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35. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

La plus élémentaire des sensations suppose une action exercée sur un organisme qui réagit et dont les mouvements propres se combinent avec les mouvements venus des objets extérieurs. […] Ces difficultés rappellent les objections de Zénon contre le mouvement. […] A l’origine, il n’y eut pas même besoin que le sentiment de la ressemblance ou celui de la différence se dégageât des émotions et mouvements semblables en fait ou différents en fait : le mécanisme de la vie suffisait pour produire des mouvements semblables dans des circonstances semblables, des mouvements divers dans des circonstances diverses. […] Il n’importe pas moins à l’animal d’exécuter les mêmes mouvements pour saisir la même proie ou une proie semblable. […] Cette conscience est manifeste dans les mouvements des membres et du tronc ; elle l’est moins déjà dans les mouvements imperceptibles de l’œil ou de l’oreille ; elle l’est moins encore dans les mouvements subtils qui accompagnent l’aperception ; il n’en est pas moins vrai qu’il y a innervation motrice sous tout acte de l’esprit.

36. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Dès que nous le supposons en mouvement, les deux figures se dissocient. […] Le système n’est en mouvement que si le physicien en sort par la pensée. […] Or, que l’observateur intérieur au système S suppose son système en repos ou en mouvement, sa supposition, simple acte de sa pensée, n’influe en rien sur les horloges du système. […] Se figure-t-il en mouvement ? […] L’identification du temps avec la ligne de lumière fait que le mouvement du système produit un double effet dans le temps : dilatation de la seconde, dislocation de la simultanéité.

37. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 2, de la musique rithmique » pp. 20-41

Cet art enseignoit donc le grand usage qu’on peut faire de la mesure et du mouvement. […] Platon pour dire que le mouvement est l’ame d’un chant mesuré, dit que le rithme est l’ame du metre. […] Ainsi modi, terme que les latins emploïent souvent en parlant de leur musique, ne signifioit proprement que le mouvement. […] Comment s’y prenoient-ils pour marquer chaque mouvement des pieds et des mains, chaque attitude et chaque démarche par une figure particuliere qui désignât distinctement chacun de ces mouvemens ? […] Le rithme laisse cette liberté au gesticulateur, qui se contente lorsqu’il s’en sert, de compter les temps qu’il laisse vuides, pour ainsi dire, et qu’il marque même quelquefois pour les compter plus sûrement, tantôt par un mouvement de doigt, tantôt par un mouvement de pied, laissant passer ainsi quatre ou cinq tems sans faire aucun mouvement.

38. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

. — Toute sensation est une sensation de mouvement, et tout sensation de mouvement provoque un mouvement sympathique—. […] Au fond, il n’y a que des sensations de mouvement, et, dans toute sensation de mouvement, on peut voir une imitation plus ou moins élémentaire du mouvement perçu. […] Les mêmes lois qui font que la représentation subjective d’un mouvement ou d’un sentiment est ce mouvement ou ce sentiment commencé en nous, font que la perception chez autrui d’un mouvement ou d’un sentiment en sont le retentissement en nous-mêmes. […] Le mouvement est le signe extérieur de la vie, comme l’action, c’est-à-dire le mouvement voulu, en est le signe intérieur ; il est de plus le grand moyen de communication entre les êtres. Aussi tous les arts se résument-ils dans l’art de produire ou de simuler le mouvement et l’action, et par là de provoquer en nous-mêmes des mouvements sympathiques, des germes d’actions.

39. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

Ces sentiments, en effet, ont toujours leurs conditions nerveuses et sensitives, qui sont des mouvements. […] La facilité ou la difficulté du cours même des pensées et des associations cause un plaisir ou une peine, analogues à ceux du mouvement libre ou du mouvement entravé, du déploiement ou de l’arrêt de la vie. […] L’affirmation, en effet, est la condition cérébrale de l’action ; elle est, comme nous l’avons fait voir, l’action commencée ; elle est même le mouvement commencé en un certain sens. […] Une émotion agréable peut naître de sensations relativement isolées ou de mouvements relativement isolés, dont nous n’apercevons ni les relations externes ni les éléments internes. […] Toute sensation agréable, en effet, tout mouvement agréable cause un plaisir esthétique élémentaire lorsqu’il y a ainsi attention adéquate en intensité à l’intensité du plaisir même ou du mouvement ; d’où résulte une harmonie entre la réprésentation ou action et son aperception consciente.

40. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

Je distingue de même les mouvements actifs et les mouvements passifs, par exemple un mouvement volontaire de mon bras et un coup reçu sur mon bras, ou même un simple déplacement involontaire de mon bras, quoique non douloureux d’ailleurs. […] Autres sont les mouvements qui se propagent de la périphérie au cerveau, autres les mouvements de réaction qui se propagent du cerveau à la périphérie : d’un côté il y a mouvement reçu, de l’autre mouvement dépensé. La conscience, étant liée aux changements et mouvements notables du cerveau, ne peut manquer de discerner ces deux grandes catégories de mouvements, les uns précédant la volition et la représentation, les autres la suivant et y obéissant. […] En effet, l’idée du vouloir est de bonne heure associée à celle du mouvement comme antécédent immédiat ; la conscience du mouvement et, en général, du changement doit donc éveiller l’idée de son antécédent : d’une volonté, d’une activité, d’un effort. […] Nous retrouvons dans ce non-moi des mouvements et des formes qui nous sont connus en nous-mêmes.

41. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

On peut considérer le mouvement non pas seulement comme ayant pour effet de décrire une ligne, mais en lui-même. Sous nos yeux et tous les jours, une quantité prodigieuse de corps sont en repos ou en mouvement, de sorte qu’à ce point de vue l’expérience nous fournit tous les matériaux nécessaires pour que nous puissions isoler les deux idées élémentaires de repos et de mouvement. […] À cet état de pureté, elle n’est définie que par son rapport avec le mouvement qu’elle provoque. […] En dernier lieu, il est plus simple que le mouvement, une fois donné, subsiste indéfiniment ; car de cette façon aucun état nouveau n’est introduit. […] Par une coïncidence presque aussi belle que la précédente, il se trouve que ce mode de mouvement est celui de tous les corps pesants92. — Imaginons enfin un corps soumis à ce mode de mouvement et, en outre, au mouvement rectiligne uniforme.

42. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Je conçois bien, dans l’hypothèse idéaliste, que la modification cérébrale soit un effet de l’action des objets extérieurs, un mouvement reçu par l’organisme et qui va préparer des réactions appropriées : images parmi des images, images mouvantes comme toutes les images, les centres nerveux présentent des parties mobiles qui recueillent certains mouvements extérieurs et les prolongent en mouvements de réaction tantôt accomplis, tantôt commencés seulement. […] Du point de vue idéaliste, je n’avais pas le droit d’attribuer à ces mouvements internes la mystérieuse puissance de se doubler de la représentation des choses extérieures, car ils tenaient tout entiers dans ce qui en était représenté, et puisque, par hypothèse, on se les représentait comme des mouvements de certains atomes du cerveau, ils étaient mouvements d’atomes du cerveau et rien autre chose. […] D’autres supposeront, à la manière cartésienne, que les mouvements cérébraux occasionnent simplement l’apparition des perceptions conscientes, ou encore que ces perceptions et ces mouvements ne sont que deux aspects d’une réalité qui n’est ni mouvement ni perception. […] Mais comment ne pas voir que la prétention de considérer à part le cerveau, à part le mouvement de ses atomes, enveloppe ici une contradiction véritable ? […] Les mouvements cérébraux seraient ces équivalents.

43. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Par exemple, les axiomes disent que la matière est inerte, incapable de modifier spontanément son état, de passer du repos au mouvement si elle est en repos, et du mouvement au repos si elle est en mouvement. Or tous les jours nous voyons des corps passer du mouvement au repos ou du repos au mouvement, à ce qu’il semble, spontanément, et sans l’intervention appréciable d’une condition nouvelle. […] Avant de construire les mouvements composés, il faut construire le mouvement simple, puisque les mouvements composés ne sont que des combinaisons du mouvement simple. […] Voilà ce qu’on peut nommer son mouvement initial ou primitif ; continuera-t-il à se mouvoir et, en ce cas, quel sera son mouvement ? […] Deux cas peuvent se présenter, celui du mouvement uniforme et celui du mouvement qui n’est pas uniforme.

44. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Voici la Terre en mouvement sur son orbite. […] Voilà donc S en repos et S′ en mouvement. […] Le mouvement de son horloge est contemporain du flux de sa conscience. […] Mais le système de Pierre est immobile et celui de Paul en mouvement. […] Mais en mouvement relativement à quoi ?

45. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Hartley »

Reste à parler des mouvements. […] Les mouvements automatiques, qui répondent à peu près à ceux que, de nos jours, on appelle réflexes (mouvements du cœur, des poumons, etc.), dépendent, suivant Hartley, de vibrations qui viennent du cerveau. Mais les vibrations motrices, tout comme les vibrations sensorielles, produisent par la répétition des vibrationcules, qui sont la source des mouvements « semi-volontaires » et des mouvements volontaires. […] Aux vibrations motrices correspond le mouvement automatique. Aux vibrationcules motrices, associées entre elles et avec une sensation ou une idée, correspond le mouvement volontaire.

46. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre II : Termes abstraits »

Mouvement. […] Unies en une idée (mouvement), elles composent une des plus complexes de nos idées. Il importe de remarquer que, quoique le plus souvent ce soit l’œil qui nous informe du mouvement, ce n’est pas cependant des sensations de la vue que l’idée de mouvement est dérivée. Ce n’est que par une association d’idées que nous nous imaginons voir le mouvement. […] L’aveugle-né a l’idée de mouvement, tout comme nous.

47. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

La généralité naissante de l’idée consiste donc déjà dans une certaine activité de l’esprit, dans un mouvement entre l’action et la représentation. […] Un dernier intervalle reste à franchir : celui qu’il y a de l’hétérogénéité des qualités à l’homogénéité apparente des mouvements dans l’étendue. Mais justement parce que nous avons éliminé les éléments, atomes ou autres, que ces mouvements auraient pour siège, il ne peut plus être question ici du mouvement qui est l’accident d’un mobile, du mouvement abstrait que la mécanique étudie et qui n’est, au fond, que la commune mesure des mouvements concrets. […] Une latitude de plus en plus grande laissée au mouvement dans l’espace, voilà bien en effet ce qu’on voit. […] L’esprit emprunte à la matière les perceptions d’où il tire sa nourriture, et les lui rend sous forme de mouvement, où il a imprimé sa liberté.

48. (1904) En méthode à l’œuvre

Et en la perpétuelle diversité de sa manière de se produire qui est mouvement, d’éternité et pour éternité et dans l’illimité, — elle devient. […] Et en la perpétuelle diversité de sa manière de se produire qui est mouvement, d’éternité et pour éternité et dans l’illimité, — elle devient. Diverse et perpétuelle, en vérité, pour de la Matière en mouvement exprimée, l’adéquat Poème, s’impose la manière d’art qui soit elle-même mouvement, — de mouvements pensants. […] Par exemple, la prononciation du son « r », pour Socrate, à une analogie avec l’idée de mouvement. […]   Selon l’idée de métrique d’hier, l’on dirait que le plus de divisions du vers produira le plus de rapidité du mouvement.

49. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Mais supposons que notre observateur se mette par la pensée dans le système S, par rapport auquel S′ est censé en mouvement. […] Ce plan, ce cercle, cette droite, ce mouvement, voilà les éléments parfaitement déterminés de l’opération par laquelle la figure se traçait. […] Si donc, au sens que nous définissions tout à l’heure, l’hélice contient moins que la circonférence et le mouvement qu’on y prétend retrouver, en un autre sens elle contient davantage : une fois acceptée comme l’amalgame d’une certaine figure plane avec un certain mode de mouvement, on y découvrirait aussi bien une infinité d’autres figures planes complétées respectivement par une infinité d’autres mouvements. […] Je sais bien que ce mouvement ne compte pas, à vos yeux. […] Ces lignes brisées d’Espace-Temps, simplement virtuelles, sortent de la ligne droite d’Espace par le seul fait du mouvement que l’esprit imprime au système.

50. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Car dans un mouvement on trouvera la raison d’un autre mouvement, mais non pas celle d’un état de conscience : seule, l’expérience pourra établir que ce dernier accompagne l’autre. […] Car si cette loi n’influe pas nécessairement sur le cours de nos idées, elle déterminera du moins nos mouvements. […] Mais si le mouvement moléculaire peut créer de la sensation avec un néant de conscience, pourquoi la conscience ne créerait-elle pas du mouvement à son tour, soit avec un néant d’énergie cinétique et potentielle, soit en utilisant cette énergie a sa manière ? […] Néanmoins le langage eût encore exprimé ce mouvement et cette position de la même manière ; et le psychologue associationniste aurait distingué les deux cas en disant qu’à l’idée du même mouvement était associée cette fois celle d’un but nouveau — comme si la nouveauté même du but à atteindre ne modifiait pas dans sa nuance la représentation du mouvement à accomplir, ce mouvement fût-il identique dans l’espace ! […] Le mouvement dont on parle ici n’est donc pas un mouvement qui se produit, mais un mouvement que l’on pense ; c’est un rapport entre des rapports.

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