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1062. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 220-221

Avec de la sévérité, on trouveroit qu’elles manquent quelque-fois de cette douceur, de ce naturel, de cet agrément qui doivent être le vrai caractere de ces sortes de productions ; mais elles offrent des traits d’esprit, un langage assez correct, & c’en est assez pour mériter de l’indulgence.

1063. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 341-342

Il ne manque en effet à ce Poëte ingénieux & facile qu’un peu plus de sentiment, pour être un modele de Poésie légere.

1064. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 18-19

Ce n’est pas qu’il manque d’invention, mais ses Odes, ses Hymnes n’ont point cette élévation, cet enthousiasme qui est l’ame de la Poésie lyrique.

1065. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 435-436

Quoiqu’il regne dans ce Roman un ton de métaphysique contre nature, sur-tout dans une femme, & très-nuisible à l’intérêt ; quoiqu’on y trouve quelques expressions alambiquées ; quoique le dénouement en soit totalement manqué, on ne peut cependant se refuser, en le lisant, au charme séducteur qui en rend la lecture agréable & en fait oublier les defauts.

1066. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

On a, quand on parle de Gibbon, même en France, une prévention défavorable à vaincre ; c’est que lui-même a parlé du christianisme dans les 15e et 16e chapitres de son premier volume avec une affectation d’impartialité et de froideur qui ressemble à une hostilité secrète, et qu’à ne voir les choses que du simple point de vue historique, il a manqué d’un certain sens délicat, tant à l’égard du fond de l’idée chrétienne que par rapport aux convenances qu’il avait à observer envers ses propres contemporains. […] J’ai déjà remarqué cela pour Volney : ceux à qui a manqué cette sollicitude d’une mère, ce premier duvet et cette fleur d’une affection tendre, ce charme confus et pénétrant des impressions naissantes, sont plus aisément que d’autres dénués du sentiment de la religion. […] L’étendue et la pénétration sont les qualités éminentes de son intelligence ; mais il manque de vivacité, et il n’a pas encore acquis en revanche l’exactitude à laquelle il vise.

1067. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Il ne manque donc au Voyage de Chapelle et Bachaumont que d’être resté unique. […] Mais la jolie scène qui l’est pour nous encore, et où le meilleur du sel est rassemblé, c’est la scène des précieuses de Montpellier ; elle est encadrée assez dramatiquement dans l’histoire du poète d’Assoucy, que je ne fais qu’indiquer ; le milieu se peut citer sans manquer au goût : Dans cette même chambre, disent les voyageurs, nous trouvâmes grand nombre de dames qu’on nous dit être les plus polies, les plus qualifiées et les plus spirituelles de la ville, quoique pourtant elles ne fussent ni trop belles ni trop bien mises. […] Joubert ou d’un Doudan, d’un de ces « esprits délicats nés sublimes », nés du moins pour tout concevoir, et à qui la force seule et la patience d’exécution ont manqué, tandis que Chapelle n’est qu’un paresseux trop souvent ivre, un homme de beaucoup d’esprit naturel, mais sans élévation et sans idéal ; et c’est précisément cet idéal trop haut placé qui décourage les autres, les suprêmes délicats.

1068. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

À peine admise dans cet intérieur discret, elle s’y plut autant qu’elle y charma ; elle y apportait ce qui y avait manqué jusque-là, de la nouveauté et de la fantaisie. […] Littérairement, son goût était sain et sûr : Elle est si bon critique, non par théorie, mais par nature, disait Cowper, et elle a un sentiment si net de ce qui est bon ou mauvais dans une composition, que lorsque dans le doute je lui soumets (ce qu’en pareil cas je ne manque jamais de faire) deux sortes d’expression qui semblent avoir également droit à ma préférence, elle se décide, sans que je l’aie jamais vue se tromper, pour la plus droite et la meilleure. […] Le poète suit les divers degrés de perfectionnement et montre à plaisir la tapisserie dont bientôt on revêtit le bois des sièges dans les anciens jours, tapisserie à l’étroit tissu, richement brodée, « où l’on pouvait voir s’étaler la large pivoine, la rose en fleur tout épanouie, le berger à côté de sa bergère, sans oublier le petit chien et le petit agneau avec leurs yeux noirs tout fixes et tout ronds, et des perroquets tenant une double cerise dans leur bec. » — Tous ces riens sont agréablement déduits et relevés de couleurs, comme le ferait au besoin l’abbé Delille ou comme un spirituel jésuite n’y manquerait pas non plus dans des vers latins.

1069. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Ces jolis chants et ce lavage de fontaine me donnaient à penser diversement : les oiseaux me faisaient plaisir, et, envoyant s’en aller toute bourbeuse cette eau si pure auparavant, je regrettais qu’on l’eût troublée, et me figurais notre âme quand quelque chose la remue ; la plus belle même se décharme quand on en touche le fond, car au fond de toute âme humaine il y a un peu de limon. » Elle-même, elle se laisse couler sur ce papier qu’elle quitte et reprend souvent ; elle est triste, il lui manque quelque chose, sa tranquillité n’est qu’à la surface ; cela lui faitdu bien d’écrire et lui décharge l’âme de ce triste qui parfois la trouble ; elle se sent mieux après. […] À la voir aimer ses enfants, on sent qu’il manque cette nature aimante d’être mère ; on croit entendre le murmure du cœur, le gémissement des entrailles ! […] Douce image qui des deux côtés est charmante, quand je pense qu’une sœur est fleur… » Aussitôt qu’il est parti, elle rentre dans la chambrette qu’il occupait ; elle prend le livre qu’il a lu : c’est un Bossuet où il a mis des signets de sa main, souvent aux mêmes endroits qu’elle avait notés elle-même : « Ainsi nous nous rencontrons partout comme les deux yeux ; ce que tu vois beau, je le vois beau. » Quand il est près de se marier, elle semble que cela ne réussisse pas et ne vienne à manquer par quelque côté, car ce frère chéri est, comme elle l’appelle, « un mauvais artisan de bonheur. » Elle se met à sa place et craint qu’il ne recule au dernier instant. « Toujours me semble « effrayant pour toi, aigle indépendant, vagabond.

1070. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

. — M. de Montmorency meurt vers ce temps-là ; il était de l’administration des hospices ; on célébrait pour lui un service dans chaque hôpital : « Ne manquez pas d’y aller, disait le même médecin aux élèves à qui il portait intérêt, cela fera bien. » Il n’y eut qu’un seul élève, de ceux qu’on appelle câlins, qui y assista. […] On rend aux familles des jeunes gens aussi bien élevés en apparence et mieux conservés : il ne s’y laisse à désirer qu’un certain souffle mâle que l’éducation publique développe et qui manque trop souvent à cette jeunesse fleurie. […] la besogne ne leur manquera pas.

1071. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Quant aux femmes du peuple, il en trouva qui, la pipe à la bouche, renchérissaient par le grossier sur nos chiffonnières et nos androgynes ; mais en même temps combien de filles du peuple, encore distinguées, encore élégantes sous la guenille, et auxquelles il ne manque que d’être mieux nourries pour faire des demoiselles ! […] Il y fit aussi de la peinture à l’huile, et, pour y réussir, il ne lui a manqué que de s’y consacrer davantage. […] Il était déjà au comble de son succès qu’une distinction à laquelle tout artiste attache du prix lui manquait encore.

1072. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

C’est dans l’une de ces campagnes de Flandre où le pain manquait et où le prêt ne venait guère, où l’argent, cette étoile de gaîté, ne brillait que par son absence, que, pour dissiper une mutinerie commencée, il eut l’idée de faire battre la générale. […] Je suis persuadé que les ennemis ne manqueront pas de profiter du temps que vous leur donnez, et la chose demande une détermination plus prompte. » Villars, en effet, d’ordinaire si porté à l’offensive, reculait devant une action générale engagée avec le prince Eugène dans ces conditions-là, c’est-à-dire dans un pays boisé où il aurait affaire à toute l’infanterie ennemie, appuyée à des lignes. […] Non content d’avoir sauvé Landrecies, il reprit à l’instant l’offensive sur tous les points ; délogeant l’ennemi de tous ses postes sur la Scarpe, priant M. de Montesquiou de se charger de la prise de Marchiennes, réunissant lui-même ses garnisons comme n’ayant plus à craindre pour ses places, il se mit en devoir, malgré les alarmistes qui ne manquaient pas autour de lui, de reconquérir Douai, Le Quesnoi, Bouchain.

1073. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il est difficile aux auteurs de ne pas se peindre, surtout dans un premier ouvrage : Émile, qui ne fait autre chose que se raconter à Mathilde, essaye à un endroit de se peindre aussi, ou du moins de tracer l’idéal relatif qu’il a parfois devant les yeux et qu’il est tenté de réaliser : « Il y aurait, dit-il, un caractère intéressant à développer dans un roman ; ce serait celui d’un jeune homme né comme moi sans famille, sans fortune, suffisant à tout ce qui lui manquerait par sa seule énergie, et dont les forces croîtraient avec les obstacles ; un jeune homme qui se placerait au-dessus d’une telle position par un tel caractère ; qui, loin de se laisser abattre par les difficultés, ne penserait qu’à les vaincre, et, esclave seulement de ses devoirs et de sa délicatesse, aurait su parvenir, en conservant son indépendance, à un poste assez élevé pour attirer sur lui les regards de la foule et se venger ainsi de l’abandon. […] Il a dû changer d’armes plus d’une fois et se transformer pour se faire égal aux circonstances ; mais, certes, ce qui ne lui a jamais manqué, c’est le courage ; ce n’est pas non plus l’intelligence des temps, des moments et de la société moderne largement envisagée, hardiment comprise, et si souvent talonnée par lui ou devancée en plus d’un sens. […] Enfin au lendemain de février 1848, après la proclamation de la République, un projet de députation ayant été formé dans les Écoles pour aller rendre un hommage public à la mémoire d’Armand Carrel sur sa tombe, M. de Girardin déclara qu’il y serait des premiers et se joindrait au cortège, ce qu’il ne manqua pas de faire.

1074. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Il termine modestement en disant que « sa muse sera contente, si elle aide les ignorants à voir ce qui leur manque, et les hommes instruits à réfléchir sur ce qu’ils savaient déjà » ; ce qui a été rendu d’après lui en un seul vers latin excellent qu’on croirait d’Horace : Indocti discant, et ament meminisse periti. […] Quand Ajax (dans Homère) s’efforce de lancer quelque énorme quartier de rocher, le vers aussi travaille et les mots marchent pesamment : autre chose, quand la légère Camille (chez Virgile) rase la plaine, vole sans les courber sur la tête des épis, ou effleure la cime des vagues. » De tels morceaux, on le conçoit, sont intraduisibles ; et quand Delille, avec sa grande habileté, imitant ce passage au quatrième livre de l’Homme des Champs, vient nous dire : Peignez en vers légers l’amant léger de Flore ; Qu’un doux ruisseau murmure en vers plus doux encore…, il manque tout d’abord à la précision et à la sobriété de Pope qui dit Zéphyr tout court et non pas l’amant de Flore. […] En général, c’est la proportion qui manque à cette fin.

1075. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Je ne lui trouvai point l’élégance aisée d’une Parisienne qu’elle s’attribue dans ses Mémoires ; je ne veux point dire qu’elle eût de la gaucherie, parce que ce qui est simple et naturel ne saurait manquer de grâce. […] Quelque distingué que fût le groupe des Girondins, il ne s’y trouvait aucun homme réellement supérieur par le coup d’œil, et, comme Dumont l’a également remarqué, elle en fut réduite à s’exalter et à se monter la tête pour des esprits qui ne la valaient pas : « Il a manqué à son développement intellectuel (c’est encore Dumont qui parle) une plus grande connaissance du monde, et des liaisons avec des hommes d’un jugement plus fort que le sien. […] Ces quatre ou cinq années de plus lui ont manqué pour entière et dernière école : elle y a suppléé, et amplement, par une mort sublime ; l’héroïsme t’a dispensée et exemptée de trop d’expérience.

1076. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Ayant rencontré, dit-il, dans les hasards de ses recherches, des lettres inédites, les plus intimes, les plus familières, qui trahissaient les mœurs et les habitudes du prince, il les a données, et il y a joint tout ce qu’il a pu recueillir d’imprimé ou d’inédit concernant sa personne, sa fortune, ses résidences, ses divertissements, les propos tenus sur son compte, les éloges et les médisances dont il a été l’objet : tout s’y trouve ; les photogravures, comme on les aime aujourd’hui, n’y manquent pas. […] Il ne fut pas en mesure de reprendre un commandement actif au printemps de 1745 ; il manqua la journée de Fontenov. […] Lœwendal à pied, braquant sa lunette, lui répondit : « Vous savez les ordres de M. le maréchal ; nous les avons remplis ; il faut attendre l’effet des attaques de la gauche. » — « Mais si notre gauche n’attaque pas, répliqua le comte d’Estrées, nous manquons une occasion unique ; le jour s’avance, nous donnons à l’ennemi tout le temps de se rassurer, et la nuit couvrira sa retraite. » — « Voilà de beaux raisonnements, dit Lœwendal ; mais vous êtes aux ordres du prince, et je suis votre ancien. » — « Oui, dit le comte d’Estrées, je suis le cadet, dont j’enrage, mais je suis Français », en se retirant furieux de colère.

1077. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Mais il lui manque cette curiosité attentive de recherche et d’étude qu’on appelle l’érudition ; il se garderait surtout de paraître viser à l’exactitude du détail, qui est pourtant le fond de la trame en ce genre de portraits et de biographies littéraires. […] Ses œuvres, telles qu’on les a aujourd’hui, publiées par lui après l’accusation et dans un but avoué d’apologie, paraissent, je le sais bien, assez innocentes, mais, par là même, elles manquent à chaque instant de franchise, de relief, des qualités ou défauts qu’on est le plus tenté d’y réclamer. […] En y corrigeant les inexactitudes de faits, en y revisant les jugements pour en modifier l’excessif et le juvénile, en persistant toutes les fois qu’il croirait avoir raison, en daignant par instants discuter les opinions des autres, en complétant aussi sa galerie par quelques autres portraits du temps qui y manquent, et où il apporterait désormais plus de précaution (comme il en a su prendre dans son article Scarron, d’ailleurs si amusant), il aurait fait, non pas une histoire régulière de la poésie sous Louis XIII, mais un piquant, un mémorable essai, dans lequel le sentiment très-vif et très-filial qu’il a de cette poésie, et qu’il rend d’une manière unique, compenserait heureusement bien des écarts.

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