Il n’a point trouvé en lui-même ni développé dans les autres l’esprit philosophique ; il a la gloire d’avoir montré en lui-même et développé dans les autres l’esprit d’érudition. […] C’est une gloire d’avoir réuni tant de mérites et composé des monographies qui resteront. C’est une gloire plus rare encore d’être resté homme de goût, homme éloquent, amateur d’idées générales, parmi des détails si insipides et des argumentations si sèches. […] Il acheva ses études avec gloire, et fut dès lors considéré comme une des espérances du clergé français.
Les absurdes gloires qu’on nous fait en quatre jours avec les trompes (et les tromperies !) […] Vanité d’auteur qui se met coquettement, pour être mieux remarquée, derrière un livre qu’elle croit sa gloire, et qui n’est qu’une obscurité par-dessus une autre obscurité, — ce qui fait deux ! […] — sont deux productions absolument vaines au double point de vue de la gloire de Byron et de la réputation de leur auteur.
Sa publication rentre dans les bonnes et anciennes traditions de la typographie ; et quand, au lieu de ce vieux archiviste des malpropretés du xviie siècle, il nous donnera quelque beau livre tombé en oubliance, comme, par exemple, la magnifique Histoire de Louis XI du grand Mathieu, ce chef-d’œuvre qui fait chrysalide pour la gloire dans la poussière des bibliothèques, d’où il faudrait le faire sortir, nous applaudirons de toute la force de notre plume. […] Ce bourgeois protestant, sceptique, athée peut-être, comme beaucoup d’honnêtes gens de ce temps-là, n’a pas même l’involontaire et beau respect qu’inspirent les grands hommes aux esprits bien faits qui adorent la gloire. […] Malgré la beauté de ses attitudes et le diadème de toutes ses gloires, variées comme les feux du diamant, et qu’il porte sur le front de son Louis XIV, le xviie siècle n’est pas seulement coupable des crimes et des vices du XVIIIe en vertu de la solidarité qui lie entre elles les générations.
Mais les bontés de Dieu furent inutiles, et Chamfort manqua tout, — la vie et la gloire. […] « Il avait découvert — dit Mirabeau avec cette cruelle ironie qu’ont parfois entre eux tous ces voluptueux sans pitié — une maladie pour laquelle les médecins lui devaient des remerciements, car on la croyait tout à fait perdue. » Mais il avait sur le cœur une bien autre lèpre, et ce fût celle-là qui le poussa à cet horrible suicide de dix-huit coups de rasoir, dont sa main enragée se hacha le cou… Quant à sa gloire, elle est légère. […] X C’est criminel, en effet, gratuitement criminel, car il est toujours aisé de se tenir tranquille et de se taire, — de laisser passer, sans y répondre, une thèse vraie dans sa ferme généralité ; il est toujours aisé de vivre dans un sort honnête et obscur, ou même éclatant, si on a vraiment du mérite et si on est taillé pour la gloire, sans que l’impudence d’une révélation sinistre vienne tout à coup répandre une vile lumière autour de soi.
Cette préciosité, dit toujours Livet, fut la gloire du xviie siècle, autant « que le ministère de Richelieu, les grands soumis à la loi, la maison d’Autriche abaissée, l’équilibre européen rétabli et le traité des Pyrénées ». Une femme justement vénérée exprime cette autre gloire, et c’est par cette femme, naturellement, que Livet ouvre son livre. […] Il oublie cela, et il la fait sortir, cette conversation, cette gloire française (comme s’il y avait une conversation française), de cette précieuse, accorte dans les riens et trônant dans le vide au milieu de ces poètes parasites, domestiques et faméliques, d’entre le bichon et la perruche, d’entre le tabouret et le perchoir.
Il y a, du reste, une autre ressemblance entre ces messieurs que d’être l’un et l’autre inconnus au monde littéraire, — où d’être connu n’est pas une si grande gloire ! […] Il n’est point pédant comme les philosophes qu’il combat, et dont quelquefois il se moque avec une bonhomie meurtrière… Du fond de sa province, où il est peut-être resté toute sa vie, — comme Rocaché, le grand médecin des Landes, cet immense praticien, plus haut que la fortune et que la gloire, inconnu à Paris, mais regardé comme un dieu de Bordeaux à Barcelone, où il régna cinquante ans sur la santé et sur la maladie, — le Dr Athanase Renard, dont j’ignore la valeur comme médecin, apparaît dans son livre comme un robuste penseur solitaire, et ce qui étonne davantage, comme un homme de la compétence la plus éclairée sur toutes les questions d’enseignement, de méthodes et de classifications de ce temps, et comme s’il avait vécu dans le milieu philosophique où ces questions s’agitent le plus… Par ce côté, il ressemble encore à Saint-Bonnet, le grand esprit métaphysique dont le rayonnement finira un jour par tout percer, et qui aussi vivait au loin de ce que les flatteurs ou les fats de Paris appellent insolemment la Ville-lumière. […] Pour lui, assez fier ou assez sage pour dédaigner probablement cette écuelle de la Gloire que les Vanités qui viennent y laper ont salie, mais qui aurait aimé peut-être à voir boire aux contemporains de son heure dernière le verre de vérité qu’il leur verse, et qu’ils ne boiront pas !
Tout ce qui est chétiveté d’amour-propre, banalité de pose, convention bête de vanités qui s’entendent comme larrons en foire, grosse manière de se faire valoir, était dédaigné par cet homme d’une distinction suprême et calme, à qui les tambourinades des gloires contemporaines avaient fait aimer le silence ; qui a vécu comme il a pensé, et qui n’avait pas deux manières d’être, comme tant de poètes, grands dans leurs vers, petits dans leur vie ! […] Si, plus haut parvenus, de glorieux esprits Vous dédaignent jamais, méprisez leur mépris ; Car ce sommet de tout, dominant toute gloire, Ils n’y sont pas, ainsi que l’œil pourrait le croire. […] Elles ne donnent pas enfin deux raisons d’exister à la Gloire.
S’il avait éclaté d’idéal, s’il avait porté cette marque brillante et délicate du génie, il attendrait probablement encore, obscur et dédaigné, sa pauvre heure de gloire (Milton, hélas ! […] Charrière, qui a pour Gogol les bontés d’un homme d’esprit pour la personne qu’il a pris la peine de traduire, n’hésite pas à mettre les Ames mortes à côté de Gil Blas, et, si cela lui fait bien plaisir, nous ne dérangerons rien à cet arrangement de traducteur, car la réputation de Gil Blas, — ce livre écrit au café entre deux parties de dominos, — a dit le plus fin et le plus indulgent des connaisseurs, — n’est pas une de ces gloires solides qui aient tenu contre le temps. […] En supposant que la Gloire, qui est une capricieuse, veuille se gargariser jamais avec les deux syllabes du nom de Gogol, les Ames mortes, ce long poëme en prose, feront moins d’honneur à leur auteur que tel petit poëme ou telle petite nouvelle, son Tarass-Boulba, par exemple, dont relativement on ne parle pas !
L’amitié de Racine et de Bourdaloue, et les beaux vers de Despréaux, ne contribueront pas moins à sa gloire que cet éloge funèbre, et apprendront à la postérité que l’orateur a parlé comme son siècle. Je passe rapidement sur tous les discours, pour venir à celui qui a, et qui mérite en effet le plus de réputation ; c’est l’éloge funèbre de Turenne, de cet homme si célèbre, si regretté par nos aïeux, et dont nous ne prononçons pas encore le nom sans respect ; qui, dans le siècle le plus fécond en grands hommes, n’eut point de supérieur, et ne compta qu’un rival ; qui fut aussi simple qu’il était grand, aussi estimé pour sa probité que pour ses victoires ; à qui on pardonna ses fautes, parce qu’il n’eut jamais ni l’affectation de ses vertus, ni celle de ses talents ; qui, en servant Louis XIV et la France, eut souvent à combattre le ministre de Louis XIV, et fut haï de Louvois comme admiré de l’Europe ; le seul homme, depuis Henri IV, dont la mort ait été regardée comme une calamité publique par le peuple ; le seul, depuis Du Guesclin, dont la cendre ait été jugée digne d’être mêlée à la cendre des rois, et dont le mausolée attire plus nos regards que celui de beaucoup de souverains dont il est entouré, parce que la renommée suit les vertus et non les rangs, et que l’idée de la gloire est toujours supérieure à celle de la puissance. […] Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte.
Le prince connaissait la gloire de Laure. […] Mais une prompte gloire et la faveur des princes firent taire les langues envenimées. […] Désir ambitieux d’une gloire infinie ! […] Il méprisait les basses intrigues, et l’on disait de lui qu’il était effréné de gloire. […] *** Lamartine se faisait constamment gloire d’être redevable à Ossian.
Au milieu de tant d’illusions de gloire, de patriotisme et de science si unanimement partagées alors par la jeune noblesse, mais dont plusieurs depuis se sont si bien corrigés, il n’a garde d’oublier, à côté des ballons de Montgolfier, la baguette et les baquets de Mesmer. […] Le prince Henri avait de grandes vertus ; ses lumières, son humanité, sa justice l’avaient popularisé en Europe, et, auprès de la gloire de Frédéric, la sienne, moins brillante, semblait incomparablement plus pure : et ce même prince, sans songer à mal, invente la plus odieuse des iniquités politiques ; à l’occasion, il en cause avec Catherine, il en cause avec son frère ; la partie s’arrange, il s’en félicite, et, dans sa retraite de philosophe, s’en berce comme d’un doux et beau souvenir !
Bossuet a repris la parole et a parlé avec tant de force, a fait venir si à propos la gloire et la religion que le roi, à qui il ne faut que dire la vérité, s’est levé fort ému et serrant la main au duc, lui a dit : Je vous promets de ne plus la revoir. […] Le respect du roi très chrétien pour la religion et le soin de sa gloire que Bossuet avait réveillés, s’accroissaient à mesure que l’ardeur de l’amant satisfait diminuait ; et ce qu’écrit à ce sujet madame Scarron à madame de Saint-Géran, indique qu’elle connaissait le point par où le crédit de son ennemie était attaquable et peut-être le cœur du roi accessible.
. — Une gloire marchandée, versée à petits coups, convient peut-être aux écrivains à teintes grises dont vous voulez tracer un portrait composé de petites intentions rapprochées ; mais, s’il s’agit d’un poète véritable, lisez son livre et sachez vous incliner. […] Je n’ai pas besoin de vous dire que je ne vise pas à la gloire.
Mais il eut manqué quelque chose à la gloire des Médicis, aux délices de leur nation, sans la naissance du poëte dont je parle. […] Il rougissoit de sa réputation d’auteur, laquelle avoit fait sa fortune & toute sa gloire, l’avoit mis dans les bonnes graces de l’empereur Maximilien, de Henri de Valois, de plusieurs papes, & de beaucoup de cardinaux & princes d’Italie.
Cette passion, dont on peut lire le récit complaisamment tracé par le biographe de Bernardin de Saint-Pierre, m’offre bien l’idéal des amours romanesques, comme je me les figure : être un grand poète, et être aimé avant la gloire ! […] C’est pendant cette crise et dans son effort pour en sortir qu’il se mit à rassembler avec feu et à mettre en œuvre les matériaux de l’ouvrage qui lui gagnera la gloire. […] Mais respectons les discernements de la nature ; laissons à chacun sa saison de beauté et sa gloire. […] Sut-il l’apprécier en retour et reconnaître en cet écrivain grandissant le plus direct, le plus autorisé en génie, et le plus dévorant en gloire, de ses héritiers ? […] Toutefois, l’infériorité incomparable du talent poétique de Cicéron en face de sa gloire d’orateur et d’écrivain philosophique demeure une preuve à l’appui du fait général.
C’est un homme qui a plus de bonheur à admirer les autres qu’à être admiré lui-même ; qui demande pardon de son mérite à ceux qui en ont souvent moins que de prétention, et qui, ne briguant aucun renom pour lui, forme ce milieu anonyme, atmosphère vivante de ceux qui parlent ou écrivent, la galerie qui applaudit, la critique, le parterre des lettres, sans lequel il n’y aurait point de lettres dans un pays, le nom collectif, un des noms de ce public d’élite enfin qui n’affecte aucune gloire, mais qui la donne à une nation, dont la première gloire est d’aimer ceux qui d’une part de leurs noms lui font un surnom national et immortel. […] Cette guerre, qui flattait l’ambition de gloire de l’armée, était surtout politique, en ce qu’elle engageait l’armée mécontente à servir sous un Bourbon pour un Bourbon, et à tirer un premier coup de feu pour leur cause. […] Ils voulaient l’un et l’autre la gloire pour les Bourbons, et par conséquent la guerre d’Espagne. […] Il reprit la vie d’étudiant helléniste dans la société de quelques amis : à défaut de la gloire diplomatique, qu’il regrettait, il aspira silencieusement à la dignité des lettres, qui ne lui suffisait pas, mais qui l’intéressait. […] Il a abdiqué sa gloire par lassitude, la couronne lui a paru trop pesante, il l’a laissée tomber de son front ; une main fort habile et armée l’a ramassée ; le peuple s’est refait soldat sous cette main, nous recommençons le passé !