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1763. (1932) Les idées politiques de la France

On imagine le romantisme décoratif de la Fin de Satan suscitant, de celles-là, Jeanne d’Arc. […] Quand je ne serai plus là, ce sera vous la vieille bête. » J’imagine, sur le quai Wilson, un vieil ambassadeur de François-Joseph, élève de M. de Metternich, admirant en M. 

1764. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Elle est complaisante, celle-là ; elle veut ce que vous voulez, elle dit ce que vous dites ; vous l’appelez, elle vient ; vous la rejetez, elle s’en va ; vous l’interrogez, elle répond ; cruel Nisard, vous êtes le premier, j’imagine, qui se soit jamais emporté contre cette facile littérature. […] » L’argument serait ad hominem, j’imagine ; à moins que vous ne prétendiez que, parce que vous ne travaillez qu’à vos heures, parce que vous allez à la campagne respirer l’air du printemps, parce que les Pyrénées vous abritent de leur ombre poétique contre les chaleurs de l’été, parce que vous allez vous adosser, en hiver, contre les arènes de Nîmes ou d’Arles, toujours éclairées d’un soleil tempéré ; parce que vous êtes un habile heureux, un prévoyant de ce bas monde, qui commandez à vos passions, qui ne jetez rien au hasard, qui êtes sage et qui avez pu l’être, vous ne prétendiez être mieux traité que nous, dont la porte est ouverte nuit et jour, qui sommes à notre tâche à toute heure, en toute saison ; nous, malheureux, qui avons demandé à notre plume, à notre tête, à notre cœur, à notre sang, tout ce qu’il faut pour satisfaire à une jeunesse ardente, impétueuse, emportée, remplie de passions grandes et petites, mais honnête, indépendante, incapable de servir une cause injuste et qui aimerait mille fois mieux faire un mauvais livre, qu’une mauvaise action. […] En ce temps-là, notre Académie française n’avait pas encore imaginé de donner un grand prix, tous les ans, à la même femme auteure, et voilà pourquoi sans doute mademoiselle Mercœur n’obtint, dans son académie de province, qu’un premier accessit. […] … » Seulement, dans le nombre et dans la foule, au bruit de ces armées qui ne se taisent ni la nuit ni le jour, à l’ombre mouvante de ce drapeau qui porte en ses plis nombreux la guerre implacable, un jeune homme à peine échappé aux doctes entretiens de l’antiquité, sa mère nourrice, imagine, ô blasphème ! […] Jean Monteil n’a pas pleuré, j’imagine, au retour de cet enfant prodigue ; il le savait tendre et bon, honnête et timide, chaste et loyal, et il l’abandonna à ses bons instincts.

1765. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

La lumière croissoit toujours, & répandoit un nouvel éclat sur la République des Lettres, lorsque Jodelle(*), sentant tout le ridicule de la représentation des Mystères, des Moralités, des Farces & des Sotties, imagina de composer des Tragédies & des Comédies d’après celles de l’Antiquité.

1766. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Quelques-uns se sont imaginé que la sélection naturelle produisait la variabilité, lorsqu’elle implique seulement la conservation des variations accidentellement produites, quand elles sont avantageuses aux individus dans les conditions particulières où ils se trouvent placés.

1767. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

C’est dans tous les cœurs une exubérance d’énergies, de foi, d’amour ; un grand élan vers une nature que l’orage a ressuscitée ; et comme la réalité politique refoule ces énergies et que d’aucuns s’imaginent reconstruire la Bastille, toutes les forces affluent à l’art, à la poésie, au lyrisme.

1768. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Heureusement elle a germé dans le cerveau d’un honnête ingénieur, Hamelin, lequel a imaginé une chose qui n’est guère plus folle que bien d’autres, de refaire le royaume de Palestine et d’y mettre le pape. […] Et ce qu’ils imaginent, ce qu’ils remuent, ce qu’ils en arrivent à mettre en jeu pour se faire donner de la morphine ou s’en procurer en fraude, c’est fabuleux ! […] Nous taillerons, j’imagine, une fière bavette.

1769. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

J’imagine que Bonvalot et ses compagnons ont dû observer, par certains exemples frappants, comment l’homo ingeniosus, premier sous-ordre des primates, s’ouvrit à l’émotion religieuse. […] L’auteur doit être, comme son livre et son éditeur, un brave homme de provincial ; ses manières doivent être simples, et ses mœurs pures ; je me le figure avec une face innocente, des traits reposés et un peu mélancoliques, des yeux francs et clairs, bien ouverts sur la beauté et la douceur des choses ; j’imagine qu’il occupe quelque fonction médiocre, dans une hiérarchie administrative, mais que son rêve suffit à le rendre heureux pendant toute la durée des jours. […] Tandis que les érudits emplissent leurs carnets, les pilaouers et les cloarecs imaginent des légendes nouvelles.

1770. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Beffara et acceptés par tous les hommes sensés, de ne voir dans la femme de Molière que la fille et non la sœur de sa première maîtresse : « Pour ruiner l’autorité de l’acte de mariage, il est obligé de se mettre en frais d’inventions, et il imagine ce qui suit : il suppose que la mère de Madeleine Béjart aurait consenti à se donner pour la mère d’Armande, et à signer comme telle au contrat, s’exposant par cette complaisance à toutes les sévérités de la loi si elle venait à être découverte ; — et dans quel intérêt, s’il vous plaît ? […] Rousseau, « est revêtu du style le plus bas et le plus ignoble qu’on puisse imaginer. […] Le besoin des amusements, l’impuissance de s’en procurer d’agréables et d’honnêtes dans les temps d’ignorance et de mauvais goût, avait fait imaginer ce triste plaisir, qui dégrade l’esprit humain. […] parbleu, mon père, dit Chapelle, qui se crut affaibli par l’apparente approbation du minime, il faut que Molière convienne que Descartes n’a formé son système que comme un mécanicien qui imagine une belle machine sans faire attention à l’exécution ; le système de ce philosophe est contraire à une infinité de phénomènes de la nature que le bonhomme n’avait pas prévus.”

1771. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

This perhaps may appear too great a paradox even for our wise and paradoxical age to endure ; therefore I shall handle it with all tenderness, and with the utmost deference to that great and profound majority which is of another sentiment… I hope no reader imagines me so weak as to stand up in the defence of real christianity, such as used in primitive times (if we may believe the authors of those ages), to have an influence upon men’s belief and actions.

1772. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

But virtue itself may contribute to the fall of him who imagines that it is in his power, by violating some general rule of morality, to confer an important benefit on a church, on a commonwealth, on mankind.

1773. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Ils croyaient que le monde finissait où finissait leur île, et ils n’imaginaient rien d’aimable où ils n’étaient pas.

1774. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

C’est Taine, l’incarnation en chair et en os de la critique moderne, critique à la fois très savante, très ingénieuse, et très souvent fausse au-delà de ce qu’on peut imaginer.

1775. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Je m’imagine que l’athéisme de Littré, par exemple, l’athéisme scientifique, positif, absolu, de ces derniers temps, ne se découvre pas le front, comme faisait Newton quand il prononçait le nom de Dieu, devant le matérialisme lyrique de Diderot, ivre de matière et qui parlait avec tant d’inconséquence de l’Eternel… D’un autre côté, l’Encyclopédie n’eut pas non plus, pour son exécution, des ouvriers de la force de ces sublimes anonymes du moyen âge, qui ne se souciaient que de la gloire de Dieu et ne pensaient pas à la leur en élevant vers lui leurs merveilleux édifices.

1776. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Lumley, qui s’étonne de ne pas encore voir, sur une place de Londres, une colonne monumentale supportant sa statue, avait imaginé de se faire comprendre dans l’ovation que la première aristocratie du monde accordait à ses artistes. […] Il y a deux jours, — comme il avait fait mauvais temps et que le macadam avait délayé la boue dans la rue, un de ces industriels de la rue avait imaginé de tracer dans Regent-street un chemin praticable pour les piétons. — Chaque personne qui passait lui donnait un penny.

1777. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Au poète, il semble que chanter ce qu’il voit n’est pas peindre la nature assez belle et la vie assez riante, et il imagine un monde baroque qu’il doit peindre en termes non moins étranges. […] On n’est pas de l’Académie si l’on s’imagine que ce vidangeur — aménité tout académique — sait écrire avec plus de couleur que M. de Falloux et avec plus de charme que le dernier des ducs admis en la noble compagnie, grâce aux titres littéraires que l’on sait, ou plutôt que l’on ne sait pas.

1778. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Le mari que j’imaginais tout à l’heure et qui fait un mensonge à sa femme, non pas parce qu’il a peur d’une scène et pour se l’épargner, mais par simple bonté et délicatesse charmante à l’endroit de sa femme, ce mari-là n’existe pas. […] Je m’imagine qu’il est de famille noble sans particule et qu’il tient un peu à revendiquer sa qualité de noble en dépit de l’absence de préposition et en bien marquant que la noblesse ne tient pas à cette préposition et que cette préposition est insignifiante.

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