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1894. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Saint-Marc Girardin »

Le peu de livres qui se publient (nous parlons de livres, entendons-nous ! […] Ainsi, par exemple, un grand ouvrage de Lerminier sur les Législateurs et les Constitutions de la Grèce antique, — un livre pensé, médité, presque une découverte en histoire, — et dont la Critique, par parenthèse, préoccupée des choses présentes, commérant d’une voix hâtée sur des œuvres éphémères, n’a pas pu ou voulu parler comme elle le devait.

1895. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

« Le Roman bourgeois — dit avec raison Asselineau — est le premier roman d’observation qu’ait produit la littérature française. » La manière de l’auteur, ce vieux raillard, comme parlerait Rabelais (le père à tous de ces observateurs ricanants de la nature humaine et du monde), la manière de l’auteur, incisive, colorée, gauloise, étreignant la réalité, et quelquefois jusqu’au cynisme, est caractérisée avec beaucoup de bonheur par Charles Asselineau. […] Prenez tous les moralistes de son temps, tous les poètes comiques du xviiie  siècle, tous les écrivains qui ont parlé longuement ou brièvement de la bourgeoisie et qu’a invoqués Asselineau, tous déposeront plus ou moins dans le sens de Furetière et appuieront son mérite de romancier, qui est très grand.

1896. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Si elles pouvaient parler, elles nous tutoieraient comme font les enfants. […] Il parle à l’aigle, comme ferait un homme de l’opposition, d’un air aigre, avec les sentences maussades et le ton trivial d’un plébéien opprimé. […] Mon chant plaît à chacun. »     Le milan alors lui réplique : « Vraiment nous voici bien ; lorsque je suis à jeun,,     Tu viens me parler de musique. — J’en parle bien aux rois. — Quand un roi te prendra,     Tu peux lui conter ces merveilles. […] Le loup de La Fontaine est aussi un tyran sanguinaire, et lorsqu’il parle de l’agneau on entend la voix rauque et le grondement furieux de la bête enragée.

1897. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Le fameux poème en l’honneur de Clotaire II dont l’auteur de la Vie de saint Chilien transmit quelques vers à l’auteur de la Vie de saint Faron, était assurément en latin vulgaire : les femmes de la Brie qui le chantaient n’ont jamais parlé tudesque. […] Et nulle âme, que l’âme même des faits, ne nous parle et ne nous émeut. […] Mais, en somme, on ne retrouve nulle part, à mon sens, un ensemble pareil à celui que présente chacune des trois chansons dont j’ai parlé ; on n’a que des fragments à recueillir, non des œuvres à étudier. […] C’est par hasard que Jean Bodel trouve un vers d’une sensibilité délicate, faisant parler une mère qui donne son fils à l’empereur Charles pour la guerre saxonne : Il sera en pleurant de sa mère attendu28. […] Je ne parle pas du cycle de la Croisade, dont il faudra dire un mot ailleurs.

1898. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Ainsi, de l’honneur, de la foi féodale, il ne faut plus parler, et voici que la foi religieuse elle-même n’est plus de force à enlever l’homme, à créer de nobles formes d’âme et d’existence. […] Il eut vers 1453 ou 54 des écoliers, ces trois « pauvres orphelins » dont il parle quelque part ; c’est pour le leur avoir enseigné que le Donat lui est si familier. […] Je ne parle pas de la qualité des idées, mais du rapport des idées à l’esprit. […] Voilà une poésie qui est la résonance d’une pauvre âme, battue d’outrageuses misères, et qui n’est que cela : et dans cette voix bouffonne ou plaintive, qui crie son vice ou son mal, passe parfois le cri de l’éternelle humanité : nous, honnêtes gens, paisibles bourgeois, ce louche rôdeur du xvie  siècle parle de nous, parle pour nous, nous le sentons, et c’est ce qui le fait grand. […] Il ne parle pas autrement que l’honnête Oresme.

1899. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Lacaussade nous parle d’un rimeur « versé dans l’art d’Ovide », n’y eut-il pas, à cette époque, un certain Saint-Ange qui traduisit en vers les Métamorphoses ? […] Elle parle de lui comme pourrait faire de sa femme un mari d’actrice, j’entends un mari amoureux. « Il est certain, mon bon ange, que je ne te connais pas de rival au théâtre. […] On lui doit (c’est une façon de parler) des vers, des romans et des pièces de théâtre. […] On m’a reproché de divers côtés d’avoir, dans mon premier article, parlé du ménage Valmore avec ironie. […] — « … Nous sommes partis et revenus avec M. de Lamennais qui nous a ramenés jusqu’à la porte… Je te laisse à juger si l’on a parlé progrès, religion, liberté, avenir humanitaire !

1900. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Seuls, les cinq ou six écrivains artistes dont nous parlons plus haut — et qui, en général, ne sont pas ceux qui obtiennent les plus grands succès d’argent — masquent cette faillite du théâtre contemporain. […] Si vous parlez du misérable étalage de comédies, défraîchies après chaque saison, que nous présente un trust de fabricants infatués et avides, est-il possible d’hésiter devant votre dernière question ? […] Maintenant, si je parle ainsi, c’est peut-être que je suis orfèvre, n’ayant guère fait, littérairement parlant, que du théâtre injoué. […] Donc prenez un homme moyen, moyennement intelligent, moyennement cultivé, moyennement sensible… Parlons d’avance le langage de la postérité, la poire ordinaire ! […] Mais notez que je parle ici d’une appréciation collective.

1901. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Je n’ai parlé jusqu’ici que des formes plastiques. […] Sa strophe n’est pas très riche en rythmes neufs et la souplesse lui fait défaut mais, ses imbrications serrées ne permettant point de découvrir le poète qui parle, elle surgit d’elle-même et résonne comme au verbe d’une invisible bouche. […] Des fleurs t’ont promis quelque chose, Car tu leur parlais comme on admoneste, Puis voici que tu devins rose En les effeuillant d’un si joli geste Qu’il en disait la cause. […] Je ne sais si pour les Grecs ce miraculeux instant ne fut pas entrevu ; mais n’y avait-il pas, chez Pindare lui-même, l’accord quasi régulier des rythmes parlés aux sons de la flûte et des tétracordes, et savons-nous quelles règles, de lui seul apprises, il avait prescrites à sa voix ? […] Quelques-uns remplacent le mouvement des toniques par un autre mouvement fondé sur l’accent oratoire, — j’en ai parlé plus haut, — ou par les modulations naturelles de la voix en chacune des parties de la phrase ; ils gardent ainsi à leurs poèmes une certaine base musicale, assez faible, il est vrai ; cependant d’autres affirment se trouver fort bien de n’avoir plus de base du tout.

1902. (1772) Éloge de Racine pp. -

Ils réveillaient des idées imposantes, ou des souvenirs chers et flatteurs, et parlaient à la fois à l’homme et au citoyen. […] Et cette autre partie du drame non moins importante ; cet art des moeurs et des convenances, qui enseigne à faire parler chaque personnage selon son caractère et sa situation, et à mettre dans ses discours cette vérité soutenue qui fonde l’illusion du spectateur, qui l’avait appris à Racine ? […] Parlez, vous qui refusez à l’auteur d’ Andromaque le titre de créateur ; dites, où est le modèle d’Hermione ? […] Enfin, si l’on considère que sa perfection peut être opposée à la perfection de Virgile, et si l’on se souvient qu’il parlait une langue moins flexible, moins poétique et moins harmonieuse, on croira volontiers que Racine est celui de tous les hommes à qui la nature avait donné le plus grand talent pour les vers. […] Mais comment parler de Bérénice , sans admirer encore cette éloquence si touchante et si inépuisable, cette diction si flexible et si mélodieuse, qui exerce tant d’empire sur les coeurs et sur les sens ?

1903. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

La mort avait jeté son ombre passagère Sur cette jeune couche, et dans ton œil troublé, Dans ton sein virginal, tout le cœur d’une mère             D’avance avait parlé. […] Ils vinrent en aide à sa timidité ; ils lui parlèrent d’un mariage qui concilierait, dans une demi-publicité, sa religion, sa délicatesse de père et de roi futur ; ils lui désignèrent la personne pour laquelle des yeux intelligents avaient deviné son attrait ; ils lui en firent un éloge qu’ils supposaient déjà gravé en traits plus profonds dans son cœur. […] Il parlait peu, on ne le nommait pas ; il paraissait vivre dans une intime familiarité avec les deux dames, comme un frère ou un parent arrivé de quelque voyage lointain, et qui reprenait naturellement sa place dans la maison. Ce jeune homme avait les yeux sans cesse attachés sur Delphine ; il lui parlait bas ; elle détournait négligemment son beau visage pour lui répondre, ou pour lui sourire par-dessus le dossier de sa chaise. […] Ils étaient seuls avec elle dans la demi-ombre d’une chambre de malade ; ils parlaient bas ; leurs deux physionomies exprimaient ce sentiment complexe de l’amitié qui veut rassurer, et de la compassion qui souffre et qui doute.

1904. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Impossible à écrire jusqu’ici, par conséquent imprévu comme une révélation, ce livre est une de ces justices dont nous parlions tout à l’heure, de celles-là qui sont lentes à venir pour mieux frapper l’esprit de l’homme et s’éterniser sous son regard. […] Nous voudrions, nous, qu’ils parlassent ; car nier la lumière quand ce n’est plus une lueur, mais bien la souveraine, l’éclatante lumière, montre mieux qu’on est aveugle ou qu’on est fou. […] Qu’on parle tant qu’on voudra d’opinion publique ! […] Le schisme aurait élevé de telles complications en Europe pour les gouvernements qui avaient l’insolence d’en parler, que très probablement c’était une menace vaine, mais elle troubla ces vieillards, qui doutaient de Rome éternelle, et on attendit les cardinaux étrangers. […] Don Manuel de Roda parla en homme qui a un titre et qui peut en exciper à ciel ouvert.

1905. (1888) Poètes et romanciers

Il parle de la guerre comme un amant malheureux parle d’une maîtresse adorée qui l’a repoussé. […] Parle. […] Hugo ne parle de lui-même qu’avec vénération. […] On parle de servilité. […] J’écoutais beaucoup et je parlais peu.

1906. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Notez que j’omets à dessein de parler de l’idéal. […] Parler de beauté à propos de M. Courbet, c’est parler de tolérance à propos de Nonotte. […] On a parlé de Balzac. […] On parle de style.

1907. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Si ces très grands poètes ne nous intéressent pas toujours en nous parlant d’eux-mêmes, ils ne nous intéressent jamais qu’à nous parler d’eux-mêmes. […] Ce sont les faits qui parlent ou qui doivent parler pour eux ; — et avec eux, après ou en même temps que la sociologie, que la philosophie, que la science, c’est donc l’histoire à son tour qui conclut contre le romantisme. […] Je ne parle pas de ses palinodies ! […] Parlerai-je de George Sand ? […] Il l’a même mieux su que Dumas, quand celui-ci parlait de « moralisation » par le théâtre, et qu’il écrivait La Visite de noces.

1908. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Il y parle du grand peintre Murillo dont il a les types présents sous les yeux, et dont il voit le dernier ouvrage ; il le juge, je dois le dire, beaucoup trop à la française, et comme un disciple de Voltaire ferait de Shakespeare. […] N’ayant d’affection que pour l’objet qui lui procure des jouissances, elle parle juste parce qu’elle n’est jamais dominée par un sentiment individuel. […] c’est un beau-père, en deuil d’une fille chérie, c’est un aïeul, en vérité, qui parle et qui conseille ; je donne quelques passages que rien ne pourrait suppléer pour le ton : « Versailles, 16 septembre (ou octobre) 1850. […] En grâce, mon cher Delaroche, écoutez-moi ; écoutez les conseils d’un grand-père qui vous parle de ses petits-enfants par-dessus la tombe de leur mère ! […] Toutes les fois que nous en sommes sortis, nous avons perdu notre temps sans rien ajouter à notre considération. » « J’oublie en écrivant que je parle à un homme qui en sait autant que moi sur tous les points, et auquel, par conséquent, je n’ai rien à apprendre.

1909. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Mais les expressions, qui d’elles-mêmes vont s’idéalisant à son sujet, doivent se tempérer plutôt : car, en abordant cette femme illustre, c’est d’un personnage grave, simple et historique, que nous parlons. […] Elle écrit à Bosc : « On n’ose plus parler, dites-vous, soit ; c’est tonner qu’il faut faire. » Une lettre à Lanthenas, du 6 mars 90, commence par ce cri trois fois répété : « Guerre, guerre, guerre !  […] Lanthenas, dont Mme Roland parle en ses Mémoires comme d’un amoureux peu exigeant, et qu’elle appelle en ses lettres le bon apôtre, l’était en effet, dans toute l’acception, même vulgaire, du mot. […] Ce ne devait pas être là encore la passion sérieuse, véritable, longtemps retardée, qui saisit enfin l’âme puissante de Mme Roland, et à laquelle elle fait allusion en deux endroits de ses Mémoires, lorsqu’elle parle des bonnes raisons qui, vers le 31 mai, la poussaient au départ pour la campagne, et lorsque, saluant l’empire de la philosophie qui succédait chez elle au sentiment religieux, elle ajoute que ces sauvegardes ininterrompues semblaient devoir la préserver à jamais de l’orage des passions, dont pourtant, avec la vigueur d’un athlète, elle sauve à peine l’âge mûr ! […] Mme de Staël, à la barre des mêmes assemblées, aurait probablement parlé avec moins de calme et de contenu, elle eût été vite à l’émotion, à l’éclat.

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