. […] Je n’y songeais déjà plus ; ma vie avait pris un autre cours : j’aspirais à entrer dans la diplomatie. […] Je le pris tout sanglant. […] Mais de vos premiers ans quelles mains ont pris soin ?
Dès lors Alphonse le prit, dit-on, en aversion singulière ; mais il dissimula, car Rodrigue était puissant. […] L’homme a besoin de se créer des idoles dans le passé, et il se prend à ce qu’il a sous la main : il lui suffit d’un prétexte. […] Un fils de Diègue Laynez m’a fait beaucoup de mal ; il m’a pris mes frères, et m’a tué mon père. […] Le comte don Ossorio, gouverneur du roi, prend vite don Fernand par la main et le tire à part en lui disant : « Seigneur, que vous semble ? […] Je laisse deux filles bien jeunes, prenez-les sous votre protection.
C’est comme un docteur encore jeune qui a une entrée dans la ruelle et dans l’alcôve ; il a pris le droit de parler à demi-mot des mystérieux détails privés qui charment confusément les plus pudiques101. […] On doit au reste en prendre son parti avec M. de Balzac, et l’accepter selon sa nature et son habitude. […] Je sentis la nécessité de me faire violence et de prendre beaucoup d’exercice en me promenant à la campagne, ce que je fis pendant huit jours consécutifs. […] Bien des femmes, même honnêtes, y sont prises. […] Il commence si bien chaque récit, il nous circonvient si vivement, qu’il n’y a pas moyen de résister et de dire non à ses promesses ; il nous prend les mains, il nous introduit de gré ou de force dans chaque aventure.
Lord Byron était un idéal ; on l’a traduit en prose ; on a fait du don Juan positif ; on l’a mis en petite monnaie ; on l’a pris jour par jour à petites doses. […] Depuis ç’a été le tour des femmes ; l’émulation les a prises de lutter au sérieux avec les types, à peine apparus, d’Indiana ou de Lélia. […] Nous n’avons pris M. […] Sue, en produisant M. de Bâville et en le mettant aux prises avec Villars, a fait preuve d’une remarquable habileté de dialogue ; mais l’habileté ici ne suffit pas. […] La manière dont ils furent pris indiqua à l’auteur une voie nouvelle, et la facilité d’une partie du public ouvrit à son talent des jours dont il profita.
Il prend plaisir à voir les petites Furies qui se logent dans les écrits des théologiens, dans les attaques de M. […] Bayle garda son tour intact dans sa vie de province et de cabinet, il ne l’eût pas fait à Paris ; il eût pris garde davantage, il eût voulu se polir ; cela eût bridé et ralenti sa critique. […] La poitrine, qu’il avait toujours eue délicate, se prit ; il tomba dans l’indifférence et le dégoût de la vie à cinquante-neuf ans. […] qu’on prenne alors un des volumes de Bayle et qu’on se laisse aller. […] On en peut prendre un échantillon dans une de ses lettres (Œuvres diverses, t. 1, page 9, au bas de la seconde colonne.
L’inquiétude et la peur prirent au roi ; il fit éveiller Mme Dubarry. […] M. d’Aumont s’y prêtait de toute sa bassesse, et n’avait même mandé à personne l’état du roi, pour faciliter à cette femme le parti qu’elle voudrait prendre. […] Ce vieux serviteur du roi avait, depuis qu’il lui était attaché, pris l’habitude de lui parler avec une liberté qui tenait de la familiarité, et même souvent de l’indécence. […] J’aurais dès lors été fort effrayé de l’état du roi si j’avais pris quelque intérêt à la conservation de ses jours. […] Il lui avait dit dans ce moment que le roi était assez mal, que sa maladie prenait une mauvaise tournure, et qu’il lui conseillait de prendre ses arrangements pour partir bientôt, et pour partir d’elle-même, sans attendre qu’elle fût renvoyée.
Le fourbe et fanatique Savonarole, qui voulait prendre pied sur un cadavre pour se montrer plus dévoué au peuple, osa troubler son agonie en venant lui offrir sa bénédiction dans des termes qui semblaient révoquer en doute sa foi chrétienne ; il l’interrogea sur ses sentiments. […] Quand Alexandre avait pris le titre de doge et affecté le despotisme, Lorenzino était venu à sa cour et avait conquis, par mille flatteries et par de honteux services, la confiance d’Alexandre. […] J’éclatais en sanglots et en larmes que je voulais cacher, en m’efforçant de détourner ma tête ; mais lui, nullement ému, me prenait et me reprenait les mains. […] Il parut ainsi avoir pris une voie et y marcher d’un pas si ferme, qu’il fit croire qu’il atteindrait bientôt son père en marchant sur ses traces. […] Vous parlerai-je encore de ce couple des plus beaux lions gardés dans une cage pour un jardin public, et qui en vint aux prises avec une telle férocité, que l’un d’eux fut horriblement maltraité et l’autre tué ?
Ils appliquèrent aussi à l’amour courtois, que son caractère idéal et factice y prédisposait d’avance, leur manie d’abstraction et leur tendance didactique, et sous leur influence les arts prirent la place des chansons et des romans : au commencement du xiiie siècle parut le sec et pédantesque traité d’André le Chapelain, De arte honeste amandi véritable encyclopédie systématique de l’amour. […] Bientôt cependant elle s’adoucit, ayant le cœur généreux et pitoyable ; de nouveau elle fait bonne mine au jeune homme, et, par une compensation logique, efface d’un baiser qu’elle se laisse prendre le souvenir de sa dureté. […] À certaines comparaisons, du reste, toutes fraîches et prises en pleine nature, on devine que les sens de ce maître ès arts de l’amour conventionnel se sont ouverts aux impressions du inonde extérieur. […] La mort chasse tous les individus, et finit par les prendre. […] Fatigués de la barbarie primitive, où la lutte de tous contre tous est l’état naturel, où chacun ne prend et ne garde que selon sa force actuelle, les hommes ont constitué l’État, le pouvoir civil, gardien de la propriété et de la justice ; le roi n’est leur maître que pour leur service et leur sûreté : c’est le gendarme de Taine : Un grand vilain entre eux élurent Le plus ossu de tant qu’ils furent, Le plus corsu et le plus grand : Si le firent prince et seigneur.
Dès l’enfance on le prend, on l’isole du grand troupeau humain, on plie son corps et son âme aux pratiques religieuses. […] Car chez ceux-ci la profession ne prend pas l’homme dès l’enfance et elle ne le tient pas jusqu’à la mort. […] Et la différence ne pourra que croître à mesure que la société laïque se préoccupera moins d’une autre vie, s’installera mieux dans celle-ci et prendra plus pleinement possession de la terre. […] Parmi tant de belles et vivantes figures ecclésiastiques, je n’en prendrai que quatre : du côté des saints, l’abbé Courbezon et l’abbé Célestin ; du côté des ambitieux et des violents, l’abbé Capdepont et l’abbé Jourfier. […] Un bon prêtre a l’âme simple, prend tout au sérieux et fait tout sérieusement.
Rendez-vous est pris à la gare. […] On ne sait par quel bout prendre ce hobereau détraqué. […] Devenu riche, il veut jouir : le voilà pris du goût des scandales et des plaisirs de haut vol. […] Tout au contraire, la fille à laquelle il a jeté son mouchoir se prend pour lui d’un caprice désintéressé de grisette ; elle prend ses vers et refuse ses bijoux : ce jeune Turcaret trouve une Manon Lescaut pour l’aimer. […] Caverlet, homme de cœur et d’honneur, qui s’est pris pour elle d’une passion profonde.