Dans un banquet, ils se jettent à la tête les couteaux et les quartiers de viande. […] C’est au moins la dixième. » Or, qu’on jette un coup d’œil sur la littérature de ce demi-siècle.
» En lisant les Observations de Malesherbes, restées inédites de son vivant et qui ne parurent qu’en 1798, on sent partout un homme modeste, instruit, qui est sur son terrain et qui ne fait que le défendre comme il doit, en accueillant un peu vertement l’homme supérieur, qui jette un coup d’œil général et qui tranche. […] On juge de la fureur de l’ambitieux dévot ; il jeta feu et flamme et menaça.
Il avait été destiné à l’Église ; mais les traverses de sa maison l’ayant jeté dans les armes, il y avait trouvé tant de goût, qu’il n’en était pas revenu. […] Écoutons l’aveu naïf de ce glorieux humilié : Je me jetai donc ce jour-là aux pieds du roi, qui me reçut si bien, que ma tendresse pour lui me serra le cœur au point de ne parler et de n’exprimer ma joie et ma reconnaissance que par mes larmes.
De tous côtés on s’accuse de conspirations, de complots, sans voir qu’à la fin il y a danger « que notre inquiétude errante et nos soupçons indéterminés, dit-il, ne nous jettent dans un de ces combats de nuit où l’on frappe amis et ennemis ». […] Le sentiment qui le jette hors de lui et le porte en avant, est surtout moral : c’est la haine de l’homme intelligent contre les brouillons, de l’homme d’esprit contre la sottise, de l’homme de cœur contre les lâches manœuvres et les infamies ; c’est le dédain d’un stoïcien passionné et méprisant contre la tourbe de ceux qui suivent le torrent populaire et qui flagornent aujourd’hui la multitude comme ils auraient hier adulé les rois ; c’est l’expression irrésistible d’une noble satire qui lui échappe, qui se profère avec indignation et bonheur, qui se satisfait quand même, dût-elle ne produire d’autre effet en s’exhalant que de soulager une bile généreuse.
Le lampion qui fume sur la façade opaque des avènements royaux cache la réverbération sidérale que jettent sur les siècles les créateurs de civilisation. […] La marche en avant veut un doigt indicateur ; s’insurger contre le pilote n’avance guère l’équipage ; nous ne voyons point ce qu’on gagnerait à jeter Christophe Colomb à la mer.
On peut avoir à la fois plus d’inquiétudes et plus d’espérances qu’il n’en a lui-même, suivant que l’on considère certains faits sur lesquels il n’a jeté qu’un regard inattentif. […] Lorsque les esprits aventureux ont jeté en avant quelques hypothèses, les sociétés se mettent à les vérifier un peu au hasard.
Il est toujours clair, élégant, harmonieux, & dans le ravissement où il jette le lecteur, il oublie tous les défauts de l’auteur : ces enchantemens qui semblent appartenir à la féerie ; ce mêlange bizarre d’idées payennes & chrétiennes ; ces jeux de mots & ces concetti puériles, que le goût du siécle avoit arraché au Poëte. […] Les murailles d’albâtre qui entourent le Paradis terrestre, les diables qui, de géans qu’ils étoient se transforment en pygmées pour tenir moins de place au conseil, dans une grande salle toute d’or, bâtie en l’air ; les canons qu’on tire dans le ciel, les montagnes qu’on s’y jette à la tête ; des Anges à cheval qu’on coupe en deux, & dont les parties se rejoignent soudain ; tant d’autres extravagances n’ont cependant pas empêché qu’on compare Milton à Homere qui a aussi ses défauts, & qu’on le mette au-dessus du Dante, dont les imaginations sont encore plus extraordinaires.
Partir vers minuit, suivre dans la nuit sombre, à travers les sapins, un sentier caillouteux et couvert de verglas ; observer un silence absolu, tomber, se relever, s’égarer, retrouver enfin son chemin et, une fois arrivés, placer les sentinelles, faire coucher les hommes, reconnaître, en cas d’attaque, les tranchées de combat ; enfin songer à soi, et se jeter sur la paille, le revolver à la ceinture.., voilà ce que c’est qu’une relève. Et pourtant écoutez le cri que jette, de ces lieux de douleur et de mort, le jeune garçon au jour de Pâques 1915 : Joyeuses Pâques !
Ce fanal obscur, invention du philosophisme actuel, breveté sans garantie de la Nature ou de la Divinité, cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de la connaissance ; la liberté s’évanouit, le châtiment disparaît. […] Par le premier et rapide coup d’œil jeté sur l’ensemble de ces tableaux, et par leur examen minutieux et attentif, sont constatées plusieurs vérités irréfutables.
N’est-ce pas de quoi faire pitié, ce désir légitime de savoir qui n’est pas satisfait, ce besoin de culture populaire sans cesse renaissant et sans cesse trompé, ce champ immense et fertile où l’on ne jette que des graines folles ? […] Après avoir contemplé, pendant trois jours, les fêtes données dans la ville en l’honneur d’un prince d’Occident, ils jetaient devant eux, en regagnant le désert, le salut à la vie insouciante et nomade.
Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir. […] Il est difficile de jeter un coup d’œil sur l’évolution de la vie sans avoir le sentiment que cette poussée intérieure est une réalité.
Il a été remarqué que l’auteur, en se proposant et en professant hautement un but moral des plus honorables, jette quelquefois bien durement le défi à la société ; qu’il la maltraite en masse et de parti pris plus qu’il ne conviendrait dans une vue plus impartiale et plus étendue ; qu’il n’est pas très juste de croire, par exemple, qu’un jeune homme tel qu’il nous a montré le sien, Georges, le personnage principal de la pièce, riche, aimé, considéré à bon droit, puis ruiné un matin à vingt-cinq ans par un si beau motif, doive perdre en un instant du même coup tous ses amis, moins un seul ; il a été dit que l’honneur et la jeunesse rencontrent plus de faveur et excitent plus d’intérêt, même dans le monde d’aujourd’hui.
Le principal défaut des artistes d’aujourd’hui, peintres ou poëtes, c’est de prendre l’intention pour le fait, de croire qu’il leur suffit d’avoir pensé une belle chose pour que cette chose paraisse belle ; au lieu de se donner la peine de réaliser l’idéal de leur conception, ils nous en jettent le fantôme.
Louis XV ne mourut pas comme Sardanapale, il mourut comme mourra plus tard Mme Dubarry, laquelle, on le sait, montée sur l’échafaud, se jetait aux pieds du bourreau en s’écriant, les mains jointes : « Monsieur le bourreau, encore un instant !
Du moins nos pères furent bien excusables de s’y méprendre, et il est beau de voir avec quelle indulgence, dictée par une raison impartiale et supérieure, le jeune historien leur pardonne de s’être jetés dans fies bras du héros, et de s’être laissé enivrer à tant de gloire.
Il y a de la verve pourtant, de l’haleine dans ces pages qu’il jette.