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615. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1828 »

Ç’aurait sans doute été plutôt ici le lieu d’agiter quelques-unes des hautes questions de langue, de style, de versification, et particulièrement de rhythme, qu’un recueil de poésie lyrique française au dix-neuvième siècle peut et doit soulever.

616. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 17, de l’étenduë des climats plus propres aux arts et aux sciences que les autres. Des changemens qui surviennent dans ces climats » pp. 290-294

Il les a renduës très-communes en des lieux où elles étoient fort rares auparavant.

617. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Tandis que Racine enfant, l’esprit tout plein de Théagène et Chariclée, ne voyait rien de plus agréable au cœur et aux yeux (comme cela est en effet) que le vallon de Port-Royal-des-Champs, les religieuses et les solitaires s’en faisaient un lieu désert, sauvage, mélancolique, propre à donner de l’horreur aux sens ; ils n’avaient pas même la pensée de se promener dans les jardins. […] Elles fuient et reculent quand on les cherche ; lors même qu’elles se bornent à des beautés naturelles dans des lieux trop célébrés, il n’est pas bon d’en vouloir de trop près vérifier l’image : cette Arcadie alors se hérisse de broussailles. « Quand j’ai visité les rives du Lignon sur la foi de D’Urfé, disait Jean-Jacques à Bernardin dans une de leurs promenades hors Paris, je n’ai trouvé que des forges et un pays enfumé. » Vaucluse, dit-on, est un pays brûlé du soleil et où il faut gravir longtemps avant de reconnaître quelques-uns des traits immortels. […] Bernardin, qui ne cherchait pas seulement des lieux rêvés d’avance et embellis, mais qui voulait des hommes heureux et sages, alla donc de mécomptes en mécomptes. […] Heureux qui revoit les lieux où tout fut aimé, où tout parut aimable, et la prairie où il courut, et le verger qu’il ravagea ! 

618. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Que veut-il dans le saint lieu ? […] Des dieux auxquels on a cessé de croire, des héros dont les exploits et les amours sont des fables, des mœurs dont les descriptions nous semblent des inventions étranges du poète au lieu du portrait ressemblant de la civilisation que nous avons sous les yeux, tout cela intéresse peu le vulgaire des lecteurs ; le savant seul s’y plaît, mais la foule se détourne et court aux légendes et aux complaintes des chanteurs de rues ; de là un triste abaissement du niveau de l’imagination du peuple. […] Mon cœur décida : je courus après elle, je la rejoignis bientôt et je lui dis : « “Ma mère n’a pas seulement mis dans mon chariot du linge pour ceux qui en manquent, elle y a joint aussi diverses provisions qui sont là dans les coffres ; je veux remettre tout cela entre tes mains ; je suis plus sûr que, de cette manière, ses intentions seront bien accomplies ; car tu partageras ces provisions avec discernement, au lieu que moi je serais obligé de m’en rapporter au hasard. — Je les partagerai avec conscience, répondit-elle ; elles réjouiront celui qui est dans le besoin.” […] si tous les peuples avaient de pareils poèmes à feuilleter les jours de loisir entre leurs mains au lieu des saletés cyniques de leurs corrupteurs populaires, combien la poésie prendrait un rôle nouveau et saint dans les mœurs !

619. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Esclave de la Providence, qui le fait naître ici ou là, sans qu’il ait choisi ou accepté ni le temps, ni le lieu, ni la saison, ni la condition, ni la famille où il surgit à l’existence ; esclave de la mère qui l’accueille ou le repousse de son sein ; esclave du père qui brutalement a le droit de vie ou de mort sur ses enfants ; esclave de la famille qui s’élargit ou qui se ferme pour lui ; esclave de frères ou de sœurs nés avant lui, qui en font leur serviteur et leur bête de somme pour se décharger sur lui du travail nourricier de tous ; esclave de l’État qui lui inflige la condition dans laquelle il doit se ranger ; esclave des lois établies qui lui prescrivent l’obéissance non délibérée aux prescriptions sociales ; esclave du travail qui doit nourrir lui et ses frères ; esclave de la mort, si le salut de la société lui demande sa vie sur les champs de bataille ; esclave dans son corps, esclave dans son esprit, esclave dans son âme par la supériorité de force de tous contre un seul, par l’éducation qui lui impose ses idées, par la religion qui lui enseigne ses croyances ; esclave de la volonté générale qui lui inflige ses punitions, ses expiations, même la mort. […] » Maxime qui conduirait le peuple à l’ubiquité de temps, de lieu, de fonction, d’aptitude, ou à la servitude et à l’anéantissement ! […] Y en a-t-il plusieurs également bonnes, selon les lieux et les temps, les âges et les caractères des peuples ? […] Le juste et l’utile font ou défont, selon les lieux, l’hérédité.

620. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Le messager d’Angleterre m’a rapporté plusieurs beaux habillements de ce pays esquels, si me venez voir promptement, aurez bonne part qui vous doit bien engager à partir du lieu où vous estes et à faire activement vos préparatifs pour me demeurer quelque temps, et donnerai bon ordre pour qu’il vous soit pourvu à tout. […] Le même poëte, la contemplant quelques jours avant son départ en habits de deuil dans le parc de Fontainebleau, retrace ainsi amoureusement son image et la confond pour jamais avec les belles ombres des Diane de Poitiers, des la Vallière et des Montespan qui peuplent, pour l’imagination, les eaux et les arbres de ce beau lieu : .......... […] « Il y avait dans le Lothian, province de la montagneuse Écosse, dit l’historien que nous citons, un lieu solitaire où Knox passait chaque jour de longues heures. […] J’envoiray mes pensers qui volent comme oiseaux ; Par eux je revoiray sans danger à toute heure Cette belle princesse et sa belle demeure : Et là pour tout jamais je voudray séjourner, Car d’un lieu si plaisant on ne peut retourner.

621. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Un seul homme connaissait le lieu de sa solitude ; c’était le savant père Mersenne, par lequel il communiquait avec le monde, n’ayant affaire qu’aux idées, et libre de tous rapports avec les personnes. […] Au lieu des personnes capricieuses, variables, ondoyantes du seizième siècle, je vois de belles et pures intelligences, auxquelles Descartes a transmis le secret de cette domination de l’âme sur le corps, de la raison sur la passion. […] Mais jusqu’à ce qu’on ait formé sa croyance, il faut, pour le lieu et le pays où l’on vit, adopter une conduite provisoire, afin d’éviter l’irrésolution et de vivre heureusement. […] La spéculation, pour Montaigne, est comme un doux exercice de son esprit ; il y fait entrer en leur lieu, à la suite d’autres objets de réflexion fort secondaires, ces grands problèmes auxquels Descartes s’est attaché uniquement, après avoir déraciné de son esprit toutes ces contradictions, tous ces préjugés, toutes ces opinions venues de toutes les sources, dont la diversité infinie fait les délices de Montaigne.

622. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Au lieu des bravades de Desmarets et des légèretés de Perrault, on croyait avoir de la vraie critique. […] « J’y représentais la neutralité, dit-elle ; on but à la santé d’Homère, et tout se passa bien. » Après la mort de Mme Dacier, Lamotte la chanta dans une nouvelle ode où les bons sentiments tiennent lieu des bons vers. […] L’esprit d’analyse appliqué aux lettres et aux arts produit, au lieu du vrai, quelque chose qui en usurpe pour un temps le crédit, je veux dire le spécieux. […] « On ne doit aux morts, dit au même lieu Lamotte, que la vérité ; aux vivants, on doit des égards. » Encore une pensée spécieuse.

623. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

C’est la nudité d’un temple protestant, au lieu du clinquant d’une salle d’opéra. […] L’ironie qui préside à toute manifestation de la vie humaine a voulu que le lieu de dévotion des vrais fanatiques de Wagner devint ainsi une sorte d’étape dans un voyage hygiénique à quelque ville de bains allemande. […] Il ne s’en était pas caché, bien au contraire, en convoquant ses amis du monde entier par lettre rendue publique à ces représentations modèles, comme il les qualifiait lui-même, et réservées aux seuls adeptes ; on verrait plus tard s’il y avait lieu d’admettre la masse du public à jouir « de ce qu’il y a de plus élevé et de plus profond dans l’art. » Cette Invitation à mes amis pour assister à la première représentation du Tristan, publiée en avril 1865 dans le Messager de Vienne, lettre extrêmement singulière et comme il pouvait seul en écrire une, débutait par ce cri de reconnaissance envers Louis II : «  Alors que tout m’abandonnait, un noble cœur n’en battit que plus fort et plus chaudement pour l’idéal de mon art. […] L’héroïque loyauté de Tristan, chargé d’amener la princesse Iseult au vieux roi Marke, et qui, sentant gronder en son cœur une ardente passion, se tient loin d’elle, à l’arrière du navire, et se refuse à l’aborder quand elle l’envoie quérir ; — la colère et le dépit d’Iseult, confuse de l’invincible amour qui la pousse vers le chevalier qui a tué son premier fiancé, Morold ; irritée de ne rencontrer que muette indifférence en cet orgueilleux vainqueur et résolue à l’empoisonner pour venger Morold ; — à côté d’eux, le dévouement complet, absolu, représenté par l’écuyer Kurwenal et l’aimable Brangœne ; — les sages conseils de ceux-ci, tantôt ironiques, tantôt affectueux ; la réserve obstinée de Tristan, la passion croissante d’Iseult et sa soif de vengeance ; l’irrésistible élan qui les jette dans les bras l’un de l’autre après qu’ils ont bu le philtre amoureux, servi par Brangœne, au lieu du breuvage de mort qu’Iseult croyait verser à Tristan ; — leur enivrante extase et leur douloureux réveil lorsque le navire aborde et que les cris des matelots saluent le roi Marke attendant sa fiancée au rivage : — voilà pour les épisodes du premier acte, que l’auteur a traduits avec une vérité et une variété dont on ne peut avoir aucune idée, à moins de l’entendre.

624. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Qu’on affichât les mauvais lieux, avec quelle promptitude la police séviroit ! […] Notre religieux philosophe veut seulement qu’on ait égard à trois choses, qui sont encore plus de bienséance que d’obligation, aux temps, aux lieux, aux personnes. […] Aux lieux, pour qu’on ne fasse pas de nos églises des salles de spectacle, comme il n’arrive que trop souvent dans de certaines maisons de religieux, & de religieuses. […] C’est qu’on ne la souffre dans un état policé, que par le même esprit qu’on y tolère les lieux de débauche.

625. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

« Il se cramponna à cette ville, nous dit énergiquement l’une des victimes, comme le créancier se cramponne au débiteur ; il l’aima comme les amants aiment les lieux où ils ont goûté les plaisirs que donne l’amour. […] Rodrigue répliqua, fort irrité contre le roi de Castille : « Seigneur, vous m’avez marié plutôt de force que de gré ; mais je déclare devant le Christ que je ne vous baiserai point la main et que je ne me verrai point avec ma femme en désert ni en lieu habité jusqu’à ce que j’aie remporté cinq victoires en bon combat dans le champ. » Lorsque le roi entendit cela, il fut émerveillé. […] Je le lui ai envoyé dire ; il m’a envoyé menacer qu’il me couperait les pans de ma robe… Un roi qui ne fait point justice ne devrait point régner, ni chevaucher à cheval, ni chausser des éperons d’or, ni manger pain sur nappe, ni se divertir avec la reine, ni entendre la messe en un lieu consacré, parce qu’il ne le mérite pas ! 

626. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Benoist qui aspire à nous en tenir lieu et à les résumer tous à notre usage. […] Or maintenant, nous allons nous rendre bien compte du procédé de Virgile : il s’empare de cette intention de sentiment qu’il y a dans le contraste des lieux, dans la distance qui sépare le berceau et la tombe. […] Des choses exactes, mais trop sèches, ne nous satisfont pas, et la justesse la plus scrupuleuse ne saurait faire bannir l’agrément ni en tenir lieu.

627. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Il lui demande plus de vérité, de vraisemblance historique, d’observer le caractère des nations, de tenir compte du génie des lieux et des temps : peu s’en faut qu’il ne réclame en propres termes un peu de couleur locale. […] Je ne prétends pas dire, assurément, qu’il n’y ait plus lieu aux convenances des esprits et des âmes, ni à ce noble sentiment de l’amitié ; mais la forme où nous le voyons se produire chez Saint-Évremond a notablement changé avec les conditions de la société elle-même. […] J’irai plus loin : il n’y a plus lieu à un second Saint-Évremond.

628. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Une des raisons qui expliquent encore la vogue rapide de M. de Balzac par toute la France, c’est son habileté dans le choix successif des lieux où il établit la scène de ses récits. […] » De la sorte, en trois années au plus, le vaste drapeau inscrit au nom de M. de Balzac s’est trouvé arboré de clocher en clocher, au midi et au nord, en deçà et au delà de cette Loire maternelle, de cette Touraine qui est son centre d’excursion et son lieu de retour favori. […] Il ne faudrait pour cela que des suppressions en lieu opportun, quelques allégements de descriptions, diminuer un peu vers la fin l’or du père Grandet, et les millions qu’il déplace et remue dans la liquidation des affaires de son frère ; quand ce désastre de famille l’appauvrirait un peu, la vraisemblance générale ne ferait qu’y gagner.

629. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Le précurseur de Voltaire pressentait-il, dans ce château depuis si célèbre, l’influence contraire du génie futur du lieu ? […] En d’autres endroits voisins des précédents, nous le savons, l’expression est toute philosophique ; mais avec Bayle, pour rester dans le vrai, il ne convient pas de presser les choses ; il faut laisser cœxister à son heure et à son lieu ce qui pour lui ne s’entre-choquait pas129. […] , mars 1686, sur son écrit anonyme de la France toute catholique, note plus modérée et plus avouable assurément que celle que l’abbé Prévost insérait dans son Pour et Contre sur son chevalier des Grieux, dans cette note parfaitement mesurée et spirituelle, Bayle faisait pressentir que l’auteur, après avoir tancé les catholiques sur l’article des violences, pourrait bientôt toucher cette corde des violences avec les protestants eux-mêmes qui n’en étaient pas exempts, et qu’alors il y aurait lieu à des représailles.

630. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Croyez-moi, parlons-en peu ici ; ce n’est pas le lieu. — Et pourquoi en parlez-vous vous-même ? […] C’est ailleurs, dans un autre lieu qu’ici, devant des auditeurs ou des lecteurs plus désintéressés et plus attentifs, que j’ai essayé et que j’essayerai encore d’expliquer comme il convient quelques-unes de ses violences et de ses extrémités de parole : penseur ardent et opiniâtre, dialecticien puissant, satirique vigoureux et souvent éloquent, qui ne marchandait pas les vérités, même aux siens, rude honnête homme mort à la peine. […] Un homme, qu’après cette parole proférée, puis consignée au Moniteur, je ne crois point devoir appeler mon collègue, s’est oublié au point de dire en m’apostrophant : « Ce n’est pas pour cela que vous êtes ici. » (Oui, monsieur Lacaze, vous avez dit et vous n’avez pas rétracté cette parole que, par respect pour le lieu où nous sommes, je me contenterai d’appeler peu séante.)

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