Ce passage de l’abstrait au tangible, et de l’obscur au saisissant est marqué avec la plus noble énergie, dans la pièce En plantant le Chêne des États-Unis d’Europe, où le poète, dans un des plus larges déploiements lyriques qui soient, adjure les éléments, les cieux et la mer, de corroborer le jeune plant mis en terre : Vents, vous travaillerez à ce travail sublime, Ô vents sourds qui jamais ne dites : c’est assez. […] Marie Tudor est reine et amante ; en Gwynplaine la laideur physique offusque la beauté morale ; le forçat 24601 devient en quelques heures le plus noble des hommes, et le sultan Mourad, toujours inexorable à tous, eut un instant pitié d’un porc. […] Hugo, aura senti à certaines parties, que le nombre, l’importance et l’intensité des idées ne correspond pas à la noble opulence de l’expression. […] Ce sont dans ces romans la Dea, de l’Homme qui rit, toute pureté, la duchesse Josiane, toute frivolité charnelle, Birkilphedro le perfide ; dans les Travailleurs, l’hypocrite Clubin, le noble Gilliatt ; dans les Misérables, Cosette, pure amante, Marius, le jeune premier type ; dans Quatre-vingt-treize, le marquis de Lantenac, Cimourdain, « l’effrayant homme juste » ; dans les drames, tous les amoureux d’Hernani à Sanche, et de Dona Sol à Rosa, tous les vieillards de Don Ruy à Frédéric de Hohenstaufen, plus quelques fourbes sans alliage.
L’exposition d’Othon est citée comme modèle : elle est naturelle, noble, bien amenée, marquée par une époque intéressante. […] Un grand roi, réveillé par ses inquiétudes paternelles, voyant ses soldats endormis autour de lui, présente un tableau bien noble ; et les combats de son cœur forment une exposition bien touchante. […] Il les admira ; et, selon toute apparence, les fautes qu’on lui reproche ne viennent que de la noble ambition qu’il a eue de vouloir surpasser tous ces modèles. […] Jamais un monologue ne fait un bel effet que quand on s’intéresse à celui qui parle, que quand ses passions, ses vertus, ses malheurs, ses faiblesses font dans son âme un combat si noble, si attachant, si animé, que vous lui pardonnez de se parler à soi-même.
Toujours sublime et magnifique, Soit que, plein de nobles douleurs, Il nous montre un abîme où fut un trône antique, Et d’une grande reine étale les malheurs ; Soit lorsque, entr’ouvrant le ciel même, Il peint le monarque suprême Courbant tous les états sous d’immuables lois ; Et de sa main terrible ébranlant les couronnes, Secouant et brisant les trônes, Et donnant des leçons aux rois ! […] Corneille avoit fini sa brillante carrière, Melpomène aux douleurs se livroit tout entière ; Mais Rousseau, n’écoutant que ses nobles transports, Enfantoit chaque jour de plus brillants accords, Et savoit allier, dans son heureuse audace, La harpe de David à la lyre d’Horace. […] À l’effronterie des cyniques, ils joignent la noble impudence de débiter tous les paradoxes qui leur tombent dans l’esprit ; ils se targuent de géométrie, et soutiennent que ceux qui n’ont pas étudié cette science ont l’esprit faux ; que par conséquent ils ont seuls le don de bien raisonner : leurs discours les plus communs sont farcis de termes scientifiques. […] Mais pourquoi cet acharnement contre la plus noble des professions, contre celle, sous l’abri de laquelle les autres peuvent s’exercer en paix ?
Enfin j’ai prévu que ce Théâtre-Français jadis si noble, si élégant, si épuré, deviendrait plus tard un mauvais lieu où tout honnête homme craindrait de conduire, certains jours, ou sa femme ou sa fille. […] Il faut qu’elle soit bien fanatisée, bien imbue des principes nouveaux, puisque, si supérieure dans les rôles qui exigent la finesse, la grâce et la décence, elle brigue, en grimaçant des parodies tragiques, les honneurs d’un martyre qui finira par avilir tout à fait son noble talent6. […] Vos événements, pressés les uns sur les autres selon votre bon plaisir, sont plus romanesques qu’intéressants : ils se composent de la proscription d’un noble devenu chef de brigands, ce qui n’est pas nouveau ; d’un acte de générosité fait par un vieillard rodomont, jaloux et bavard, faible et fausse imitation du beau don Diègue de Corneille ; d’un galantin devenu empereur et philosophe profond au moment de son couronnement ; enfin, de la noce d’une demoiselle tant soit peu dévergondée ; et tout cela finit au bruit d’un cor merveilleux, qui force deux tendres amants, près de s’enivrer de la coupe du plaisir, à s’empoisonner de compagnie, le tout pour satisfaire la vengeance d’un vieillard stupide ; car c’est ainsi que vous l’appelez vous-même. […] Si les jeunes pages et les officiers de la maison du roi avaient pris, dans l’habitude de fréquenter le théâtre, des formes aimables et un genre d’esprit qui avait la couleur de la littérature de ce temps, nos jeunes gens, déjà éclairés sur leurs droits par une première éducation, achèveraient, par des représentations de pièces fortes, morales et constitutionnelles, d’acquérir les nobles qualités qui font l’honnête homme, et le grand citoyen.
Il contient trois Discours remplis d’une métaphysique profonde, de raisonnemens solides, & écrits d’un style noble, facile, & nombreux.
Quand bien même on conviendroit avec eux que cette versification n'est pas tout-à-fait aussi gracieuse, aussi exacte, aussi noble qu'elle pourroit être, il faudroit toujours rendre justice à l'enchaînement ingénieux qui lie toutes les parties du Poëme.
« Ce sera un des plus douloureux étonnements de l’avenir que, dans de nobles pays qui, au milieu de la prostration de l’Europe, avaient maintenu leur Constitution et semblaient être les derniers et sacrés asiles de la probité et de la liberté, ce sera, disons-nous, l’étonnement de l’avenir que, dans ces pays-là, il ait été fait des lois pour protéger ce que toutes les lois humaines, d’accord avec toutes les lois et divines, ont dans tous les temps appelé crime.
. — Noble ambition ; sa vocation financière. — Conseiller au parlement de Metz. — Député aux États généraux. — Ses travaux à la Constituante. — Explication avec Mirabeau. — Il est nommé procureur général syndic. — Moment de l’expérience ; épreuve de la démocratie […] La ville de Metz, en se réunissant à la France sous Henri II, avait réservé ses privilèges ; le droit, en ce pays des Trois-Évêchés, se compliquait de mille questions particulières ; il y avait des exceptions à l’infini, dont la connaissance faisait le principal mérite d’un avocat : Voyez, s’écriait le jeune homme ambitieux d’une plus noble gloire, voyez ce qui reste de ces fameux MM. […] Ses études approfondies en économie politique et en finances lui montraient de ce côté un noble but qu’il se sentait capable d’atteindre.
« Saint Louis, dit Tillemont, était blond et avait le visage beau comme ceux de la maison de Hainaut, dont il était sorti par sa grand-mère Isabelle, mère de Louis VIII. » Pour achever de comprendre ce genre de beauté noble et attrayante, d’une douce fierté, cette trempe royale et chrétienne tout ensemble, je crois qu’on y peut introduire quelque chose de l’idée d’un saint François de Sales avec moins de riant, avec plus de gravité de ton et de relief chevaleresque, avec le casque d’or et le glaive nu aux jours de bataille : mais c’était également une de ces natures en qui le feu intérieur reluit et qui se consument d’elles-mêmes de bonne heure par trop de zèle et de charité. […] On peut dire de cette bataille de saint Louis à la Massoure, et des prodiges de valeur qu’y fit le noble croisé, que ce fut le suprême épanouissement en sa personne et comme le bouquet de la chevalerie sainte, de la chevalerie tout en vue de la croix. […] Car, tandis qu’il est là, tout blessé, à défendre vaillamment le petit pont qu’on reconnaît encore aujourd’hui sur les lieux et qu’il a rendu célèbre, tandis qu’entre son cousin le comte de Soissons à main droite et monseigneur Pierre de Neuville à gauche, il couvre de son mieux la position menacée du roi, Joinville nous raconte comment ils ont fort à faire pour résister à ces vilains Turcs et à d’autres gens du pays (de vrais vilains et paysansw) qui les viennent assaillir de feu grégeois et de coups de pierres : et quand il y avait une trop grande presse de ces vilains Sarrasins à pied, le comte de Soissons et lui (qui n’était blessé, dit-il, qu’en cinq endroits et son cheval en quinze) piquaient des deux et les chargeaient d’importance : « Le bon comte de Soissons, en ce point-là où nous étions, se moquait à moi et me disait : “Sénéchal, laissons huer cette canaille ; car, par la coiffe-Dieu (c’était ainsi qu’il jurait), encore en parlerons-nous de cette journée dans les chambres des damesx.” » Voilà bien un propos noble et militaire.
L’impression qu’on reçoit de ces détails à la longue est affligeante, et il en rejaillit quelque chose, quoi qu’on fasse, sur la noble et belle figure ainsi encadrée et présentée. […] Pline et Cicéron avaient pour secrétaires des affranchis qui les servaient mieux et avaient de plus nobles sentiments. […] Le Dieu, au contraire, en s’attachant aux actions de Bossuet (et à part les mémoires écrits pour la montre), n’a fait que compromettre, sans le vouloir, cette haute figure ; il lui eût fallu pour pâture d’observation un moins noble maître.
C’est le plus noble des bulletins, le plus chevaleresque des récits de guerre. […] Certes, et quelque objection d’ailleurs qu’on y puisse faire, la forme de tragédie qui a amené Corneille à trouver une telle scène, de tels jets héroïques, est une bien belle et bien noble forme de l’esprit. […] Dans le temps de la seconde démarche de Chimène auprès du roi, quand le monarque se décide à publier le cartel proposé par elle et annonçant qu’à celui qui lui apportera la tête de Rodrigue elle donnera, s’il est noble et son égal, tous ses biens avec sa main, sur ces entrefaites Rodrigue est allé en pèlerinage pour l’expiation de ses péchés à Saint-Jacques de Galice, accompagné de deux écuyers ; et c’est en route que lui arrive une aventure des plus touchantes, léguée de longue main par la tradition, et en apparence des plus étrangères à l’action principale.
Toute âme, en avançant, subit toutes les atteintes, tout le déchet dont elle est capable. « Tous les hommes, a dit le noble et bienveillant Vauvenargues, naissent sincères et meurent trompeurs ; » il lui eût suffi de dire, pour exprimer sa pensée amère, qu’ils meurent détrompés. […] Quel fut, entre tous, le préféré, le premier mortel qui rencontra, qui traversa, ne fût-ce qu’un instant, l’idéal encore intact d’un si noble cœur ? […] Henriette accourut pour la sauver ; elle voulait changer d’habits avec elle et rester prisonnière en sa place : « Mais on te tuerait, ma bonne Henriette, » lui répétait sans cesse la noble victime, et elle ne consentit jamais.
(Ainsi l’ouïe et la vue, sens intellectuels par excellence, prêtent à des sensations plus relevées, plus nobles que le goût et l’odorat.) […] Telle œuvre est supérieure, parce qu’elle exprime et éveille beaucoup de sentiments tempérés (Gil Blas) ; telle autre, parce qu’elle peint une passion déchaînée dans toute sa violence (Manon Lescaut, le Père Goriot) ; celle-ci, parce qu’elle suscite des émotions nobles, comme la pitié pour les faibles, l’amour de la justice, la sympathie pour la vie universelle (les Misérables) ; celle-là, parce qu’elle va toucher au fond du cœur des fibres secrètes, rarement ou jamais atteintes jusque-là, parce qu’elle donne, comme on l’a dit, un nouveau frisson (les Fleurs du mal). […] De même qu’il y a des sentiments plus ou moins nobles, des pensées plus ou moins hautes, etc., de même aussi les cinq ordres de beauté, si on les range comme je l’ai fait, me paraissent figurer une échelle ascendante.
« On lui donne la gloire, dit le Mercure (mars 1730), d’avoir introduit la déclamation simple, noble et naturelle, et d’en avoir banni le chant. » Elle rechercha plus d’exactitude et de vérité dans les costumes ; elle fut la première, par exemple, à mettre en usage les robes de cour dans les rôles de reine et de princesse. […] Le Mercure nous la montre plus au naturel, « parfaitement bien faite dans sa taille médiocre, avec un maintien noble et assuré, la tête et les épaules bien placées, les yeux pleins de feu, la bouche belle, le nez un peu aquilin, et beaucoup d’agrément dans l’air et les manières ; sans embonpoint, mais les joues assez pleines, avec des traits bien marqués pour exprimer la tristesse, la joie, la tendresse, la terreur et la pitié ». […] Ayant appris que la mère d’Argental, Mme de Ferriol, pensait à éloigner son fils, et même à l’envoyer à Saint-Domingue, de peur qu’il ne se portât à quelque proposition de mariage, Mlle Le Couvreur n’hésita point à la rassurer ; elle alla trouver Mme de Ferriol, et, l’accueil de celle-ci l’ayant peu encouragée à parler, elle lui écrivit une lettre noble de ton, admirable de sentiments, et comme une femme qui veut concilier tous les devoirs naturels avec les convenances de la société.
La géométrie l’avait fort occupé dès le collège, et, au zèle dont il s’y appliquait, elle semblait presque sa vocation ; ou plutôt, dans sa curiosité élevée et étendue, il menait, dès sa jeunesse, toutes les connaissances de front : « Il ne voulait pas qu’un autre pût entendre ce qu’il n’aurait pas entendu lui-même » ; il s’en serait senti humilié comme homme, et ce noble sentiment d’orgueil, soutenu d’une opiniâtre volonté et servi d’une admirable intelligence, le porta au sommet des sciences sublimes. […] Donnez un motif, un ressort de plus à ce sage, donnez-lui « la gloire, ce puissant mobile de toutes les grandes âmes », faites qu’il se la propose comme un but éclatant qui l’attire sans le troubler, et vous aurez Buffon lui-même, Buffon qui, pour peindre le plus noble idéal de l’homme, n’a eu qu’à en saisir les traits en lui. […] Comme peintre d’animaux, il n’a rien fait de plus noble, de plus majestueux et de plus accompli que ses portraits du Cheval, du Cerf, du Cygne : ce sont des tableaux de nature vivante, de la plus grande manière et de la plus royale.
Quand il se sent une passion principale et dominante, si noble qu’elle soit, Louis XIV cherche à ne pas écouter qu’elle seule, mais à la contrebalancer par d’autres qui soient également en vue de l’État : « Il faut de la variété dans la gloire comme partout ailleurs, et en celle des princes plus qu’en celle des particuliers ; car qui dit un grand roi, dit presque tous les talents ensemble de ses plus excellents sujets. » Il est des talents où il ne pense point qu’un roi doive trop exceller ; il lui est bon et honorable d’y être surpassé par les autres ; mais il doit les apprécier dans tous. […] Une certaine justesse et une certaine hardiesse d’esprit : n’admirez-vous pas le choix excellent et la rencontre heureuse de ces paroles, et quelle grande et noble manière il porte naturellement dans ces choses simples ? […] Il y portait « des grâces infinies, un tour noble et fin qu’on n’a vu qu’à lui ».