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1042. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

On cause de la malle des papiers du prince Napoléon, qui a été saisie… * * * — C’est peut-être dommage, que nous n’ayons pas pu finir notre œuvre historique, comme nous pensions le faire, par une histoire psychologique de Napoléon, par une espèce de monographie de son cerveau. […] Après un silence, il ajoute que cette mort a fait un trou dans le nihilisme de ses convictions religieuses, tant il lui est affreux de penser à une séparation éternelle. […] On vient de lui enlever un kyste dans le ventre, et il disait à Daudet, qui est allé le voir ces jours-ci : « Pendant l’opération, je pensais à nos dîners, et je cherchais les mots, avec lesquels je pourrais vous donner l’impression juste de l’acier, entamant ma peau et entrant dans ma chair… ainsi qu’un couteau qui couperait une banane. » Jeudi 26 avril À la suite d’un cas de folie érotique, raconté par Charcot, Alphonse Daudet de s’écrier : « Ah ! […] Puis le piocheur qu’il était devenu, se préparait à l’École normale, quand quelqu’un le menait aux Italiens : soirée, depuis laquelle Virgile, l’École normale, tout était à vau-l’eau : il était enveloppé de musique et ne pensait qu’à cela. […] L’on pense les hécatombes de Prussiens, que je faisais du haut du ciel, et dans des circonstances toujours nouvelles.

1043. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Cette république conservera une paix constante, et se soutiendra sans armée… Ils affectent tous une sainte horreur pour la guerre… S’ils haïssent les armées et les généraux qui se rendent célèbres, cela ne les empêche pas de se battre à coups de plume, et de se dire souvent des grossièretés dignes des halles ; et, s’ils avaient des troupes, ils les feraient marcher les unes contre les autres… En leur style, ces beaux propos s’appellent des libertés philosophiques ; il faut penser tout haut, toute vérité est bonne à dire ; et comme, selon leur sens, ils sont seuls les dépositaires des vérités, ils croient pouvoir débiter toutes les extravagances qui leur viennent dans l’esprit, sûrs d’être applaudis. […] IV, chap. 5] Voltaire, que j’aime à citer aux incrédules, pensait ainsi sur le siècle de Louis XIV, et sur le nôtre. […] Et pensez-vous que les Anglais même ne lui aient pas obligation ? […] Il savait distinguer l’esprit du génie ; il donnait à Quinault les sujets de ses opéras ; il dirigeait les peintures de Le Brun ; il soutenait Boileau, Racine et Molière contre leurs ennemis ; il encourageait les arts utiles contre les beaux-arts, et toujours en connaissance de cause ; il prêtait de l’argent à Van-Robais pour ses manufactures ; il avançait des millions à la compagnie des Indes, qu’il avait formée ; il donnait des pensions aux savants et aux braves officiers. […] V, chap. 2] M. l’abbé Fleury, dans ses Mœurs des Chrétiens, pense que les anciens monastères sont bâtis sur le plan des maisons romaines, telles qu’elles sont décrites dans Vitruve et dans Palladio.

1044. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

. — C’est affreux quand on y pense ! […] Ne le pensez-vous pas ? […] Vous pensez à des cas exceptionnels où… hélas ! […] C’est là ce que pensent, au fond de leur âme, M.  […] Que pensent-ils ?

1045. (1908) Après le naturalisme

Nous nous adressons à ceux qui pensent qu’il est utile de se grouper pour un effort commun. […] Beaucoup leurs lectures achevées n’y pensèrent plus. […] Bien des Mirabeau pensaient déjà à la même époque, à refréner les excès nouveaux, pires, peut-être, que ceux-là qu’ils avaient détruits. […] On n’apprend pas à penser aux enfants dans les écoles qu’ils fréquentent jusqu’à douze ans. […] Certes, nul ne le pense.

1046. (1894) Études littéraires : seizième siècle

C’était la liberté de penser, d’abord, et c’était de plus le goût, le soin, le souci, la passion, l’habitude considérée comme un devoir, de penser chacun par soi-même et pour soi-même, de se faire chacun à soi-même sa doctrine, son dogme et son credo. […] Le plaisir de penser librement et de croire librement, et de dire librement ce que l’on pense et ce qu’on croit, est si grand, qu’il peut nous faire illusion sur l’utilité qu’il peut y avoir pour l’humanité à ce que l’individu pense et croie de cette manière. — Au point de vue purement littéraire, qui surtout nous occupe ici, nous pouvons répondre. […] Mais il n’est que de dire naïvement, fût-ce à sa honte, ce que l’on pense, et je ne trouve nulle énigme, et, sinon nulle profondeur, du moins nul abîme, dans Rabelais. […] Quel spectacle pensez-vous que ce leur soit ? […] Il leur crie : « Que pensent donc faire ces reblanchisseurs de murailles qui jour et nuit se rompent la tête à imiter, que dis-je imiter ?

1047. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Parce qu’il est nécessaire de penser sa parole, avant de parler sa pensée ; 2º. […] Est-ce pour les hommes qui n’y pensent pas ? […] L’auteur pense que l’ordre et le repos sont les deux plus sûrs moyens d’arriver à ce but. […] « C’est un prince, disait Boileau, qui ne parle jamais sans avoir pensé. […] S’il faut dire tout ce que je pense, il pourrait bien, en m’attaquant, n’avoir défendu que sa cause.

1048. (1893) Alfred de Musset

Pendant des mois, il ne pensa, en classe et hors de classe, qu’aux enchanteurs et aux paladins. […] Penses-y bien. […] Heureusement sa figure d’Ariane m’a fait penser à Bacchus. […] Il a pensé tout haut. […] On lisait sur la plume : « Pensez à vos promesses ».

1049. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

S’il y a du trop dans l’un et dans l’autre, que ce trop-là aide à penser, à réfléchir, et comme, après même l’avoir réduit, on en connaît mieux les personnages que si l’on était resté dans les lignes d’en deçà et à la superficie ! […] Il ne faut pas demander à Saint-Simon de penser au peuple dans le sens moderne ; il ne le voit pas, il ne le distingue pas de la populace ignorante et à jamais incapable. […] La mort subite du régent (1723) vint peu après l’avertir de ce que la mort du duc de Bourgogne lui avait déjà dit si éloquemment au cœur, que les choses du monde sont périssables, et qu’il faut, quand on est chrétien, penser à mieux. […] Saint-Simon pensait trop haut pour ce ministère à voix basse que méditait Fleury. […] Que pensait-il, que pouvait-il penser de toutes ces nouveautés éclatantes ?

1050. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Qu’en pensez-vous ? […] Souvenez-vous de ces vers délicieux de douleur, dans lesquels le grand poète pense à sa fille et à son gendre noyés dans la Seine en se baignant près de Rouen ; l’une par imprudence, l’autre pour ne pas survivre à son amour ! […] « Si le grain de mil sous la meule avait des pensées, il penserait sans doute ce que pensait Jean Valjean. […] Il se mettait à penser. […] quand je pense à ce que j’ai été sur le point de faire, je me trouve digne d’envie.

1051. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Je crois que je suis, parce que je pense ; je crois à Dieu, je crois à l’immortalité de l’âme ; oui, sans doute et de toute la force de mon intelligence : est-ce assez pour me conduire dans la vie ? […] Descartes m’avait appris que j’existe, parce que je pense : Pascal va m’enseigner quel usage je dois faire de ma pensée. […] Enfin, dans toutes ses pensées mélancoliques, dont quelques-unes semblent capricieuses, et dont aucune n’est indifférente, je reconnais le doute de notre temps, non ce doute des esprits médiocres qui n’est qu’impuissance de penser et de vouloir, mais celui qui est au fond des esprits les plus élevés et des caractères les plus fermes, après deux siècles qui ont vu tant de grandeurs et tant de chutes. […] Quelquefois l’interlocuteur feint de trouver qu’une si belle morale aurait dû penser à tout, et il lui fait un tort de certains cas auxquels elle n’a point pourvu. […] Cousin pense que Pascal pourrait bien en être l’auteur.

1052. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

IV Quoi qu’il en soit, je commençais à penser et à comprendre que d’autres autour de moi pensaient plus que moi ; je commençais même à comprendre non la nature, mais le fait de cette transformation en pensée des caractères matériel qu’on me faisait tracer ou lire, et la transformation de cette pensée en caractères, c’est-à-dire en livres. […] Je pensais bien que ma composition serait la plus sèche, et que le maître et les condisciples auraient pitié de la pauvreté de mon pinceau. […] Ces trois hommes, attentifs au récit du juste résigné, essuyant leurs yeux des larmes de l’admiration et de l’enthousiasme, me faisaient penser à trois sages d’Athènes, conversant sur la nature et sur Dieu, assis sous les oliviers de l’Hymète. […] XXXI Cette impression croissante se renouvela et s’accrut, connue on le pense bien, par les hautes études de mon adolescence, par les ennuis d’une longue oisiveté dans ma jeunesse inoccupée, qui ne trouvait son aliment que dans la lecture, par le besoin d’exprimer dans la solitude ces premières passions, qui, après avoir parlé en ardeur et en larmes, s’amortissent en parlant en vers ou en prose ; enfin par ces premières amours de l’imagination ou du cœur qui empruntent tous la voix de la poésie : la poésie ! […] Un seul mot l’explique, et c’est par là que je voulais terminer : c’est que je suis redevenu franchement et exclusivement homme de lettres ; c’est que je vis, grâce à cette passion pour la littérature, en société avec tous les hommes qui ont légué leur âme écrite à la mienne, comme nous léguerons tous une parcelle de notre âme écrite à ceux qui viendront après nous ; c’est que mon âme se distrait, s’édifie, se fortifie dans cette société des grands morts ; et c’est aussi parce que, indépendamment de ces bienfaisantes influences du travail littéraire en lui-même, je jouis de penser que ce travail, plaisir pour les uns, peine pour les autres, devoir pour moi, ne sera peut-être pas entièrement perdu pour ceux à qui je dois le fruit de mes veilles1 !

1053. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

La courtoisie dont le marquis de Marignan usait envers Montluc assiégé, en lui envoyant la veille de Noël un cadeau de gibier et de vin, était en même temps une ruse de guerre ; car la même nuit il pensait à lui faire un autre festin, en tentant une escalade vigoureuse à la citadelle et à un fort qui donnait accès dans la ville. […] L’explication que lui donna Montluc, si elle se trouvait dans une histoire ancienne, serait célèbre, et nous la saurions dès l’enfance : Alors, je lui répondis (au roi) que c’était une chose que j’avais trouvée facile ; et comme je le vis affectionné à la vouloir entendre, connaissant qu’il prenait plaisir d’en ouïr conter, je lui dis que je m’en étais allé un samedi au marché, et qu’en présence de tout le monde j’avais acheté un sac et une petite corde pour lier la bouche d’icelui, ensemble un fagot, ayant pris et chargé tout cela sur le col à la vue d’un chacun ; et comme je fus à ma chambre, je demandai du feu pour allumer le fagot, et après je pris le sac, et là j’y mis dedans toute mon ambition, toute mon avarice, mes haines particulières, ma paillardise, ma gourmandise, ma paresse, ma partialité, mon envie et mes particularités, et toutes mes humeurs de Gascogne, bref tout ce que je pus penser qui me pourrait nuire, à considérer tout ce qu’il me fallait faire pour son service ; puis après je liai fort la bouche du sac avec la corde, afin que rien n’en sortît, et mis tout cela dans le feu ; et alors je me trouvai net de toutes choses qui me pouvaient empêcher en tout ce qu’il fallait que je fisse pour le service de Sa Majesté. […] Il a là-dessus des principes qu’on doit trouver admirables et qui s’appliquent bien à tout ordre de travaux et de services où l’honneur est le prix : c’est de ne jamais se reposer sur ce qu’on a fait, de ne pas se contenter, sous prétexte qu’on a sa réputation établie, et que, quoi qu’on fasse désormais ou qu’on ne fasse pas, on sera toujours estimé vaillant : N’en croyez rien, s’écrie-t-il, car d’heure à autre les gens jeunes deviennent grands, et ont le feu à la tête, et combattent comme enragés ; et comme ils verront que vous ne faites rien qui vaille, ils diront que l’on vous a donné ce titre de vaillant injustement… Si vous désirez monter au bout de l’échelle d’honneur, ne vous arrêtez pas au milieu, ains, degré par degré, tâchez à gagner le bout, sans penser que votre renom durera tel que vous l’avez acquis : vous vous trompez, quelque nouveau venu le vous emportera, si vous ne le gardez bien et ne tâchez à faire de mieux en mieux.

1054. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Dans les lettres de cette date à Mme de Brinon, Mme de Maintenon entre dans les plus minutieux détails d’économie ; elle envoie du beurre, quelque argent chaque mois : « J’ai des tabliers pour elles, mais je veux leur donner moi-même, et voir si elles ont du potage raisonnablement, car je vous dirai librement que je ne leur ai jamais vu la moitié de ce qu’il leur en faut, et que j’ai quelque soupçon qu’elles meurent de faim. » Depuis qu’elle est gratifiée des bienfaits du roi, elle ne songe qu’à les faire retomber sur celles qui sont pauvres comme elle l’a été ; mais elle n’aime pas à demander, elle pense qu’il faut apprendre à se suffire. […] À Noisy, Mme de Maintenon recevait des demoiselles, c’est-à-dire des filles nobles, dont le roi payait les pensions. […] C’est pendant sa maladie et sa convalescence en 1686, que le roi entre de plus en plus dans l’idée de Saint-Cyr, qu’il la prend à cœur, l’adopte tout entière et se l’approprie magnifiquement : Dieu sait, écrivait Mme de Maintenon en octobre 1686 à l’une des dames de Saint-Louis, Dieu sait que je n’ai jamais pensé à faire un aussi grand établissement que le vôtre, et que je n’avais point d’autres vues que de m’occuper de quelques bonnes œuvres pendant ma vie, ne me croyant point obligée à rien de plus, et ne trouvant que trop de maisons religieuses ; moins j’ai eu de part à ce dessein et plus j’y reconnais la volonté de Dieu, ce qui me le fait beaucoup plus aimer que si c’était mon ouvrage : il a conduit le roi à cette fondation, comme vous l’avez su, lui qui, de son côté, ne veut plus souffrir de nouveaux, établissements.

1055. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Les Lettres de Mme de Sévigné ne furent point, comme bien l’on pense, publiées de son vivant ; mais elles avaient déjà de la réputation, elles couraient, on se les prêtait ; quelques-uns même de ses amis, comme Bussy-Rabutin, en avaient fait collection et copie. […] Il s’humilie, et il le fait de la meilleure grâce dont il est capable : « Je ne pensais pas que vous vous mêlassiez, vous autres belles, d’avoir de la cruauté sur d’autres chapitres que sur celui de l’amour. […] comme elle pense et s’entend à tout !

1056. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Tant qu’on ne s’est pas adressé sur un auteur un certain nombre de questions et qu’on n’y a pas répondu, ne fut-ce que pour soi seul et tout bas, on n’est pas sûr de le tenir tout entier, quand même ces questions sembleraient le plus étrangères à la nature de ses écrits : — Que pensait-il en religion ? […] — Vous le savez bien, vous qui, en écrivant, dites poliment le contraire ; et quand nous causons d’eux entre nous, vous en pensez tout comme moi. […] Si, après toutes ces facilités d’observation auxquelles il prête plus que personne, on pouvait craindre de s’être formé de lui comme homme et comme caractère une idée trop mêlée de restrictions et trop sévère, on devrait être rassuré aujourd’hui qu’il nous est bien prouvé que ses amis les plus intimes et les plus indulgents n’ont pas pensé de lui dans l’intimité autrement que nous, dans notre coin, nous n’étions arrivé à le concevoir, d’après nos observations ou nos conjectures.

1057. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Or, ils paraissent penser des Mystères, en général, à très-peu près ce que nous en pensons nous-même, et leur autorité est bien faite pour nous rassurer pleinement. […] J’en reviens donc à penser avec MM. 

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