Chantant ou parlant en prose, pourquoi les personnages se piqueraient-ils d’équilibrer leurs phrases comme un orateur de profession ? […] Tout auteur qui aligne des phrases comme un autre fait de la mosaïque, quelque bien rassemblées que soient ses idées, je leur trouverai un caractère de raideur et d’inflexibilité semblable aux caractères d’une planche d’imprimerie120. » Gluck, loin d’en prendre à son aise avec le livret, calque sur le dessin général du dialogue ce qu’on pourrait appeler l’esquisse des récitatifs et des mélodies. Marivaux disait « que le style a un sexe et qu’on reconnaît les femmes à une phrase ». […] Elle ne lui souffle plus ces paroles ailées qui bruissent dans la lumière comme des abeilles d’or ; elle lui retire l’harmonie sacrée, le nombre mystérieux ; elle fausse le timbre de ses rimes et laisse introduire dans ses vers des phrases de plomb prises au journal ou au pamphlet132. » Telle est la doctrine de « l’Art pour l’Art » dans sa dernière et sa plus rigoureuse expression. […] Maxime du Camp, une quinzaine de phrases de toi qui sont d’une belle niaiserie149. » Quand l’auteur est à bout de ruses, il a, pour mettre les gens à la question, la ressource d’un dernier artifice qui rendrait jaloux un policier de profession : il les fait comparoir à sa table en les invitant à déjeuner.
Les prosopopées magnifiques et les phrases à effet ne fascinent plus personne, on n’en veut pas entendre parler. […] Douée d’une merveilleuse concision qui s’allie à la clarté, il lui suffit d’un mot pour associer plusieurs idées qui, dans une autre langue, exigeraient des phrases entières. […] En lisant ce fragment de confession, on est tenté de s’inquiéter pour l’avenir du poète ; on entend derrière ces phrases comme un mauvais grondement de politique ; est-ce que la grande suborneuse va le détourner de sa vraie voie ? […] La phrase de Tourguénef coule, lente et voluptueuse, comme la nappe des grandes rivières russes sous bois, attardée, harmonieuse entre les roseaux, chargée de fleurs flottantes, de nids entraînés, de parfums errants, avec des trouées lumineuses, de longs mirages de ciels et de pays, et soudain reperdue dans des fonds d’ombre ; cette phrase s’arrête pour tout recueillir, un bourdonnement d’abeille, un appel d’oiseau de nuit, un souffle qui passe, caresse et meurt. […] Il eût pu s’appliquer cette phrase d’un personnage de G.
Une petite lettre de Mme Récamier à Mme de Staël, et qui se trouve je ne sais comment mêlée aux papiers de Camille, se rapporte juste à ce moment et a trait à une démarche qui fut faite par Junot auprès du premier consul : « Au moment où je recevais le billet qui m’annonce votre départ, on m’en a remis un de Junot qui m’écrit : « J’ai vu « ce matin le consul ; il m’a dit qu’il consentait à ce qu’elle « ne quittât pas la France ; il veut bien qu’elle réside même à « Dijon, si cela lui est agréable ; il m’a même dit tout bas « que s’il n’y a rien de nouveau par la suite… — J’espère « que sa sagesse et nos vives sollicitations feront achever la « phrase. » — Vous savez sans doute tout cela. […] Certes, quand tout tenait à une seule phrase d’éloge, il est un peu dur que celle qui a le courage de la refuser passe pour avoir voulu l’écrire […] Eh bien, c’est cette phrase qu’ils ont dénoncée avec fureur, c’est dans cette phrase où la vengeance est expressément condamnée, où elle est simplement qualifiée de naturelle, qu’ils ont trouvé l’apologie, la déification de l’assassinat.
S’il reste des discours de Robespierre, il ne reste de Danton que des mouvements, des phrases, des cris, du feu, les plus beaux de la Révolution. […] Chateaubriand ne pense vraiment que la plume à la main, entraîné par le mouvement de sa phrase docile, comme un Murat n’est lui-même qu’à cheval. Mais d’autre part sa vie a été stylisée par le même élan, la même nature, que ses phrases et ses livres. […] Chateaubriand l’a apporté avec lui, et sa phrase : « La vie me fut infligée » sort bien de ses profondeurs. […] Cependant il coule admirablement la maxime, la phrase frappée et frappante, qui reste, circule, se cite.
Autant le poète semble gêné quand il n’a pas la rime à satisfaire, autant il paraît à l’aise quand il est forcé de compter les syllabes de sa phrase et de croiser la rime à des intervalles déterminés. […] Le dialogue des deux bergers se compose de phrases courtes et vives ; mais chacune de ces phrases porte coup. […] Quand l’ode furieuse ou plaintive commence à bégayer les sentiments du poète, on dirait qu’elle achève une phrase commencée depuis longtemps, qu’elle récite la péroraison d’une harangue dont les premiers points ne sont pas venus jusqu’à nous ; et quand elle s’arrête, quand elle ferme ses lèvres, nous attendons encore, pour la comprendre, les paroles qu’elle ne prononcera pas. […] La poésie, vouée à la pure description, a surtout besoin de synonymes, d’épithètes, il lui faut des phrases touffues, dont le branchage soit impénétrable ; préoccupée de mille détails qu’elle rencontre sur sa route, animée du désir de représenter tout ce qu’elle aperçoit, comment aurait-elle le temps de chercher les lignes principales d’une idée, de les dessiner nettement ? […] En premier lieu, cette prophétie vivante, qui arrive à point nommé pour que les acteurs obéissent au programme, donne au récit quelque chose d’artificiel, et rappelle maladroitement la phrase qui termine toutes les fables d’Ésope.
Littérature d’un sceptique en littérature et d’un athée à la gloire humaine, qui n’estime pas que cent mille phrases vaillent une larme du cœur et qui donnerait toutes les splendeurs de Byzance pour cette Marguerite de l’Évangile qui s’appelle un élan de miséricorde. […] Vous parlez de jouir et vous n’avez pas même le triste génie de jouir avec l’intense profondeur des voluptueux du paganisme, dont vous n’avez sucé que les vieilles phrases sans en retenir le diabolisme essentiel, par cette raison qu’il ne se combinait pas avec l’éducation plus ou moins chrétienne qu’on vous avait donnée. […] Telle de ses phrases est positivement un geste et je connais plus d’un augure qui s’était élancé dans la vie avec le dessein critique d’éclairer de ses conseils M. […] Tenez, ô aimable auteur, vous avez écrit dans Vingtras, page 11, une phrase magique qui vous déshabille sur pied et qui vous montre à nu dans un clin d’œil. […] Isolant une phrase, ils m’ont accusé d’exprimer avec cynisme ce monstrueux désir.
La phrase était vague ; l’abbé la comprit. […] Très justement elle tient à citer cette phrase écrite par lui dans l’Insurgé relativement à l’exécution des otages par la Commune : « De quel droit, au nom de qui a-t-on tué ? […] C’est je crois, Mosca qui, dans la Chartreuse de Parme, prononce une phrase dans le genre de celle-ci : « Méfiez-vous de tout mouvement irréfléchi du cœur qui pourrait vous jeter dans un parti contraire à vos sympathies futures. » Dans le livre de M. […] Et, ce qu’on entendait, la phrase par laquelle certains voulaient justifier ce guet-apens de quelques Parisiens contre la patrie, c’était la même que répétaient, en 1814, les bons amis des Alliés : « La Prusse ne fait point la guerre à la France, mais à l’Empereur ! […] Le père entre dans tous les détails et, quelle que soit la sévérité du tour de phrase, on y sent toujours percer un peu de tendresse : Je suis plus content de votre écriture : c’est pour cela que M.
L’encyclopédie d’un primitif pouvait tenir en quelques phrases ; la nôtre, bornée aux éléments, réclamerait un discours de plusieurs années. […] Les moyens de langage de l’oiseau et ceux de l’homme sont d’ailleurs de même ordre ; tous les deux emploient la vibration sonore, assez prolongée pour former des phrases musicales. […] La poésie, les phrases balancées, signes de primitivité et, dans notre civilisation, régressions personnelles. […] Mais si nous vivions dans les temps antérieurs à Lavoisier et à Priestley, que trouverions-nous dans la phrase de Léonard ? […] L’une de ces jalouses, qui accusait follement son mari d’amours ancillaires, avait appris, à son fils âgé de quatre ans, à répéter cette phrase : « Papa est un polisson.
c’est une phrase de Cicéron. […] Le verbe habere a perdu, dans cette phrase, sa force primitive, et a pris un sens accessoire, comme dans nos langues modernes. […] Notre phrase est incorrecte : un mot important est supprimé. […] L’élision a prévalu ; et l’habitude a rendu la phrase complète, malgré la grammaire. […] Lorsque le chroniqueur est un moine quelque peu savant, ce sont de vagues récits chargés de phrases de Tite-Live.
10 id. : J’ai du regret de quelques phrases de mon article sur M. […] 20 mars 34 : Que je m’en veux de la phrase qui m’est échappée sur M. […] On me fait remarquer qu’une phrase [de votre article] pourrait, contre votre intention, faire croire qu’aucun professeur de notre Université n’est connu hors de Bâle. […] Le monde n’est, selon lui, qu’une improvisation hâtée et téméraire, une phrase mal rédigée, un non-sens, dont une rature va faire justice, un caprice que va remplacer un autre caprice peut-être ; ce qui revient à dire que ce monde n’est point l’ouvrage de Dieu ; à moins encore que tout ceci ne soit un rêve de l’esprit universel qui s’individualise en chacun de nous, que sais-je ? […] Des idées, ou plutôt des phrases qui ne peuvent avoir de sens ni dans l’esprit de l’auteur, ni dans celui du lecteur, des idées que l’impossibilité de les concevoir réduit à un vain cliquetis de mots, ne peuvent être que frivoles ; l’horreur n’y fait rien.
Il y avait entre les uns et les autres cette notable différence, que les Schopenhaueriens ne prenaient pas les vaticinations de leur augure pour autre chose que ce qu’elles sont : de jolies phrases qui ont sans doute raison, mais qui ne mènent à rien ; tandis que les antischopenhaueriens croyaient peut-être de bonne foi à la réalité du péril. […] Je comprends et j’admets parfaitement le littérateur artiste, qui, comme Théophile Gautier, ne songe guère qu’à la beauté des phrases et des mots dont l’harmonieux arrangement est le seul but qu’il se propose, ou qui, comme M. […] Dans ce temps de consciences troublées et de doctrines contradictoires, attache-toi, comme à la branche de salut, à la phrase du Christ : « Il faut juger l’arbre par ses fruits. » Il y a une réalité dont tu ne peux pas douter, car tu la possèdes, tu la sens, tu la vis à chaque minute : c’est ton âme. […] Souvent sa fantaisie est ivre et ses phrases titubent un peu ; mais sa conscience marche droit. […] Mais d’autres leur répondent que ce sont là des phrases creuses et qu’il s’agit de savoir pourquoi le bien est le bien.
Nous nous révélons dans nos manières, que l’on connaît à nos paroles encore bien plus qu’à nos gestes ; une race ou un peuple se trahissent dans le caractère de la langue qu’ils parlent ; et une époque, enfin, se peint dans le choix de ses mots et dans le tour de ses phrases. […] Il semblait, — dit un historien, dont je me reprocherais d’emprunter l’idée sans en reproduire aussi la phrase, — « il semblait que la volupté s’empressât d’entourer de ses guirlandes et de couvrir de ses fleurs ce trône qu’elle se montrait jalouse de disputer à la gloire » [Cf. […] À la grande phrase, un peu longue parfois, mais si belle en son ampleur, à la phrase complexe et vraiment « organique » de Pascal et de Bossuet, de Racine et de Malebranche, à cette phrase périodique dont les détours imitaient si bien le mouvement même et les replis de la pensée, succède maintenant une phrase plus légère, plus rapide, court-vêtue, plus allante, pour ainsi parler, et la période, après un temps d’alourdissement, se désarticule ou se brise, « L’on écrit régulièrement depuis vingt années, — disait déjà La Bruyère en 1688, — l’on est esclave de la construction, l’on a enrichi le langage de nouveaux mots, secoué le joug du latinisme, et réduit le style à la phrase purement française. » Il veut dire que l’on a posé les règles d’un style bien plus impersonnel encore que régulier. […] Des principales qualités que les contemporains ont admirées dans Balzac. — 1º La pureté de l’élocution : — définition de ce mot et qu’il implique le choix, la propriété et l’agrément des termes. — 2º L’harmonie de la phrase et de la période [Cf. la Préface de Cassagne et le Discours de Godeau sur Malherbe]. — 3º La hardiesse, la justesse et l’abondance des figures. — Si Balzac à cet égard imite les Espagnols ; — et, à ce propos, de l’influence d’Antonio Perez [Cf. […] — et à cet égard d’une phrase étrange du Mémoire où il se disculpe d’y avoir pris la moindre part : — « il a mieux aimé, dit-il, le laisser paraître informe et défiguré que de le donner tel qu’il l’avait fait ». — Si le copiste infidèle qu’il accuse de lui avoir dérobé son manuscrit n’a pas été bien inspiré de ne le publier qu’après la nomination de Fénelon au siège de Cambrai, 1695 ?
M. de Vigny semblait peu fait d’abord pour écrire en prose ; il avait déjà écrit Éloa et Dolorida, c’est-à-dire des chefs-d’œuvre, qu’il savait à peine construire une phrase de prose pour les articles de critique ou de complaisance qu’il insérait dans la Muse française. […] Et, en effet, dussé-je me montrer encore une fois sacrilége et au risque de profaner le fruit d’or en voulant y chercher l’amande, je dirai que, si la pensée de M. de Vigny est souvent élevée et grande, son développement est presque toujours précieux, à tel point que plusieurs des pièces esquissées dans ses albums sont certainement plus belles à l’état de projet qu’elles ne l’eussent été après exécution ; elles laissent d’elles une plus grande idée. — Je reviens à la lettre interrompue : je saute des lignes, des phrases élogieuses, et le donne ce qui revient à mon propos, lequel est encore une fois de montrer qu’en me permettant d’essayer de juger M. de Vigny et sa manière, je n’étais point tout à fait sans le connaître (autant du moins qu’il pouvait être connu) et sans avoir été initié et introduit de longue main par lui-même au sanctuaire de sa pensée, si riche en dédales et en mystères.
Et voilà ce qu’on a fait pourtant au profit du trop célèbre pamphlet, lorsqu’on a complaisamment répété la phrase du président Hénault : « Peut-être la Satyre Ménippée ne fut guère moins utile à Henri IV que la bataille d’Ivry ; le ridicule a plus de force qu’on ne croit. » Je résume les objections que M. […] La phrase du président Hénault ne signifie que cela ; c’est un de ces mots spirituels qui rendent avec vivacité un résultat et qui font aisément fortune en France.
C’est la transcendance du langage, c’est la concentration de la pensée ou du sentiment dans peu de mots, c’est l’explosion de la phrase éclatant comme le canon sous la charge qu’une main vigoureuse a introduite et bourrée dans le tube de bronze ; c’est l’idée, le sentiment, l’image, le son, la brièveté fondus ensemble d’un seul jet au feu de l’inspiration et formant ce métal de Corinthe dont nul n’a pu découvrir le secret en le décomposant ; c’est l’algèbre sans chiffres qui abrége tout, qui dit tout, qui peint tout d’un seul trait ; c’est la conception et l’enfantement de l’âme en un seul acte, c’est le délire raisonné surexcitant au dernier degré les facultés expressives de l’homme, mais c’est le délire se connaissant, se possédant, s’exaltant en se jugeant, se contenant avec la suprême autorité du sang-froid comme le coursier emporté qui tiendrait lui-même son propre frein. […] L’admiration ou l’adulation générale l’encourageait ; les applaudissements devançaient le mot ; l’enthousiasme éclatait à chaque phrase.
Il ne regarde pas la nature : de ce merveilleux décor pyrénéen, qu’il n’a pas vu du reste, quelles vagues et maigres phrases tire-t-il pour encadrer la mort de Roland ! […] Ils n’ont pas fait une phrase d’artiste, et peu de vers de poète.