Rien n’est plus funeste à l’amélioration des mœurs, l’un des premiers buts que les institutions républicaines doivent se proposer. […] En se montrant étranger à ces mœurs de sociétés, on se classait comme inférieur ; et l’infériorité du rang est de mauvais goût dans un pays où il existe des rangs. […] Chaque jour on mettait plus de subtilité dans les règles de la politesse et du goût ; on s’éloignait toujours plus dans les mœurs des impressions de la nature. […] L’esprit républicain exige plus de sévérité dans le bon goût qui est inséparable des bonnes mœurs. […] L’urbanité des mœurs, de même que le bon goût, dont elle fait partie, est d’une grande importance littéraire et politique.
Une université doit avoir un chef ou un inspecteur général des mœurs et des études. […] C’est lui qui répond, aux professeurs, de la diligence et des progrès des étudiants ; au principal, de la conservation de leurs mœurs : c’est à lui à prévenir la licence du jour et de la nuit. […] J’ai suivi jusqu’ici l’ordre et la discipline de nos collèges, parce que j’en ai connu par mon expérience l’utilité pour les bonnes mœurs et pour les progrès dans la science. […] Que les fautes contre la discipline soient plus sévèrement punies que les fautes contre les mœurs et celles-ci plus sévèrement encore que celles contre les études. […] Pour le moment on en appelle de toutes les contrées ; bons, médiocres, mauvais, qu’ils aient des mœurs, cela suffit.
Nous rencontrons dans Montesquieu cette grande idée générale : influence des climats sur les tempéraments, et sur les moeurs, et sur les idées, et sur les institutions des peuples. […] Cette idée qu’il faut combattre le climat par les moeurs ; et les mœurs, telles qu’elles sont restées encore sous l’influence du climat, par les lois. […] Les climats font nos mœurs, nos mœurs font les lois ; oui, mais ! aussi nos lois font nos mœurs et nos mœurs peuvent combattre le climat. Mais avec quoi ferons-nous des lois contre nos mœurs et ensuite des mœurs qui, pénétrées de nos lois, combattront le climat ?
Comment en effet rapporter au même âge des mœurs absolument opposées ? Cette difficulté a tellement frappé Platon, que, ne sachant comment la résoudre, il prétend que dans les divins transports de l’enthousiasme poétique, Homère put voir dans l’avenir ces mœurs efféminées et dissolues. […] Peindre d’avance de telles mœurs, tout en les condamnant, n’est-ce pas enseigner à les imiter ? […] Le caractère individuel d’Homère, disparaissant ainsi dans la foule des peuples grecs, il se trouve justifié de tous les reproches que lui ont faits les critiques, et particulièrement de la bassesse des pensées, de la grossièreté des mœurs, de ses comparaisons sauvages, des idiotismes, des licences de versification, de la variété des dialectes qu’il emploie ; enfin d’avoir élevé les hommes à la grandeur des dieux, et fait descendre les dieux au caractère d’hommes. […] Ses poèmes sont comme deux grands trésors où se trouvent conservées les mœurs des premiers âges de la Grèce.
Ce sont donc, en général, les mœurs des premières classes de la société qui influent sur la littérature. Quand les mœurs de ces premières classes sont bonnes, elles conservent l’amour, et l’amour inspire les romans. […] Les mœurs anglaises fournissent à l’invention romanesque une foule de nuances délicates et de situations touchantes. […] Si les Français supportent les détails inutiles qui sont accumulés dans ces écrits, c’est par la curiosité qu’inspirent des mœurs étrangères. […] La Nouvelle Héloïse est un écrit éloquent et passionné, qui caractérise le génie d’un homme, et non les mœurs de la nation.
Consacrée dès sa jeunesse à tous les plaisirs de l’amour, son style se ressent de ses mœurs. […] Les mœurs du monde lui étoient moins connues que les passions du cœur humain ; & il réussit aussi mal à plaisanter ou à peindre des choses ridicules, qu’il excelle à exprimer le sentiment. […] La variété des caractères, la critique plaisante des mœurs en sont une lecture aussi instructive qu’amusante. […] Nous avons encore du même auteur la Baronne de Luz, Acajou & les Mémoires pour servir aux mœurs du XVIIIme. siécle. […] Il auroit été à souhaiter que l’auteur qui a fourni des sujets à tant de petits drames, eût mieux observé le costume, en représentant les mœurs antiques ou étrangeres.
. — Ailleurs, et au hasard, veut-on un autre exemple : Voici le vrai texte : J’ai cherché d’où j’aimais Don Quichotte et à le relire vingt fois dans ma vie, ainsi que plusieurs autres romans : c’est que j’aime les mœurs qu’ils dépeignent. Je vis avec de bonnes gens en les lisant ; dès que ce sont des romans de mœurs, les auteurs y peignent les mœurs de leur temps, et non celles du temps où vivait le héros. Ainsi (Mlle de) Scudéry, dans Cyrus, peint les mœurs et les idées des hôtels de Longueville et de Rambouillet. […] J’aime les peintures de mœurs, dans les romans, comme dans les estampes celles des modes.
De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère Nous accorderons, d’abord, comme il est juste, qu’Homère a dû suivre les sentiments vulgaires, et par conséquent les mœurs vulgaires de ses contemporains encore barbares ; de tels sentiments, de telles mœurs fournissent à la poésie les sujets qui lui sont propres. […] Il enlève Briséis à Achille, sans doute afin que ce héros, qui portait avec lui le destin de Troie, s’éloigne avec ses guerriers et ses vaisseaux, et qu’Hector égorge le reste des Grecs que la peste a pu épargner… Voilà pourtant le poète qu’on a jusqu’ici regardé comme le fondateur de la civilisation des Grecs, comme l’auteur de la politesse de leurs mœurs. […] Ces mœurs sauvages et grossières, fières et farouches, ces caractères déraisonnables et déraisonnablement obstinés, quoique souvent d’une mobilité et d’une légèreté puériles, ne pouvaient appartenir, comme nous l’avons démontré (livre II, Corollaires de la nature héroïque), qu’à des hommes faibles d’esprit comme des enfants, doués d’une imagination vive comme celle des femmes, emportés dans leurs passions comme les jeunes gens les plus violents. […] La vie de Rienzi par un auteur contemporain nous représente au naturel les mœurs héroïques de la Grèce, telles qu’elles sont peintes dans Homère.
Le prêtre avili ne peut rien ; son avidité, son ambition, ses intrigues, ses mauvaises mœurs ont été plus nuisibles à la religion que tous les efforts de l’incrédulité. […] On peut considérer l’institution d’un prêtre sous trois points de vue généraux : les mœurs, les connaissances et les fonctions ; et les fonctions sous deux autres aspects : les fonctions publiques et les fonctions privées ou ce qui tient à sa vie domestique. […] La partie la plus sérieuse de l’institution d’un prêtre est celle qui concerne les mœurs et le caractère qui lui conviennent. Chaque état a sa pantomime ; le maintien du prêtre doit être grave, son air réservé, sa figure imposante, ses mœurs austères. […] Il faut pardonner toutes les fautes, excepté celles contre la pantomime et les mœurs.
Euripide a fait une tragédie d’Andromaque ; elle ressemble à celle de Racine à peu près comme les mœurs du temps du siège de Troie ressemblent aux mœurs de la cour de Louis XIV. […] Cette ville, voisine de la Grèce, imbue des mœurs grecques, idolâtre des arts scéniques, lui paraissait plus faite que Rome pour sentir tout son mérite. […] La tragédie n’est pas responsable des mœurs et des passions qu’elle peint ; il lui suffit de les bien peindre. […] Au fond l’autorité de Louis XIV et la sienne étaient extrêmement bornées par les mœurs et par les institutions. […] Mais les honneurs ne corrompent que trop souvent les mœurs.
Il y avait des femmes, des élégances et des mœurs qui saisirent son imagination et, il faut bien dire le mot, qui la corrompirent. […] Les mauvaises mœurs du xviiie siècle ne seront jamais pour M. […] On y verrait, à toutes les pages, si l’on n’a pas fait plus que d’excuser les erreurs et les corruptions d’une époque où mœurs et monarchie achevaient de se précipiter, par la même pente, au même abîme ! […] Elle détruisit le peuple, dont les mœurs étaient la sauvegarde, et nous légua ses traditions ! […] Seulement, pour les rois comme pour les peuples, la Gloire ne vaut contre les Mœurs.
Peinture superficielle des mœurs : réflexions graves sur le gouvernement. — 2. […] La traduction des Mille et une Nuits, que Galland donna en 1708, avait déposé dans les esprits toute sorte d’images des mœurs et des coutumes orientales. […] Le superficiel, c’est la critique des mœurs. […] De la nature, le jeune magistrat tenait une certaine sensualité que les mœurs contemporaines développèrent en polissonnerie intellectuelle. […] Le titre de l’ouvrage accuse suffisamment cette étrange inconséquence : De l’esprit des lois, ou du rapport que les lois doivent avoir avec la constitution de chaque gouvernement. les mœurs, le climat, la religion, le commerce, etc. : comme si mœurs, gouvernement, religion, commerce n’étaient pas déterminés plus ou moins par les conditions primitives d’existence, au premier rang desquelles est le climat.
Mais, nous l’avons déjà dit, à l’hôtel de Rambouillet il y avait du mélange, non de mœurs, mais d’esprits ; et qu’elle est la société où il ne se rencontre pas des gens de mauvais ton et de mauvais goût, parmi les personnes qui en sont le plus exemptes ? […] On n’a pas le droit de remarquer leur mauvais goût, sans remarquer aussi qu’elles étaient une école de bonnes mœurs dans un temps de dépravation invétérée. […] La guerre finie, leur régné devait commencer, leurs sociétés fleurir et se faire remarquer, prendre un nom et s’attirer tout à la fois deux réprobations, de deux côtés opposés, celle des mœurs dominantes ou des mauvaises mœurs, et celle du goût qui s’épurait malgré la corruption des mœurs, le goût et l’incontinence publique marchant ensemble sous la bannière du goût. […] Saint-Simon reconnaît en M. de Montausier une vertu hérissée et des mœurs antiques.
Aussi tout est ténèbres dans leur origine : vous y voyez à la fois de grands vices et de grandes vertus, une grossière ignorance et des coups de lumière, des notions vagues de justice et de gouvernement, un mélange confus de mœurs et de langage : ces peuples n’ont passé ni par cet état où les bonnes mœurs font les lois, ni par cet autre où les bonnes lois font les mœurs. […] Or, en répandant sur les peuples cette uniformité et, pour ainsi dire, cette monotonie de mœurs que les lois donnaient à l’Égypte, et donnent encore aujourd’hui aux Indes et à la Chine, le christianisme a rendu nécessairement les couleurs de l’histoire moins vives.
Cette réunion continuelle des hommes oisifs mettant en commun leurs idées, qui est une des circonstances importantes de nos mœurs, n’était pas dans les mœurs de ce temps-là. […] La religion et les mœurs devenaient peu à peu un objet de ridicule. […] Les caractères, les mœurs, les incidents mêmes n’étaient plus pris dans la nature. […] La vie de Prévost offre aussi quelque chose d’étranger aux mœurs de ses contemporains. […] Ici se montre un exemple frappant de l’étroite liaison qui unit les mœurs et les lettres.
Ses mœurs, non pires que celles des autres, mais qu’il ne prenait pas soin de cacher, soit paresse, soit qu’il trouvât innocent ce qu’il ne sentait pas le besoin de dissimuler, ses mœurs lui rendirent ce service, qu’en le faisant écarter de la cour elles lui conservèrent son naturel. […] Leurs ressemblances avec les hommes n’y sont pas tirées de leurs mœurs. […] Il ne remarque dans le paysage que ce qui intéresse les mœurs et la situation de ceux qui l’habitent ; il fait vivre de la même vie la scène et les acteurs. […] La grossièreté des mœurs les excuse d’ailleurs ; la licence n’y était peut-être qu’une honnête liberté. […] Il se fit auteur licencieux par laisser-aller, sans se douter qu’il fît tort aux mœurs.