Or cette raison lui apprend à distinguer le bien du mal, pour employer ici les mots au sens que les moralistes leur assignent. Cette raison lui commande aussi d’accomplir le bien et d’éviter le mal. Il suit de là que le mal moral ne devrait pas exister. […] Quel mobile déterminerait en effet un homme connaissant ce qui est bien et libre de l’accomplir à accomplir ce qui est mal ? […] Mais cette nouvelle conception, comme on va le voir, est aussi destructrice que la précédente de l’hypothèse d’un libre arbitre : car elle ne laisse non plus aucune place à l’existence du mal moral, en sorte que l’existence du mal moral, que les moralistes accordent, la détruit.
Et, en effet, pour Charles Weiss, comme pour le siècle dont il est le fils, le mal produit par la révocation de l’Édit de Nantes a été le plus grand mal qui puisse arriver à un gouvernement ou à un peuple ; et savez-vous pourquoi ? C’est qu’il est un mal économique. Or, dans les sociétés telles que le matérialisme les a faites, il n’y a plus que ce mal-là. Le mal économique, le mal qui vient d’une déperdition de richesses ou de forces productrices, voilà le mal réel, le mal suprême !
J’aurais grand besoin cette fois qu’un moraliste fin, discret, adroit et prudent, un Addison, me prêtât son pinceau sans mollesse et sans amertume : car c’est d’un mal moral que je voudrais traiter, et d’un mal présent ; j’ai en vue de décrire la maladie d’une partie notable de la société française (de la fleur et non pas du fond de cette société), et, en la décrivant au naturel, de faire sentir à de belles et fines intelligences qu’elles ont tort de loger et d’entretenir si soigneusement en elles un hôte malin qui, à la longue, est de nature à porter atteinte à la santé même de l’esprit. Qu’est-ce donc que ce mal dont est visiblement atteinte depuis quelque temps une partie de la société brillante et pensante ? […] Mais le régime le plus austère ne procurait pas même du soulagement à ses maux. […] Le remède à ce mal immodéré des regrets, quand on ne le trouve point dans une grande égalité d’humeur et dans le tempérament naturel, est dans le travail, dans l’occupation sérieuse et suivie, dans tout ce qui maintient la force et l’équilibre de l’esprit, et qui se communique à l’âme. […] N’ayons pas un intérêt d’amour-propre et de métier à ce que la société aille mal, à ce que toutes les fautes se commettent.
Le prince en avoit demandé la lecture avec empressement ; & sa curiosité fut mal satisfaite. […] Rien n’indigne tant un poëte que des vers mal rendus par un acteur ou par un lecteur. […] D’ailleurs, les courtisans même blâmoient cette méchanceté de mal lire des vers qu’on croyoit fort beaux. […] Mais, si le mal tant vous oppresse Qu’il ne reçoive guérison, Dessous le figuier de Tymon, Allez finir votre tristesse. […] C’est un des écrivains dont la réputation mal fondée a le plus retardé le progrès de la langue.
Il semble d’ailleurs se contenter de la distribution de biens et de maux qui, malgré les apparences, se fait, selon lui, tôt ou tard en ce monde. […] Je n’ai à le reprendre que d’avoir mal vu le dedans du royaume ; il dit que ce dedans est resté à peu près comme il était ; il se trompe, il est fort dépéri. […] Il s’est bien tiré de son rôle d’auteur, et mal de celui de galant homme. […] Il discutait peu, il discutait mal ; mais il saisissait le bon et le grand : faible de raisons, fort de persuasion. […] Il pensait que les abus et les maux de l’ancien régime étaient venus au point d’exiger qu’on tirât la France, « non de dessous ses rois, à Dieu ne plaise !
Il n’en fut guère soulagé, et quoiqu’il ne mangeât rien à souper, et qu’il se couchât de fort bonne heure, il fut plus tourmenté pendant la nuit des douleurs qu’il avait ressenties pendant le jour, et auxquelles se joignirent des maux de reins. […] Cependant les voitures étaient arrivées, et le roi s’était laissé porter dans son carrosse, se plaignant toujours beaucoup de mal de tête, de maux de reins, de maux de cœur. […] Son mal de tête, qui n’avait pas cédé à la première saignée, ne cédait pas plus à la seconde, et il se répandait dans Versailles, à la grande satisfaction des uns et au grand chagrin des autres, que le roi entrait dans une grande maladie. […] Lemonnier voyait le roi depuis deux jours avec des maux de reins, de l’affaissement, des maux de cœur ; les quatre autres voyaient depuis midi les symptômes augmentés, et aucun, même en tâtant le pouls, ne s’était douté que la maladie pût être la petite vérole. […] Il lui avait dit dans ce moment que le roi était assez mal, que sa maladie prenait une mauvaise tournure, et qu’il lui conseillait de prendre ses arrangements pour partir bientôt, et pour partir d’elle-même, sans attendre qu’elle fût renvoyée.
Cette origine peu romantique semble lui avoir épargné tels ridicules préjugés de la dix-huitième année dont parfois on se débarrasse mal. […] « Au moins c’est de la tristesse qu’on connaît. » Ceux qui, mal contents de leur lot, l’échangèrent contre un autre, ne trouvèrent pas mieux, et sentirent par surcroît l’amertume des déménagements. […] Cet éclat pénétrant du style qui nous force à voir par des clartés nouvelles et inédites, les détails de sa pensée a étonné des lecteurs d’En route, ceux du moins qui sont mal familiers des habitudes littéraires de Huysmans. […] Huysmans a le plus souvent choisi pour héros un homme de lettres, et, qu’il s’appelle André dans En ménage, ou Durtal comme aux derniers livres, il est le même être, en mouvement, et bien cousin de l’auteur… Maintenant, on voit mal M. […] Au surplus, l’incohérence du dessin reste loisible, mais mal défendable.
Renan n’était guère sorti de cette conception banale quand il disait tout crûment à ses lecteurs de 1849 : « Le bien, c’est le bien ; et le mal, c’est le mal. » Mais il en est revenu. […] Il se demandait, en ce temps-là « Qu’est-ce donc que le mal ? […] Il est cruel, ce mal, ses lenteurs chroniques ont des raffinements. […] Son œil illuminé distingue mal les individus séparés par des nuances infinies. […] Elle finit mal, celle-là ; elle doit mal finir.
Mais nous avions probablement mal lu et mal compris le poète ; comme nous ne possédions pas encore la traduction de M. de Pongerville, il nous avait été impossible de saisir l’esprit de l’original et d’y découvrir ce que nul ne s’était avisé d’y voir : — quoi ? […] « Lucrèce, parlant toujours de la passion amoureuse, dit qu’il est plus aisé de prévenir le mal que de le guérir : Nam vitare plagas in amoris ne jaciamur, Non ita difficile est, quam captum retibus ipsis Exire, et validos Veneris perrumpere nodos. […] Le mal conduit au mal et punit son auteur ; Ajoute à cette horrible et longue inquiétude D’un avenir cruel l’affreuse incertitude. L’homme faible et pervers, artisan de ses maux, A creusé sous ses pas les gouffres infernaux. […] des maux d’où naquirent nos pleurs, Le premier il connut, il nomma les auteurs Et dénonça devant l’humanité proscrite De Calchas et des rois l’alliance hypocrite.
Il y refusoit de ses soumettre à la décision de l’académie, comme ayant été prononcée par un tribunal incompétent, qui n’avoit aucun droit sur lui, & par des juges mal instruits & passionnés. […] Toutes les fois qu’ils se rencontroient dans une maison, Maupertuis y étoit mal à son aise : il jettoit d’abord quelques feux ; mais bientôt éclipsé par un homme supérieur dont la conversation a tant d’agrémens, il tomboit dans la tristesse & l’ennui ; de façon qu’on évitoit de les faire trouver ensemble. […] Ce grave président lui rapporta que M. de Voltaire, dans un souper avec le roi, avoit mal parlé du qu’En dira-t-on & de l’auteur ; qu’il avoit prétendu que cet ouvrage étoit injurieux à sa majesté, qu’on l’y « comparoit lui-même aux petits princes Allemands, & qu’on traitoit ses courtisans de nains & de bouffons ». […] Ce globe, mal connu, qu’il a sçu mésurer, Devient un monument où sa gloire se fonde. […] Leur séjour est celui de mille maux affreux, Des soucis, des revers, des noires injustices.
Heureuse erreur dont l’effet est d’autant plus certain, que le remède naît du mal même qu’on chérit ! […] Comment donc précautionner l’homme contre des maux inévitables ? […] On le peut faire, en le réjouissant par le spectacle même de ses maux, en y attachant ses regards malgré lui par un attrait de plaisir dont il ne puisse se défendre, et en insinuant dans son cœur ce que cette crainte et cette pitié ont d’agréable et de doux, non seulement pour le genre humain, mais encore pour lui apprendre à modérer ses passions, quand des maux réels viendront les exciter. Car lorsqu’on s’apprivoise avec l’idée des maux, on se fortifie soi-même contre eux, et on se porte plus vivement à les soulager en autrui, par l’espoir du retour. […] Pour l’amour, puisque c’est un mal nécessaire, il serait à souhaiter que les pièces de Corneille ne l’inspirassent aux spectateurs que tel qu’elles le représentent.
Edouard Rod, est ce livre à la fois singulier et actuel, dégagé des anciennes modes et décrivant, en de pénétrantes analyses, la phase la plus récente du mal et de la passion de ce siècle : le pessimisme. […] S’aidant de Schopenhauer, il s’efforce de mettre sa mélancolie en système et de se faire illusion sur les causes de son humeur par un exposé didactique, qui démontre en toutes choses la cause nécessaire du mal. […] Après tous ses prédécesseurs il devine le premier que son mal est en lui et qu’aucune variation fortuite dans les circonstances ne l’en guérirait. […] A la fin le dégoût reste seul ; comme une ombre se mouvant dans une lueur très pâle, il grandit, il devient ruineux, il absorbe tout, le présent et l’avenir, ce qui est et ce qui pourrait être, il étend jusqu’à d’invisibles limites son envahissante obscurité et sa main pesante m’écrase dans ces ténèbres émanées de lui. » De la volonté le mal s’étend aux émotions. […] Dans la représentation de ce mal — et quel livre intéressant n’est pas un peu pathologique — M.
Le mal est fait, et nous en profitons. […] Elle le protégeait en toute rencontre ; quand l’âge de l’étude vint pour lui, elle l’y excita en lui faisant honte de négliger ses talents ; elle était sa confidente la plus chère avant qu’il connût le mal : c’était son bon génie. […] Dans cette raillerie de la princesse Wilhelmine, il se mêlait bien plus de gaieté encore et d’irrésistible sentiment du ridicule que de malice amère ; elle ne chercha jamais à rendre à personne le mal qu’elle en avait reçu. […] Son père paraît souvent fort mal de santé durant ces années, et lui sur le point d’être roi. […] Une compassion mal placée, et une trop grande faiblesse pour une personne que je me croyais entièrement attachée, m’ont fait faillir.
Elle appartient à cette école des grands désespérés, Chateaubriand, lord Byron, Shelley, Leopardi, à ces génies éternellement tristes et souffrant du mal de vivre qui ont pris pour inspiratrice la mélancolie. […] Ce sont, à coup sûr, les plus belles horreurs littéraires qu’on ait écrites depuis les Fleurs du mal de Baudelaire. Et même, c’est plus beau, car dans le mal — le mal absolu — c’est plus pur.
J’aurais aussi rempli moins mal la destination à laquelle le concours des événements et de mes penchants a borné mes projets. […] » « Celui qui ne verrait dans la pauvreté, dans la ruine, que l’effet direct de la privation d’argent et ne ferait, par exemple, que comparer le dîner que l’on fait avec seize sous au dîner que l’on fait avec seize francs, n’aurait aucune idée du malheur ; car la non-dépense est le moindre mal de la pauvreté. […] Peut-être n’ai-je pas mal cultivé mon champ si étroit, mais d’autres eussent su l’agrandir. « Je n’ai à me reprocher que des imperfections personnelles et de grandes imperfections, mais nulle faute volontaire qui ait fait le malheur de qui que ce fût, soit qu’en général le mal m’ait été odieux, soit que le sort m’ait favorisé en cela. […] D’ailleurs le malheur devrait à la longue influer bien plus sur mon humeur que sur mes opinions : or, j’aime extrêmement la gaieté de l’intimité, et je rirais comme un autre, quoique je sente le poids de cette main de fer qui reste appuyée sur moi : mais je pense que c’est dans ce qu’on appelle (bien ou mal) mélancolie que nous trouverons les lumières désormais utiles.
Le 4 Septembre porte au pouvoir ce marquis démocrate, cet homme de trop de nerfs qui, parmi les acclamations de la rue, soulevé sur les flots de la foule, pâlit et se trouve mal comme sur les flots d’une mer. […] Les apôtres de la primitive Église pratiquaient peu le calembour, et je conçois mal Spartacus vaudevilliste. Quand un homme passe son temps à attiser les haines des souffrants, à provoquer la révolution sociale, à faire tout, sous prétexte que le monde va mal, pour qu’il aille plus mal encore, il faut qu’il soit bien persuadé de la justice de son œuvre, et cette foi ne suppose pas un très grand fond de gaieté ni surtout une humeur de plaisantin. […] Si peut-être ils ont quelquefois des doutes et soupçonnent le mal qu’ils font, cette impression doit passer vite ; les extrêmes conséquences des paroles mauvaises qu’ils écrivent sont si lointaines et si aléatoires ! […] Rochefort est peut-être beaucoup plus simple que je ne l’ai vu, soit en bien, soit en mal.