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734. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Frédéric, en effet, pouvait être un sceptique en religion, un mécréant, et se passer en conversation bien des goguenarderies ; mais avec lui le roi, dès qu’il parle des choses royales, n’est jamais loin. Or, il y a une opposition absolue entre la frivolité purement maligne des Matinées royales, et le style grave et digne des autres œuvres de Frédéric, toutes les fois qu’il a à parler de la patrie. […] Ce dernier, tout lié qu’il était avec le maréchal et dans les termes de la reconnaissance, en parlait assez légèrement dans l’intimité. […] Ce roi parle un très bon français, en ce sens que ce français est de souche, mais c’est un français si familier qu’il en est trivial et bas. […] La langue que parlait le grand roi était réellement en accord avec celle que parlaient ou qu’écrivaient de son temps les plus éloquents et les mieux disants des écrivains ; entre l’une et l’autre il y a convenance parfaite et harmonie.

735. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Ce sont les vieillards loquaces de la famille humaine dont parle Homère ; on s’attroupe autour d’eux pour les entendre conter : mais pour eux, comme pour leurs lecteurs, l’histoire n’est que de la chronique. […] Comment ferait-il parler ses acteurs, s’il ne sait pas lui-même parler ? […] Moi-même, qui te parle, je ne suis pas parvenu encore à la sécurité ; mais, une fois que je t’aurai adopté, je cesserai de paraître trop vieux, seul reproche qu’on objecte à ma puissance. […] je vous parle en ce moment au nom de Galba, devenu mon père, du sénat et de l’empire, que je représente devant vous. […] Qu’est-il besoin de parler de vertu quand il s’agit de se comparer à un Othon ?

736. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Guizot n’est pas de ces hommes qui se scindent, et desquels on puisse dire : Je parlerai de l’historien, du littérateur, sans toucher au politique. […] Guizot, si l’on ne parlait de l’orateur. […] Guizot parlait bien, mais sans rien d’extraordinaire ; il avait de la netteté, une lucidité parfaite d’exposition, mais des répétitions de termes abstraits, assez peu d’élégance, peu de chaleur. […] L’éloquence, à ce degré, est une grande puissance ; mais n’est-ce pas aussi une de ces puissances trompeuses dont a parlé Pascal ? […] Par exemple, on a beaucoup parlé, sous le précédent régime constitutionnel, du pays légal : « Le pays légal est pour nous, nous avons le pays légal. » Où cela a-t-il mené ?

737. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

J’avouerai que moi-même qui en parle, il n’y a pas bien longtemps que je le connais d’un peu près. […] Voilà des millions d’hommes qui n’ont jamais entendu parler de vous, qui n’en entendront jamais parler, et qui s’en passent. […] C’est alors qu’il ouït parler du sultan Mahmoud, qui, dans sa cour de Ghaznin, s’entourait d’une pléiade de poètes, mettait au concours les histoires des anciens rois, et désirait un homme capable de les orner et de les embellir sans les altérer. […] Il voit son fils assis à un festin : il l’admire, il le compare, pour la force et la beauté, à sa propre race ; on dirait, à un moment, que le sang au-dedans va parler et lui crier : C’est lui ! […] Ainsi parle en expirant cet autre Hippolyte, immolé ici de la main de Thésée.

738. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Aujourd’hui, je continuerai de parler de Voltaire et de son amie Mme du Châtelet, qui s’offre à nous comme inséparable de lui durant quinze ans. […] Mais, nous autres moralistes, nous en parlons bien à notre aise, et les choses de la vie ne se règlent pas en si parfaite mesure. […] Elle parle de l’amour avec vérité, avec justesse, mais sans ce tact délicat qui le respecte. […] Elle y parle très bien aussi, nudité à part, et d’une manière vive et sentie, de l’amour ; elle le proclame le premier des biens s’il est donné de l’atteindre, le seul qui mérite qu’on lui sacrifie l’étude elle-même. […] Il l’appelle « mon cher cœur », il la tutoie perpétuellement ; il parle de sa propre mélancolie avec prétention.

739. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Quand vinrent les querelles de la Sorbonne sur la grâce, dont tout le monde parlait sans y rien entendre, Charles et Claude Perrault et quelques autres amis voulurent « savoir à fond de quoi il s’agissait ». […] Colbert fit le tour du jardin, donna ses ordres et ne parla point d’en fermer l’entrée à qui que ce soit. […] Préférant hautement son siècle à tous les précédents, il y parlait légèrement d’Homère, de Ménandre, de tous les noms les plus révérés entre les classiques. […] Perrault ne le prend pas si à cœur ; il en parle à son aise. […] Il croit qu’on peut juger des poètes par les traductions ; il parle d’Homère et de Théocrite sans prendre la peine de pénétrer dans leur génie de grandeur ou de délicatesse.

740. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

On voulait l’exclure de la première Commune de Paris dont il était membre ; il dut se défendre par une Requête où il parlait magnifiquement de lui-même et de ses services rendus pendant la guerre d’Amérique. […] Il avait surtout raison quand il parlait de sa facilité à obliger et de sa bienveillance, lui avait fait tant d’ingrats. […] Il en parla successivement à quatorze ministres qui se succédèrent en peu de mois, et ne rencontra chez tous qu’inattention et temporisation continuelle, quelques hommes dans les bureaux ayant intérêt, non à faire manquer l’affaire, mais à la tirer des mains de Beaumarchais pour y trouver eux-mêmes leur profit. […] Dans une discussion du Conseil à laquelle il est admis, il a peine à entendre Danton, qui pourtant parlait assez fort et assez haut : M.  […] À Londres, où il s’est réfugié à la fin de 1792, il reçoit pourtant une lettre de son commis et fondé de pouvoir, qui lui dit qu’il s’est présenté dans les bureaux de la guerre et qu’on l’a adressé à un sieur Hassenfratz (le savant) : « J’ai débuté lui demandant si j’avais l’honneur de parler à M. 

741. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Je choisirai d’habitude et de préférence quelques sujets dans la littérature française des deux derniers siècles (sans toutefois m’y enfermer, et sans exclure absolument les contemporains), et je parlerai aujourd’hui de l’auteur du Voyage d’Anacharsis, de l’abbé Barthélemy. […] Ils étaient reconnaissants à l’abbé Barthélemy de tout ce qu’il leur avait appris, en quelques jours de lecture, sur ce monde grec et sur cette société ancienne dont on parlait sans cesse, et où il était donné à bien peu dès lors de pénétrer directement. […] Mais, en y passant, il ne s’y acclimata jamais, et lorsqu’il parlera des Jésuites, lui si modéré d’ailleurs, il aura toujours un coin de raillerie et d’antipathie qui se ressentira de l’ancien élève des Oratoriens et de l’ami de M. de Choiseul. […] Mme Du Deffand, chez qui l’on apprend à connaître pendant quatorze ans, jour par jour, les Choiseul et l’abbé Barthélemy, goûtait ce dernier, le grand abbé, comme elle l’appelait, et le trouvait à son gré ; mais elle en parlait comme de tous ceux qu’elle connaissait, en toute liberté et sans indulgence. […] Il en parle avec sentiment, avec force.

742. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Aujourd’hui, en diminuant Jésus-Christ de sa divinité (et l’insolence de la chose, qui est publique, nous oblige à parler cette langue insolente !) […] Renan parle la langue araméenne ; il parle de toute langue ; il les sait toutes, même celle des oiseaux. […] C’est cela qui est exquis (page 260) 1 Autre part, puisque nous parlons des choses ineffablement ridicules, Jésus-Christ a toujours cédé à l’opinion, et c’est pour cela qu’il fut sacrifié. […] Toute l’exégèse de Renan, pour parler cette ineffable langue des pédants qui est la sienne, n’a d’autre but et d’autre visée que la négation du miracle et l’enlèvement de tout surnaturel de l’Histoire. […] Quelquefois des philosophes, importunés de l’exceptionnalité de ce fait éclatant d’ordre divin, nous ont fait la mauvaise plaisanterie de nous parler du bouddhisme, de son organisation religieuse et de la masse de ses croyants.

743. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

En repassant les premiers temps de notre littérature, et les éloges écrits dans notre langue, il ne sera pas inutile de remarquer souvent à qui ces éloges ont été prodigués, et de comparer quelquefois les vertus dont le panégyriste parle, avec les vices plus réels dont parle l’histoire. […] Non, lorsque Antonin ou Trajan moururent autrefois dans cette même ville, et que la douleur publique prononça leur éloge en présence des citoyens, dont ils avaient fait le bonheur pendant vingt ans, je suis bien sûr qu’on n’y parla pas davantage de vertu, de justice, de larmes et de désolation des peuples. […] Il est triste que les orateurs, chargés des éloges funèbres des hommes puissants, se soient trop souvent réduits eux-mêmes à ne parler que le langage des cours. […] Ce citoyen, trop éclairé pour être fanatique, et trop vertueux pour être rebelle, parla aux Seize, comme un homme qui préfère son devoir à sa vie ; et il en fut récompensé en mourant pour l’État. […] Un autre parle tout à coup au meurtrier comme s’il était présent, et lui reproche de ne pas s’être laissé attendrir par les vertus d’un si excellent prince.

744. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Il a, en un mot, pour parler son langage, plusieurs idées centrales, et plus d’un foyer de lumière ou de chaleur. […] Lanjuinais : « Vous appartenez, et je me permets de dire, nous appartenons à une famille intellectuelle et morale qui disparaît. » Je reconnais le droit de le dire à celui qui parle ainsi, comme je le reconnaissais à M.  […] Juge auditeur à Versailles avant la révolution de juillet 1830, il prend part aux travaux du ministère public ; il est plusieurs fois appelé à parler devant la Cour d’assises : En général, écrivait-il à son début (23 juillet 1827), il y a chez moi un besoin de primer qui tourmentera cruellement ma vie. J’ai un autre défaut pour le moment présent : je m’habitue difficilement à parler en public ; je cherche mes mots, et j’écoute mes idées ; je vois à côté de moi des gens qui raisonnent mal et qui parlent bien : cela me met dans un désespoir continuel. […] M. de Tocqueville parlait bien et très bien, quoi qu’il en dise ; il lui manquait, pour être décidément un orateur, la force des organes, les moyens d’action, et aussi, selon sa juste expression, il écoutait ses idées, plus qu’il ne les versait ; il avait un geste familier par lequel il s’adressait à lui-même et à son propre front plutôt encore qu’à ses auditeurs : il regardait son idée.

745. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Nous ne parlons pas politique ; nous ne nous mêlons pas de leur gouvernement. […] Cela était revenu à Bonaparte, qui lui en avait parlé. […] Peu m’importe qu’on parle bien ou mal de moi dans les partis ! […]  [NdA] De manière à ce que… C’est parler comme le peuple. Mais pourquoi ne pas parler comme le peuple, là où le peuple marque une nuance que les grammairiens suppriment et ne sentent pas ?

746. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Le premier acte d’opposition à Louis XIV, et le seul possible, lui vivant, c’était de parler paix, paix européenne perpétuelle, et d’aller renouer la tradition monarchique au nom populaire de Henri IV. […] Ne l’appelez pas un vaste cerveau ; le sien en est réduit, si j’ose ainsi parler, à quelques fibres élémentaires, mais très nettes, très déliées et tenaces. […] On n’était jamais tenté d’aller prendre une idée chez lui, il n’en a inoculé aucune ; il n’avait pas l’ingrès (ingressus), comme le disait un jour Leibnitz, et pour parler français ses idées ne sont pas entrantes. […] Voltaire aime à prêter à l’abbé de Saint-Pierre ; il en parle diversement, et bien ou mal, selon l’occasion. […] Un jour qu’il venait d’entendre Mme de Talmont une femme du monde qui parlait bien et pensait peu : « Mon Dieu !

747. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Le moment où il commença à parler était celui où la retraite des trois éloquents professeurs, MM.  […] Saint-Marc Girardin nous dira avec Fénelon ; et il nous répondrait encore avec Voltaire, car je me plais à laisser parler ces esprits excellents ; toute la vraie rhétorique française, la rhétorique naturelle est comme éparse dans leurs écrits ; il ne s’agit que de la recueillir. […] On sent à ces derniers mots que c’est bien Voltaire qui parle, c’est-à-dire un poète amoureux de son art, et qui, dans un moment d’admiration, serait capable d’applaudir même son rival, et de lui sauter au cou en l’embrassant. […] Tel qui parle contre le raffinement est lui-même légèrement raffiné, ou, s’il revient au simple, il n’y revient qu’à force d’esprit, de dextérité et d’intelligence. […] Là où il me paraît tout à fait à l’aise et dans le milieu qui lui est propre, sans effort, avec une bonne grâce et une mesure de ton tout à fait naturelle, c’est quand il parle de la comédie, surtout de la comédie moyenne.

748. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

En avez-vous ou non Oui parler ? […] Je parle des humains ; car, quant aux animaux… Voilà un excellent trait de satire déguisée en bonhommie. […] La Fontaine a su être aussi intéressant en faisant parler l’arbre. […] Toute action qui forme le nœud ou l’intérêt d’un Apologue, est supposée se passer dans les temps fabuleux, au temps (comme dit le peuple) où les bêtes parlaient. […] cela paraît plus extraordinaire et plus contre la nature, que le loup rempli d’humanité, dont il nous a parlé quatre ou cinq fables plus haut.

749. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Je voudrais vous parler un peu de cette illustration contemporaine. […] Il s’y peint comme le plus intelligent et le plus patriarcal des directeurs, et il a raison, puisqu’il parle de lui ! […] J’ai parlé déjà de cette haine instinctive du style et de la couleur, qui est si caractéristique dans Buloz ; mais son amour de la platitude est encore plus fort que cette haine. […] Veut-on que nous parlions de ce pauvre Jules de la Madelène, cette charmante espérance littéraire, détruite dans sa fleur par le questionnaire qui ne donne pas la torture qu’aux œuvres ? […] Puisque Véron a tant parlé d’ouvrier et tant félicité Buloz d’en être un, disons que Buloz en a gardé l’air et la tenue.

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