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405. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

C’est une fleur, une plante qui ne rentre pas dans les familles décrites ; c’est un poëte que nos poétiques n’admettaient pas. […] Aussi, nous qui regrettons personnellement, et regretterons jusqu’au bout, comme y ayant le plus gagné à cet âge de notre meilleure jeunesse, les commencements lyriques où un groupe uni de poëtes se fit jour dans le siècle étonné, — pour nous, qui de l’illusion exagérée de ces orages littéraires, à défaut d’orages plus dévorants, emportions alors au fond du cœur quelque impression presque grandiose et solennelle, comme le jeune Riouffe de sa nuit passée avec les Girondins (car les sentiments réels que l’âme recueille sont moins en raison des choses elles-mêmes qu’en proportion de l’enthousiasme qu’elle y a semé) ; nous donc, qui avons eu surtout à souffrir de l’isolement qui s’est fait en poésie, nous reconnaissons volontiers combien l’entière diffusion d’aujourd’hui est plus favorable au développement ultérieur de chacun, et combien, à certains égards, cette sorte d’anarchie assez pacifique, qui a succédé au groupe militant, exprime avec plus de vérité l’état poétique de l’époque. […] Du moment en effet qu’il s’agissait de fonder, non pas une poésie dans le xixe  siècle, mais la poésie du xixe  siècle lui-même ; du moment qu’on s’était mis en marche, non pour jeter quelque part une colonie furtive, mais pour faire une révolution réelle dans l’art, la pensée dramatique avait toute raison de prévaloir ; l’épreuve décisive était et elle est encore dans cette arène ; quiconque ne l’y met pas désespère plus ou moins de cette aimantation poétique du siècle en masse, qui a été le rêve des avant-dernières années. […] c’est une nation éminemment poétique que la France !

406. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Camarade du jeune Racine, qui était petit-fils du grand poète, il reçut les conseils de Louis Racine, auteur du poème de La Religion, et il apprit à se rattacher à la tradition poétique du xviie  siècle plus directement qu’on n’avait coutume de le faire de son temps. […] Ce qui manqua donc à Le Brun pour aider son génie lyrique naturel et pour le nourrir dignement, nous le voyons, ce fut une vie chaste et pure au sens poétique, une vie studieuse et recueillie au sein de laquelle il aurait invoqué dans le silence des nuits, non les Furies, mais les Muses. […] Je ne sais si le talent poétique de Le Brun eût jamais été susceptible de se développer et de grandir en des régions plus heureuses ; mais à coup sûr, par une telle habitude de sentiments et de pensées, il s’en était interdit les moyens ; il avait tari en lui les sources jaillissantes et fécondes. […] Il croyait donc au triomphe de l’esprit et à une immortalité, au moins poétique et terrestre.

407. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard établit entre Descartes et Boileau me fait pressentir ce que la poétique de celui-ci peut avoir de sec et d’étroit, car comment cet esprit de méthode, si excellent dans les sciences, serait-il en même temps bon pour la poésie, sans que celle-ci en fût un peu diminuée et refroidie ? Horace à la vérité a fait aussi un art poétique ; mais ce sont les rhéteurs qui l’ont baptisé ainsi : pour lui, ce n’était qu’une lettre aux Pisons, lettre familière à des jeunes gens auxquels il donne des conseils en se jouant dans le langage de la plus libre et de la plus aimable conversation. Au contraire, dans l’Art poétique de Boileau, tout est solennel, méthodique, dogmatique : c’est évidemment un code. […] Ce n’est pas qu’il faille dédaigner l’Art poétique de Boileau ; les conditions saines et solides de toute poésie y sont vivement exprimées ; mais j’ai besoin, après l’avoir lu, et pour ne pas oublier que la poésie est chose divine et légère, de relire la Lettre à l’Académie française de Fénelon.

408. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Cet éclat extraordinaire que jetait dès lors la tragédie, et qui faisait d’un succès dramatique un événement des fastes nationaux, cette illustration du génie poétique sous la forme la plus vivante, était renfermée dans la cité de Minerve. […] Entre ces deux villes, Thespies et Tanagre, que visitait Pindare tout jeune, et dans les campagnes fertiles et boisées qui les séparaient, tout était parsemé d’autels, de statues des dieux et de symboles poétiques, depuis le souvenir du chantre religieux venu de Lydie, Olen, jusqu’à des vers d’Hésiode que, du temps de Pausanias, on lisait encore, à demi-effacés, sur des lames de plomb gardées dans un temple du village d’Ascra, au pied de la montagne des Muses. […] Comment le renom du poëte Hésiode, cet éveil du génie grec, dans le pauvre et froid village d’Ascra, non moins que sur les bords enchantés du Mélès, n’avait-il pas justifié la Béotie, et revendiqué pour elle une première part dans la gloire poétique de la Grèce ? […] On sait comment d’ailleurs elles étaient, pour la langue et l’art, négligées de presque tous, hormis quelques rares érudits, jusqu’à la renaissance poétique tentée par André Chénier.

409. (1904) Zangwill pp. 7-90

Avons-nous à étudier, nous proposons-nous d’étudier La Fontaine ; au lieu de commencer par la première fable venue, nous commencerons par l’esprit gaulois ; le ciel ; le sol ; le climat ; les aliments ; la race ; la littérature primitive ; puis l’homme ; ses mœurs ; ses goûts ; sa dépendance ; son indépendance ; sa bonté ; ses enfances ; son génie ; puis l’écrivain ; ses tâtonnements classiques ; ses escapades gauloises ; son épopée ; sa morale ; puis l’écrivain, suite ; opposition en France de la culture et de la nature ; conciliation en La Fontaine de la culture et de la nature ; comment la faculté poétique sert d’intermédiaire ; tout cela pour faire la première partie, l’artiste ; pour faire la deuxième partie, les personnages, que nous ne confondons point avec la première, d’abord les hommes ; la société française au dix-septième siècle et dans La Fontaine ; le roi ; la cour ; la noblesse ; le clergé ; la bourgeoisie ; l’artisan ; le paysan ; des caractères poétiques ; puis les bêtes ; le sentiment de la nature au dix-septième siècle et dans La Fontaine ; du procédé poétique ; puis les dieux ; le sentiment religieux au dix-septième siècle et dans La Fontaine ; de la faculté poétique ; enfin troisième partie, l’art, qui ne se confond ni avec les deux premières ensemble, ni avec chacune des deux premières séparément ; l’action ; les détails ; comparaison de La Fontaine et de ses originaux, Ésope et Phèdre ; le système ; comparaison de La Fontaine et de ses originaux, Ésope, Rabelais, Pilpay, Cassandre ; l’expression ; du style pittoresque ; les mots propres ; les mots familiers ; les mots risqués ; les mots négligés ; le mètre cassé ; le mètre varié ; le mètre imitatif ; du style lié ; l’unité logique ; l’unité grammaticale ; l’unité musicale ; enfin théorie de la fable poétique ; nature de la poésie ; opposition de la fable philosophique à la fable poétique ; opposition de la fable primitive à la fable poétique ; c’est tout ; je me demande avec effroi où résidera dans tout cela la fable elle-même ; où se cachera, dans tout ce magnifique palais géométrique, la petite fable, où je la trouverai, la fable de La Fontaine ; elle n’y trouvera point asile, car l’auteur, dans tout cet appareil, n’y reconnaîtrait pas ses enfants. […] Au nord »,… Circuit, le mot n’est pas de moi, le mot est de Taine ; cette méthode est proprement la méthode de la grande ceinture ; si vous voulez connaître Paris, commencez par tourner ; circulez de Chartres sur Montargis, et retour ; c’est la méthode des vibrations concentriques, en commençant par la vibration la plus circonférentielle, la plus éloignée du centre, la plus étrangère ; en admettant qu’on puisse obtenir jamais, pour commencer, cette vibration la plus circonférentielle ; car on voit bien comment des vibrations partent d’un centre, connu ; on ne voit pas comment obtenir la vibration la plus circonférentielle, ni même comment se la représenter, si le centre est par définition non connu, et si un cercle ne se conçoit point sans un centre connu ; pétition de principe ; c’est le contraire de ce qui se passe pour les ondes sonores, électriques, optiques, pour toutes les ondes qui se meuvent partant de leur point d’émission ; c’est le contraire de ce qui se passe quand on jette une pierre dans l’eau ; c’est une spirale commencée par le bout le plus éloigné du centre ; à condition qu’on tienne ce bout ; ce sont les vastes tournoiements plans de l’aigle, moins l’acuité du regard, et le coup de sonde, et, au centre, la saisie ; je découpe ici mon exemplaire, et je cite au long, pour que l’on voie, pour que l’on mesure, sur cet exemple éminent, toute la longueur du circuit : « Au nord, l’Océan bat les falaises blanchâtres ou noie les terres plates ; les coups de ce bélier monotone qui heurte obstinément la grève, l’entassement de ces eaux stériles qui assiègent l’embouchure des fleuves, la joie des vagues indomptées qui s’entre-choquent follement sur la plaine sans limites, font descendre au fond du cœur des émotions tragiques ; la mer est un hôte disproportionné et sauvage dont le voisinage laisse toujours dans l’homme un fond d’inquiétude et d’accablement. — En avançant vers l’est, vous rencontrez la grasse Flandre, antique nourrice de la vie corporelle, ses plaines immenses toutes regorgeantes d’une abondance grossière, ses prairies peuplées de troupeaux couchés qui ruminent, ses larges fleuves qui tournoient paisiblement à pleins bords sous les bateaux chargés, ses nuages noirâtres tachés de blancheurs éclatantes qui abattent incessamment leurs averses sur la verdure, son ciel changeant, plein de violents contrastes, et qui répand une beauté poétique sur sa lourde fécondité. — Au sortir de ce grand potager, le Rhin apparaît, et l’on remonte vers la France. […] Si telle est vraiment l’atteinte obtenue par les théories particulières, quelle ne sera pas la totale atteinte obtenue par la conclusion, où se ramassent et culminent toutes les ambitions des théories particulières ; je ne puis citer les théories particulières ; il faudrait remonter de la fin du volume au commencement, il faudrait citer presque tout le volume ; je cite au long la conclusion ; pourquoi n’éprouvons-nous que de l’indifférence quand nous découpons notre exemplaire de Taine, et pourquoi ne pouvons-nous découper sans regret notre exemplaire de Renan ; ce n’est point, comme le dirait un historien des réalités économiques, parce que les Renan coûtent sept cinquante en librairie et parce que les Taine, chez Hachette, ne coûtent que trois francs cinquante ; et pourquoi, découpant du Renan, recevons-nous une impression de mutilation que nous ne recevons pas découpant du Taine ; c’est que, malgré tout, un livre de Taine est pour nous un volume, et qu’un livre de Renan est pour nous plus qu’un livre ; et pourquoi ne peut-on pas copier du Taine, et peut-on copier du Renan, en se trompant, il est vrai ; et pourquoi est-ce un bon plaisir que de corriger sur épreuves un texte de Renan, et se fait-on un devoir de [corriger sur épreuves un texte de Taine ; telle est la différence que je vois entre les héritages laissés par ces deux grands maîtres de la pensée moderne. « J’ai voulu montrer », dit Taine en forme de conclusion : « J’ai voulu montrer la formation complète d’une œuvre poétique et chercher par un exemple en quoi consiste le beau et comment il naît. […] Selon que cet esprit est passager, séculaire, éternel, l’œuvre est passagère, séculaire, éternelle, et l’on exprimera bien le génie poétique, sa dignité, sa formation et son origine en disant qu’il est un résumé. […] Sans doute la fable, le plus humble des genres poétiques, ressemble aux petites plantes perdues dans une grande forêt ; les yeux fixés sur les arbres immenses qui croissent autour d’elle, on l’oublie, ou, si l’on baisse les yeux, elle ne semble qu’un point.

410. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Hugo, dans sa belle pièce de la Cloche, a donné de ces désaccords une explication poétique qui s’étend à beaucoup de cas, mais qui ne satisfait point encore pour Bernardin de Saint-Pierre, dont le talent a d’autres effets que ceux d’un timbre éclatant et sonore. […] Bien des pages de Paul et Virginie ne sont que le composé poétique et coloré de ce dont on a dans le Voyage le trait réel et nu. […] Quelle est donc l’innocente et poétique enfance dans laquelle Bernardin de Saint-Pierre et ses Études n’aient pas été une heure mémorable et charmante, comme le premier rayon de lune amoureuse, comme une aube idéale à jamais regrettée61 ? […] Le chenu vieillard a mille fois raison sur lui-même quand il se déclare à son ami par ce naïf étonnement : « Il y a dans mon clavecin poétique des jeux de flûte et de tonnerre ; comment cela va-t-il ensemble ? […] Toutefois, l’infériorité incomparable du talent poétique de Cicéron en face de sa gloire d’orateur et d’écrivain philosophique demeure une preuve à l’appui du fait général.

411. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Une âme honnête et droite pouvait animer les traits vulgaires de son visage ; il n’y fallait chercher aucune grâce, aucune finesse, nulle expression délicate et poétique. Les personnes qui ont vu à Montpellier le portrait de Fabre tel qu’il l’a peint lui-même se demandent comment la veuve de Charles-Édouard, l’adorata donna d’Alfieri, aurait pu effacer comme à plaisir, par cet inexplicable attachement, la poétique auréole qui entourait son nom. […] À cinquante et un ans, sa beauté n’existait plus, et si les adorateurs de la comtesse, ceux qui ne la connaissent que par les Mémoires d’Alfieri, s’étonnent qu’elle ait pu aimer après lui le moins poétique des hommes, les amis de Fabre peuvent s’étonner à leur tour qu’il ait pu aimer, jeune encore, la vieille comtesse alourdie par l’âge. […] On craignait que cette consécration poétique, cette transfiguration merveilleuse de la réalité ne souffrît quelque atteinte dans l’esprit du brillant écrivain, s’il prêtait l’oreille à des confidences indiscrètes. […] Tout cet attachement poétique n’était que respect pour soi-même et convenance envers le monde.

412. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Louis Bertrand signalait ainsi les Élévations Poétiques de M.  […] Je ne connais pas de poète contemporain, si ce n’est Emmanuel Signoret, qui rencontre aussi souvent la forme stricte et définitive d’une pensée poétique. […] IX. — Les groupes provinciaux On trouvera, plus loin, l’énumération de ces divers groupements poétiques. […] On pourrait diviser la France en régions poétiques et en région d’influence poétiques. […] Mais bien qu’elle les nomme souvent, Junon, Éros, Priapos, les dieux ne sont pour elle que de poétiques mythes.

413. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Mais c’est, nous dit l’auteur, « une tentative dans la réalité poétique ». […] Ce roman de M. de Goncourt n’est pas plus imaginé que poétique. […] La conception en était poétique et touchante, mais cherchez-la, cherchez-en seulement la trace, dans cette exorbitante, dans cette intolérable description qui bouche la vue lointaine de cette conception jusqu’au dénoûment, et qui y apparaît pour immédiatement disparaître ! […] Voulez-vous savoir comme il finit son roman, ce romancier qui veut être poétique par exception et qui le dit dans sa préface ? […] Voilà comme ce poétique entend l’idéal !!!

414. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Il n’avait pas sur le clavier poétique le doigté libre et bien rompu ; mais l’esprit, le goût et le sentiment y suppléaient. […] Ces six ou cinq couplets résument son âme et sa vie, sa poétique et son talent. […] La guitare est abandonnée pour la lyre, et Pierre Dupont lui-même visait à l’ode populaire, à la Marseillaise poétique. […] Catulle Mendès s’est lassé bien vite de ces allures tapageuses et de cette gaminerie poétique. […] Jamais le clavier poétique n’a été parcouru par une main plus légère et plus puissante.

415. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

L’Essai sur les Fictions, composé alors, renferme déjà toute la poétique de Delphine. […] M. de Chateaubriand et tout le mouvement réactionnaire de 1800 ne s’étaient pas produits encore : Mme de Staël seule propageait le sentiment et le spiritualisme poétiques, mais au centre de la philosophie et du siècle. […] Les libéraux et républicains se sont toujours montrés assez religieusement classiques en théorie littéraire, et c’est de l’autre côté qu’est venue principalement l’innovation poétique, l’audace brillante et couronnée. […] Il y a certes une grandeur poétique de plus dans ce que nous voyons. […] Ce que le séjour de Ferney fut pour Voltaire, celui de Coppet l’est pour Mme de Staël, mais avec bien plus d’auréole poétique, ce nous semble, et de grandiose existence.

416. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Il semble plutôt que l’antique esprit d’Hésiode, esprit grave, religieux, positif, tout nourri de bon sens et d’apologues, ait passé de bonne heure dans la forte Étrurie, et que de ce côté il ait fait longtemps la seule part de poétique héritage. […] Plus on porte vivant au dedans de soi le sentiment de poétique immortalité, plus on est prêt à se révolter contre cette insensibilité de la nature, et contre cette immortalité suprême qui la laisse indifférente à notre départ, et aussi belle, aussi jeune après nous que devant. […] S’exaltant à ce poétique souvenir, le chanteur s’écrie : « Ô bienheureux Comatas, c’est bien toi qui as été l’objet de telles douceurs ! […] Il y eut là des superstitions poétiques et gracieuses aussi ; je ne fais que les indiquer ; elles seraient plutôt du ressort des malicieux peut-être qui se plairaient à sourire du rapprochement, ou des érudits qui auraient à cœur de comparer les fictions diverses. […] Dans cette dernière il n’y a pas trace de divertissement poétique ni de bel esprit ; rien que la passion pure.

417. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Le jeune poète excellait déjà dans l’ode et dans le sonnet, deux formes récentes de cette poésie ; mais son ambition de gloire poétique était immense, sa modestie était inquiète ; on voit cette naïveté de ses découragements dans une de ses conversations avec son maître intellectuel, Jean de Florence, vieillard contemporain du Dante, qui professait alors les hautes sciences à Avignon. […] Ce culte poétique pour la beauté ne souillait pas plus la femme vertueuse qui en était l’objet, qu’un chevalier ne souillait sa dame en en portant les couleurs et en lui consacrant ses exploits. […] Vers le même temps, les rigueurs de Laure et la jalousie de son jeune époux, qui commençait à s’offenser du bruit de ce poétique amour, forcèrent Pétrarque à voyager. […] L’ardeur poétique se réveilla avec tant de force, que je crus devoir m’y livrer. […] Son patriotisme plus poétique que politique alors, car les empires morts ne ressuscitent pas à l’évocation d’une ode ou d’une harangue, le fit justement accuser de chimère et d’ingratitude.

418. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Mais cette inspiration musicale elle-même était née d’une inspiration poétique ; elle ne se « condensait », elle ne devenait saisissable, qu’à mesure que le drame prenait forme, que ses acteurs se détachaient clairement, se mouvaient, parlaient dans l’imagination de l’auteur. […] Mais chaque fois que la situation se précise, qu’elle arrive à un point culminant et décisif, la musique et la parole se rapprochent, les motifs sont moins enchevêtrés, ils se dessinent clairement et hardiment, ils rentrent dans une tonalité précise et constante… La phrase poétique se marie à la phrase musicale ; quelquefois elles se confondent à tel point que c’est la voix qui elle-même chante le thème. […] Mais ce qu’on peut exiger, c’est que sous une « grande note », c’est-à-dire sous une note haute et longue, il n’y ait point un mot indifférent ou une syllabe sans importance, et que là où la phrase poétique est pleine et soulignée par des accords soutenus, elle ne mette que la partie essentielle du discours. […] Que ces derniers me permettent de dire deux mots sur le style poétique de la Walküre de Wagner, avant d’aborder la Valkyrie de M.  […] Si cela n’est pas, ce point culminant du drame perd toute signification poétique et musicale.

419. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Il ne chante pas encore, il agit, mais son action est plus poétique que nos poèmes. […] moins poétiques que sa poussière : Italie ! […] C’était à mes yeux l’homme du siècle, l’homme de la passion, l’homme de la liberté, le dernier des Romains, une espèce de Brutus poétique, écrivant à la pointe du poignard des sonnets à sa Béatrix, des pages de Tacite, des imprécations de Machiavel contre les tyrannies. […] qui ne sait sa passion, son culte, son idolâtrie poétique pour celle qu’il appelle la mia donna, autre Laure de cet autre Pétrarque, autre Béatrice de cet autre Dante, autre Vittoria Colonna de cet autre Michel-Ange ? […] Son culte poétique avait consolé cette malheureuse victime de l’indifférence de son époux.

420. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

III J’ouvre donc le premier et je lis ; mais non, je ne lis pas Don Paez, première fantaisie poétique d’Alfred de Musset presque encore enfant. […] Tout était espagnol en ce temps-là dans le costume poétique. […] Le poème burlesque de Namouna, imitation littérale d’un chant de Don Juan, n’est qu’une jolie mystification poétique où l’auteur vous mène jusqu’à la fin de ses trois chants sans sortir de l’exorde. […] Est-ce que ce poignard d’Alep ou de Grenade, Poétique hochet des douleurs de parade, Dont la lame au soleil ruisselle comme l’eau, En effleurant ton sein t’aurait percé la peau. […] XVII Je me souviens parfaitement aujourd’hui de l’air poétique et tendre que je me proposais de chanter à demi-voix dans cette réponse à Alfred de Musset.

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