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1012. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

Replacer les tragédies et les comédies grecques dans le milieu qui les a produites, éclaircir et élargir leur étude en l’étendant sur monde antique, par les aperçus qui s’y rattachent et les rapprochements qu’elle suggère, soulever le masque de chaque dieu et de chaque personnage entrant sur la scène pour décrire sa physionomie religieuse ou son caractère légendaire ; commenter les quatre grands poètes d’Athènes, non point seulement par la lettre, mais par l’esprit de leurs œuvres et par le génie de leur temps ; tel est le plan que je me suis tracé et que j’ai tâché de remplir. […] Il m’a rapatrié dans le monde antique, il m’a ramené aux sources sacrées ; j’y ai puisé les plus pures joies qui puissent rafraîchir et ravir l’esprit. « Les Grecs » — a dit Goethe dans un mot célèbre — « ont fait le plus beau songe de la vie. » Ce songe, je l’ai refait avec eux ; et il me semble que je m’en réveille en écrivant les dernières lignes de ces pages pleines de leur gloire et de leur génie.

1013. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Un petit corollaire de ce qui précède [Mon mot sur l’architecture] » pp. 77-79

De là l’incertitude du succès de tout ouvrage de génie. […] Un autre homme de génie.

1014. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre VII » pp. 278-283

C’est le génie de cet âge qui fit d’Homère un poète incomparable. […] On a rapporté ces lois au législateur d’Athènes, d’où elles seraient passées à Rome, et l’on n’y a point vu l’histoire du droit naturel des peuples héroïques du Latium ; on a cru que les poèmes d’Homère étaient la création du rare génie d’un individu, et l’on n’y a pu découvrir l’histoire du droit naturel des peuples héroïques de la Grèce.

1015. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

C’est un pays véritablement français ; ici je n’aurai pas à contredire Taine, c’est un paysage véritablement de notre pays central ; c’est un paysage qui n’a rien de grand, qui n’a rien d’imposant, qui n’a rien de tragique, c’est un paysage qui est une grâce légère, fine, intelligente et intellectuelle, pour ainsi parler, et qui était tout à fait de nature à former le génie que nous allons étudier. […] Il est évident qu’il faut, pour parler de la sorte, avoir du génie et aussi de la tendresse. […] Elle a réuni, appelé autour d’elle, tout ce qu’il y avait de génie littéraire, mais aussi tout ce qu’il y avait de génie scientifique à cette époque. […] On a dit, depuis qu’on s’acharne à la faire, cette biographie des hommes illustres, dans tous les détails, et dans des détails quelquefois désobligeants, on a dit que c’était dans l’intérêt de l’histoire, dans l’intérêt de la grande psychologie des hommes de génie et, par conséquent, dans l’intérêt de la grande psychologie générale. […] Cela est nécessaire pour connaître le départ qu’il convient de faire entre l’admiration qu’on doit à l’homme de génie, et l’estime quelquefois un peu flottante que l’on doit à l’homme lui-même.

1016. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

On ne connaissait pas dans la Compagnie les interrègnes du génie et de la sainteté. […] Une ligue se forma dont les agents furent des hommes d’État sans génie, sans conscience du pouvoir, tombé, fourvoyé dans leurs mains. […] Le fatal génie de la Réforme, comprimé, abattu, mais non détruit, s’agitait, multiple comme l’erreur, dans les mille transformations d’un Protée. […] ce qu’on appelle l’esprit d’une époque n’est guère redoutable que parce que ceux qui devraient le diriger se laissent emporter à son flot, par manque de hardiesse ou par manque de génie, et c’est là précisément ce qui arrivait en Europe vers l’année 1766. […] Il n’y a que les imbéciles, en politique, qui puissent le nier, et Frédéric avait du génie.

1017. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Mais enfin le sacrifice est trop coûteux à certains génies. […] C’est du génie cela. […] Je voudrais qu’un acteur ne fût considérable que quand il a du génie. […] Son génie aime les petites armées. […] Le vraie génie français est prompt et concis.

1018. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Là, le progrès est nécessaire, infaillible, même lorsque le génie baisse et cède la place aux simples travailleurs. […] Hommage rendu au génie, soit ! […] Il ne dépend pas des souverains de faire éclore le génie. […] Si le génie est rare chez nous, le talent, dans toute la force du terme, court les rues. […] Où était le génie ?

1019. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Nous n’admettons pas que tant de sensibilités, d’intelligences et d’expériences diverses, réunies sans concert préalable dans une commune impression, ne soient pas de plus sûrs garants du possible et du réel que le génie particulier d’un homme. […] Ou cela est-il de l’art, et plus ou moins aisé à réaliser, selon qu’on a plus ou moins de génie, de goût et d’habileté technique ? […] Dans cette partie de l’art, l’invention individuelle ne peut se passer de l’étude : le génie doit avoir à son service une science technique qui lui permette d’élire toujours les moyens d’expression les plus sûrs et les plus puissants. […] Mais ces règles, il ne suffit pas de les apprendre pour les appliquer : c’est ici qu’il faut surtout le génie et le goût naturels. […] Boileau, qui faisait la théorie de leur génie, estimait aussi la conciliation possible entre le goût du temps, qu’il jugeait légitime, et le vrai caractère des choses, qu’il ne consentait pas à dénaturer.

1020. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

La petite chapelle était peut-être une cellule étroite où le génie français agonisait. […] Haraucourt, éprouve le besoin de rimer, avec moins de génie et plus de chevilles, si c’est possible, que feu M. de Banville, des odelettes sur des traits d’actualité, ou des sujets voluptueux, mais d’une sûre vacuité. […] Villiers est mort ; assez tôt pour demeurer, selon le jugement égoïste des jeunes générations, le génie pur par excellence. […] Cent fois digne du grand artiste qui l’emplit non seulement de sa verve charmante, mais encore de son radieux, de son lumineux bon sens, il m’apparaît comme une des expressions les plus définitives de son génie et de sa noblesse, car il n’en est pas une page, il n’en est pas une ligne, un mot, qui ne hurle, ne chante, ne proclame le triomphe et la gloire des Lettres ! […] Il vous fallait un héros, comme à Byron : vous avez, l’un des premiers, reconnu le génie de Richard Wagner ; son apothéose éblouissante n’est pas le moindre de vos titres à la gratitude des artistes et à la gloire qu’elle vous donne !

1021. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Tout grand homme se sent providence, parce qu’il sent son propre génie. […] Une théodicée est poétiquement enseignée dans Jocelyn : c’est la Religion de Racine fils, avec des traits de génie en plus :                                     Je suis celui qui suis. […] Le Christ lui-même, le plus doux et le plus aimant des génies, ne fut-il pas abandonné de son père ? […] On pourrait dire de Musset que c’est un enfant, un enfant grand ayant du génie. […] Ce que l’homme ici-bas appelle le génie, C’est le besoin d’aimer ; hors de là tout est vain.

1022. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Assurément Molière, homme de génie, est supérieur à ce benêt qu’on admire dans les Cours de littérature, et qui s’appelle Destouches. […] Molière, homme de génie, s’il en fût, a eu le malheur de travailler pour cette société-là. […] Regnard est d’un génie bien inférieur à Molière ; mais j’oserai dire qu’il a marché dans le sentier de la véritable comédie.

1023. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

La critique ne vise plus qu’à expliquer l’œuvre artistique ou littéraire : analyser les éléments qui la composent, rapporter chacun d’eux à son origine et trouver le pourquoi de leur combinaison : faire exactement la part des circonstances biographiques, de l’esprit du siècle, des dispositions de la race, isoler le plus possible ce résidu qui est plus grand dans les plus grandes œuvres, ce je ne sais quoi où l’on aboutit toujours, et qui est le génie individuel et inexpliqué. […] L’astrologie judiciaire n’est qu’un vaste enchaînement de causes qui ne sont pas causes et d’effets qui ne sont pas effets. — Un général gagne une bataille parce qu’il a du génie : n’en voit-on pas qui ont du génie parce qu’ils ont gagné des batailles ?

1024. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Crébillon Elle était bien malade, dès le jour où elle perdit Racine : par un effort de génie qui ne sera pas renouvelé, il avait su pousser son observation bien au-dessous de la surface polie des mœurs actuelles jusqu’aux explosions immorales, douloureuses, brutales, des passions naturelles. […] Le malheur de Voltaire fut de n’avoir pas assez de génie pour exécuter ses idées. […] Voltaire n’eut pas tort de vouloir exprimer sa conception de la vie, du bien, de la société, par son théâtre : mais il n’eut pas le génie qu’il fallait pour traduire dramatiquement cette conception.

1025. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

On s’appuya de l’exemple de ce beau génie pour la faire employer partout, & la rendre désormais le seul langage d’Apollon. […] Le rithme, le nombre, les inversions, la rime, l’harmonie, tout ce qui constitue les productions heureuses d’un génie poëtique, étoit rejetté. […] Pour rendre supportables les morceaux de versification qu’on présenta dépouillés de la rime, il eût fallu suppléer à ce défaut par un redoublement de force & de chaleur : mais ces exemples étoient froids & sans génie, & la rime ne les eût pas élevés au mérite des vers.

1026. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

le génie se mouche et éternue ! […] Elle avait le cœur de niveau avec le génie. […] C’est le contraire qui est le vrai ; elle ne voyait qu’aux éclairs déchirés de sa sensibilité ; génie, seulement à force de sensibilité, comme les Pythonisses !

1027. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Encore si elles pétillaient de génie ! […] Mais qu’à deux siècles de distance un homme qui n’a pas le génie absolu qui devine, là où les autres sont obligés de chercher, puisse nous donner le dessous de cartes d’une négociation qu’il ne connaît que par une correspondance officielle, franchement, je ne crois pas à un tel homme… et, dans tous les cas, ce ne serait pas Valfrey, écrivain exsangue, tête sans aperçu, et qui ne conçoit l’histoire de la diplomatie que comme le vil dépouillement d’un carton… IV Elle est autre chose, cependant. […] Impossible, en cette double histoire, de saisir nettement, dans le cours des négociations qu’on y raconte, les fautes, s’il y en eut de commises, et les tours de souplesse, de force ou de génie, s’il s’en produisit.

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