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464. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Il n’y a de justice dans les jugements qui sont relatifs au bonheur, que si on les fonde sur autant de notions particulières qu’il y a d’individus qu’on veut connaître ; on peut trouver dans les situations les plus obscures de la vie des combats et des victoires, dont l’effort est au-dessus de tout ce que les annales de l’histoire ont consacré. […] C’est dans la crise d’une révolution qu’on entend répéter sans cesse, que la pitié est un sentiment puérile, qui s’oppose à toute action nécessaire, à l’intérêt général, et qu’il faut la reléguer avec les affections efféminées, indignes des hommes d’état ou des chefs de parti ; c’est au contraire au milieu d’une révolution que la pitié, ce mouvement involontaire dans toute autre circonstance, devrait être une règle de conduite ; tous les liens qui retenaient sont déliés, l’intérêt de parti devient pour tous les hommes le but par excellence : ce but, étant censé renfermer et la véritable vertu et le seul bonheur général, prend momentanément la place de toute autre espèce de loi : hors dans un temps où la passion s’est mise dans le raisonnement, il n’y a qu’une sensation, c’est-à-dire, quelque chose qui est un peu de la nature de la passion même, qu’il soit possible de lui opposer avec succès ; lorsque la justice est reconnue, on peut se passer de pitié ; mais une révolution, quel que soit son but, suspend l’état social, et il faut remonter à la source de toutes les lois, dans un moment où ce qu’on appelle un pouvoir légal, est un nom qui n’a plus de sens.

465. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Elle a l’égoïsme généreux, une soif furieuse de bonheur pour elle et pour les autres ; de là, pour les autres, la pitié, l’appel énergique à la justice, la haine de l’oppression ou du despotisme ; pour elle, l’expression violente de l’individualité, la révolte contre toutes les contraintes et les limites ; elle veut le plus possible se développer en tout sens ; elle veut jouir d’elle-même. […] Il ne faut pas méconnaître que Mme de Staël a été inspirée dans son libéralisme par un ardent amour de l’humanité, par un désir généreux de liberté, de justice et d’égalité, par une bonté large, dont les libéraux et les doctrinaires ne se sont pas toujours inspirés.

466. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Certaines gaucheries d’exécution, et, je crois, pour la dernière pièce, une certaine erreur de l’auteur lui-même sur la valeur morale des actes de son personnage principal, ont fait qu’il n’a pas encore trouvé auprès du public ni auprès de la critique la justice qui lui est due. […] Léon Tolstoï (né en 1828) a renoncé à la littérature d’art, et s’est fait, en dehors de tout dogmatisme confessionnel, apôtre de la morale évangélique ; par le livre et par l’exemple, il a enseigné la justice, l’humilité, la pitié, la charité.

467. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Par les portes lentement ouvertes, les inconnus qui pénètrent avec des airs de spectres se résolvent en hommes charnels, vicieux et riants ; les maisons sont hantées et profanées par devrais assassins aux mains humides d’un sang qui glue ; la justice reçoit la victime qu’elle exige, d’un magistrat court, bouffi, jaune, fumeur de cigarettes, et sa cruauté dialectique, aux prises avec la rude énergie du meurtrier, dans un duel dont l’âpre et croissante horreur n’a pas d’exemple, s’exerce entre des murs blanchis, dans un bureau où des fonctionnaires entrent. […] Car de même que la souffrance des bêtes est plus douloureuse à voir que celle des hommes, parce qu’en ces êtres muets et séparés, on n’en mesure ni le degré ni la justice, pour ce témoin distant que fut Dosloïewski, la souffrance humaine parut épouvantable et énorme ; ignorant des causes, et ne sachant des hommes qu’il ne connaît pas, que leur plainte, hagard et apitoyé, il se penche sur la vie avec consternation, et il en dit toutes les horreurs et toute la fange, avec le singulier mélange d’insistance et de pitié, que l’on met à raconter quelque horrible accident, aperçu au hasard rapide d’un passage, noté en sa seule horreur, et retenu sans enquête comme cruellement immérité.

468. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

En commençant, il a rendu au premier empereur une justice à quelques égards éclatante, et il est impossible de ne pas remarquer combien cette grande figure de Napoléon gagne chaque jour dans la perspective : ceux qui l’on combattu à l’origine n’ont plus, même quand ils le jugent, que le langage magnifique de l’histoire.

469. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur. Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome II. »

Le prince Henri avait de grandes vertus ; ses lumières, son humanité, sa justice l’avaient popularisé en Europe, et, auprès de la gloire de Frédéric, la sienne, moins brillante, semblait incomparablement plus pure : et ce même prince, sans songer à mal, invente la plus odieuse des iniquités politiques ; à l’occasion, il en cause avec Catherine, il en cause avec son frère ; la partie s’arrange, il s’en félicite, et, dans sa retraite de philosophe, s’en berce comme d’un doux et beau souvenir !

470. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

Il vénère et chérit nos humbles frères, ces animaux que nul n’a chantés, pas même La Fontaine, avec plus de justice et de tendresse.

471. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

Que n’eût pas été cet ouvrage, qui abonde, d’ailleurs en beautés de premier ordre et à qui toute justice n’a pas été rendue, si le poète, en l’écrivant, n’eût pas senti peser sur lui sa précoce gloire de chef de l’école de bon sens ?

472. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « La course à la mort » pp. 214-219

.%220 % Certains vers de la Justice de Sully Prud-homme commentant certaines pages de Darwin, sont la préface de cette nouvelle tendance.

473. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Clément Marot, et deux poëtes décriés, Sagon & La Huéterie. » pp. 105-113

On y voit son valet, rendant cette justice à son maître, d’être estimé des bons écrivains, & de n’avoir pour ennemis,         Qu’un tas de jeunes veaux, Un tas de rimasseurs nouveaux, Qui cuident eslever leur nom Blasmant les hommes de renom ; Et leur semble qu’en ce faisant, Par la ville on ira disant : Puisqu’à Marot ceux-cy s’attachent, Il n’est possible qu’ilz n’en sçachent.

474. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

Bayle a sans doute été trompé par leurs rapports, lorsqu’il affirme, dans le Traité de la Comète, que les peuples peuvent vivre dans la justice sans avoir besoin de la lumière de Dieu .

475. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Les vengeances sans danger et sans justice aparente, ne nous laissent voir que la bassesse et la perfidie. […] Je dois cependant rendre ici justice à un de mes censeurs. […] Nous ne réussirions pas si dans ce dernier état de nos personnages, nous blessions une justice naturelle, et toûjours présente à tous les esprits. […] Je ne saurois finir sans me faire justice sur ce que je reconnois de défectueux dans la tragédie. […] Le caractere d’Alphonse est composé d’un amour sévere pour la justice, et d’une extrême tendresse pour son fils.

476. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Il y a longtemps, Catilina, que les ordres du consul auraient dû te faire conduire à la mort… Si je le faisais dans ce même moment, tout ce que j’aurais à craindre, c’est que cette justice ne parût trop tardive, et non pas trop sévère. […] … Et vous, pères conscrits, écoutez avec attention, et gravez dans votre mémoire la réponse que je crois devoir faire à des plaintes qui semblent, je l’avoue, avoir quelque justice. […] Si vous suivez la doctrine du plaisir ou de l’égoïsme, bien des choses périssent, et d’abord ces beaux rapports qui nous unissent à nos semblables, l’amour des hommes, l’amitié, la justice et les autres vertus ; car, sans le désintéressement, ce ne sont plus que des chimères ; lorsque nous sommes portés à remplir nos devoirs par l’attrait du plaisir et par l’appât des récompenses, ce n’est pas la vertu, c’est le faux semblant et comme un plagiat de la vertu ». […] Antiochus me le rappelle, et c’est la seule école que je fréquente. » Viennent ensuite des définitions admirables de l’âme, de ses facultés, de ses vertus, filles, dit-il, de notre liberté morale telles que la prudence, la tempérance, la force, la justice, la modération, l’abnégation, le sacrifice de soi-même aux autres, tout ce dont se compose aujourd’hui encore le code de l’homme parfait. […] Quant à moi, ajoute-t-il, je doute si éteindre la piété envers la divinité, ce ne serait pas anéantir du même coup la bonne foi, la conscience, la société humaine tout entière, et la vertu qui supporte à elle seule le monde, je veux dire l’instinct de la justice !

477. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — III »

Sans doute, Chénier eut une fois envers elle le grand tort de lui parler d’amour, et d’autres fois il lui lança d’autres traits auxquels elle fut peut-être moins insensible ; mais, plus tard aussi, quand l’amertume de la satire fut exhalée, madame de Genlis reçut publiquement de sa plume, dans un estimable écrit, toute la justice à laquelle elle pouvait prétendre.

478. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Ce rôle de justice et d’indulgence qu’ils avaient tant haï dans la Gironde, qu’ils avaient réprimé par sa ruine, et qu’ils flétrissaient encore dans sa mémoire, quelques-uns, le croirait-on ?

479. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

Dupin a rendu d’abord à l’Académie et à tout l’Institut cette justice que c’était une pairie non héréditaire, une pairie du savoir et du talent, où nul choix du pouvoir, nulle intervention étrangère ne vous portait, et où chaque membre arrivait par le seul et libre suffrage de ses égaux.

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