Un double résultat de cette première éducation se fera sentir dans toute sa carrière. […] Il s’aperçut tout à la fois de combien on était en arrière dans la maison de ses parents sur la marche qu’avaient suivie les arts depuis dix ans, et pressentit tout ce qu’il fallait qu’il connût et qu’il étudiât pour rattraper le gros de l’armée dans laquelle il se trouvait enrégimenté tout à coup. » La remarque est juste, et l’expression aussi : voilà Étienne enrégimenté et enrôlé dans l’armée de David ; c’est là son premier groupe et son premier milieu ; c’est ce qu’il va entendre, embrasser, admirer et puis commenter à merveille : mais que les années s’écoulent, que de nouveaux courants s’élèvent dans l’air, que l’École de David, en se prolongeant, se fige comme toutes les écoles, qu’elle ait besoin d’être secouée, refondue, renouvelée, traversée d’influences rafraîchissantes et de rayons plus lumineux, lui, il ne voudra jamais en convenir ; il y est, il y a été élevé, nourri ; il y a pris son pli, le premier pli et le dernier ; il n’en sortira pas.
Nulle part ce premier et principal dessein qu’a l’auteur de railler les livres de chevalerie, de les décrier et d’en ruiner l’autorité dans le monde et parmi le vulgaire, ne se perd de vue ni ne se laisse oublier ; il est ramené sans cesse. […] Il est arrivé en grand à Cervantes pour son Don Quichotte, ce qui est arrivé à La Fontaine avec ses Fables, entreprises d’abord pour un but particulier ; à mesure qu’il avançait, il a insensiblement, non pas perdu de vue, mais agrandi, étendu et serré de moins près son premier objet ; il a fait entrer toute la vie humaine dans son cadre et nous a rendu cette vaste comédie « aux cents actes divers. » Le plan de Don Quichotte n’a rien d’exact, et il a varié sensiblement dans le cours de l’exécution. […] Et toutes ces opinions ainsi énumérées et passées en revue, je ne puis m’empêcher d’ajouter encore : Une des plus grandes vanités de la gloire, même de la gloire littéraire, qui de toutes semble pourtant la plus authentique, c’est qu’un de ses premiers effets consiste, si elle vous saisit une fois, à vous changer plus ou moins et à vous défigurer.
Il n’avait pas seulement du courage, il avait du coup d’œil, des idées, du brillant ; il séduisait à première vue. […] Le comte de Gisors y servit de secrétaire au maréchal et y fit aussi ses premières armes. […] Pour moi, il me rappelle exactement, dans l’exemple moderne le plus analogue, ce Pallas, fils d’Évandre, tué à son premier combat et qui, après avoir quitté son vieux père pour apprendre la guerre sous Énée, lui est ramené dans une pompe solennelle et touchante : …..Quem non virtutis egentem Abstulit atra dies et funere mersit acerbo.
Les dogmes de la religion chrétienne, l’esprit exalté de ses premiers sectaires, favorisaient et dirigeaient la tristesse passionnée des habitants d’un climat nébuleux : quelques-unes de leurs vertus, la vérité, la chasteté, la fidélité dans les promesses, étaient consacrées par des lois divines. […] Les nobles, ou ceux qui tenaient à cette première classe, réunissaient en général tous les avantages d’une éducation distinguée ; mais la prospérité les avait amollis, et ils perdaient par degré les vertus qui pouvaient excuser leur prééminence sociale. […] On a souvent considéré cette étude comme l’emploi le plus oisif de la pensée, comme l’une des principales causes de la barbarie des premiers siècles de notre ère.
De là vient que la littérature a reparu d’abord dans ce pays, où l’on pouvait trouver les sources premières de toutes les études ; et de là vient aussi que la littérature italienne a commencé sous les auspices des princes ; car les moyens de tous genres, indispensables pour les premiers progrès, dépendaient immédiatement des secours et de la volonté du gouvernement. […] Quoique les Arabes fussent un peuple extrêmement belliqueux, ils combattaient pour leur religion bien plus que pour l’amour et pour l’honneur, tandis que les peuples du Nord, quel que fût leur respect pour la croyance qu’ils professaient, ont toujours eu leur gloire personnelle pour premier but. […] Depuis que ce pays a perdu l’empire du monde, on dirait que son peuple dédaigne toute existence politique, et que, suivant l’esprit de la maxime de César, il aspire au premier rang dans les plaisirs, plutôt qu’à de secondes places dans la gloire.
L’opposition au cartésianisme vient des savants et des théologiens : les honnêtes gens se trouvèrent cartésiens du premier coup. […] Biographie : Jean Chapelain (1595-1674), fils d’un notaire, se fit connaître d’abord par la Préface de l’Adone, puis par des Odes, et par son poème épique de la Pucelle, dont les 12 premiers chants parurent en 1656, au bout de vingt ans de travail. […] Inéd sur l’Hist. de France, Paris, 1880-1883, 2 vol. in-4. — À consulter : Fabre, Chapelain et nos deux premières académies, Paris, 1800.
Suspendue pendant dix-huit mois après l’apparition des deux premiers volumes, puis reprise et menée avec ardeur, la publication de l’Encyclopédie venait d’être arrêtée de nouveau par le Parlement (1757) : l’un des deux directeurs de l’entreprise, Dalembert, ami de son repos, s’effrayait, se retirait ; ni Diderot ni Voltaire ne pouvaient le faire revenir sur sa décision. […] L’idée première, comme le succès final, était due à Diderot. […] Si les écrivains se classaient selon l’honnêteté, il faudrait le mettre au premier rang : mais si notre affaire n’est pas de décerner des prix de vertu, nous devons nous contenter d’un rapide et respectueux salut. — À consulter : Vinet, ouvr. cité, t. 1.
Quand il veut bien démonter une pièce, c’est merveille comme il en dégage l’idée première, comme il en saisit le fort et le faible, comme il met le doigt sur le point où le drame dévie. […] Il découvre dans Polyeucte « tous les types et tous les phénomènes qui ont dû se produire durant les deux premiers siècles au cours de la révolution chrétienne ». […] Weiss est au premier rang de ceux-là : c’est un des miroirs les plus inventifs de notre temps.
Il serait temps, cependant, de réagir contre l’erreur propagée par l’un des plus piteux livres que le sentimentalisme ait échafaudés ; et puisque nous sommes dans une de ces périodes rares où l’on met tout sur table, où l’on bannit tout faux respect des choses convenues, et où l’on étudie impitoyablement la valeur exacte des gens et des idées, puisque d’autre part, l’artiste, jusqu’ici écarté et résigné à être une non-valeur sociale, vient de s’avancer au premier rang des énergiques, il siérait de saper, d’une hache implacable, le faux idéal et la menteuse générosité de « la bohème », qui séduisent et égarent encore certains jeunes artistes, autant qu’ils font le jeu de la médiocratie contre l’idéal authentique et la vraie générosité. […] Nous l’avons vu expansif, bon garçon, bavard intarissable, racontant au premier venu, devant un bock, ses projets d’art, ses songes, ses émotions, ses amours, galvaudant tout ce que l’homme bien né garde pour lui ou de très rares intimes, étalant son intérieur comme son extérieur : en réalité, sous cette bonhomie ripailleuse, très dénigreur, rongé d’envie, se sachant impuissant, mais retenu dans un monde de ratés par une énorme vanité qui est encore du bourgeoisisme exaspéré, la vanité de serrer des mains célèbres, de figurer parmi les gens de lettres, et de passer pour un martyr de l’idéal. […] Il y aurait à donner le coup de grâce à des créations aussi funestes que celle de Murger ; avant de contribuer de nouveaux ouvrages d’imagination à la bibliothèque des auteurs actuels, il y aurait à écrire un livre de première nécessité sur l’organisation sociale des créateurs eux-mêmes.
De l’instruction première, sage école de doute, ne subsiste que la rhétorique indifféremment persuasive. […] Ses premiers essais, Serres chaudes, n’étaient que d’un baudelairien assoupli. […] Il l’expose dans son premier et récent roman, l’Élite.
Salie et réduite à l’état de loque, par l’usage, elle n’avait rien perdu à ses yeux de son prestige premier. […] C’était lors du premier voyage de Wilde à Paris où il était venu, précédé d’un renom de grand poète et qui ne fut qu’une longue suite d’ovations. […] L’éducation première est un vêtement dont on ne se dépouille jamais et qui ressemble parfois pour celui qui le porte à la tunique de Nessus.
Le jeune M. de Ciron n’avait pas attendu ce jour du mariage pour rompre avec le monde : voyant la ruine de ses plus chères espérances, il s’était tourné du côté de Dieu, et, dans son premier accès de douleur, il avait voulu se faire chartreux ; puis, son peu de santé s’y opposant, il s’était voué simplement à la prêtrise. […] Les Filles de l’Enfance, telles que les vierges chrétiennes ou les diaconesses des premiers siècles, n’étaient point enfermées dans un cloître, pour être à même de vaquer avec plus de facilité à tous les emplois de la charité que les vierges chrétiennes peuvent pratiquer honnêtement dans le monde. […] Ce qui ne faisait pas une moindre différence, et qui ne laisse pas de surprendre au premier coup d’œil, c’est cette espèce de commerce dévot, sans rien de sensuel, on veut le croire, mais trop propre à faire jaser et sourire, entre l’abbé de Ciron, ancien prétendant, et Mme de Mondonville, jeune encore.
Boileau vengeait et soutenait avec colère les anciens contre Perrault qui préconisait les modernes, c’est-à-dire Corneille, Molière, Pascal, et les hommes éminents de son siècle, y compris Boileau l’un des premiers. […] Mais au commencement de ce siècle-ci et sous l’Empire, en présence des premiers essais d’une littérature décidément nouvelle et quoique peu aventureuse, l’idée de classique, chez quelques esprits résistants et encore plus chagrins que sévères, se resserra et se rétrécit étrangement. […] Quoi qu’il en soit, l’esprit qui a dicté cette théorie conduit à mettre au premier rang des classiques les écrivains qui ont gouverné leur inspiration plutôt que ceux qui s’y sont abandonnés davantage, à y mettre Virgile encore plus sûrement qu’Homère, Racine encore plus que Corneille.
Mais à dix-neuf ans et au moment de son départ de France, la jeune veuve avait tout son éclat de beauté, n’était une certaine vivacité de teint qu’elle perdit à la mort de son premier mari et qui fit place à plus de blancheur. […] Le crime eut de l’écho par-delà les mers : L’Hôpital, ce représentant de la conscience humaine en un siècle affreux, apprit, dans la retraite de sa maison des champs, l’égarement de celle dont il avait célébré le premier mariage et la grâce première ; il consacra son indignation par une nouvelle pièce de vers latins, dans laquelle il raconte les horreurs de cette nuit funèbre, et ne craint pas de désigner l’épouse et la jeune mère, meurtrière, hélas ! […] Le 15 mai, trois mois, rien que trois mois après le meurtre, au premier sourire du printemps, se célébrait le mariage avec l’assassin.
Au premier abord, ces Mémoires de Cosnac plaisent assez peu et semblent ne répondre qu’imparfaitement à la réputation de l’auteur : ce n’est que peu à peu, en avançant, ou quand on les a quittés, qu’on s’aperçoit qu’ils ont augmenté nos connaissances sur bien des points et enrichi notre jugement. […] Il y règne comme un léger duvet des fruits dans leur première fleur, qui s’efface si vous appuyez. […] Pour moi, toutes ces grandes et toutes ces demi-passions qui n’aboutissent pas, telles que Mme de La Fayette nous les montre dans son histoire, et telles que j’y crois, ne s’expliquent, en effet, que par cette jeunesse première.
Le Voyage proprement dit s’ouvre avec bonheur et avec émotion par une visite à Épaminondas, le plus parfait des héros anciens ; il se termine, au dernier chapitre, par un portrait du jeune Alexandre : le récit tout entier s’encadre entre cette première visite à Thèbes, où le sujet apparaît dans toute sa gloire, et la bataille de Chéronée, où périt la liberté de la Grèce. […] Chateaubriand, dans son premier et confus ouvrage, dans son Essai sur les révolutions, est parti, en quelque sorte, du Voyage d’Anacharsis, pour les comparaisons continuelles de l’Antiquité avec le monde moderne ; mais, dès les premiers pas qu’il fait sur les traces de son devancier, comme on sent qu’il pénètre bien au-delà ! […] Chacun sait qu’il a célébré M. et Mme de Choiseul dans son ouvrage, sous les noms d’Arsame et de Phédime ; mais on n’a pas remarqué qu’il les loue en trois passages différents, au premier chapitre, à l’avant-dernier, et de plus au milieu et au cœur de l’ouvrage (chap.