Elle s’appuie sur une critique nouvelle, dont le criterium est le sens commun du genre humain.
. — Défauts de ce genre. — Pourquoi il réussit moins en Angleterre qu’ailleurs. — Sir Walter Scott. — Son éducation. — Ses études d’antiquaire. — Ses goûts nobiliaires. — Sa vie. — Ses poëmes. — Ses romans. — Insuffisance de ses imitations historiques. — Excellence de ses peintures nationales. — Ses tableaux d’intérieur. — Sa moquerie aimable. — Ses intentions morales. — Sa place dans la civilisation moderne. — Développement du roman en Angleterre. — Réalisme et honnêteté. — En quoi ce genre est bourgeois et anglais. […] La philosophie entre dans la littérature. — Inconvénients du genre. — Wordsworth. — Son caractère. — Sa condition. — Sa vie. — Peinture de la vie morale dans la vie vulgaire. — Introduction du style terne et des compartiments psychologiques. — Défauts du genre. — Noblesse des sonnets. — L’Excursion. […] Jugez si des Anglais peuvent réussir en ce genre. […] Une malice continue égaye ces tableaux d’intérieur et de genre, si locaux et minutieux, et qui, comme ceux des Flamands, indiquent l’avénement d’une bourgeoisie. […] C’est justement avec ces facultés qu’ils créent un nouveau genre, qui par des milliers de rejetons pullule encore aujourd’hui, avec une abondance telle que les talents s’y comptent par centaines, et qu’on ne peut le comparer pour la séve originale et nationale qu’à la peinture du grand siècle des Hollandais.
Son premier étonnement passé, il redevint aisément, le lendemain de sa sortie du ministère, ce qu’il était la veille, un homme studieux, un grand lecteur, l’étant avec délices, faisant de son cabinet son royaume et son monde, et plein de pensées et d’observations sur les livres et sur les choses· En lisant ce qu’il a ainsi écrit pour lui seul et dont on a le recueil depuis 1742 jusqu’en 1756, au milieu des mille variétés de chaque jour, je suis frappé d’une remarque fréquente et suivie, d’une plainte qui revient sans cesse sous sa plume jusqu’en 1750 : elle tient de près à ce que nous l’avons déjà vu dire à propos de son frère sur le genre frivole et léger, sur l’esprit de moquerie et de malice qui détruit tout, et sur l’absence de cœur et d’amour du bien. […] Dans le monde, dans les lettres, depuis Fontenelle, La Motte, Marivaux, Duclos, Maupertuis, jusqu’à Voltaire lui-même ; depuis les Richelieu, les d’Ayen, les Duras, les Forcalquier, les Maurepas, jusqu’à M. de Choiseul, c’était un genre que la finesse, surtout la finesse caustique, l’épigramme continuelle, l’ironie, épouvantail du simple et du bien, ennemie mortelle du grand ; « et la politesse semblait ne réprimer toute violence extérieure que pour faire germer davantage la noirceur intérieure ». […] Ce que nous avons aujourd’hui d’hommes d’esprit à la Cour ou à la ville ne le sont qu’avec une telle malignité, qu’ils ressemblent à des singes ou à des diables qui ne prennent leur plaisir qu’au mal d’autrui et à la confusion du genre humain ; et s’il leur reste quelque franchise, c’est pour ne pas cacher leurs grands défauts, de malice.
» L’abbé ne se paye pas de ces mots d’école et de ce galimatias ; le poème épique, selon lui, sans tant de façons, c’est tout uniment celui dans lequel le poète raconte l’action, de même que tout poème dans lequel les personnages parlent et agissent est plus ou moins du genre dramatique. […] Ami de la propriété des termes, de l’ordre logique et direct dans le langage, il se disait que l’esprit n’a ses coudées franches et son juste instrument que dans la prose ; « qu’elle seule a droit sur tous genres d’ouvrages indistinctement ; qu'elle a seule l’usage libre de toutes les richesses de l’esprit ; que, n’étant asservie à aucun joug, elle ne trouve jamais d’obstacles à exprimer ce que le génie lui présente ; qu’elle n’est jamais forcée de rejeter les expressions propres et les tours uniques que demandent les idées successives et les sentiments variés que ses sujets embrassent. » Mais, avec les vers, il faut toujours faire quelque concession, quelque sacrifice, tantôt pour la clarté, tantôt pour l’élégance, ces deux qualités dont la prose est toujours comptable : « Quand une pensée se trouve, à quelque chose près, aussi bien exprimée en vers qu’elle pourrait l’être en prose, on applaudit au succès du poète, on lui voue son indulgence, on lui permet de grimacer de temps à autre ; les expressions impropres sont chez lui de légères fautes ; les constructions inusitées deviennent ses privilèges. » Et il en citait des exemples jusque dans Boileau. Enfin, l’abbé de Pons ne voyait à l’art du danseur qui bat des entrechats, comme à celui du poète qui accouple des rimes, qu’un même genre de plaisir étroit, celui de la difficulté vaincue.
Je n’ai jamais vu mieux rendre l’impression que m’a faite à moi-même Rulhière et son procédé d’histoire classique appliqué à des temps modernes, ce genre honorable, mais froid, mais artificiel, et qui a l’inconvénient de ne laisser aucune trace profonde : « Le bruit des violons (d’un bal voisin) a été couvert par notre lecture de l’Histoire de Pologne par Rulhière. […] Mme de Coigny dit que j’ai tort de trouver cette histoire trop longue, et que c’est là une nécessité de ce genre de littérature. […] Il y a deux manières de ne point penser par soi-même : c’est de répéter ce que disent les autres, ou bien aussi c’est de vouloir se faire un genre à part en disant tout le contraire des autres.
Tout bien considéré, et jusque dans cette petite Cour de Brunswick, où il servit en qualité de gentilhomme attaché à monseigneur le duc régnant, il était pour la Révolution française : « Le genre humain, écrivait-il en 1790, est né sot et mené par des fripons, c’est la règle ; mais, entre fripons et fripons, je donne ma voix aux Mirabeau et aux Barnave plutôt qu’aux Sartine et aux Breteuil… » Voilà le point de départ du futur tribun, ne l’oublions jamais. […] Qu’un écrivain aimable et romanesque, un Nodier, par exemple, se joue à mille passions, à mille fantaisies et à des excès de tout genre, on le conçoit, on le lui pardonne, on l’en remercie même si son imagination et ses écrits en profitent ; mais si les passions à l’abandon débordent et font irruption dans l’existence d’un homme public, on lui en demande compte. […] Les mots de ce genre, frappants en eux-mêmes, ont l’inconvénient de tuer la conversation ; ce sont, pour ainsi dire, des coups de fusil qu’on tire sur les idées des autres, et qui les abattent. » Benjamin Constant avait de ces comparaisons spirituelles, qui jouent l’imagination : d’imagination proprement dite, il ne faut pas songer à lui en demander.
Les Anciens aimaient à se figurer, en les unissant et les accouplant dos à dos, les types et figures représentant les genres les plus contraires : ainsi ils assemblaient dans un même marbre, en les opposant nuque à nuque comme les deux faces de Janus, la figure d’un Aristophane et celle d’un Sophocle : si ce n’était une profanation, à cause du sang qui tache le front de Danton, je me figurerais ainsi, ne fut-ce qu’un instant, Danton et Royer Collard enchaînés, et leurs deux faces tournées vers des fins toutes contraires, — deux antagonistes éternels ! […] M. de Serre, dès le début de son discours, attaquant de front cette singulière théorie des amendements qui allait à transformer tous les projets présentés et à transporter dans la Chambre l’initiative du pouvoir législatif souverain, força la majorité à entendre malgré elle la longue série de ses méfaits en pareil genre, et de ses continuelles tentatives d’usurpation sur la prérogative royale depuis le premier jour jusqu’au dernier. […] Il marqua, dès les premières discussions, par un genre de talent alors fort rare, celui d’une improvisation réelle, d’une faculté de réplique immédiate, abondante et juste.
Viollet-Le-Duc, est certes conforme à l’idée qu’on en doit prendre, et rentre bien aussi dans le programme qu’avait tracé Virgile lui-même dans le beau temps : « D’autres sauront demander à l’airain ou au marbre de mieux exprimer la vie ; d’autres seront plus éloquents aux harangues, ou excelleront à décrire les astres et à embrasser du compas les révolutions des cieux ; mais à toi, Romain, il appartient de régir le monde et de gouverner les peuples : ce sont là tes arts, à toi… » Tel était aussi le Romain en architecture, dans cet art qui faisait comme partie intégrante de son administration et de son établissement politique en tout lieu ; tel il se montra dans la construction de son Panthéon, de ses thermes, de ses aqueducs, de ses amphithéâtres et de son gigantesque Colisée, dans tout ce qu’il n’empruntait pas directement des Grecs, se souciant bien plus du grandiose et de l’imposant que du fin et du délicat ; mais aussi, en ce genre d’installation souveraine, de glorification conquérante et historique, quand il lui arriva d’y réussir, il eut son originalité sans pareille et il y mit la marque insigne de son génie. […] Ce genre de travail et d’inventaire l’a conduit à nous tracer un tableau de la vie privée de la noblesse féodale en ces âges où les mœurs, dans les hautes classes et les classes aisées, cessèrent d’être barbares dès le XIIIe siècle et devinrent même assez raffinées au XIVe. […] Viollet-Le-Duc a poussé ce genre de curiosité plus loin que personne avant lui ; par sa science précise de détail, il est véritablement contemporain de chaque moment du Moyen-Âge ; il est l’hôte familier de chaque classe et de chaque maison.
Une seule bonne fortune en ce genre répare bien des pertes. […] Régulariser en un mot ce genre de contrefaçon à l’intérieur, voilà un résultat. […] Sa lettre sur la propriété littéraire, que nous avon déjà indiquée, est faite par ce genre d’excès pour remettre les choses au vrai point de vue : elle ne tend à rien moins qu’à proposer au Gouvernement d’acheter les œuvres des dix ou douze maréchaux de France, à commencer par celles de l’auteur lui-même qui s’évalue à deux millions, si j’ai bien compris.
L’auteur du Lépreux, de la Jeune Sibérienne et des Prisonniers du Caucase a, sans doute, bien moins de couleur, de relief et de burin, bien moins d’art, en un mot, que l’auteur de la Prise d’une redoute ou de Matteo Falcone, mais il est également parfait en son genre, il a surtout du naïf et de l’humain. […] — Il aimait à parler avec éloges d’un écrivain génevois spirituel qui est un peu de son école pour le genre d’émotion et pour l’humour. […] On y retrouve le même genre d’application délicate que l’auteur avait déjà donnée à la peinture, aux couleurs et au procédé par l’encre de Chine.)
Deux signes sont à relever, qui montrent en général qu’une école est à bout, ou du moins qu’elle n’a plus à gagner et que ce n’est plus qu’une suite : 1° quand les chefs ne se renouvellent plus ; 2° quand les disciples et les survenants en foule pratiquent presque aussi bien que les maîtres pour le détail, et que la main-d’œuvre du genre a haussé et gagné de façon à faire douter de l’art. […] Ses descendants aujourd’hui ne réussissent pas moins spirituellement dans les genres de M. […] Boileau, occupé de ce qui lui manquait surtout, a dit qu’en ce genre C’est peu d’être poëte, il faut être amoureux.
Le même genre de plaisanteries continue entre ces deux personnages. […] Après avoir eu recours à la comédie de l’art, au, moins pour la trame du Cocu imaginaire, Molière demande à la comédie soutenue une pièce du genre dit héroïque, Dom Garcie de Navarre, par laquelle, forcé de quitter le Petit-Bourbon, il inaugura, le 4 février 1661, la salle du Palais-Royal. […] La pièce italienne, qui est en prose, est pleine des bizarreries les plus choquantes ; Molière l’a ramenée aux convenances, à la noblesse et à la dignité même du genre mixte où il s’essayait.
Le doux esprit de cette princesse, ce parfum de délicatesse et de bonté dans des écrits plus aimables qu’éclatants, ces couleurs agréablement mélangées plutôt que vives, ces charmantes perfections dans un second rang, n’est-ce pas le genre de beauté de la marguerite ? […] « Jugeant, dit-il39, ses inventions trop basses pour un prince de hault esprit, il les a laissées reposer, et a jeté l’oeil sur les livres latins, dont la gravité des sentences, ajoute-t-il, et le plaisir de la lecture (si peu que je y comprins) m’ont espris mes esprits, mené ma main, et amusé ma muse. » Marot, comme on le voit, n’est pas guéri du goût des pointes ; mais il indique du doigt le genre de beauté que notre littérature allait puiser au trésor des littératures anciennes ; à savoir, cette gravité des sentences que nous appelons les vérités générales. […] La jeunesse même et la naïveté de la langue ajoutent au sel du genre.
Chacun sait qu’en France, durant ces trente-cinq années, tous les genres littéraires ont vu triompher avec éclat, sous le nom de réalisme ou de naturalisme, la tendance à subordonner le beau au vrai, l’art à la science. […] Mais heureusement les faits de ce genre sont de plus en plus rares. […] Pas plus que la gloire future de l’écrivain, la langue et le style ne se trouvent bien de ces perpétuelles improvisations ; en revanche, certains genres naissent ou prospèrent ; la polémique sur les affaires publiques prend une intensité et aussi une violence extrêmes ; la critique au jour le jour, le roman débité en tranches, la nouvelle, l’essai, en un mot l’exposé, le commentaire et la discussion de tout ce qui est actuel, susceptible d’être présenté en peu d’espace et compris sans effort, croissent et fleurissent avec énergie.
Ce petit livre est du genre des Mémoires de la reine Marguerite et des quelques pages historiques de Mme de La Fayette : c’est l’œuvre d’une après-dînée. […] Faut-il peindre Mlle de Fontanges avec sa beauté et son genre de sottise romanesque, et faire sentir comment le roi, même quand elle aurait vécu, ne pouvait l’aimer longtemps, tout cela est dit en deux mots : On s’accoutume à la beauté, mais on ne s’accoutume point à la sottise tournée du côté du faux, surtout lorsqu’on vit en même temps avec des gens de l’esprit et du caractère de Mme de Montespan, à qui les moindres ridicules n’échappaient pas, et qui savait si bien les faire sentir aux autres par ce tour unique à la maison de Mortemart. […] Je pourrais faire, si je voulais, un relevé des gaillardises de Mme de Caylus, et qui nous la montrerait, dans un genre plus adouci, une vraie fille pourtant de Mme de Sévigné.
Les portraits gravés, les portraits peints eux-mêmes, ne donneraient pas aujourd’hui une juste idée de ce genre de charme qui lui était propre. […] Ce petit écrit, dans lequel deux ou trois traits au plus ne s’accorderaient pas entièrement avec l’idée classique qu’on se fait de Mme de La Vallière, lui a été attribué par la tradition la plus constante et lui a été compté dans l’estime de ses contemporains : « Il est certain, dit Mme de Caylus, que le style de la dévotion convenait mieux à son esprit que celui de la Cour, puisqu’elle a paru en avoir beaucoup de ce genre. » Mme de Montpellier dit également : « Elle est une fort bonne religieuse et passe présentement pour avoir beaucoup d’esprit : la grâce fait plus que la nature, et les effets de l’une lui ont été plus avantageux que ceux de l’autre. » Si Mme de La Vallière, à qui on avait refusé l’esprit du monde, passait pour en avoir beaucoup dans le genre de la dévotion, ce devait être en grande partie à cause de ce petit écrit qu’on avait lu et qu’on avait cru d’elle.