/ 3385
15. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

mais ce sont les bons sens ; ce ne sont pas les grands, mais ce sont les forts, ce sont ceux-là qui se sont mêlés vaillamment à la circonstance, mais qui n’ont pas été portés par elle. […] Il a probablement écrit parce que l’action pour laquelle il était fait ne lui fut pas toujours possible, du moins dans la mesure qu’il fallait à des facultés aussi fortes que les siennes. […] C’était plutôt un monarchiste quand même, ce qui est fort différent. […] Eh bien, c’est cette justesse d’esprit nécessaire à l’homme le plus fort pour qu’il ait réellement du caractère, qu’avait suprêmement le comte de Vaublanc. […] Mais elle eût été certainement retardée et arrêtée par le bloc des caractères forts et des fières décisions.

16. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

On me donna une chambre fort commode, et je m’étonnois qu’en un lieu si sauvage il y eût tant d’ordre et de propreté ; mais j’admirois principalement qu’une si rare personne y fût cachée. […] Son mari en étoit fort aise, parce que je la désennuyois et qu’elle ne lui parloit plus d’aller dans les villes. […] Sitôt que tout le monde fut assis : La conversation, dit monsieur le maréchal, a été fort agréable ; mais, à cause de madame, il faut renouveler d’esprit ; elle mérite qu’on n’épargne rien de galant. […] Ce dessein ne réussit pas toujours, et principalement lorsqu’on témoigne de le souhaiter, si bien que je ne laissai pas de vous trouver fort à dire. […] Elle s’en mit fort en colère, et les autres dames, les plus sévères, ne faisoient qu’en rire.

17. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

C’était un homme fort ; mais il devait en arriver malheur au batelier d’Else. […] La barque était énorme, forte et très-large. […] » Le fort Volkêr répondit: « Moi je m’en charge. […] Le fort Gêrnôt s’élança aussi dans le combat. […] Comme il gémissait, cet homme fort !

18. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

Leur nombre croissant pourrait faire craindre que le français fût en train de perdre son pouvoir d’assimilation, jadis si fort, si impérieux ; il n’en est rien, mais la demi-instruction, si malheureusement répandue, oppose à cette vieille force l’inertie de plusieurs sophismes. […] Ils n’en sont pas moins, sauf le dernier, fort estimables ; leur présence dans la langue est devenue presque un ornement en même temps qu’une garantie de solidité depuis que tant d’autres causes de destruction sont venues l’assaillir et, partiellement, la vaincre. […] On en était arrivé à croire, avant la création de la linguistique rationnelle, que ces mots latins étaient les seuls légitimes et que les autres représentaient le résidu d’une corruption extravagante ; mais la corruption elle-même a des lois et c’est pour ne pas les avoir observées qu’on a si fort gâté la langue française. […] Ces mots, et une quantité d’autres, appartiennent moins à la langue française qu’à des langues particulières qui ne se haussent que fort rarement jusqu’à la littérature, et si on ne peut traiter certaines questions sans leur secours, on peut se passer de la plupart d’entre eux dans l’art essentiel, qui est la peinture idéale de la vie. […] Il était naturel que le français empruntât au latin, dont il est le fils, les ressources dont il se jugeait dépourvu et, d’autre part, quelques-uns de ces emprunts sont si anciens qu’il serait fort ridicule de les vouloir réprouver.

19. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — S’il est plus aisé, de faire une belle action, qu’une belle page. » pp. 539-539

Il y a des âmes fortes et courageuses parmi les barbares peut-être plus que parmi les peuples policés ; on y fait de belles actions, et il s’écoulera des siècles avant qu’on y sache écrire une belle page. Vixere fortes ante Agamemnona multi, sed omnes urgentur illacrymabiles ignotique longa nocte, eurent quia vate sacro113… Multi, longa nocte, entendez-vous ? […] Au moment où j’écris, je ne doute point qu’il ne se fasse cent actions fortes sur la surface de la terre ; il s’en fait même dans le fond des forêts habitées par l’homme sauvage ; en aucun lieu du monde, il ne s’écrit peut-être pas une page sublime, sans en excepter nos capitales, le centre des beaux-arts. […] Le tremblement de Lisbonne, qui n’a duré que quelques minutes, a produit plus d’actions fortes que toute la durée des siècles n’a produit de belles pages ; voilà Lisbonne renversée, et la nation entière est restée stupide et muette sur ses décombres. […] La nature semble avoir fait l’homme le plus fort pour un moment faible, et l’homme le plus faible pour un moment fort.

20. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

La grande morale, d’ailleurs, n’est pas son fort et ne le préoccupe que médiocrement ; il est de ceux dont on ne saurait dire précisément qu’ils la violent, car ils l’ignorent. […] Barin (contre lequel j’avais quelque rancune), directeur des postes, homme fort riche, et surtout en argent comptant. […] Si la Fronde avait duré, Gourville était fort en train de s’y dépraver, et il tournait décidément à gauche. […] Cela nous épouvante si fort, M. de Candale et moi, que nous sommes muets sur cette matière-là. […] Il s’y ennuie fort pourtant, et, lorsqu’il obtient de sortir, il n’y tenait plus.

21. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Ses constatations sont celles-ci : Le fort est le roi de ce monde. […] La seconde par droit : ce droit, vous le savez, c’est le droit du plus fort. […] Ce sont les plus forts, c’est le plus fort, et après lui ceux qui sont les plus forts, qui gouvernent et qui ont le droit pour eux, et Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. […] Le plus fort, voilà le roi. […] Après le plus fort vient le plus rusé.

22. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Ici il faut trouver des idées, ce qui est assurément fort impertinent. […] dans tout le Tartufe on n’a ri que deux fois, sans plus, et encore fort légèrement. […] J’ai dit à mes gens d’esprit qu’on n’avait ri que cette seule fois aux Deux Gendres ; ils m’ont répondu que c’était une fort bonne comédie, et qui avait un grand mérite de composition. […] mais le rire n’est donc pas nécessaire pour faire une fort bonne comédie française. Serait-ce par hasard qu’il faut simplement un peu d’action fort raisonnable, mêlée a une assez, forte dose de satire, le tout coupé en dialogue, et traduit en vers alexandrins spirituels, faciles et élégants ?

23. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Il tient fort du moins à ce qu’il y ait « un grand voisinage et cousinage entre l’homme et les autres animaux. […] Il a beaucoup d’expressions de cette sorte, fraîches ou fortes, et presque toujours vives, dont il nourrit et anime sa diction ; il dira, parlant des enfants : « Il faut leur grossir le cœur d’ingénuité, de franchise, d’amour, de vertu et d’honneur. » Il dira, parlant de la ditférence trop souvent profonde et de l’abîme qu’il y a, — qu’il y avait alors, — entre le sage et le savant : « Qui est fort savant n’est guère sage, et qui est sage n’est pas savant. […] Il ne faut pas seulement en arroser l’âme, mais il la faut teindre et la rendre essentiellement meilleure, sage, forte, bonne, courageuse : autrement de quoi sert d’étudier ?  […] J’ai eu le livre manuscrit entre les mains fort longtemps pour en avoir le privilège. […] Il est fort savant, sanguin, mélancolique, qui a fort voyagé.

24. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

C’est une thèse qui a été fort débattue, et dans laquelle des biographes, tantôt malins, tantôt galants et courtois, ont pris parti pour ou contre. […] qu’il ressemble peu dans son repos tranquille, A ce cœur d’autrefois qui s’agitait si fort ! […] tu frappas trop fort en ta fureur cruelle, Tu l’entends, tu le vois, la Souffrance a vaincu. […] Achille Genty, l’un des hommes qui connaissent le mieux cette poésie de l’époque de Ronsard, et qui même en a fait des pastiches fort agréables. […] Voir au tome II de l’ouvrage, fort instructif d’ailleurs, de M. 

25. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Elle est toute de porphyre, et fort exhaussée. […] Les autres endroits sont peints ou de figures dont la plupart sont lascives, ou de moresques d’or et d’azur appliquées fort épais. […] Elles sont faites de plâtre, peintes et dorées d’une manière fort agréable. […] À sa gauche, on voit un grand portail, fort peint et fort doré, qui mène au faubourg ; et l’on en voit un de même à droite, qui mène vers le palais royal. […] On voit proche de chaque bassin, sur les ailes, deux grands pavillons fort hauts, peints, dorés et azurés.

26. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Il pleuvait fort cette nuit. […] Il a beaucoup d’endroits fort champêtres… » Ah ! […] Je ne vous saurais dire comme elle est faite, ne l’ayant considérée que fort peu de temps. […] Les bohémiens, les voici, et ceci est fort intéressant au point de vue du talent pittoresque de La Fontaine. […] Tout méchant qu’était notre gîte, je ne laissai pas d’y avoir une nuit fort douce.

27. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Il fut tout étonné et fort aise de se voir tout d’un coup si bien ajusté. […] Sa morale, fort relâchée avec les femmes, ne sentait pas les contrecoups qui frappaient sur lui-même. […] Mon idée en est si fort occupée, que je ne sais rien en son absence qui m’en puisse divertir. […] Je suis fort obligée à ce souhait pieux. […] de grâce, laissez, je suis fort chatouilleuse.

28. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Tout compte fait et en dépit de ses faiblesses, il me paraît avoir été un fort honnête homme. […] De ce que le poète aime et sent plus de choses, en conclurons-nous qu’il les sente moins fort ? […] Mais, après tout, est-ce là une convention si forte ? […] Or, n’y a-t-il pas là une convention trop forte ? […] Ces conventions sociales, si fortes, on n’y croit qu’à moitié : pourtant il faut les subir.

29. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Balzac, dès qu’il eut l’éveil, écrivit là-dessus à Conrart des choses fort sensées et fort droites : Je ne comprends point ce qu’a fait le neveu de M. de Voiture, sans en parler à personne, sans vous en donner avis, sans savoir si Le Mans et Angoulême le trouveraient bon. […] Il y louait fort Costar : Sans flatter ici, disait Pinchêne, le mérite de M.  […] Voilà donc le livre lancé, et dédié par une adresse piquante à Balzac lui-même, qui ne pouvait guère se plaindre des malices fourrées et du contre-coup qu’il en recevait, se les étant lui-même attirés par son insistance. « Cette pièce, a dit Sorel, fut d’abord estimée fort galante et fort subtile. » Elle eut du succès ; il s’en fit l’année suivante une seconde édition. […] Bayle s’est même fort amusé d’une menace que fit Costar à Girac, à savoir que les capitaines des troupes qui passaient en Angoumois pourraient bien lui faire payer cher sa levée de boucliers contre Voiture. […] Costar… Si Roboam était fort gros ; si l’Écriture sainte remarque qu’il fût fort dispos et fort léger… » « Que M. 

30. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Un jour, à un de ces bals, je la regardais danser un menuet : quand elle eut fini, elle vint à moi ; je pris la liberté de lui dire qu’il était fort heureux pour les femmes qu’elle ne fût pas homme, et que son portrait seul ainsi peint pourrait tourner la tête à plus d’une. […] Il faut avouer que le manège de la coquetterie était alors (1750) fort grand à la Cour, et que c’était à qui raffinerait le plus sur la parure. Je me souviens qu’un jour, à une de ces mascarades publiques, ayant appris que tout le monde se faisait faire des habits neufs, et les plus beaux du monde, désespérant de pouvoir surpasser les autres femmes, je m’avisai de mettre un corps couvert de gros de Tours blanc (j’avais alors la taille très-fine), une jupe de même sur un très-petit panier ; je fis accommoder mes cheveux de derrière la tète, qui étaient fort longs, très-épais et fort beaux ; je les fis nouer avec un ruban blanc en queue de renard ; je mis sur mes cheveux une seule rose avec son bouton et ses feuilles, qui imitait le naturel à pouvoir s’y tromper, une autre je l’attachai à mont corset ; je mis au cou une fraise de gaze fort blanche, des manchettes et un tablier de la même gaze, et je m’en allai au bal. […] En la quittant, je m’en allai très-vite dans la galerie, ou je fis remarquer à mes plus intimes ma mouche ; j’en fis autant aux favorites de l’Impératrice et comme j’étais fort gaie, je dansai plus qu’à l’ordinaire. […] A dire la vérité, je ne me suis jamais crue extrêmement belle, mais je plaisais, et je pense que cela était mon fort.

/ 3385