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1643. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Cela est vrai de l’aveu de Rancé lui-même, et il nous l’exprime à sa manière, quand il dit (lettre du 3 octobre 1675) : « Puisque vous voulez savoir des nouvelles de notre affaire, je vous dirai, quelque juste qu’elle fût, qu’elle a été jugée entièrement contre nous ; et, pour vous parler franchement, ma pensée est que l’Ordre de Cîteaux est rejeté de Dieu ; qu’étant arrivé au comble de l’iniquité, il n’étoit pas digne du bien que nous prétendions y faire, et que nous-mêmes, qui voulions en procurer le rétablissement, ne méritions pas que Dieu protégeât nos desseins ni qu’il les fît réussir. » Il revient en plusieurs endroits sur cette idée désespérée ; son jugement sur son Ordre est décisif : les ruines mêmes , s’écrie-t-il, en sont irréparables . […] Après lui avoir donc proposé les choses d’en haut comme les seules qui méritent d’être désirées, il ajoute : « C’est un sentiment dont vous devez être rempli dans tous les temps, mais particulièrement quand nous sommes plus près de ressentir le bonheur qu’il y a de les avoir aimées. » Est-il une manière plus douce et plus insinuante de dire : à mesure que nous sommes plus près de la mort ?

1644. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

Si nous supposons maintenant que l’on adopte une autre manière de mesurer le temps, les expériences sur lesquelles est fondée la loi de Newton n’en conserveraient pas moins le même sens. […] En d’autres termes, il n’y a pas une manière de mesurer le temps qui soit plus vraie qu’une autre ; celle qui est généralement adoptée est seulement plus commode.

1645. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

L’homme ne vivra jamais seulement de pain ; poursuivre d’une manière désintéressée la vérité, la beauté et le bien, réaliser la science, l’art et la morale, est pour lui un besoin aussi impérieux que de satisfaire sa faim et sa soif. […] Les petits esprits qui conçoivent la perfection comme une médiocrité, résultant de la neutralisation réciproque des extrêmes, appellent cela des excès ; mais c’est là une étroite et mesquine manière d’expliquer de pareils faits.

1646. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Au xviiie  siècle, il se fit un grand changement et une révolution dans la manière de voir et de juger ; on se passa volontiers de la Cour en matière d’esprit. […] Ma seule conclusion serait que, sous une forme politique ou sous une autre, l’État en France a les mêmes intérêts et les mêmes devoirs ; qu’il se tromperait en abdiquant toute direction de l’esprit public, en n’usant pas des organes légitimes d’action qui lui sont laissés ; que c’est faire de la bonne politique que de travailler d’une manière ou d’une autre à contenir la grossièreté croissante, la grossièreté immense qui, de loin, ressemble à une mer qui monte ; d’y opposer ce qui reste encore de digues non détruites, et de prêter la main, en un mot, à tout ce qui s’est appelé jusqu’ici goût, politesse, culture, civilisation.

1647. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

En eux seuls l’on sent cet idéal supérieur, ce besoin impérieux qui les unit malgré toutes les dissemblances de manière, malgré les rivalités individuelles et les pousse à une action commune et presque inconsciente pour constituer et imposer un Art grandiose et nouveau. […] Lugné-Poë a offert à Paris trois œuvres de manières différentes, de nature éminemment originales, mais toutes trois exubérantes de la jeune et régénératrice sève : la foi en l’idéalité des formes parallèles à l’idéalisme des pensées.

1648. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Les deux derniers vers : Quiconque en pareil cas se voit haï des cieux, Qu’il considère Hécube, il rendra grâce aux dieux ; sont excellens ; mais la moralité qu’ils enseignent est énoncée d’une manière bien plus frappante dans une fable de Sadi, fameux poète persan ; la voici : « Un pauvre entra dans une mosquée pour y faire sa prière : ses jambes et ses pieds étaient nus, tant sa misère était grande ; et il s’en plaignait au ciel avec amertume. […] Les défauts des sujets ont servi à peindre leur roi, d’une manière dont on n’a point approché depuis La Fontaine.

1649. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Mais vaincu, il l’est sans doute, et d’une manière qui ne laisse aucun subterfuge à la critique. […] Joseph, pleurant à la vue de ses frères ingrats, et du jeune et innocent Benjamin, cette manière de demander des nouvelles d’un père, cette adorable simplicité, ce mélange d’amertume et de douceur, sont des choses ineffables ; les larmes en viennent aux yeux, et l’on se sent prêt à pleurer comme Joseph.

1650. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Enfin tous les peuples nouveaux qui se sont formez en Europe après la destruction de l’empire romain par les barbares, ont pris leur estime pour Virgile de la même maniere que les contemporains de ce poëte l’avoient prise. […] De même nos premieres méditations nous révoltent quelquefois contre les opinions que nous trouvons établies dans la république des lettres, mais des refléxions plus sensées sur la maniere dont ces opinions se sont établies, des lumieres plus étenduës et plus distinctes sur ce que les hommes sont capables de faire, notre expérience enfin nous ramene nous-mêmes à ces opinions.

1651. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Un mot qui aura précisément la même signification dans les deux langues, ne peut-il pas encore, quand il est consideré en tant que simple son, et pris indépendamment de l’idée, laquelle y est attachée, se trouver plus noble en une langue qu’en une autre langue, de maniere qu’on rencontrera un mot bas dans une phrase de la traduction où l’auteur avoit mis un beau mot dans l’original. […] Mais se faire l’idée d’un poëme sur ce que les personnes capables de l’entendre en sa langue, déposent unanimement concernant l’impression qu’il fait sur elles, c’est la meilleure maniere d’en juger quand nous ne l’entendons pas.

1652. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Fils des circonstances, comme Napoléon, ç’a été sa seule manière de lui ressembler, car il n’était guère besoin de génie pour deviner que l’établissement d’une revue était une excellente affaire au moment où il se trouva pour une moitié d’idée dans l’établissement de la sienne. […] Cette ressemblance par le bonheur, malgré les différences dans la manière de s’y prendre pour y arriver, entre l’ancien directeur de l’Opéra et le directeur présent de la Revue des Deux Mondes, Véron l’a si bien sentie qu’elle a décidé de sa bienveillance pour Buloz.

1653. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

… Il y a quelques jours, on en dressait une à Courier, l’homme, certes, de toutes manières, le moins fait pour la statuaire ! […] Lamartine n’v pensa même pas, et il fut pourtant à sa manière un maître aussi, puisqu’il fut un adoré, mais il n’y avait pas la moindre littérature dans cette maîtrise-là.

1654. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Double vie, qui suppose la plus puissante tranquillité de corps et d’âme, ou quelque chose de bien plus étonnant encore que cette tranquillité… Il est évident que, pour elle, les lois humaines sont renversées, et que la meilleure manière de la comprendre, c’est de dire qu’on ne comprend plus ! […] on ne comprend plus, si l’on veut faire l’entendu à la manière humaine, si on la tire hors de son nimbe, cette tête divinement incompréhensible qui doit y rester, et qui se joue, de là, de l’observation scientifique et des proportions naturelles.

1655. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Seulement, si l’œuvre de Léon Gozlan n’a ni le nombre des écrits ni la longueur de chaque ouvrage, — car l’auteur des Nuits du Père-Lachaise, du Dragon Rouge et du Notaire de Chantilly, n’a jamais construit de ces grandes machines romanesques si à la mode aujourd’hui, et dont Les Mystères de Paris, Monte-Cristo et Les Mousquetaires, ont donné le goût au malheureux public, — son œuvre, à lui, cet esprit si aristocratiquement artiste, se recommande d’une autre manière. […] — mais cependant en une quantité suffisante pour lui donner, de la manière la plus tranchée, — du moins jusqu’à cette heure ! 

1656. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Et il n’est pas imprudent d’affirmer que les romantiques eussent reçu Zola ou Maupassant de la même manière. […] Si nous passons des lettres aux arts, nous découvrons le même phénomène La peinture, par exemple, n’admettait avant ce siècle qu’un nombre restreint de sujets, interprétés d’une certaine manière, susceptibles de prétendre à la dignité de l’art.

1657. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Or, de même que pour déterminer les rapports véritables des phénomènes physiques entre eux nous faisons abstraction de ce qui, dans notre manière de percevoir et de penser, leur répugne manifestement, ainsi, pour contempler le moi dans sa pureté originelle, la psychologie devrait éliminer ou corriger certaines formes qui portent la marque visible du monde extérieur. — Quelles sont ces formes ? […] De quelque manière, en un mot, qu’on envisage la liberté, on ne la nie qu’à la condition d’identifier le temps avec l’espace ; on ne la définit qu’à la condition de demander à l’espace la représentation adéquate du temps ; on ne discute sur elle, dans un sens ou dans l’autre, qu’à la condition de confondre préalablement succession et simultanéité.

1658. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « IX » pp. 33-36

. — Voici ce passage : « Moi aussi, j’aimerais de grand cœur à croire à un XVIIe siècle futur plutôt qu’à un Du Bartas, mais il n’est pas en nous que cela finisse de telle ou telle manière.

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