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631. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

C’est entre deux de ces courses, probablement, qu’il aura écrit ce premier roman de Guy Livingstone, publié d’abord à la mode anglaise, sans nom d’auteur, et dans lequel il a montré une vaillance de talent qui ressemble fort à la vocation la plus déterminée. […] II Et j’écris, non sans dessein, ce nom de Byron, que j’aime d’ailleurs tant à écrire, car je ne crois pas qu’aucun nom puisse jamais exercer plus d’empire que celui-là sur l’esprit de l’auteur de Guy Livingstone. […] Il y a deux femmes, en effet, dans Guy Livingstone, les deux femmes éternelles qui sont partout, dans toutes les œuvres humaines, quelque nom qu’elles portent ; les deux types primitifs, dont les autres femmes ne sont jamais, plus ou moins, que les divers mélanges ou les dégradations… Il y a la Provocante terrible, le démon charmant, l’Astarté, et en vis-à-vis, pour le combat qui doit la tuer, la Pudeur fière, l’Amour profond, celle qui presque toujours, dans sa lutte contre l’autre, doit mourir… L’auteur de Guy Livingstone n’a pas inventé, en fait de femmes, quelque combinaison nouvelle de caractère ; mais son invention, c’est son intensité.

632. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Il est perpétuel de talent, en son propre nom, ce qui vaut bien mieux ! […] Flourens est le fils de Buffon et s’il mérite de porter le nom de Buffonet que Buffon donnait à son fils ! […] Nous croyons à la providence des noms comme y croyait Sterne, et M. Flourens est l’homme de son nom.

633. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

Shakespeare lui-même, devant lequel tout nom et tout génie s’abaissent, n’y a rien compris, et quand j’ai nommé celui-là, je n’ai pas besoin de nommer les autres. […] Cela s’appelle Bungener, Stahalin, Gaberel, Drelincourt, Coulin, quels noms étoilés ! […] Puisqu’on nous a fait l’insolence des deux Églises parallèles, il faut qu’on puisse voir dans la vie des fondateurs de l’une comme de l’autre de ces Églises, et (que Dieu me pardonne d’unir forcément ces deux noms !) […] J’ai été dupe une fois de plus de ce nom de Guizot, qui papillote encore à l’œil dans la lumière de ce temps, et qui en est, je crois bien, à son dernier papillotage.

634. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Le pauvre Baudelaire, qu’on faisait souffrir alors jusque dans sa propre originalité, mais qui n’en restait pas moins imperturbablement sûr de la gloire future de son auteur, souscrivit à tout, en frémissant, pour faire passer en France son ballot de génie, n’importe sous quel nom, et il passa sous le nom d’Histoires extraordinaires. […] L’homme est confisqué au profit de Dieu, qui devient en revanche le profit de l’homme… Le livre de Hello, dit-il encore dans sa préface, commence et finit par le nom de Dieu. […] Le dénouement de cette sacrilège passion de l’idolâtre, qui meurt étranglé par un chien (le chien qu’il veut vendre pour quelques sous de plus), en criant, sous les morsures de la gueule implacable, ce nom de Dieu qu’il avait oublié, dont les quatre lettres servaient à ouvrir le mécanisme de son coffre-fort, et qu’il se rappelle tout à coup, en mourant au pied de ce coffre-fort, qui ne s’ouvrira plus, est une invention digne de la tête à combinaison d’Edgar Poe.

635. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

Tout le monde sait les noms vrais de monsieur Lui et de madame Elle, et tout le monde les a dits, jusque sur les toits ! La Critique même, qui a le triste devoir de juger les autres, et qui, pour cette raison, est tenue à plus de décence que ceux-là qui n’ont qu’à parler, voudrait taire ce que personne ne tait qu’elle n’en serait pas moins, sans risquer de noms, très bien comprise… Sa réserve, si elle en avait, serait donc inutile ; mais elle n’est pas assez Jocrisse pour garder le secret d’une comédie dont tout le monde se passe le mot. […] Cette Thérèse d’Elle et Lui, qui, par le nom, nous rappelle la femme de Rousseau, et, par la vertu, madame de Warens, que Rousseau a si abjectement déshonorée, fait de sang-froid les plus grandes folies de cœur, et, par pitié, devient la maîtresse de Laurent : « J’ai été coupable envers toi, — lui dit-elle, — et n’ayant pas eu la prudence égoïste de te fuir, il vaut mieux que je sois coupable envers moi-même. » Et en voilà du raisonnement ! […] Et, dans cette hypothèse, le nom de madame Sand et l’examen de son œuvre ne seraient pas ici.

636. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

Tout le monde sait les noms vrais de monsieur Lui et de madame Elle, et tout le monde les a dits, jusque sur les toits ! La Critique même, qui a le triste devoir de juger les autres, et qui, pour cette raison, est tenue à plus de décence que ceux-là qui n’ont qu’à parler, voudrait taire ce que personne ne lait, qu’elle n’en serait pas moins, sans risquer de noms, très-bien comprise… Sa réserve, si elle en avait, serait donc inutile, mais elle n’est pas assez Jocrisse pour garder le secret d’une comédie dont tout le monde se passe le mot. […] Cette Thérèse d’Elle et Lui qui, par le nom, nous rappelle la femme de Rousseau, et, par la vertu, Mme de Warens, que Rousseau a si abjectement déshonorée, fait de sang-froid les plus grandes folies de cœur et par pitié devient la maîtresse de Laurent. […] Et, dans cette hypothèse, le nom de Mme Sand et l’examen de son œuvre ne seraient pas ici.

637. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Georges-Alfred Lawrence serait un brillant officier, très-aristocratique d’origine et de fortune, aimant la chasse, les armes, les chevaux, qu’il monte lui-même sur le turf, et « ayant gagné un grand nombre de steeple-chases. » C’est entre deux de ces courses, probablement, qu’il aura écrit ce premier roman de Guy Livingstone, publié d’abord à la mode anglaise, sans nom d’auteur, et dans lequel il a montré une vaillance de talent qui ressemble fort à la vocation la plus déterminée. […] II Et j’écris, non sans dessein, ce nom de Byron, que j’aime d’ailleurs tant à écrire, car je ne crois pas qu’aucun nom puisse jamais exercer plus d’empire que celui-là sur l’esprit de l’auteur de Guy Livingstone. […] Il y a deux femmes, en effet, dans Guy Livingstone, les deux femmes éternelles qui sont partout, dans toutes les œuvres humaines, quelque nom qu’elles portent ; les deux types primitifs, dont les autres femmes ne sont jamais, plus ou moins, que les divers mélanges ou les dégradations… Il y a la Provocante terrible, le démon charmant, l’Astarté, et en vis-à-vis, pour le combat qui doit la tuer, la Pudeur fière, l’Amour profond, celle qui presque toujours, dans sa lutte contre l’autre, doit mourir… L’auteur de Guy Livingstone n’a pas inventé, en fait de femmes, quelque combinaison nouvelle de caractère ; mais son invention, c’est son intensité.

638. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Ils croiront que ce Nicolas Gogol, au nom si harmonieusement sauvage, est quelque Edgar Poë… ukrainien ou zaporogue, et ce sera une erreur dont ils s’apercevront bien vite, pour peu qu’ils ouvrent ces deux volumes, dont la prétention, au contraire est d’être cruellement réels. […] Ernest Charrière, qui nous avait déjà traduit, et très-souplement, les Mémoires d’un seigneur russe, par Tourgueniev, nous assure que cet impitoyable réaliste de Gogol, qui n’a que le nom de barbare, a débuté par le plus pur idéal dans sa vie littéraire. […] III Mais laissons les grands noms et les grands modèles. […] En supposant que la Gloire, qui est une capricieuse, veuille se gargariser jamais avec les deux syllabes du nom de Gogol, les Ames mortes, ce long poëme en prose, feront moins d’honneur à leur auteur que tel petit poëme ou telle petite nouvelle, son Tarass-Boulba, par exemple, dont relativement on ne parle pas !

639. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Après tant de noms obscurs d’écrivains faibles et presque inconnus à la postérité, on trouve enfin un nom célèbre, c’est celui de Julien. […] L’empereur Tacite, maître du monde, se glorifiait de descendre de l’historien de ce nom, et ne passait pas une nuit sans lire ou composer. […] On voit que l’opinion qui a fait de l’ignorance, en Europe, un titre de noblesse, et a défendu aux hommes qui ont ou croient avoir un nom, de l’avilir par l’art de penser et d’écrire ; opinion introduite par les sauvages du nord qui ne savaient que détruire, consacrée par des seigneurs de châtellenies barbares, qui ne savaient qu’opprimer, combattre et chasser ; opinion bien digne en effet de ces deux époques, et qui, au bout de quatorze siècles, n’est pas encore éteinte, et subsiste même aujourd’hui beaucoup plus qu’on ne croit, n’était pas encore née sur la terre.

640. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

L’éternel est son nom, le monde est son ouvrage. […] Mais lorsqu’en 843, au congrès de Verdun, sous Charles le Chauve, la Germanie & la Gaule furent séparées ; le nom de Francs resta aux peuples de la France occidentale, qui retint seule le nom de France. […] On ne donne point ce nom à un homme qui avec peu de connoissances ne cultive qu’un seul genre. […] Un homme de quelque naissance ou un peu illustré, ne donne ce nom à personne. […] Il paroît que jamais il n’y a eu aucun peuple sur la terre qui ait pris le nom d’idolâtre.

641. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Elle leur ordonnera, en mon nom, de réformer sur cela la nouvelle édition. […] y a-t-il quelqu’un de ces noms là qui donne l’exclusion à la vertu ? […] Ils en firent un collège, sous le nom de collège de Clermont de la société de Jésus. […] Valentia n’avoit pour lui qu’un grand nom. […] Leur nom seul paroissoit aux Port-royalistes devoir être l’objet de l’exécration du genre humain.

642. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Sa vie est le commentaire de ces paroles découragées de Brutus mourant : Vertu, tu n’es qu’un nom ! […] Bien que tu sois construit d’un pin de Bithynie, et que, noble fils de la forêt, tu te glorifies d’une origine et d’un nom illustre, les décorations peintes sur ta proue ne rassurent pas le pilote ! […] Quand on ne peut plus mettre le nom du vicieux sur le vice, la malignité publique éteinte enlève les trois quarts de l’intérêt à la satire ; il n’en reste que quelques traits généraux, quelques imprécations éloquentes comme dans Juvénal à Rome et dans Gilbert à Paris. […] La source qui l’arrose a la gloire de donner son nom à un ruisseau dont l’Hèbre aux champs de la Thrace envierait la fraîcheur et la pureté ! […] Le bon sens exquis jouant avec la sagesse est le caractère de cette épître, la plus belle de toutes les poésies qui portent ce nom.

643. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

De Venise, il se rendit à Rome, où il contracta des liaisons d’amitié avec le cardinal Corsini, depuis pape sous le nom de Clément XII, et avec le cardinal de Polignac, l’auteur de l’Anti-Lucrèce. […] « Montesquieu, touché du récit de ce jeune homme et de l’état de cette famille intéressante, s’informe du nom du père, du nom du maître auquel il appartient ; il se fait conduire à terre, donne au batelier sa bourse qui contenait seize louis d’or et quelques écus, et s’échappe… Six semaines après, le père revient dans sa maison. […] Quelques juristes érudits l’avaient dans leur bibliothèque ; les ignorants avaient entendu parler de son nom ; mais il n’était dans l’idéal ou dans le cœur de personne. […] tout est faux dans ce début du livre, nom, principe et base. […] Aujourd’hui, ce n’est qu’un nom illustre dans notre littérature ; il ne faut pas le délustrer ; mais il ne peut nous être utile que par la considération qu’il donne à la France.

644. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Là, les compagnies littéraires tiraient leur nom, soit d’une localité, soit d’un genre d’études particulières, soit du caprice des fondateurs. […] On avait poussé le devoir de l’abnégation jusqu’à effacer des ouvrages le nom de l’auteur, et l’œuvre n’y portait pas la marque de l’ouvrier. […] Le sacrifice que les amis de Pascal firent en son nom, il l’eût fait lui-même, plus discrètement peut-être, ou au prix de moindres pertes ; et encore qui l’oserait dire ? […] Peu de noms ont été plus grands dans le siècle qui compte le plus de grands noms, et où la gloire a été le plus exactement mesurée au mérite ; mais ce nom n’est attaché à aucun ouvrage durable, et, chose plus étonnante, aucun des écrits d’Arnauld ne porte son empreinte personnelle. […] Les auteurs n’ont pas signé leurs ouvrages ; pourquoi vouloir y mettre des noms, au risque de diminuer la vertu de tous pour ajouter à la gloire de quelques-uns ?

645. (1886) Le roman russe pp. -351

Rien qu’un nom justement vénéré. […] Le nom de Napoléon reviendra souvent dans les vers irrités de Pouchkine. […] Biélinsky est peut-être le seul critique digne de ce nom dans son pays. […] Tel nom est suivi de la mention : “Bon menuisier.” […] Quel était le nom de cette peste ?

646. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Mais quand tout s’écroule et se renouvelle, quand les institutions antiques tombent en ruines et que l’état futur n’est pas né, que toutes les règles de conduite et d’obéissance sont confondues, que la justice et le droit hésitent entre les cupidités, les intérêts révoltés qui courent aux armes, c’est alors que le don de sagesse est bien précieux en quelques-uns, et que les hommes qui le possèdent sont bientôt appréciés des chefs dignes de ce nom, qu’ils sont appelés, écoutés longtemps en vain et en secret, qu’ils ne se lassent jamais (ce trait est constant dans leur caractère), qu’ils attendent que l’heure du torrent et de la colère soit passée pour les événements et pour les hommes, et qu’habiles à saisir les instants, à profiter du moindre retour, ils tendent sans cesse à réparer le vaisseau de l’État, à le remettre à flot avec honneur, à le ramener au port, non sans en faire eux-mêmes une notable partie et sans y tenir une place méritée. […] C’est toujours la légende locale qui se forme à plaisir et s’arrange autour d’un nom. […] Sur ce refus, j’alléguai la loi de l’empereur Théodose, qui, après avoir commandé par colère et trop précipitamment la mort d’un grand nombre de chrétiens, fut rejeté de la communion par saint Ambroise, qui le contraignit de venir à pénitence, et, pour une entière satisfaction, faire une loi par laquelle défense était faite aux gouverneurs en l’administration de la justice qui présidaient dans les provinces, de ne faire à l’avenir exécuter tels mandements extraordinaires qui étaient contre l’ordre et la forme de la justice, sans attendre trente jours, pendant lesquels ils enverraient à l’empereur pour avoir nouveau commandement en bonne et due forme ; ainsi qu’il fallait envoyer promptement au roi… Grâce à cet avis d’une ferme et respectueuse résistance qui prévalut et fut adopté, avant même qu’on eût envoyé vers le roi, le contrordre eut le temps d’arriver de Paris : la Bourgogne fut garantie du crime et du malheur commun, et le nom du comte de Charny est inscrit dans l’histoire à côté de ceux du comte de Tendes, de MM. de Saint-Hérem, d’Orthez et d’un petit nombre d’autres, comme étant resté pur de sang dans l’immense massacre. […] Il fut pourvu le 19 juillet 1575 de la charge de gouverneur de la chancellerie de Bourgogne, nom plus pompeux et plus grand que n’était la chose. […] Philippe II, en envoyant des secours et en intervenant dans la Ligue par son or et par ses capitaines, le faisait-il pour la cause commune ou pour son profit direct, et pour prendre le trône de France soit en son propre nom, soit en celui de l’infante ?

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