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349. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Pensait-il obtenir de la victoire des Alliés la réalisation des projets si curieux, qui ne vont pas sans grandeur, du docteur Herzl, ou plus simplement et plus sûrement voulait-il augmenter par des sacrifices la force morale, l’autorité d’Israël ? […] Cette confusion avec la vie du monde donne à notre vie une grandeur, une beauté incomparables… »‌ Ainsi attaché à la splendeur universelle, il défie le destin. « J’ai confiance que quoi qu’il arrive aujourd’hui, demain, dans huit jours, je me suis monté assez haut pour dominer les événements et ne les regarder qu’avec curiosité ». […] La demi-heure qui précède l’attaque ou la reconnaissance offensive, possède une grandeur tragique.

350. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Il est dans l’homme la conséquence de l’idée de sa propre supériorité  ; et, en effet, comme le rire est essentiellement humain, il est essentiellement contradictoire, c’est-à-dire qu’il est à la fois signe d’une grandeur infinie et d’une misère infinie, misère infinie relativement à l’Être absolu dont il possède la conception, grandeur infinie relativement aux animaux. […] La malheureuse jeune fille, entichée de rêves de grandeur, est fascinée par ce déploiement de forces militaires.

351. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Je crois fermement que l’équilibre et la grandeur de la cité dérivent de ce rythme d’expansion et de concentration qui est la loi centrale de l’individu. […] Ce n’est qu’à la suite d’étranges aberrations qu’on a pu concevoir des systèmes de philosophie sociale où la grandeur de l’individu dépendait de son isolement et d’autres où, au contraire, l’altruisme aboutissait à la négation de l’individu. […] ‌ III Ce qui fait la grandeur de cette conception moderne de l’inter-nationalisme, c’est qu’elle se rattache à la conception naissante d’un univers où tout est lié.

352. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

À prendre des procédés d’observation et d’expérimentation qu’on pratiquait déjà, et, plutôt que de les appliquer dans toutes les directions possibles, à les faire converger sur un seul point, la mesure — la mesure de telle ou telle grandeur variable qu’on soupçonnait être fonction de telles ou telles autres grandeurs variables, également à mesurer. La « loi », au sens moderne du mot, est justement l’expression d’une relation constante entre des grandeurs qui varient.

353. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Or, le jugement universel surpasse en grandeur le jugement particulier ; donc le sentiment et le motif poduits par le jugement universel surpasseront en grandeur le sentiment et le motif produits par le jugement particulier. Donc le sentiment et le motif vertueux surpasseront en grandeur le sentiment et le motif intéressés ou affectueux.

354. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Sainte-Beuve lui eût donné plus d’essor, plus de grandeur ; les sévérités littéraires, et qui n’étaient que de pure forme, à l’égard d’un traducteur qui se montrait un si aimable solliciteur dans la vieillesse, n’auraient pas tenu : elles seraient tombées d’elles-mêmes, elles auraient disparu ; M.  […] Certains esprits amis de l’humanité, épouvantés de ses maux et de son délire, avaient eu recours aussi, comme le poète romain, à cette philosophie austère et sans larmes qui se pique de voir les choses comme elles sont, qui se console de la tristesse de ses résultats par l’idée de leur vérité, et qui, faisant l’homme si petit en face de la nature, et osant pourtant le maintenir dans tous ses droits, ne manque certes ni de générosité ni de grandeur.

355. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Tenir à la fois présents tous les ressorts, y avoir l’œil pour les tendre et les détendre insensiblement : prendre une détermination dans les crises, la maintenir ou ne la modifier qu’autant qu’il faut pendant les difficultés et les lenteurs de l’exécution ; être naturellement secret ; porter légèrement tout ce poids sans que le front en ait un nuage ; entremêler la paix à la guerre, et, sans faiblir, les mener de front, songer en toutes deux au nécessaire, c’est-à-dire aussi, chez de certaines nations, à la grandeur des résultats et à la gloire : dans le même temps exalter les courages et continuer d’apaiser les passions, les tenir comprimées de telle sorte que les gens de bien, selon la belle expression de Richelieu, dorment en paix à l’ombre de vos veilles, et que les laborieux dont la masse de la société se compose se livrent en tous sens au développement légitime de leur activité, que dis-je ? […] Et à quelle époque serait-il plus opportun de le faire qu’à celle où la notion et l’idée du souverain se personnifie d’elle-même, et où la nation, grâce à une impulsion incomparable, acquiert et retrouve la seule chose qui lui avait manqué depuis quarante ans, la grandeur ?

356. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

De l’émulation Parmi les moyens de perfectionner les productions de l’esprit humain, il faut compter pour beaucoup la nature et la grandeur du but que peuvent se promettre ceux qui se consacrent aux études intellectuelles. […] Les anciens éprouvaient une admiration passionnée pour leurs illustres chefs, dont la grandeur native imprimait son caractère à des talents divers et à des gloires différentes.

357. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Dans les Védas, chez Zoroastre, chez Homère, le divin enveloppe l’homme ; les dieux, encore à demi engagés dans la matière, ne font qu’interpréter sa beauté et sa grandeur. […] 151 Il est vrai qu’un jour il se souvient de sa majesté officielle, et ordonne « à tout ce qui respire de s’en venir comparaître aux pieds de sa grandeur. » Mais peut-on rester sublime parmi de tels sujets ?

358. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Pour peindre la grandeur de la victoire de Navarin, V.  […] Peu à peu cependant l’œil s’accoutume à la grandeur des lignes, au vide de l’espace, au dénûment de la terre, et si l’on s’étonne encore de quelque chose, c’est de demeurer sensible à des effets aussi peu changeants, et d’être aussi vivement remué par les spectacles en réalité les plus simples.

359. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Il veut épurer le culte, abolir les sacrifices humains ; et, quoique Albe-la-Longue ait été vaincue par Rome, il n’a point de haine contre les vainqueurs ; il est plus Latin qu’Albin, il prévoit la future grandeur de Rome et son rôle bienfaisant. […] Antistius finit par reconnaître qu’avec ses bonnes intentions il a fait plus de mal que de bien, et qu’il « a porté préjudice à la patrie, laquelle repose en définitive sur des préjugés généralement admis. » Mais, si la réalité ne démentait pas son rêve, il ne croirait pas, il serait sûr, et la certitude abolirait la beauté et la grandeur de son effort.

360. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

À tous ces gens-là la vie en troupeau est nécessaire parce qu’elle est le champ où prospèrent les vertus à leur portée et que ne peut pas ne pas mépriser une âme forte, ayant le sentiment de sa force et de sa grandeur. — Mais au-dessus de cette morale misérable, par-delà cette morale misérable, jalouse de toute force, de toute grandeur, de toute beauté individualisée et s’affirmant comme indépendante du troupeau, l’aristocrate conçoit une morale faite pour lui et pour quelques hommes, ses pareils : une morale de surhomme, morale que chaque surhomme concevra d’ailleurs à sa façon, à son image, et sous l’inspiration de son idéal personnel.

361. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Je serais la plus heureuse personne du monde dans un pays où, pour peu qu’on ait de grandeur on en a toujours plus que de bonheur… J’ai beau renoncer à tous mes goûts, à tous mes sentiments, on m’accuse de choses horribles. » Plus loin : « On fera la Saint-Hubert à Villers-Cotterets ; on m’a donné 400 louis pour mes habits. » Ces lettres sont postérieures à l’établissement des enfants à Versailles, c’est-à-dire à 1674. En effet, pour que le roi fut témoin d’une querelle, et pour que madame Scarron pût trouver quelque peu de grandeur dans sa situation, et pour qu’elle fût du voyage de la Saint-Hubert, et que le roi lui payât ses habillements, il fallait qu’elle fût en permanence à la cour et qu’elle y eût sa place.

362. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Une fois même, Gaiffe daigna écrire un article pour L’Événement, chez lui, — trop heureuse journée pour le pauvre Armand, qui fut presque aussitôt attaqué de la folie des grandeurs. […] J’étais dans la salle à manger, le soir d’un de mes mercredis, causant et buvant avec deux ou trois amis… La nuit finissait, l’aurore se leva à travers les petits rideaux, mais une aurore d’un sinistre jour boréal… Alors tout à coup beaucoup de gens se mirent à courir en rond dans la salle à manger, saisissant les objets d’art, et les portant au-dessus de leurs têtes, cassés en deux morceaux, entre autres, je me souviens, mon petit Chinois de Saxe… Il y avait aux murs, dans mon rêve, des claymores, des claymores immenses ; furieux j’en détachai une et portai un grand coup à un vieillard de la ronde… Sur ce coup, il vint à ce vieillard une autre tête, et derrière lui deux jeunes gens qui le suivaient, changèrent aussi de têtes, et apparurent tous les trois avec ces grosses têtes ridicules en carton, que mettent les pitres dans les cirques… Et je sentis que j’étais dans une maison de fous et j’avais de grandes angoisses… Devant moi se dressait une espèce de box où étaient entassés un tas de gens qui avaient des morceaux de la figure tout verts… Et un individu, qui était avec moi, me poussait pour me faire entrer de force avec eux… Soudain je me trouvai dans un grand salon, tout peint et tout chatoyant de couleurs étranges, où se trouvaient quelques hommes en habit de drap d’or, avec sur la tête des bonnets pointus comme des princes du Caucase… De là je pénétrai dans un salon Louis XV, d’une grandeur énorme, décoré de gigantesques glaces dans des cadres rocaille, avec une rangée tout autour de statues de marbre plus grandes que nature et d’une blancheur extraordinaire… Alors, dans ce salon vide, sans avoir eu à mon entrée la vision de personne, je mettais ma bouche sur la bouche d’une femme, mariai ma langue à sa langue… Alors de ce seul contact, il me venait une jouissance infinie, une jouissance comme si toute mon âme me montait aux lèvres et était aspirée et bue par cette femme… une femme effacée et vague comme serait la vapeur d’une femme de Prud’hon.

363. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Nous autres, les Majestés du xixe  siècle, nous regardons la Royauté du haut de notre grandeur de peuple. […] Mais cette étrange et surnaturelle grandeur du Saint dans le Roi, on ne l’a vue qu’une fois, et cela n’a jamais recommencé.

364. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Seulement, en supposant que l’ensemble, pour être bien vu, n’y soit pas regardé de trop haut et par cela même y devienne vague, en supposant qu’on puisse être tout à la fois exact et poétique, la grandeur et la beauté de l’exactitude ne sont pas un si étonnant tour de force quand il s’agit de la Nature, qui a cela de particulièrement tout-puissant que ceux qui disent faux en en parlant sont encore poétiques, et qu’elle communique de sa grandeur jusqu’à ceux-là qui mentent sur elle !

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