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813. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Cette sincérité est d’un autre ordre ; elle consiste dans les sentiments qu’on exprime, dans l’ensemble des jugements et des vues ; ne pas se louer directement ni indirectement, ne pas se surfaire, ne pas s’embellir ; s’envisager soi et autrui à un point juste et l’oser montrer. […] Brunel, M. de Rey, l’abbé de Vertot étaient à ses pieds, et où ces bonnes dames de Grieu n’avaient d’yeux que pour elle : « Ce qu’on faisoit pour moi me coûtoit si peu, dit-elle, qu’il me sembloit être dans l’ordre naturel. […] Je suis étonnée qu’une personne si vénérable ne regarde pas les passions comme des égarements d’esprit, qui ne sont point susceptibles de l’ordre qu’on y veut admettre.

814. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Si on analyse le contenu de cette forme originale de l’amour dont les Provençaux ont enrichi la littérature, elle repose sur l’idée de la perfection conçue comme s’imposant à la fois à l’intelligence et à la volonté, devenant en en même temps que connaissance, et sur la préférence désintéressée qui fait que le moi subordonne son bien au bien de l’objet aimé, selon l’ordre des degrés de perfection qu’il découvre en soi et dans l’objet. […] Tandis que la poésie antique ne connaissait que la passion physique, et, pour rendre raison de la force de l’amour, regardait le désir allumé par Vénus dans la nature entière à la saison nouvelle, la poésie moderne, par une orientation toute contraire, assimilera l’amour humain à l’amour divin et en fondera la puissance sur l’infinie disproportion du mérite au désir Même quand le terme réel de l’amour appartiendra à l’ordre le plus matériel et terrestre, la pensée et la parole s’en détourneront, et c’est à peine si, comme indice de ses antiques et traditionnelles attaches au monde de la sensation physique, il gardera ces descriptions du printemps, saison du réveil de la vie universelle ; encore ces descriptions seront-elles de moins en moins sincères et vivantes, et ne subsisteront-elles chez la plupart des poètes que comme une forme vide de sens, un organe inutile et atrophié. […] Car, dans le riche et délicat Midi, cette doctrine répondait encore à quelque réalité, à un certain ordre de relations établi entre les hommes et les femmes : mais, dans notre Nord, si rude et si brutal, loin d’avoir son fondement dans la vie, elle restait absolument irréelle, idéale et didactique.

815. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Entre ces émotions particulières de l’individu et ces conditions essentielles de l’humanité, qui, réunies, forment l’objet du lyrisme romantique, restent l’intelligence avec la réflexion et les facultés discursives, et les vérités universelles d’ordre rationnel : deux choses que le romantisme laisse de côté. […] Hugo ne dit pas, comme les autres, la liberté de l’art, mais la liberté dans l’art, c’est-à-dire la liberté et l’art, être libre, à condition de respecter l’art : comme il dit la liberté dans l’ordre, pour l’union de la liberté et de l’ordre, son idéal politique à cette époque.

816. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Je m’étonne qu’on n’ait pas encore songé à envoyer au chevet des moribonds hostiles à l’ordre de choses actuel des conseillers d’État chargés de les convertir à la vraie politique, c’est-à-dire aux joies pures du pouvoir absolu. […] Rochefort déploie, à développer l’absurde, de remarquables qualités d’ordre et de méthode et une très réelle puissance d’imagination. […] Cet esprit est, comme on l’a dit souvent, celui d’un vaudevilliste de premier ordre, rien de moins.

817. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Son pourtour est orné de colonnes avec leurs bases, chapiteaux, architraves, frises et corniches d’ordre dorique, et, entre ces corniches, des arcades et niches. […] Depuis ce jour, chaque fois que Scaramouche venait à la cour, il avait ordre de se rendre auprès du dauphin ; il y venait en habit de Scaramouche sur lequel il mettait un manteau, la guitare sous le bras, et escorté de son chien, de son chat, de son singe et de son perroquet. […] Nous nous bornerons à citer ce que ce dernier, homme d’esprit en même temps qu’artiste, dit à la scène septième de l’acte II de Colombine avocat pour et contre, où il essaye de donner une idée des talents mimiques de Scaramouche : « Après avoir raccommodé (mis en ordre) tout ce qu’il y a dans la chambre, Scaramouche prend une guitare, s’assied sur un fauteuil, et joue en attendant que son maître arrive.

818. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Si vous ne retenez pas l’ordre précis de l’enchaînement déterminé des idées, une série de conséquences désagréables vous attendent. Au contraire, des satisfactions bien vives vous attendent si vous avez été attentifs et si, dans une leçon d’histoire, vous avez retenu l’ordre logique ou chronologique exact des idées… L’école vous traitera selon que votre esprit sera plus ou moins fidèle à l’examen de fin d’année, aux concours, au baccalauréat, etc. […] Elle non plus ne dépend ni des différences, ni des ressemblances des idées, mais des sanctions que l’école applique à ceux qui n’ont pas gardé les idées assimilées dans leur ordre essentiel, précis ; et c’est ainsi que l’école fixe peu à peu les formes de notre pensée et nous met à même de penser par catégories bien précises et bien nettes.

819. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

C’est là qu’il transcrit les révélations qu’Angèle de Foligno dictait à son confesseur, le frère Arnaud, de l’ordre de Saint-François. […] « Tout ce qu’on dit de cette passion, disait-elle, tout ce qu’on raconte n’est rien auprès de ce qu’a vu mon âme. » C’est là encore qu’Ernest Hello s’essaye à mettre de l’ordre dans les divagations apocalyptiques de Jeanne Chézard de Matel. […] Ainsi prit naissance l’Ordre cabalistique de la Rose-croix, qui avait ses aspirants, ses grades, ses trois chambres, son conseil suprême.

820. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

M. de Beausset établît aussi que dans la rupture de 1670 madame de Montespan reçut ordre de quitter la cour et fut envoyée à Paris 105 ; en quoi il diffère de La Beaumelle qui, dans les Mémoires de Maintenon 106, a fait une longue narration des circonstances de la séparation : ce fut, selon lui, madame de Montespan qui en prit la première résolution, qui s’éloigna de Paris avec un courage héroïque qu’affermissaient les exhortations de madame de Maintenon ; et le roi, informé de ce départ inattendu, fait appeler celle-ci pour en connaître les moindres circonstances et en approfondir les motifs, et madame de Maintenon emploie toute son éloquence pour combattre la douleur du roi et ramener à une sainte résignation. […] Il n’avait pas encore vu madame de Montespan, et déjà il avait fait parvenir ses ordres à Versailles, pour qu’elle s’y trouvât au moment où il y arriverait. […] Aussitôt que Louis XIV l’aperçut, il lui adressa ces paroles accablantes : Ne me dîtes rien ; j’ai donné mes ordres pour qu’on prépare au château un logement pour madame de Montespan.

821. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Mais derrière ces premiers articles, qui sont d’affiche et de montre, arrivent les autres plus essentiels, à savoir qu’en la tendresse de l’âge du jeune roi, le parlement de Paris présentera pour le gouvernement de l’État des personnes illustres, tirées des ordres du clergé, de la noblesse et de la magistrature, qui seront, après les princes du sang, les conseillers naturels et les ministres de la régence. En un mot, il résulte de la suite des articles que le Parlement gouvernera durant la minorité ; que, lorsqu’il demandera la destitution de quelque ministre ou conseiller, il n’y sera apporté aucune contradiction ; qu’une réforme exemplaire sera introduite dans le maniement des finances, dans la distribution des bénéfices, dans la nomination aux charges, dans l’imposition et la levée des taxes ; bref, « que le pauvre peuple sera soulagé réellement et effectivement, que l’ordre en toutes choses sera remis, et le règne de la Justice pleinement rétabli dans toutes les provinces du royaume ». […] Les taxes, c’est là le point délicat et auquel il faut toujours revenir dès qu’on veut organiser un ordre quelconque au lendemain d’une révolte, et le premier cri de toute révolte est de se faire au nom d’un soulagement le plus souvent impossible.

822. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Puis le grand maître de l’hôtel, en ayant reçu l’ordre, apporta un pain d’une blancheur parfaite, que l’enfant prit et mangea. […] Le fait est que j’ai invariablement remarqué, pour mon compte, que s’il y a une certaine quantité et une certaine qualité d’esprits qui admettent, qui embrassent volontiers cet ordre métaphysique d’idées et croient les comprendre, il y a, pour le moins, une très grande moitié du monde, même du monde intellectuel, qui ne s’en trouve pas plus convaincue après qu’auparavant, et qui continue d’attendre la preuve après qu’on a prouvé. […] Lorsque ce dernier fut élu à ce siège éminent, il n’y porta pas une capacité du même ordre que celle de Lanfranc, et il rencontrait sur le trône le successeur très indigne du Conquérant, Guillaume le Roux, prince brutal et violent.

823. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Boursault avoit relevé des fautes dans ce grand comique & dans quelques autres écrivains du premier ordre. […] Boursault fit, par ordre du roi, pour l’éducation du dauphin, un livre intitulé l’Étude des souverains. […] Il y eut un ordre du roi pour qu’elle ne fut point mise dans une nouvelle édition que Despréaux se disposoit à donner en 1710, & dont il y avoit même déjà quelques feuilles d’imprimées.

824. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Cependant, et il n’est pas inutile de le remarquer, des pensées, à quel point qu’elles puissent être le résultat de méditations isolées, sont toujours un ordre de faits qui mérite aussi quelque attention. […] Les dynasties chrétiennes ne font qu’un avec les peuples chrétiens, et n’ont qu’une vie avec eux : ceci tient au perfectionnement introduit par le christianisme dans les sociétés humaines comme dans tous les ordres d’idées et de sentiments. […] Le roi est un homme sorti du milieu de la multitude, par le jeu incertain des circonstances, pour maintenir un ordre voulu par tous, pour faire exécuter des lois auxquelles tous ont participé.

825. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Les incidents sont de l’ordre le plus simple. […] Il pense à entrer dans les ordres, mais comment ? […] Si je ne puis gouverner un État, au moins je gouvernerai un ordre. […] Y avait-il des religieuses dans un couvent à côté et de quel ordre ? […] Il est grand et d’un ordre très rare.

826. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

La règle, l’ordre, l’étiquette allaient avoir leur tour. […] De l’ordre des cordeliers il passa dans celui de Saint-Benoît, qu’il quitta bientôt après, pour mener une vie indépendante. […] Le decorum devait arriver avec un autre ordre politique. […] Votre mort est une des pieces de l’ordre de l’univers ; c’est une piece de la vie du monde. […] Quoi qu’il en soit, son âge, il avait alors quarante-sept ans, l’empêcha d’obtenir l’admission dans cet ordre rigoureux.

827. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Pour moi, c’est bien plus un caractère qu’un génie : un caractère veut toujours la même chose, — un caractère dans l’ordre du talent, bien entendu, car dans l’ordre de la moralité nous aurons aussi à juger Gœthe dans cette étude, et vous verrez ce qu’il pesait. […] La dernière scène de son drame, la scène de la cathédrale (par parenthèse, la plus belle de toutes), est empruntée aussi à cet ordre de faits qui grandit Gœthe et, en lui communiquant de sa grandeur, montre combien naturellement il est petit par lui-même, ce caméléon littéraire qui se teint de la couleur de toutes les zones qu’il traverse. […] Il est certain, en effet, qu’il y avait dans le théâtre classique un besoin d’ordre, de lucidus ordo, d’enchaînement, d’organisation, que les indépendants de la littérature dramatico-romantique n’ont jamais senti, tant l’anarchie les tenait. […] Sa nature n’est pas une, mais mêlée comme son talent, qui est de l’ordre composite et même confus. […] Il ne l’est nulle part, ni dans aucun ordre d’idées, ni dans aucun ordre de faits.

828. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

La philosophie, à Rome, précéda la poésie ; c’est l’ordre habituel renversé, et c’est peut-être la principale cause de la perfection des poètes latins. […] Tite-Live, Salluste, des historiens d’un ordre inférieur, Florus, Cornelius Nepos, etc., nous charment par la grandeur et la simplicité des récits, par l’éloquence des harangues qu’ils prêtent à leurs grands hommes, par l’intérêt dramatique qu’ils savent donner à leurs tableaux.

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