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280. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Ce maître accompli en l’art de séduire et de plaire aura certes bien su ce qu’il faisait en triomphant de sa paresse pour écrire. […] Une manière sentencieuse, une politesse froide, un air d’examen, voilà ce qui formait une défense autour de lui dans son rôle diplomatique. » Mais dans l’intérieur et l’intimité le masque tombait ou avait l’air de tomber tout à fait : il était alors charmant, familier, d’une grâce caressante, aux petits soins pour plaire, « se faisant amusant pour être amusé. » Son goût le plus vif semblait être celui de la conversation avec des esprits faits pour l’entendre, et il aimait à la prolonger jusque bien avant dans la nuit. […] Maurice Talleyrand allant à Londres par nos ordres… Ainsi j’étais sorti de France parce que j’y étais autorisé, que j’avais reçu même de la confiance du gouvernement des ordres positifs pour ce départ. » Cependant, quarante ans après, dans son dernier séjour de Londres, et dans toute sa gloire d’ambassadeur, il se plaisait à raconter comment il aurait obtenu et presque escamoté ce passeport de Danton par une sorte de stratagème et en souriant d’une plaisanterie que ce personnage redouté venait de faire sur le compte d’un autre pétitionnaire.

281. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Après les drames compliqués qui ont mis en œuvre tant de machines, l’extrême simplicité retrouve des chances de plaire ; après la Tour de Nesle et les Mystères de Paris (je les range parmi les drames à machines), c’est bien le moins qu’on essaie d’Ariane et de Bérénice. […] La lutte du cœur plutôt que celle des faits, tel est en général le champ de la tragédie française en son beau moment, et voilà pourquoi elle fait surtout l’éloge, à mon sens, du goût de la société qui savait s’y plaire. […] Il faut croire à ce succès pourtant, d’après l’impression qui en est restée ; La Harpe, dans le chapitre de son Cours de Littérature où il juge l’œuvre, se plaît à rappeler le nom de Gaussin comme inséparable de celui de Bérénice.

282. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

« Quand un homme aimé de Dieu, se plaisait-il à dire à propos de lui-même, s’écarte du droit chemin, Dieu l’y ramène à grands coups de pied dans le cul. » Ce n’est pas non plus Louis Veuillot qui eût pu se concilier la faveur œcuménique, encore qu’il montât la garde aux portes de l’Église comme un suisse « pour empêcher les chiens d’entrer ». […] Comment l’Église eût-elle accueilli Joséphin Péladan, qui se disait issu des rois mages et qui, avec sa crinière d’astrakan, sa barbe cannelée, ses mandements au pape et sa phraséologie assyrienne, se plaisait à jouer le rôle d’épateur de peuples ? […] N’oublions pas que Racine faillit être impliqué dans un procès de sorcellerie, qu’on l’accuse d’avoir pris part à l’affaire des messes noires, au temps de la Montespan, ce qui lui valut la disgrâce royale et que Victor Hugo, adepte du spiritisme, se plaisait à faire tourner les tables à Guernesey, ce qui démontre une fois de plus la pente irrésistible du génie à s’égarer dans les avenues du mystère.

283. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Le prince de Ligne en ce temps-là venait souvent en France, et c’était un de ces étrangers tout français et tout aimables avec lesquels se plaisait particulièrement la reine. […] C’est ce même prince de Ligne qui a dit d’elle ailleurs : « Sa prétendue galanterie ne fut jamais qu’un sentiment profond d’amitié, et peut-être distingué pour une ou deux personnes (je lui laisse son style de grand seigneur), et une coquetterie générale de femme et de reine pour plaire à tout le monde. » Cette impression ou cette conjecture, que je retrouve également chez d’autres bons observateurs qui ont approché de Marie-Antoinette, reste, je crois, la plus vraisemblable. […] Ajoutez un teint éblouissant de fraîcheur, des bras, des mains admirables, un charmant sourire, une parole appropriée, et qui s’inspirait moins de l’esprit que de l’âme, du désir d’être bonne et de plaire.

284. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

On a peine à concevoir que, la nature étant partout la même, on plaise cependant par des voies si opposées. […] Cet espace ne lui semble pas suffisant pour plaire, persuader & toucher. […] Se mettre à la portée du plus grand nombre des auditeurs, communément soumis, & possédant assez la théorie de la religion, mais froids dans la pratique ; parler à leur esprit beaucoup moins qu’à leur cœur ; remuer efficacement l’ame, toucher, plaire, entraîner, séduire même en un sens ; voilà quelle doit être la principale qualité d’un orateur chrétien, & c’est aussi celle qui distingue Massillon.

285. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Conseillons à ceux qui ont le malheur de leur plaire de ne pas s’en vanter ; conseillons surtout à ceux qu’ils décrient de ne pas plus leur répondre que je n’ai fait depuis que j’existe. […] « Oui, sans bouffonnerie il a su plaire à tous. […] arrêtez, s’il vous plaît, il faut avoir pitié des pauvres poètes ! […] « Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire ; et si une pièce qui a attrapé son but n’a pas suivi un bon chemin. ». […] Sa prompte sagacité décèle jusqu’aux moindres intentions du poète, et lorsqu’il prétend à lui plaire, à l’égayer, son meilleur parti est de ne satiriser que le vice, l’extravagance, et la sottise véritable.

286. (1774) Correspondance générale

N’en rabattez pas un mot, s’il vous plaît. […] Du reste, vous en userez avec lui connue il vous plaira. […] Cela vous plaît à dire. […] Point de mauvaise plaisanterie, docteur, s’il vous plaît ; quoi ! […] La vie intime me plaît plus qu’elle ne m’a jamais plu.

287. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Mais tout, dans les poètes, rappelle l’influence des cours : la plupart d’entre eux désirant de plaire à Auguste, vivant auprès de lui, donnèrent à la littérature le caractère qu’elle doit prendre sous l’empire d’un monarque qui veut captiver l’opinion, sans rien céder de la puissance qu’il possède. […] Ces deux peuples se plaisent également dans les images qui conviennent aux mêmes climats.

288. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

À ceux-ci la morale dont je parle à présent est susceptible de plaire. […] Gustave Kahn ne s’est pas trompé en écrivant que Fécondité plairait beaucoup à la jeunesse naturiste.

289. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

Y plairoit-il ? Penseroit-il y plaire ?

290. (1762) Réflexions sur l’ode

Ce même Horace, le panégyriste de Pindare, et qui ne croit pas pouvoir l’égaler, nous plaît pourtant beaucoup plus ; parce qu’en effet il pense davantage, parce qu’il sent plus finement, parce qu’il est plus varié et plus naturel. […] Horace semble nous plaire encore davantage par ses épîtres que par ses odes.

291. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Il arrive dans les ouvrages ce qu’on voit en société : le désir éternel de plaire rapetisse l’âme et lui ôte le sentiment et l’énergie des grandes choses. […] Ajoutez la monotonie même que produit l’effort continuel de plaire, et le contraste marqué entre une petite manière et de grands objets.

292. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Les fureurs de ce hideux artiste plaisaient à l’imagination corrompue des Romains : et, comme jadis la pompe lyrique et musicale avait été, dans Athènes délivrée, l’inspirante apothéose des exploits héroïques, elle était aujourd’hui, dans le cirque et les jardins de César, le poison excitant de la rage et du meurtre. […] Philosophe avec plus d’imagination que de force d’âme, il devait se plaire et d’abord s’appuyer quelque peu à ces arts élégants, préludes et distractions d’une cour homicide.

293. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Je ne veux pas en conclure, à Dieu ne plaise ! […] Le doux nœud que tu avais autour du cœur me plaisait, et le beau nom que tu me fais avec tes paroles me plaît aussi. […] À Dieu ne plaise que je lui reproche ce petit mouvement de vanité ! […] C’est un titre assez glorieux pour que je me plaise à le constater. […] À Dieu ne plaise que je proscrive l’entêtement du père Fauveau !

294. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Mais ces imperfections me sont chères ; je m’y plais, je m’y délecte, j’en fais mes délices. […] Je vais vous le conter, s’il vous plaît. […] Pourtant son roman socialiste ne me plaît qu’à demi. […] Je me nourris de mets qui me plaisent, au moment où ils me plaisent. […] Mallarmé me plaît inachevé.

295. (1802) Études sur Molière pp. -355

que cela doit plaire, De voir un goguenard presque sexagénaire ? […] La pièce fut jouée à Vaux, le 16 août ; elle plut beaucoup au roi, qui dit à l’auteur, en lui montrant M.  […] Le jeune homme profite des leçons de son maître, cherche fortune, plaît à une belle, et cette belle est la femme du docteur. […] — Doucement, s’il vous plaît, mons. […] tant qu’il te plaira ; il n’est certainement pas aisé d’avoir vingt genres de scélératesse sans révolter le spectateur. — Bah !

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