Il a des appétits, des passions physiques ; il a des facultés oratoires, le don de brider et de passionner : mais nulle sensibilité de l’âme, au fond ; toujours de sang-froid, maître de lui, l’esprit net, agile, subtil, un esprit à la Montesquieu, comme l’a très bien vu M. […] La lettre de condoléances du général Bonaparte à la veuve de l’amiral Brueys est une véritable dissertation sur un plan soigneusement concerté : les lettres de l’Empereur aux veuves des maréchaux Bessières et Lannes, plus courtes, d’un ton de maître, sont des réductions du même plan.
Il vit sur tous les points du monde, non pas autre à l’orient, autre à l’occident, mais partout le même, partout roi de la création et maître des animaux. […] L’humanité se révolte contre ces traitements odieux que l’avidité du gain a mis en usage, et qu’elle renouvellerait peut-être tous les jours, si nos lois n’avaient pas mis un frein à la brutalité des maîtres et resserré les limites de la misère de leurs esclaves.
Mais, par l’entremise vigilante et avisée du notaire et par la rouerie d’un valet qui cherche fortune en fouillant dans les secrets de ses maîtres, le billet révélateur tombe entre les mains de la princesse Georges. […] Ce valet craint que son maître ne tombe dans le piège et il vient prévenir madame du danger qu’il court.
À partir de ce jour il fut maître, et aurait pu prendre pour devise : Qui a le cœur, a tout. […] Est-ce en artiste, est-ce parce qu’il aime ces tableaux en eux-mêmes que le maître les regrette ?
Ce grand citoyen, dans le ravissement de voir enfin ses maîtres honorer le plus utile établissement de leur présence, après neuf ans d’une attente vaine et douloureuse, m’embrassa les yeux pleins de larmes, en disant tout haut : Cela suffit, cela suffit, mon enfant ; je vous aimais bien ; désormais, je vous regarderai comme mon fils : oui, je remplirai l’engagement que je viens de prendre, ou la mort m’en ôtera les moyens. […] Celui-ci même ne l’avoue point pour élève et pour fils, et Collé, qui se connaît en gaieté, ne devine nullement en lui un confrère et un maître : « M. de Beaumarchais (nous dit Collé) a prouvé, à ne point en douterb, par son drame qu’il n’a ni génie, ni talent, ni esprit. » Cette phrase de Collé, il la corrige dans une note pleine d’admiration et de repentir écrite après Le Barbier de Séville.
Dumas fils de s’y être engagé si franchement ; félicitons-le surtout d’y avoir débuté par trois coups de maître. […] Il y a une idée dans l’Histoire de ménage ; seulement, je le répète, cette idée est un emprunt fait à Balzac. — L’apprenti recommence, après le maître, le tableau de la ruine morale et des désastres domestiques causés par l’entraînement des sens, par la frénésie de la luxure et l’omnipotence de la passion. […] Les Grecs, nos maîtres en bien des choses, ne l’avaient pas compris autrement. […] Un maître illustre, — l’Espagnolet, je crois, — a jeté dans une de ses toiles cette scène saisissante… C’est là, et jamais ailleurs, qu’il faut aller chercher l’explication de cette souveraineté universelle de Dante, de Voltaire, de Byron et de Henri Heine. […] Enfin, — passez-moi la comparaison, — ce n’est pas un esclave, cette traduction, c’est un affranchi s’attachant aux pas de son maître.
Nous sommes les maîtres aujourd’hui, mais il n’est pas certain, scientifiquement, que tout l’avenir nous appartienne : nous ne sommes peut-être que des maîtres provisoires. Soyons au, moins, de bons maîtres. […] Un jour, chez un de ses disciples, il se cogne la tête à la suspension : « Maître, vous êtes-vous fait mal ? […] L’esclave est jaloux de son maître. […] A Paris, le chat n’a pas un maître et une maîtresse, il a un père et une mère.
Or, le goethéen, pas plus que son maître, n’est dégagé du parti pris : il repousse ce qui froisse ou contrarie sa conception de l’harmonie — et l’on voit apparaître ici comme un vaste champ interdit à sa vision, comme un espace réservé où jamais son œil ne pénétrera. […] S’il veut suivre l’exemple et les préceptes du maître, le goethéen s’enferme dans un « égotisme » dont l’étroitesse jure avec l’ampleur de sa conception du monde. […] Et maintenant que je vois combien de mal m’ont fait de leur trou les maîtres des règles, et combien d’âmes libres sont encore courbées sous leur joug, mon cœur crèverait si je ne leur déclarais la guerre et ne cherchais chaque jour à renverser leurs tours. […] Le troisième personnage du roman, Albert, est dessiné de main de maître. […] Grimm — je suis convaincu que je viens de lire un livre très bien fait, œuvre d’un écrivain très habile, maître d’instinct de toutes ses forces, et, jusqu’à un certain point, créateur de sa langue.
Au pis, on prend un maître de français.
Mais je vous proteste, monsieur, que, telle satisfaction que me donne ledit Père, je ne le tiendrai jamais pour autre que pour un homme plus étourdi qu’une mouche, et moins sensé ès-affaires du monde qu’un enfant ; et si d’aventure il s’obstine de ne vouloir entendre à tant de voies d’accord que je lui fais présenter par mes amis en rongeant mon frein le plus qu’il m’est possible, et qu’il veuille toujours persister en ses menteries ordinaires et en ses impostures, j’en ferai une telle vengeance à l’avenir que, s’il a évité les justes ressentiments du maître du palais de Rome en s’enfuyant à Paris sous prétexte d’être poursuivi des Espagnols qui ne pensoient pas à lui, il n’évitera pas pourtant les miens.
Il n’est pas vrai, comme on se plaît à le répéter, que la comédie ne soit plus possible, que Molière et le XVIIe siècle aient épuisé le champ des faiblesses, des sottises et des vices de l’homme, et que, les maîtres s’étant emparés des principaux sujets, il ne reste plus qu’à glaner.
Ceux qui n’écrivent pas pour être auteurs n’ont pas à se préoccuper d’inventer des sujets : le maître les impose dans l’enfance ; plus tard le besoin ou l’occasion les proposent.
Il ne faut que lire, pour se désabuser, le Sonnet où l’impérieux Ronsard réfute ce bruit, en s’adressant à Dorat, son ami & son ancien maître.
Heureusement que, moins respectueux que leurs maîtres, ils oublient bientôt ces mots absurdes ; les ouvriers stéréotypeurs n’ont pas tardé à imposer clichage et cliché.
L’épanouissement du genre humain de siècle en siècle, l’homme montant des ténèbres à l’idéal, la transfiguration paradisiaque de l’enfer terrestre, l’éclosion lente et suprême de la liberté, droit pour cette vie, responsabilité pour l’autre ; une espèce d’hymne religieux à mille strophes, ayant dans ses entrailles une foi profonde et sur son sommet une haute prière ; le drame de la création éclairé par le visage du créateur, voilà ce que sera, terminé, ce poëme dans son ensemble ; si Dieu, maître des existences humaines, y consent.
En supposant que les parties de l’art que l’on n’a pas, ne méritent presque point d’attention, on établit, sans être obligé de le dire, qu’il ne nous manque rien pour être un grand maître.