La sottise ou l’intérêt du grand Constantin, qui résigna presque toutes les fonctions importantes de l’État aux prêtres chrétiens, a laissé des traces si profondes qu’elles ne s’effaceront peut-être jamais. […] Si le plan général est au-dessus des ressources du moment, attendre d’un avenir plus favorable son entière et parfaite exécution, mais ne rien abandonner au caprice de l’avenir ; en user avec une maison d’éducation publique comme en use un architecte intelligent avec un propriétaire borné dans ses moyens ; si celui-ci n’a point de quoi fournir subitement aux frais de tout l’édifice, l’autre creuse des fondements, pose les premières pierres, élève une aile, et cette aile est celle qu’il fallait d’abord élever ; et lorsqu’il est forcé de suspendre son travail, il laissé à la partie construite des pierres d’attente qui se remarquent, et entre les mains du propriétaire un plan général auquel, à la reprise du bâtiment, on se conformera sous peine de ne retirer de la dépense qu’on a faite et de celle qu’on fera qu’un amas confus de pièces belles ou laides, mais contradictoires entre elles et ne formant qu’un mauvais ensemble. […] C’est que celui qui n’aura pas eu la force ou le courage de suivre la carrière de l’université jusqu’à la fin, plus tôt il l’abandonnera, et moins les connaissances qu’il laissera en arrière, plus celles qu’il emportera, lui étaient nécessaires. […] L’écrivain se laissera conduire par le fil naturel qui enchaîne toutes les vérités, qui les lie dans son esprit et les amène sous sa plume ; mais sa méthode ne peut convenir à un enseignement public.
Quand la regle laisse le choix d’une alternative ; c’est-à-dire, la liberté d’emploïer un pied à la place d’un autre dans la figure ; elle prescrit en même tems ce qu’il faut faire suivant le choix auquel on se determine. […] Mais comme les syllabes des mots françois ne laissent pas d’être quelquefois longues et bréves dans la prononciation, il résulte plusieurs inconveniens du silence que nos regles gardent sur leur combinaison. Il arrive en premier lieu que des vers françois ausquels les regles n’auront rien à reprocher, ne laisseront pas de contenir des suites trop longues de syllabes bréves ou de syllabes longues. […] En second lieu, lorsque ces regles laissent au poëte le choix d’emploïer en un certain endroit du vers des syllabes longues ou bien des syllabes bréves ; elles lui enjoignent, s’il se détermine à y mettre des syllabes longues, d’y mettre alors un moindre nombre de syllabes.
… Eh bien, elle est dans toutes les pièces qu’il fallait laisser seules pour que ce volume eût toute sa concentration et la profondeur navrante de son charme ; elle est dans une trentaine de véritables chefs-d’œuvre d’étrangeté, mais d’étrangeté sincère, cette poésie malade de l’isolement, du découragement, de réchignement, de la méfiance, de l’empoisonnement par la méfiance de tous les sentiments de la vie ! […] Laissera-t-on celle préface dans l’édition du volume qu’on prépare ? […] … Faute même de rhétorique, dans toute cette rhétorique qui laisse le cœur froid et n’a jamais consolé personne, pas même le poète qui n’est plus cet énergique fouilleur d’âme que nous avons connu, mais un artiste qui sertissait des mots, quand il fit ces Consolations. […] Puis encore, genre de patois inimitable : Ô vous qui vous portez entre tous gens de cœur, Qui l’êtes, non pas seuls, et qui d’un air vainqueur Écraseriez Doudun et cette élite obscure, Leur demandant l’audace et les piquant d’injure, Ne les méprisez pas, ces frères de vertu Qui vous laissent l’arène et le lot combattu !
L’expérience suprême était faite, un monde en lui avait croulé » Et il s’empresse « de quitter cette ville de désastre, où il devait laisser, le dernier lambeau de sa foi » n’ayant sauvé du naufrage que sa douloureuse intelligence. […] Il s’est réconcilié avec un frère jusque là laissé à l’écart, et c’est grâce à ce frère que va renaître en lui une énergie vitale dont il se croyait à tout jamais dépossédé. […] Et pour que des résultats directs s’en laissent apercevoir, il n’en faudrait pas beaucoup, je crois, apportant autant de puissance, de véracité, de grandeur intime et de forte humanité que ce chef-d’œuvre. […] Atrophié dès le début par le séminaire, obscurci à l’âge viril par la chasteté, tenu perpétuellement en laisse par l’Église, malade de corps, de cœur et d’intelligence, le prêtre nous apparaît donc, parmi l’espèce humaine, l’être le moins apte à remplir le rôle qui lui est destiné, celui d’apôtre, d’éclaireur et de guide.
Ouvrons, après une histoire socialiste, une histoire individualiste de la notion de d’État au xixe siècle3 : l’une comme l’autre nous laissent dans l’esprit l’idée que les individus ont les mêmes droits « non seulement à l’existence, mais encore à la culture », et qu’en face d’eux l’État n’a plus « que des devoirs », comme l’administration des intérêts collectifs et la garantie des droits individuels. […] Si la comparaison des philosophies, qu’elles ont vu naître nous laisse encore incertains, comparons donc leurs institutions mêmes, et les réformes qu’elles leur font subir, — leurs tendances vraiment dominantes ne sauraient de cette façon nous échapper. […] On dira peut-être que, si les classes ne se laissent plus définir ni civilement, ni juridiquement, ni politiquement, l’inégalité économique suffit à les distinguer ? […] Il n’y a pas de lois faites pour interdire, à telle catégorie de citoyens, telle espèce, d’activité productrice de richesses : la société laisse tous ses membres également libres d’acquérir et de posséder.
De la jolie Mme de Larnage, qui lui laissait entrevoir de charmants échantillons d’elle-même, il n’a su que faire. […] J’ai laissé agir sur moi les événements, les figures, les créations du monde breton présent et passé. […] L’instituteur laissait une place possible à l’enseignement confessionnel, il ne lui coupait pas ses racines. […] Ce qu’on a laissé dormir dort encore. […] Il ne l’eût pas laissé pénétrer dans sa vie.
Ils laissent l’empire à des hommes qu’ils ont à peine aperçus dans la foule de leurs complices. […] Cependant il ne voulut laisser aucun prétexte aux accusations de la calomnie. […] Elle ne se connaît point elle-même ; son charme se laisse apercevoir sans qu’elle y songe. […] L’une ne choque jamais le goût, l’autre ne laisse jamais reposer l’imagination. […] Ce Léon a laissé un ouvrage sur la lactique, fort estimé, et traduit en français il y a trente ans.
Lorsque Victorin fut mort, Auguste, atteint du coup, se renferma dans l’appartement de son frère, laissa croître sa barbe, ne sortit plus, ne permit plus qu’on enlevât la poussière des papiers et des meubles, désormais consacrés à ses yeux ; il mourut tout entier à ce deuil, et constatant sa pensée fixe dans un testament dont un récent procès est venu révéler les dispositions singulières. […] Quant à l’Oraison funèbre du maréchal Bessières, qui fut demandée à l’auteur par Napoléon, et qui ne put être prononcée à cause des événements, l’éditeur nous dit en produisant aujourd’hui jusqu’aux variantes du morceau : « Je laisse aux lecteurs qui ont senti l’élévation de Bossuet et la profondeur de Tacite, le soin d’indiquer le rang où l’on doit placer Victorin Fabre. » Mais les lecteurs ne s’aviseront pas de donner le moins du monde dans ces rapprochements : l’oraison funèbre de Fabre est trop évidemment une copie, presque un pastiche de celles du grand Condé ou de Turenne.
Sans doute il se laissa plus d’une fois séduire à des inductions pressenties plutôt que trouvées ; plus d’une fois sa perspicacité ingénieuse donna le change à son intelligence exigeante ; et, portant en lui tant de ressources avec tant de besoins, il jugea souvent plus commode d’inventer que de découvrir. […] Thiers en accorde beaucoup moins aux inductions philosophiques, et laisse le plus souvent au lecteur le soin de les tirer, il semble plus à l’abri d’un défaut qui ne consiste, après tout, que dans l’expression trop absolue de certaines vérités générales.
Moins jeune et mûri par l’expérience, le poète sait qu’il n’en a pas fini avec les funestes pensées ; que, pour les avoir repoussées aujourd’hui, il n’en sera peut-être pas délivré demain, et que le meilleur port ici-bas nous laisse encore sentir le contre-coup des orages. […] Il ne désespère pourtant pas ; comment l’humanité se laisserait-elle ravir ce que rien ne pourrait remplacer ?
Mais dans leur recherche du positif, dans leur préoccupation exclusive d’un bien-être assurément fort désirable, les inventeurs et sectateurs des systèmes dont nous parlons se sont, dès l’abord, laissé emporter à un dédain peu motivé pour les droits politiques, les institutions et les garanties, objet de combat et de conquête depuis quarante ans : peu s’en faut qu’ils ne voient dans ces profitables luttes de simples querelles de mots. […] Cela étant, les prolétaires, c’est-à-dire les non-propriétaires, la classe des ouvriers des villes et des paysans des campagnes, arrivent de droit à saisir le rôle laissé vacant par l’avancement de la bourgeoisie.
Les premiers mouvements de la reconnaissance ne laissent rien à désirer, et dans l’émotion qui les accompagnent, tous les caractères s’embellissent ; on dirait que le présent est un gage certain de l’avenir ; et lorsque le bienfaiteur reçoit la promesse, sans avoir besoin de son accomplissement, l’illusion même qu’elle lui cause est sans danger, et l’imagination peut en jouir, comme l’avare des biens que lui procurerait son trésor, si jamais il le dépensait. […] La bienfaisance remplit le cœur comme l’étude occupe l’esprit ; le plaisir de sa propre perfectibilité s’y trouve également, l’indépendance des autres, le constant usage de ses facultés ; mais ce qu’il y a de sensible dans tout ce qui tient à l’âme, fait de l’exercice de la bonté une jouissance qui peut seule suppléer au vide que les passions laissent après elles ; elles ne peuvent se rabattre sur des objets d’un ordre inférieur, et l’abime que ces volcans ont creusé, ne saurait être comblé que par des sentiments actifs et doux qui transportent hors de vous-même l’objet de vos pensées, et vous apprennent à considérer votre vie sous le rapport de ce qu’elle vaut aux autres et non à soi ; c’est la ressource, la consolation la plus analogue aux caractères passionnés, qui conservent toujours quelques traces des mouvements qu’ils ont domptés.
Mme de Sévigné laissait trotter sa plume, mais elle l’avait bien en main, et ne la quittait pas de l’œil : elle pesait ses mots avec une décision rapide et sûre qu’elle tenait de son goût naturel et d’un fréquent exercice. […] Puis on a prôné l’éducation agréable, qui instruit en amusant ; les enfants se laissent amuser, ils ne s’instruisent pas.
» Personne ne s’en fit scrupule : l’enrichissement de la langue était une nécessité liée au développement de l’esprit ; puisque la formation populaire avait laissé perdre du latin tout ce qui représentait la haute culture, il fallait bien aller l’y rechercher, maintenant qu’on voulait s’approprier cette culture. […] Étienne Pasquier estime que les changements n’ont pas été toujours de : progrès, conseille de laisser la langue digérer ce qu’elle pourra de latinismes qu’elle a déjà absorbés, et rejeter le reste ; et, pour l’enrichir à l’avenir, il compte sur l’exploitation des matériaux que l’usage du peuple fournira.
Ou plutôt idées, souvenirs, émotions, impressions, ce dont il se soucie le moins, c’est de les relier ; il les laisse se relier au hasard ou peut-être au gré d’on ne sait quelles associations très subtiles et qui échappent. On essaie d’abord de comprendre, ce qui, pour nous autres, Français de France, est toujours la première démarche de notre esprit, jusqu’à ce qu’on ait compris qu’il n’y a rien à comprendre et qu’il faut plutôt se laisser bercer par une mélodie qui n’est pas sans charme.
Laisse mon embonpoint se développer dans l’inaction et mes bras blanchir à l’ombre : tu auras à ton cou un collier plus beau et plus doucement caressant. […] Le Maître s’est laissé persuader.