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46. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Paul Bourget manquait des fiertés qui permettent d’échapper aux joies viles et chacune de ces auges a senti le reniflement content de son groin. […] Il est aussi de ceux que leur unité permet de voir et de définir. […] Heureusement, il nous permet de tenir notre place en société et de dire notre mot, « un mot juste, sensé, pratique », sur des choses que nous n’avons point lues. Il continue ce précieux père Mestre qui nous permit de passer le bachot sans ouvrir « nos auteurs ». […] Si on lui permet d’étudier les philosophies hindoues, c’est à condition qu’il fera ressortir à chaque page leur infériorité en face de la doctrine de Jésus (telle, bien entendu, que l’enseigne l’Église avec un grand E).

47. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Les rhéteurs de l’Antiquité ont ainsi conseillé aux orateurs d’avoir toujours en réserve, dans le trésor de la mémoire, des portions entières de discours ; et, si cet artifice est permis, c’est assurément dans l’ordre des matières stables, telles que la jurisprudence, la morale sociale, qui ne permettent ni aux idées ni même à l’expression de varier, quand les mêmes sujets se rencontrent. […] Ces belles paroles, à en bien pénétrer le sens, expriment toute la pensée morale du Code civil et le seul esprit général par lequel il nous soit permis de l’envisager ici. […] Il avait poussé la chicane jusqu’à reprocher aux rédacteurs du Code d’avoir dit dans une phrase : « Le bon sens, la raison, le bien public ne permettent pas, etc. », comme si c’était une pure redondance ; à quoi Portalis répliquait : Nous ne nous engagerons pas dans la question, si la langue française admet ou n’admet pas des mots synonymes ; mais nous dirons que le bon sens et la raison diffèrent, en ce que le propre de la raison est de découvrir les principes, et que le propre du bon sens est de ne jamais les isoler des convenances. […] Thiers, pour que je me permette de l’effleurer ici. […] Dans les autres pièces publiées qui concernent son administration des Cultes (par exemple, au sujet des refus, alors nombreux, de sépulture ecclésiastique), on sent partout, chez Portalis, cette délicatesse de conscience qui lui permettait de peser avec autorité dans la même balance les intérêts de l’ordre civil et les scrupules du sanctuaire.

48. (1802) Études sur Molière pp. -355

Delmire lui permet de lire la lettre entière ; nouvelle confusion, nouvelle promesse de rejeter désormais tout soupçon injurieux. […] nous permettrons-nous d’en dire notre avis ? […] peut-il entrer dans la tête d’un acteur versé dans son art, que la situation d’Alceste lui permette de plaisanter ? […] D’un autre côté, sa troupe, toujours plus avide, ne lui permettait pas de respirer, et le pressait de solliciter journellement de nouvelles faveurs. […] Jusqu’à quand leurs protecteurs voudront-ils se dissimuler qu’on ne sert pas un art en permettant que sa gloire soit journellement sacrifiée à de futiles et de vils intérêts ?

49. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

On plaide toujours avec gêne devant des juges prévenus, surtout lorsque l’on diffère de langage avec eux ; on voudrait vaincre des répugnances, faire des concessions pour être écouté avec moins de défaveur, s’accommoder aux temps et aux lieux ; couvrir, s’il est permis de parler ainsi, par le néologisme du langage, l’archaïsme des idées et des sentiments. […] Dans une telle révolution, qui atteint jusqu’aux éléments mêmes de la société, il a été bien permis, sans doute, et il n’est peut-être encore que trop permis à un grand nombre d’hommes de désespérer de notre existence sociale ; et ce malaise si naturel, qui continue toujours de se faire sentir, pourra bien ne se prolonger que trop longtemps.

50. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Il est permis de supposer que sa compréhension de tant de parties de la science auxquelles il était étranger par des recherches personnelles lui vint de la familiarité où il vécut dès ce temps avec M.  […] Cependant les circonstances le contraignaient à fréquenter le monde des publicistes, auxquels il est permis de croire que son âpre jeunesse répugnait, et il sut encore tourner à profit des fréquentations qu’il n’avait acceptées d’abord que comme des conditions regrettables de son indépendance. […] Oui, ce grand homme ne se contenta pas d’approcher le plus près que sa nature lui permettait de la perfection entrevue par les grands esprits ; il ne se contenta pas de se dévouer à la recherche de la vérité, d’être désintéressé et respectueux chez tous de la dignité humaine.‌

51. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

En abaissant la température du milieu, il permit à ces énergies trop fortes individuellement de se hiérarchiser. […] L’idée humanitaire est en effet le frein qui, en modérant les égoïsmes anglo-saxons, leur a permis de s’unir et de se concerter pour la plus grande force de la nation. […] C’est sous cette forme détachée de la mentalité qui les avait produites et qui ne permettait plus d’en vérifier les titres qu’elles purent être proposées à des mentalités nouvelles, à des hommes en proie à des besoins différents. […] À Rome de même : la loi des Douze tables, en permettant au citoyen de vendre le champ, lui interdit d’aliéner le tombeau qui s’y trouve inclus. […] En Grèce, Solon permit de tester à celui-là seul qui n’avait pas d’enfant.

52. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Chansons des rues et des bois » (1865) »

Rêver est permis aux vaincus ; se souvenir est permis aux solitaires.

53. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

Cette formule va être pour l’enquête philosophique un moyen auquel il est permis de se fier en toute assurance parce qu’elle est une donnée positive. […] Il n’est de réalités que de cette sorte, et ces réalités il n’est pas permis de les contester. […] Cette hérédité le constitue intégralement, impliquant jusqu’à l’élasticité qui lui permettra de prendre, avec plus ou moins d’aisance, un plus ou moins grand nombre de formes nouvelles, impliquant une tendance à varier dont elle détermine strictement la mesure. […] Cela tient à un premier pouvoir, pouvoir d’abstraction qui a permis à l’homme de faire tenir en des signes extérieurs, formes sonores ou graphiques, dans les mots, des approximations des images qui se forment dans son cerveau.

54. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Chirurgie. » pp. 215-222

La tranquillité que donnent l’anesthésie et l’antisepsie permet à l’opérateur de prendre son temps, de tâtonner, et, n’eût-il qu’une main hésitante et d’insuffisantes notions d’anatomie et de médecine générale, de mener à bien un certain nombre d’opérations jadis réputées malaisées. […] Ainsi, dans bien des cas, tandis que l’anesthésie et l’antisepsie tolèrent la lenteur et la maladresse du chirurgien, la « spécialisation » lui permet, en outre, l’ignorance. […] « Il lui est permis alors de s’affranchir de toute tutelle et de s’enhardir à des opérations nouvelles et originales : il les réussira d’emblée. » C’est par ces fières paroles que se termine l’Introduction de la Technique chirurgicale du docteur Eugène Doyen, où j’ai puisé mon érudition d’aujourd’hui.

55. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Un courrier expédié au duc qui était alors à Soissons, courrier dont les dépêches avaient pour objet de l’apaiser et de le retenir, ne put partir faute de vingt-cinq écus, et le duc passa le Rubicon : Telle est, dit Mézeray, la condition des plus grandes affaires, que, lorsqu’elles sont à un certain point où elles ne peuvent pas subsister longtemps, il ne faut que le moindre incident pour les faire tomber d’un côté ou d’autre ; et, si la fortune permettait qu’il fût évité, les choses pourraient se mieux tourner et prendre toute une autre pente. […] Je ne me permettrai qu’une seule considération et conjecture sur ce qu’a dû être le rôle et l’état d’esprit d’un Mézeray sous la Fronde. […] (Journal littéraire général), ce qu’il ne saurait faire s’il n’a sur ce nos lettres qui lui en permettent l’impression. À ces causes, considérant que les sciences et les arts n’illustrent pas moins un grand État que font les armes, et que la nation française excelle autant en esprit comme en courage et en valeur ; d’ailleurs désirant favoriser le suppliant et lui donner le moyen de soutenir les grandes dépenses qu’il est obligé de faire incessamment dans l’exécution d’un si louable dessein, tant pour paiement de plusieurs personnes qu’il est obligé d’y employer que pour l’entretien des correspondances avec toutes les personnes de savoir et de mérite en divers et lointains pays ; nous lui avons permis de recueillir et amasser de foules parts et endroits qu’il advisera bon être les nouvelles lumières, connaissances et inventions qui paraîtront dans la physique, les mathématiques, l’astronomie, la médecine, anatomie et chirurgie, pharmacie et chimie ; dans la peinture, l’architecture, la navigation, l’agriculture, la texture, la teinture, la fabrique de toutes choses nécessaires à la vie et à l’usage des hommes, et généralement dans toutes les sciences et dans tous les arts, tant libéraux que mécaniques ; comme aussi de rechercher, indiquer et donner toutes les nouvelles pièces, monuments, titres, actes, sceaux, médailles qu’il pourra découvrir servant à l’illustration de l’histoire, à l’avancement des sciences et à la connaissance de la vérité ; toutes lesquelles choses, sous le titre susdit, nous lui permettons d’imprimer, faire imprimer, vendre et débiter soit toutes les semaines, soit de quinze en quinze jours, soit tous les mois ou tous les ans, et de ce qui aura été imprimé par parcelles d’en faire des recueils, si bon lui semble, et les donner au public ; comme aussi lui permettons de recueillir de la même sorte les titres de tous les livres et écrits qui s’imprimeront dans toutes les parties de l’Europe, sans que, néanmoins, il ait la liberté de faire aucun jugement ni réflexion sur ce qui sera de la morale, de la religion ou de la politique, et qui concernera en quelque sorte que ce puisse être les intérêts de notre État ou des autres princes chrétiens.

56. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Mais si vous voulez, Sire, qu’on rompe le silence, c’est à vous de l’ordonner. » Louis XV accepte de bonne grâce cette ouverture et lui permet de libres avis ; il avait du goût pour ce genre de correspondance particulière, j’allais dire cachotière, en dehors de ses ministres en titre ; ce n’était pas précisément un insouciant que Louis XV, c’était même un curieux ; il aimait à tout savoir, le pour et le contre sur les choses et sur les gens, sauf à en très peu profiter et à n’en rien faire. Il répond de sa main au maréchal (26 novembre 1742) : « Le feu roi, mon bisaïeul, que je veux imiter autant qu’il me sera possible, m’a recommandé, en mourant, de prendre conseil en toutes choses et de chercher à connaître le meilleur pour le suivre toujours ; je serai donc ravi que vous m’en donniez : ainsi, je vous ouvre la bouche, comme le Pape aux cardinaux, et vous permets de me dire ce que votre zèle et votre attachement pour moi et mon royaume vous inspireront. […] Mais c’est qu’on lui en marqua très peu en effet, et que cela parut à peine une disgrâce ; on le voit bien par les lettres de Mme de Tencin au duc de Richelieu, où elle dit (1er août 1743) : « Mon frère (le cardinal de Tencin) est révolté, et je le suis aussi, de ce que le roi n’a témoigné aucun ressentiment contre le maréchal de Broglie qui, de l’aveu de tout le monde, a si mal fait son devoir. » Et moins de quinze jours après, le 13 août, Mme de Tencin dit encore : « L’abbé de Broglie a écrit à d’Argenson (le comte d’Argenson, ministre de la Guerre) que la pénitence de son frère était assez longue, qu’il fallait lui permettre de venir à la Cour, et que, si on ne le lui permettait pas, il y viendrait tout de même. […] II Je me permettrai de gronder doucement à ce propos M.  […] III Un des mérites du maréchal de Noailles est, du moins, de l’avoir senti et d’avoir averti Louis XV de ce relâchement de tous les ressorts (8 juillet 1743) : « Qu’il me soit permis, Sire, de vous exprimer combien je souffre et je suis touché de voir Votre Majesté, qui mérite d’être aimée et bien servie, l’être si mal.

57. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

On comprend tout ce qu’elle permet à Freud d’expliquer. […] Il n’y a rien d’autre qui permette de passer derrière les apparences du sentir. […] Mais je me dis aussi que son caractère n’était pas fait pour lui permettre certaines expériences, qui peuvent lui avoir manqué. […] À aucun moment il ne semble ressentir cette inspiration qui permet de pénétrer dans une âme et de se l’asservir. […] C’était plutôt une ligne brisée qu’il suivait, et qui lui permettait de passer entre tous les obstacles.

58. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

On ne pouvait expérimenter sur l’homme, parce que la conscience humaine, dont la loi écrite n’est que l’expression, ne permet pas de faire de l’homme, même criminel et condamné à mort, un sujet d’expérience. […] Des observations nombreuses sur le développement moral comparé à l’état physique venant s’ajouter à ces expériences, permettent d’aller encore plus loin. […] Encore moins est-il permis de parler de la cellule sentante ou de la cellule pensante. — Mais si ce n’est pas l’organe ou la cellule qui sent et pense, disent les physiologistes, qui sera-ce donc ! […] Voilà ce qui fait que jamais la psychologie ne permettra de confondre l’organe et l’être lui-même dans l’explication des phénomènes psychiques. […] Contre les secondes, la psychologie proprement dite objecte que ni l’influence des motifs ni même l’impulsion des mobiles ne permet de conclure à un déterminisme incompatible avec la liberté.

59. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 570-571

On sera moins étonné du titre de l’Ouvrage, que d’apprendre que le Cardinal Mazarin qui y étoit maltraité, fit appeler l’Auteur, lui reprocha avec douceur les traits qu’il s’étoit permis contre lui, & lui donna une Abbaye de quatre mille livres. […] Il est permis, sans doute, de se nourrir du génie des Anciens ; mais il faut faire en sorte de pouvoir dire avec Lafontaine, Mon imitation n’est point un esclavage.

60. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1853 »

Aussi, ce labeur accompli, est-il permis d’en être fier ; et — s’il est vrai que Murat aurait pu montrer avec quelque orgueil son fouet de postillon à côté de son sceptre de roi, et dire : Je suis parti de là ! — c’est avec un orgueil plus légitime, certes, et avec une conscience plus satisfaite, qu’on peut montrer ces odes royalistes d’enfant et d’adolescent à côté des poëmes et des livres démocratiques de l’homme fait ; cette fierté est permise, nous le pensons, surtout lorsque, l’ascension faite, on a trouvé au sommet de l’échelle de lumière la proscription, et qu’on peut dater cette préface de l’exil.

61. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Les femmes, je parle de la majorité des femmes, ne le permettent pas. […] Ils maintenaient l’enseignement d’État ; et, à côté de lui, ils permettaient que les particuliers enseignassent librement. […] Il fallait répandre cette vérité de cerveau à cerveau ; et pour cela se réclamer de la liberté, puisque seule elle permettait de la propager. […] Si permettre à un tel être d’enseigner est monstrueux, lui permettre d’être est au moins illicite, est au moins indigne. […] Mais, sauf ces cas, elles sont permises.

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