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194. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

On lui a conté là toutes sortes d’histoires, aussi amusantes que les Mille et Une Nuits. […] On le rencontre souvent dans les chemins, surtout après l’angélus du soir, à la première « brume de nuit ». […] Sur mer, les nuits de tourmente, on entend les noyés qui s’appellent entre eux. […] La nuit de la Saint-Jean on allume des feux pour que les morts puissent se chauffer. […] Vers le milieu de la nuit, Nikol lui dit d’une voix oppressée : « Donne-moi ta main. » Aussitôt il trépassa.

195. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

Une remarque bien simple devient, entre les mains du spirituel auteur, la clef d’une multitude de phénomènes moraux : c’est qu’au nord il y a des nuits et des hivers, et peu ou point au midi. […] Dans le nord, en outre, les habitudes sont plus régulières, l’amour moins sensuel, l’éducation plus soignée ; et ces différences s’expliquent en partie par la prédominance des nuits et des hivers, et les rapports de société qui en résultent.

196. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Il n’y avait, grâce à ce regard en complète sécurité, ni matin, ni soir, ni nuit, sur cette physionomie ; tout y était plein soleil de l’âme. […] Et l’ange de la nuit dit tout bas : Sois à moi !  […] Vous croyez que cette vieille tour démolie n’est habitée que par les oiseaux hideux de la nuit ? […] Chatterton, pâli par les études d’une longue nuit d’insomnie, paraît. […] franc capitaine de haut bord, vous dormiez la nuit, vous, et le jour vous vous battiez !

197. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Les livres étaient jour et nuit en société avec nous. […] Chacun de nous se choisissait ensuite ses volumes de prédilection pour les savourer à loisir dans sa chambre pendant la nuit ou dans les bois pendant le jour. […] Sa verte nuit retentissait sous nos pas ; nous n’avions personne pour nous conduire ; nous marchions à la lueur de la gloire qui devait nous désigner d’elle-même la maison du poète. […] Elle se prolongea longtemps dans la nuit. « On a fait de moi un diseur de bons mots », me dit-il à la fin de la soirée ; « qu’en pensez-vous ? […] … Ne vous avons-nous pas obéi quand vous nous avez fait garder les portes des riches pendant les nuits de Février, et éteindre l’incendie des Tuileries et de Neuilly ?

198. (1902) La poésie nouvelle

Deux grands poèmes de forme dramatique encadrent l’œuvre, qui s’ouvre sur un ardent appel à l’amour et aux voluptés, clamé « vers qui pourrait entendre » par le Veilleur des tours, et se clôt sur un hymne extasié à la Nuit, vêtue de noire chevelure piquée d’astres de diamants : ‌ Et tu nous ris de toutes tes étoiles, ‌ Nuit abondante qui nous enveloppe de son voile ! […] Les cavales, qui traînaient à travers la nuit leurs chariots lourds et tumultueux, tout à coup disparaissent. […] Et, plus vastes, plus frémissantes, les usines et les fabriques, où la machine, jour et nuit ronfle.‌ […] Et c’est en vain que la nuit tombe sur la ville apparue, enveloppant toutes choses, au loin, du voile d’oubli. […] Ici, c’est une ombre ancienne qui interroge un vivant d’hier, et presque une ombre lui aussi, car, sur le bord du fleuve sombre, il attend le passage vers la Nuit.

199. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Dîner chez Daudet, en tout petit comité de famille, et le soir, avec Alphonse, une longue et captivante causerie sur la fin de terre touchant au pôle, où il n’y a plus d’humanité, d’animalité, de végétation, où plus rien n’est que glace et nuit, — et sur l’effroi du silence, qui règne dans ce monde glacé. […] Dans la nuit, une voix m’appelle par mon nom. […] La nuit, à son retour, avait eu lieu sa tentative de suicide. […] Sur la tête, un chiffon de dentelle noire, qui a l’air d’un papillon de nuit et sous lequel se dresse une chevelure semblable à un buisson ardent, et éclairent des yeux à la prunelle d’un bleu transparent, dans la pénombre de cils noirs. […] Il y avait aussi un corridor spécial, passant sous le Temple, pour se rendre à une certaine fontaine affectée aux prêtres, qui avaient eu des pollutions dans la nuit.

200. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

En général, toute perception indifférente, tout détail inutile nuit à l’émotion esthétique ; en supprimant ce qui est indifférent, le souvenir permet donc à l’émotion de grandir. […] Le soleil s’évanouit dans le ciel, et la nuit des enfers se lève. » Tout formidable que soit ce sublime d’Homère, il le cède encore à la vision du livre de Job. « Dans l’horreur d’une vision de nuit, lorsque le sommeil endort le plus profondément les hommes,  » Je fus saisi de crainte et de tremblement, et la frayeur pénétra jusqu’à mes os. […] Tous ces objets, tantôt distincts et vivement éclairés, tantôt confus et plongés dans une demi-ombre, selon la couleur et le mouvement des feux, offraient une scène des Mille et une nuits. […] Elle se leva au milieu de la nuit, comme une blanche vestale qui vient pleurer sur le cercueil d’une compagne.

201. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

La belle Noun a fait sensation dans le pays, dans les bals champêtres du village voisin ; un jeune monsieur des environs, M. de Ramière, l’a vue, s’est mis en avant, a fait arriver ses aveux brûlants à ce cœur inflammable et crédule ; depuis ce jour, Noun est sa conquête ; il lui a sacrifié un voyage à Paris qu’il devait faire ; il la vient visiter de nuit, par-dessus les murs du parc, au risque de se casser le cou : il va venir ce soir-là même ; mais le factotum, ancien sergent, a prévenu le colonel que des voleurs de charbon s’introduisent depuis plusieurs nuits, qu’on a saisi des traces, et qu’il est prudent de surveiller. […] Indiana ignore que l’homme qu’elle distingue, et qui semble lui devoir rendre l’espérance, le goût de la vie, s’est adressé à une autre qu’elle, et si près : le jour où Noun sait tout, ou plutôt la nuit orageuse et sinistre de cette découverte, la pauvre fille se noie.

202. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Je ne reprocherai pas l’invraisemblance au bal du prince de’Bambuccj et à tout ce qui s’y passe : là, nous sommes en pleine féerie, dans le songe d’une nuit d’été, d’une nuit orientale ; mais nous n’y sommes plus, ou du moins nous ne devrions plus y être, lors de la description du couvent des Camaldules, et pourtant la fantaisie continue. Ce mélange de réel et d’impossible, qui était presque inévitable dans un roman-poëme, déconcerte un peu et nuit à la suite de l’émotion.

203. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

. — Comédies et Proverbes (1840-1848-1851), contenant : André del Sarto ; Lorenzaccio ; Les Caprices de Marianne ; Fantasio ; On ne badine pas avec l’amour ; Une nuit vénitienne ou les Noces de Laurette ; La Quenouille de Barberine ; Le Chandelier ; Il ne faut jurer de rien ; Un caprice. — Dans une deuxième édition (1857) sont ajoutés : Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ; Louison ; On ne saurait penser à tout ; Carmosine ; Bettine. — Nouvelles (1841-1846) : Les Deux Maîtresses ; Emmeline ; Le Fils du Titien ; Frédéric et Bernerette ; Croisilles ; Margot. — Nouvelles, avec M.  […] Ces accents sont ceux de la passion pure, et c’est dans ses Nuits de mai et d’octobre qu’il les a surtout exhalés. […] Après les jeux de la passion que devenait cette enfance, elle-même pourtant, elle vint, la passion en personne : nous le savons ; elle éclaira un moment ce génie si bien fait pour elle, elle le ravagea… Il a dû à ces heures d’orage et de douloureuse agonie de laisser échapper en quelques nuits immortelles des accents qui ont fait vibrer les cœurs, et que rien n’abolira.

204. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

La nuit suivante, un torrent débordé de l’Olympe engloutit la ville de Libèthre, sans doute pour n’avoir pas mieux protégé 1 es cendres du poëte, qui furent emportées alors dans une autre ville de Macédoine. […] Un des moins courts fragments qui nous en soient parvenus met sous nos yeux, à cet égard, ce qu’ont décrit d’autres poëtes célèbres, le silence d’une nuit d’été dans les beaux climats de Grèce et d’Italie. […] C’est bien la nuit, sous le ciel brillant de la Grèce, mais dans l’austère canton de Lacédémone et en vue des pics blancs et glacés du Taygète :                                                       O ubi campi, Sperechiusque, et virginibus bacchata Lacænis Taygeta !

205. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

La description de la vallée d’Iéna et des hauteurs étagées où campe l’armée prussienne est un véritable modèle de topographie militaire ; la nuit qui précède la bataille n’est pas moins solennellement décrite. […] La nuit était froide, la campagne couverte au loin d’un brouillard épais, comme celui qui enveloppa pendant quelques heures le champ de bataille d’Austerlitz. […] Ses plus braves généraux restent sur le champ de carnage ; la nuit seule couvre le repliement des troupes aventurées et inégales vers le bord du fleuve ; les boulets des Autrichiens les écrasent au hasard dans l’obscurité. […] Il n’y a plus, en effet, que cette manœuvre à exécuter jusqu’à la nuit, car il est impossible, soit d’éloigner l’ennemi, soit de le fuir par le pont qui conduit à l’île de Lobau. […] À la fin de la nuit, trois ponts, situés à cent toises l’un de l’autre, se trouvèrent solidement établis, et la cavalerie légère put passer sur l’autre bord.

206. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

J’y restai jusqu’à la nuit. […] Je travaillerai toute la journée et toute la nuit, si tu veux. […] « La nuit vint tout à coup. […] lui dis-je ; la nuit viendra avant que nous soyons à Béthune. […] « La nuit vint, nous n’allions pas vite.

207. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Il surgit en agitant sa tige enflammée, au milieu de cette race obscure, et la lumière se lève sur elle comme l’aurore sur la nuit. […] Le passage du jour à la nuit, de la nuit au jour. […] C’est en l’agitant qu’il commande les changements à vue de la nuit effarant le jour, de la clarté succédant à l’obscurité. […] Du fait que la nuit dérobe la lumière, Hermès, qui versait ses premières ombres, acquit bientôt une renommée de voleur. […] Le dieu de nuit, dans la demi-teinte, se transforma en dieu de proie.

208. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

C’est la malédiction première, mais désormais adoucie en miséricorde, et devenue le gage clément de jours meilleurs et de nuits sans gémissements. […] Il me semble que je te vois vers l’Occident rayé, avec ton pas lent et grave comme celui de la mère de famille, tandis que la Nuit te suit de près et marche déjà sur ta robe traînante : d’une main, tu laisses tomber le rideau du sommeil sur les oiseaux et les animaux divers, et ton autre main est remplie pour l’homme du doux oubli des soins de la journée. Tu n’as point de somptueux atours ; tu n’as pas besoin, comme la Nuit, de relever des traits ordinaires par des grappes de diamants : une étoile ou deux luisant sur ton front te suffisent, sans compter que la lune t’appartient non moins qu’à elle, une lune modeste, non étalée d’en haut avec faste, mais attachée pourtant dans sa pleine rondeur à un pli de sa ceinture de pourpre. […] Les Flamands ont trouvé leur égal en poésie : La nuit, l’hiver s’était montré dans son humeur la plus rude ; le matin avait été piquant et clair : mais maintenant à midi, au sud des collines en pente, et où les bois font un abri contre le vent du nord, la saison sourit, oubliant toutes ses colères, et elle a la tiédeur de mai. […] Ces sonnets, qui sont trop flatteurs pour que je les cite, m’en ont rappelé un du poète Keats qui exprime bien le même sentiment d’idéal, de vie intérieure et d’amitié, charme et honneur de la muse anglaise :   Sonnet imité de Keats, en s’en revenant un soir de novembre Piquante est la bouffée à travers la nuit claire, Dans les buissons séchés la bise va sifflant ; Les étoiles au ciel font froid en scintillant, Et j’ai, pour arriver, bien du chemin à faire.

209. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

La nuit est descendue : don Diègue, en peine de Rodrigue, erre par les rues dans l’ombre ; un hasard heureux fait qu’à la fin il le rencontre. […] Les Maures vont descendre, et le flux et la nuit Dans une heure, à nos murs les amènent sans bruit. […] Ne demandons pas de ces scènes naïves et variées à Corneille ; l’héroïque le presse ; il faut que tout se passe la nuit même, à cause de cette impérieuse unité de temps. […] Il s’ouvre avec la matinée ; l’on est dans la maison de Chimène ; elle apprend la victoire que Rodrigue vient de remporter durant la nuit sur les Maures, débarqués et rembarqués presque aussitôt : « Leur abord fut bien prompt, leur fuite encor plus prompte, Trois heures de combat laissent à nos guerriers Une victoire entière et deux rois prisonniers. » Trois heures de combat… Toujours la montre en main ! […] Le roi fait l’objection que tout le monde fera également : c’est que Rodrigue est fatigué ; il vient de passer la nuit à guerroyer contre les Maures : « Sortir d’une bataille et combattre à l’instant !

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