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1315. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Vous auriez été heureux de voire succès. » Il avait de ces grâces de mémoire qui révélaient combien cet homme si fort était demeuré tendre. […] C’est, dans la Nichée de gentilshommes, Mme Lavretsky, l’adultère souriante, hypocrite et heureuse. […] Heureux les hommes qui peuvent, comme Tourguéniev, se rendre, en mourant, cette justice, qu’ils ont été de bons serviteurs de l’œuvre à laquelle leur race travaille ! Heureux surtout s’ils ont vu justement quelle était cette œuvre ! […] Ce sont là quelques cas heureux et réussis du cosmopolitisme contemporain.

1316. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

D’autres témérités ne furent pas plus heureuses. […] Malédiction sur moi, —  si je ne vous trouve pas heureuse de ce second mariage, —  car il surpasse votre premier240 ! […] Cette âme trop pleine s’épanche sans le savoir, heureuse et honteuse du flot de bonheur et de sensations nouvelles dont un sentiment inconnu l’a comblée. « Je suis une folle de pleurer de ce dont je suis heureuse. —  De quoi pleurez-vous ? […] Nous sommes heureux d’être délivrés des rudes chaînes de la logique, d’errer parmi les aventures étranges, de vivre en plein roman et de savoir que nous y vivons. […] Le vieux duc se trouve heureux de son exil.

1317. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

L’Empereur, en signant la nomination, avait dit ces paroles, qui lui furent rapportées : « Si je connaissais quelque autre marque de mon estime qui pût être agréable à M. de Sismondi, je serais heureux de la lui envoyer. » Sismondi crut devoir refuser, pour laisser à son opinion tout le prix, du désintéressement. […] L’homme d’esprit en lui, le philosophe avait parfois quelque remords de son bonheur qui lui ôtait de la curiosité : « Ma vie est heureuse, écrivait-il pour lui seul (26 février 1825), heureuse, mais uniforme ; je n’ai presque aucun désir qui me soit personnel ; j’ai aussi peu de craintes, sauf celles qui se rapportent aux destinées du genre humain.

1318. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

J’ai été longtemps étonnée et plaintive de souffrir ; vivant très-solitaire, bien que d’une profession frivole à l’extérieur, je croyais tous les autres heureux ; je ne pouvais me résoudre à ne pas l’être. […] Nous y reviendrons avant de finir, heureux d’en pouvoir citer de précieux témoignages91. […] Une seule circonstance heureuse en rompt la note uniforme et triste : le mariage de sa fille Ondine, si tôt suivi d’une fin funeste.

1319. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

La philosophie éclectique de la Restauration avait déjà, malgré ses réserves sur tant de points, proclamé la théorie du succès et de la victoire, c’est-à-dire affirmé que ceux qui réussissent dans les choses humaines, les heureux et les victorieux, ont toujours raison en définitive, raison en droit et devant la Providence qui règle le gouvernement de ce monde. […] Michelet a senti en un endroit cette absence de soin moral qui caractérise le moment présent, si animé d’ailleurs, si intelligent et si vivement poétique ; il a exprimé son regret et son espoir en paroles ardentes qu’on est heureux d’avoir pour auxiliaires : ne pourrait-on pas les lui opposer à lui-même quelquefois ? […] Je suis fort heureux pour mon pauvre et spirituel Dumont (de Genève) que le poëte ne l’ait pas pris à partie ; il l’aurait, je le crains, assez pulvérisé.

1320. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

X Pendant son ambassade de Rome, peu de temps avant la révolution de 1830, M. de Chateaubriand, triomphant de l’élection d’un pape faite sous ses auspices, heureux en fortune, heureux en séjour, heureux en sentiment pour des personnes innomées, se prend, comme à l’ordinaire des grandes âmes, d’un fastidieux dégoût pour tant de félicités, et continue à écrire ses Lamentations très déplacées à son ancien secrétaire de Paris.

1321. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

De savoir si cette modification est heureuse, c’est une autre question que je n’examine pas ; il me suffit de montrer que le système romantique laisse encore tant de liberté aux poètes. […] Du moins Shakespeare sait quelquefois imprimer à ces êtres surnaturels un heureux caractère : son Ariel a je ne sais quoi d’aérien dans ses discours comme dans sa démarche ; et ce qui révèle surtout sa céleste origine, c’est qu’il est empressé à soulager les souffrances ; c’est un ange de bien ; au lieu que les autres démons de la Grande-Bretagne et de la Germanie, ne servent que le crime, n’encouragent que le vice ; leur présence dans une tragédie lui donne presque toujours un vernis d’indécence et d’immoralité. […] La tyrannie revêt tant de formes, et l’ambition s’engage en des routes si diverses, que les poètes classiques, quel que soit le nombre de leurs heureux essais ou même de leurs chefs-d’œuvre en ce genre, ne l’ont point, à beaucoup près, épuisé.

1322. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Un autre poète du temps, Jean Sirmond, dans d’excellents vers latins, salue en Balzac la personnification de l’éloquence : « Telle apparaîtrait, dit-il, l’Éloquence, heureuse de se faire voir sous ses propres traits, si elle descendait du ciel, soit pour accabler le crime, soit pour diviniser la vertu8. » Il peint l’étonnement de la cour, entendant cette parole si vive et ce qu’il appelle les miracles de la déesse de la persuasion. […] Il faut du courage pour aller chercher quelques tours heureux et neufs, qui manquaient à notre langue et y sont demeurés, dans cette multitude de lettres « toutes pures d’amour, pleines de feux, de flèches et de cœurs navrés », dont l’auteur, selon Mlle de Bourbon, une des plus agréables précieuses de la cour, « devrait être conservé dans du sucre. » Voiture, doué d’un esprit vif et ingénieux, très goûté des princes et des gens de la cour, agréable au grand Condé et au comte duc d’Olivarès, chargé de missions diplomatiques, ayant sur Balzac, qui rêvait, dans son orgueilleuse solitude, des cours et des princes imaginaires, l’avantage de voir de très près la cour et les princes de son époque, Voiture aurait pu employer sa finesse d’esprit à pénétrer le fond de tant d’intrigues politiques, et sa plume à en écrire gravement. […] Du moins, Balzac eut le solide mérite d’indiquer la voie à de plus habiles ; et s’il est vrai que son édifice se soit écroulé, une partie des matériaux, employée par des mains plus heureuses, a servi à des constructions qui ne périront pas.

1323. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

C’est par lui que je connus la famille Scheffer, à laquelle je dois une compagne qui s’est toujours montrée si parfaitement assortie aux conditions assez serrées de mon programme de vie, que parfois je suis tenté, en réfléchissant à tant d’heureuses coïncidences, de croire à la prédestination. […] Mon expérience de la vie a donc été fort douce, et je ne crois pas qu’il y ait eu, dans la mesure de conscience que comporte maintenant notre planète, beaucoup d’êtres plus heureux que moi. […] Les stoïciens soutenaient qu’on a pu mener la vie bien heureuse dans le ventre du taureau de Phalaris.

1324. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Alors, heureux ne pouvait pas être, à Siegfried et Brünnhilde, l’accomplissement de la Mission : la Libération devait être, cruellement, achetée ; et les derniers souillés, Siegfried, possesseur de l’Anneau, Brünnhilde, incarnation révoltée de la Divinité, Siegfried et Brünnhilde, pécheurs chargés du Péché universel, étaient condamnés à expier, par leurs morts, la Souillure. […] Dans le feu luisant, là, gît ton Maître, Siegfried, mon bien heureux Héros : pour suivre l’Ami, hennis tu, joyeusement ? […] bien heureuse, te salue ta femme. »   Brünnhilde s’est, impétueusement, élancée sur son cheval ; elle le fait sauter, d’un bond, dans le bûcher enflammé.

1325. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Flaubert a peint en quelques traits heureux le voltairianisme épais de son pharmacien de village, la niaiserie béate du curé, l’imbécillité bavarde des personnages secondaires, quand il a décrit tous les aspects de la bêtise humaine dans un canton de la Basse-Normandie, non content de cette vive esquisse, il reprend son texte et revient à la charge ; on dirait que les trivialités l’attirent. […] On comprendrait à la rigueur une fiction romanesque introduite avec art dans ce cadre terrible ; nous voyons dans le récit de Polybe qu’Hamilcar avait une fille, et qu’un jeune Numide appelé Naravase ayant quitté l’armée de Spendius pour se joindre aux Carthaginois, Hamilcar fut si heureux de cette conquête qu’il lui promit sa fille en mariage. […] Flaubert connaîtra l’art du clair-obscur, il ne donnera plus la même valeur aux choses les plus disparates, il n’entassera plus tous les objets sur le même plan, et s’il trouve quelque inspiration heureuse, quelque motif ingénieux ou grandiose, il se gardera bien de le noyer au sein de cette lumière dure, âpre, métallique, qui efface toutes les teintes et confond toutes les formes.

1326. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Au sortir de table, Gambetta me dit aimablement qu’il est heureux de rencontrer un homme, que des amis communs lui ont fait connaître. […] Il lui semble qu’il est invulnérable… Mardi 14 février La femme d’un président de tribunal de province disait à Flaubert : « Nous sommes bien heureux, mon mari n’a pas eu un acquittement pendant la session !  […] C’est une confession très curieuse et très vraie de la jeune fille, parfaitement heureuse.

1327. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Mais, par un hasard que je trouve heureux pour sa gloire, Octave Feuillet, de cette fois, s’est rencontré avec un sujet de grandeur qu’il pouvait embrasser. […] Ce qui ne veut pas dire du tout qu’il fait l’important — ce qui serait ridicule — dans l’heureuse position qu’il doit à ses écrits. […] Drame, roman, comédie, ils ne sont pas ce qu’ils pourraient être, ils ne sont que des idées, heureuses parfois, qui ont toujours du malheur à l’exécution.

1328. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Voilà l’heureux expédient dont se servent les bons Romanciers Anglois. […] Cet heureux ensemble a ses difficultés sans doute, & il n’appartient qu’au talent réel de les vaincre. […] Peu importe, vu le mérite intrinseque de l’ouvrage ; mais quelques nouvelles productions de la Germanie, dans différents genres, peuvent servir à prouver que le génie est de tous les climats, & qu’il ressemble à ces plantes heureuses, pour qui toute espece de sol devient fertile, si la culture ne lui est pas refusée.

1329. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Vous êtes heureux, vous, si rien ne vous oblige d’aller à la ville. […] Quelle heureuse profession ! […] Au commencement de sa nouvelle existence, Boris se trouva très heureux. […] Elle aboutit à une séparation, ou à un changement qui est rarement heureux. […] Ses années précédentes n’avaient été ni heureuses ni gaies ; mais le soir de sa vie était plus sombre que la nuit.

1330. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Le sonnet pour Hélène aurait pu s’achever en homélie ; « heureux qui comme Ulysse… » par l’apothéose du mont Palatin […] La métamorphose s’opère, l’expression devient poétique, le vers poésie, dès qu’une technique subtile et patiente, d’ailleurs secondée par d’heureux hasards, est arrivée à capter, pour les orchestrer délicieusement, les ressources musicales du langage. […] Ils nous détournent de ces ombres éblouissantes, que notre impérialisme antimystique, suite du premier péché, nous rend trop délectables, pour nous transporter dans ces heureuses ténèbres, où les griffes des trois concupiscences ne trouvent plus où se prendre. […] Un second sens, qui, à proprement parler, n’est pas un sens, mais qui est gros des significations les plus riches ; sens non formulé, non formulable, que seuls, je ne dis pas comprennent, mais saisissent, palpent, s’approprient soit le poète lui-même, soit les heureux qui lisent poétiquement. […] Chabaud par contre, serait peut-être moins heureux, et il donnerait prise à nos rationalistes.

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