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649. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Avant-propos » pp. 1-5

Je montrerai en troisiéme lieu, que les anciens avoient si-bien réduit l’art du geste ou la saltation, qui étoit un des arts subordonnez à la science de la musique, en methode reglée, que dans l’execution de plusieurs scenes ils pouvoient partager et qu’ils partageoient en effet la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont le premier recitoit tandis que le second faisoit les gestes convenables au sens des vers récitez, et que même il se forma des troupes de pantomimes ou de comédiens muets qui jouoient sans parler des pieces suivies.

650. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Cependant il profitait de ses moments de loisir pour l’étude ; il avait assemblé une très bonne bibliothèque en tout genre, et, se jetant sur les choses de l’esprit avec la force qu’il mettait à tout, il s’était avancé et formé lui-même. […] Voilà l’homme qui a créé et formé celui que nous avons. […] à la mémoire de mon père MICHEL-FRANÇOIS LITTRÉ…   « Malgré les occupations les plus diverses d’une vie traversée, il ne cessa de se livrer à l’étude des lettres et des sciences, et il forma ses enfants sur son modèle. […] Littré qui n’a pas devant lui, comme l’Académie, le temps et l’espace, — qui n’a pas l’éternité, — s’est formé un plan très exact, complexe, mais limité, où tout se presse et se condense, et où il ne se permet aucun écart, aucun excès de latitude. […]  » Si la République avait été possible en France ; si, à la fin du dernier siècle surtout, l’ordre de choses de l’an III avait pu se consolider et subsister ; si le Directoire n’avait pas été le Directoire, c’est-à-dire un régime de corruption, de réaction en tous sens et d’intrigue, c’eût été à la condition d’avoir et de former beaucoup de citoyens comme M. 

651. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Si vous étiez né Grec ou seulement Italien, ayant sous les yeux, dès le berceau, une nature merveilleuse et un art idéal, vous auriez atteint le but dès le point de départ, et le grand style se serait formé en vous sur le modèle éternel ; mais vous êtes né Allemand avec une âme grecque, et il vous a fallu vous refaire Grec à force de contemplation et d’intuition. » — « Je vous ai attendu longtemps, répond Goethe ; j’ai marché jusqu’ici seul dans ma voie, non compris, non encouragé ! […] « La cloche que nous formons à l’aide du feu dans le sein de la terre attestera notre travail au sommet de la tour élevée. […] Examinez le mélange, et voyez si, pour former un alliage parfait, le métal doux est uni au métal fort. […] formez le cercle ! […] « Qu’elle soit, par le maître qui l’a formée, consacrée à cette œuvre pacifique.

652. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

IV Aucune forme de gouvernement, autant que la république romaine, ne fut propre à former ces hommes complets, tels que nous venons de les définir dans le plus grand orateur de Rome. […] Recueillant tout ce qui avait été pensé, chanté ou dit de plus beau avant lui sur la terre, pour se former à lui-même dans son âme un trésor intarissable de vérités, d’exemples, d’images, d’élocution, de beauté morale et civique, il se proposait d’accroître et d’épuiser ensuite ce trésor pendant sa vie, pour la gloire de sa patrie et pour sa propre gloire, immortalité terrestre dont les hommes d’alors faisaient un des buts et un des prix de la vertu. […] Celles qui restaient rassemblées en légions dans les provinces conquises ou en Italie commençaient à élever leurs généraux au-dessus du sénat et du peuple, et à former pour ou contre ces généraux de grandes factions militaires, armées bien autrement dangereuses que les factions civiles. Celles qui étaient licenciées, après qu’on leur avait partagé des terres, formaient, dans l’Italie même et dans les campagnes de Rome, des noyaux de mécontents prêts à recourir aux armes, leur seul métier, et à donner des bandes ou des légions aux séditions politiques, aux tribuns démagogues ou aux généraux ambitieux. […] Nous n’en parlerons pas en ce moment : ils forment des volumes ; ils sont restés monuments de l’esprit humain.

653. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Les prosateurs, qui, tel Jean-Jacques, suivent la dictée d’une voix intérieure et retournent vingt fois dans leur tête les phrases qu’ils construisent ; ceux qui, tel Flaubert, les font passer par leur « gueuloir » pour en éprouver l’euphonie, attachent une légitime importance aux délicates combinaisons de syllabes qui forment ce qu’on appelle « le nombre ». […] Sur l’eau, à l’ombre, un jardin formé par une haie de roseaux à la Fragonard, levant leurs lances, d’où retombent si élégamment des tiges brisées, et tout au bord les larges feuilles des nénuphars, offrant et présentant, ainsi que des tasses sur des soucoupes, leurs fleurs étincelantes de blanc frais à cœur jaune, reflétées dans la rivière lucide. […] Ils deviennent alors les commentateurs et, à vrai dire, les collaborateurs des écrivains ; ils forment, avec ceux qu’ils interprètent, une association étroite ; ainsi Tony Johannot, Eugène et Achille Deveria sont inséparables des membres du cénacle romantique. […] Est-on en présence d’un manoir du moyen âge, perché sur une montagne comme un nid d’aigle, emprisonné dans une triple enceinte, formé de murs si épais qu’un réduit de plusieurs mètres carrés est parfois taillé dans leur épaisseur ; pénètre-t-on dans les hautes salles, froides et nues, où la lumière et les meubles étaient également rares ; on reconnait dès l’abord une demeure calculée en vue de la sécurité, adaptée aux besoins d’une société où la guerre sévissait partout et toujours ; on se représente aisément en ce château-fort une vie large, puissante, batailleuse, mais aussi triste, d’horizon court, peu élégante, où les plaisirs de l’esprit et les goûts délicats trouvent une place des plus restreintes. […] Au-dessus du lit s’étale un baldaquin doré, sculpté, agrémenté d’animaux fantastiques ou de figurines ; du haut de ce dôme pendent des rideaux étoffés, bordés de franges d’or ou d’argent, et assez larges pour former en se rejoignant une espèce de pavillon fermé.

654. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Ne croit-il pas avoir été formé d’une pierre plus précieuse que les autres ? […] Piron s’est formé lui-même : il est à lui-même son modèle. […] Ce fut, du petit clergé calotin, a qui serait l’aumônier du régiment ; les caillettes de tout parage, du Marais et de Versailles, formèrent le corps des vivandières ; et les racoleurs enrôlèrent sans peine tout le badaudois. […] Le critique du temps qui a le mieux parlé de Piron, et le plus philosophiquement, est Grimm ; il l’a jugé comme une pure matière organisée, un admirable automate formé et monté par la nature pour lancer saillies et épigrammes : « En l’examinant de près, dit-il, on voyait que les traits s’entre-choquaient dans sa tête, partaient involontaires, se poussaient pêle-mêle sur ses lèvres, et qu’il ne lui était pas plus possible de ne pas dire de bons mots, de ne pas faire des épigrammes par douzaine, que de ne pas respirer. […] Ainsi fait et créé par la nature, et n’ayant cessé d’abonder en lui-même, on a plus de traits piquants et personnels à citer de lui, que de pensées et de maximes d’une application générale ; en voici une pourtant qui mérite d’être conservée ; Fontenelle, à qui Piron la disait un jour, l’avait retenue et en avait fait un des articles de son symbole littéraire : « La lecture a ses brouillons comme les ouvrages100 », c’est-à-dire que, pour bien comprendre un livre et s’en former une idée nette, lire ne suffit pas, il faut relire.

655. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

« Par la même raison, ces satires, quoique réunies, resteront effectivement détachées, et ne formeront point de véritable ensemble. […] La diversité des événements que vous inventez n’est donc qu’une fantasmagorie amusante ; ils n’ont pas de lien, ils ne forment pas un système, ils ne sont qu’un monceau. […] Ceux de Dickens forment une classe réelle et représentent un vice national. […] Vous ne pouvez former l’esprit d’un animal raisonnable qu’avec des faits. […] La politique, les affaires et la religion, comme trois puissantes machines, ont formé, par-dessus l’homme ancien, un homme nouveau.

656. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

XVI Bien jeune encore et lorsque mes premiers succès littéraires m’avaient donné le pressentiment d’une carrière aussi complète, que mes modestes facultés d’amateur plutôt que d’artiste me permettaient de former un plan de vie plus ou moins illustre, je m’étais dit et j’avais dit bien souvent à mes amis de jeunesse : « Si Dieu me seconde, j’emploierai les années qu’il daignera m’accorder à trois grandes choses qui sont, selon moi, les trois missions de l’homme d’élite ici-bas. » (J’aurais dû dire les trois vanités, maintenant que toutes ces vanités sont mortes en moi et que je les expie par autant d’humiliations sur la terre, afin qu’elles me soient pardonnées là-haut.) […] Courir aux succès de tribune au lieu des grands résultats d’opinion, jeter quelques imprécations retentissantes au parti du gouvernement, embarrasser les ministres dans toutes les questions, se coaliser avec tous les partis de la guerre ou de l’anarchie dans la chambre ; se faire applaudir par les factions au lieu de se faire estimer par la nation propriétaire et conservatrice ; ébranler, hors de saison, un gouvernement mal assis, mais qui couvrait momentanément au moins les intérêts les plus sacrés de l’ordre et de la paix ; menacer sans cesse de faire écrouler cette tente tricolore sur la tête de ceux qui s’y étaient abrités ; jouer le rôle d’agitateur au nom des royalistes conservateurs, de tribun populaire au nom des aristocraties, de provocateur de l’Europe au nom d’un pays si intéressé à la paix ; se coaliser tour à tour avec tous les éléments de perturbation qui fermentaient dans la chambre et dans la rue ; harceler le pilote au milieu des écueils et prendre ainsi la responsabilité des naufrages aux yeux d’un pays qui voulait à tout prix être sauvé ; former des alliances avec tel ministre ambitieux, pour l’aider à donner l’assaut à tel autre ministre ; renverser en commun un ministère, sans vouloir soutenir l’autre, et recommencer le lendemain avec tous les assaillants le même jeu contre le cabinet qu’on avait inauguré la veille ; être, en un mot, un instrument de désorganisation perpétuelle, se prêtant à tous les rivaux de pouvoir pour renverser leurs concurrents et triompher subalternement sur des décombres de gouvernement ; danger pour tous, secours pour personne ; condottiere de tribune toujours prêt à l’assaut, mais infidèle à la victoire ; faire du parti légitimiste un appoint de toutes les minorités, même de la minorité démagogique dans le parlement : voilà, selon moi, la direction ou plutôt voilà l’aberration imprimée à ce parti, moelle de la France, qui réduisait les royalistes à ce triste rôle d’être à la fois haïs par la démocratie pour leur supériorité sociale, haïs par les conservateurs industriels pour leur action subversive de tout gouvernement, haïs par les prolétaires honnêtes pour leur participation à tous les désordres qui tuent le travail et tarissent la vie avec le salaire. […] XXXVII La coalition parlementaire, manœuvre déloyale qui ne pouvait aboutir qu’à la chute du trône d’Orléans, sapé maintenant par les chefs orléanistes, à la déception des légitimistes et des libéraux coalisés, avec des vues contraires, dans un acharnement commun contre la royauté de 1830, forma alors autour du trône une circonvallation de plus en plus resserrée, où le roi, menacé à la fois par ses complices de juillet et par ses ennemis avoués, allait être étouffé entre cinq ou six intrigues de parlement, de presse et de trahisons presque domestiques, qui présageaient à tout œil clairvoyant une chute sinon prochaine, du moins inévitable. […] Hâtez-vous de leur remettre la place vide, de les défier de former un ministère et de construire, soit séparés, soit réunis, une majorité qui les supporte seulement un jour. […] Que si, au contraire, vous conseillez au roi de dissoudre aujourd’hui la chambre, le pays, défié, ou croyant l’être, par la couronne, formera dans les élections la même majorité future que les ambitions ou les factions viennent de former dans la chambre ; il renverra au roi tout ce qu’il trouvera sous sa main de plus hostile à la couronne et à vous.

657. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Cette œuvre est considérable : cinquante volumes presque tous fort compacts  sans compter les articles non recueillis et qui, je pense, formeraient une masse au moins égale d’imprimé. […] Écolier de la mutuelle, puis saute-ruisseau, sans nulle éducation religieuse (il fit sa première communion comme la font les gamins de Paris, et ses parents étaient de braves gens qui n’allaient pas à la messe), il se forma principalement dans la rue et dans les cabinets de lecture, au hasard. […] À vingt-quatre ans, pour avoir vu de près la basse cuisine politique, la sottise et la vanité des gens en place, l’égoïsme et l’hypocrisie de ceux qui formaient alors le « pays légal », il commençait à connaître les hommes, et il les méprisait parfaitement. […] Il osait croire que la pratique de Lucrèce, d’Horace et d’Ovide, de Cicéron, de Sénèque et de Tacite, n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus propre à former des âmes vraiment chrétiennes. […] On dirait que vous ne voulez nous laisser le choix qu’entre le catholicisme universel (vous savez bien que ces deux mots ne forment pas, hélas !

658. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Les grands hommes du protestantisme l’eurent bientôt compris ; car, au temps même qu’ils se séparaient de l’unité catholique, ils essayaient d’en former une à leur façon ; et, tout en rejetant la tradition de l’Église établie, ils se fatiguaient à chercher dans les ténèbres des origines la tradition plus lointaine encore d’une Église primitive. […] Fénelon, qui, toute sa vie, désira d’entrer dans le gouvernement, avait-il, à l’insu de sa vertu, formé son élève pour ses secrètes espérances ? […] Le Télémaque est comme une première déclaration des droits des peuples, et le grand caractère de ce livre, c’est que les doctrines en sont formées d’un doux mélange de la charité chrétienne et de la philosophie. […] La vérité manque souvent à ces caractères formés de traits qui appartiennent à des civilisations différentes. […] Si les traits généraux en sont d’ailleurs exacts, et si la vérité se fait sentir sous la chasteté des images, comment ne pas savoir gré à Fénelon de n’avoir pas chatouillé par de fortes peintures de cette passion un jeune cœur qu’il formait pour y résister ?

659. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Il s’agit de rendre de la fraîcheur à des sensations fanées, de trouver du nouveau dans ce qui est vieux comme la vie de tous les jours, de faire sortir l’imprévu de l’habituel ; et pour cela le seul vrai moyen est d’approfondir le réel, d’aller par-delà les surfaces auxquelles s’arrêtent d’habitude nos regards, de soulever ou de percer le voile formé par la trame confuse de toutes nos associations quotidiennes, qui nous empêche de voir les objets tels qu’ils sont. […] Nos événements intérieurs se groupent autour d’impressions et d’idées maîtresses : ils leur empruntent leur unité ; grâce à elles, ils forment corps. […] Bernardin de Saint-Pierre, par l’intermédiaire de Chateaubriand, devait contribuer à former tout un côté du génie de Flaubert. […] Ces nues, ployant et déployant leurs voiles, se déroulaient en zone diaphane de salin blanc, se dispersaient en légers flocons d’écume, ou formaient dans les deux des bancs d’une ouate éblouissante, si doux à l’œil qu’il croyait ressentir leur mollesse et leur élasticité. La scène sur la terre n’était pas moins ravissante : le jour bleuâtre et velouté de la lune descendait dans les intervalles des arbres et poussait des gerbes de lumière jusque dans l’épaisseur des ténèbres… Dans une savane, de l’autre côté de la rivière, la clarté de la lune dormait sans mouvement sur les gazons ; des bouleaux agités par les brises et dispersés çà et là formaient des îles d’ombres flottantes sur celle mer immobile de lumière.

660. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gourmont, Remy de (1858-1915) »

Je dirai plus : il y a ici des fragments dignes des plus beaux chapitres de l’Adorant (Sixtine)… Cela me confirme dans l’appréciation très digne que je me suis formée de M. de Gourmont, à savoir : que c’est un prosateur exquis qui a des douceurs de poète et des grandeurs de philosophe.

661. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

Despréaux, si délicat là-dessus, ne le nioit pas ; & quand on lui demandoit, pourquoi donc au troisieme Chant de son Lutrin, & dans sa neuvieme Satire, il en avoit parlé avec mépris, il répondoit, qu’au lieu d’Hesnault, il avoit d’abord mis Boursault, & ensuite Perrault, avec lesquels il s’étoit réconcilié, & leur avoit substitué, en dernier lieu, Hesnault, qui, étant mort dès 1682, étoit hors d’état de former aucune plainte. »

662. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVIII »

Albalat en a tiré une méthode pratique dont on peut dire que, si elle ne formera aucun écrivain original, il le sait bien lui-même (?)

663. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Pour envisager ce phénomène selon l’esprit de la psychologie, il fallait d’abord distinguer l’image de la sensation sonore, puis apercevoir que les images vocales forment dans la conscience des séries régulières, enfin, — mais ceci n’a été donné qu’à un petit nombre de penseurs, — renoncer à la théorie de la nécessité absolue du langage, ou du moins décrire le fonctionnement parallèle de la parole et de la pensée avant de rien affirmer sur la nature du lien qui les unit. […] VI], qu’elles ne forment pas des séries continues, et qu’elles ne sauraient à aucun titre entrer en parallèle avec la série des sons intérieurs. […] Bossuet, Mystici in tuto, 12. — Cf., du même auteur, la Tradition des nouveaux mystiques, X, 5 : « Dieu, qui sait tout et connaît le fond du juste, en écoute les inclinations avant qu’elles se soient formées en termes exprès, intérieurs ou extérieurs. » 16. […] Les aveugles-nés seraient des anges, de purs esprits. — Quant aux sourds-muets, leur langage, une fois établi, vaut le nôtre et exprime les mêmes idées ; il est seulement moins commode : car il n’est pas perçu dans toutes les positions du corps, le travail manuel l’interrompt, l’obscurité le supprime ; puis les sourds-muets forment une petite société dans la grande, à peu près comme les Juifs au moyen âge et les bohémiens aujourd’hui. […] Bonald n’a pas vu l’importance de la question : le principe du développement du langage peut être tel qu’il suffise à expliquer l’origine même du langage ; comment affirmer que l’homme n’a pu inventer le langage quand on n’a pas défini le pouvoir de ses facultés sur le langage une fois formé 59.

664. (1908) Après le naturalisme

À cette régression violente, il était nécessaire que s’opposât directement, pied à pied, une action non moins formelle, et c’est pourquoi les doctrines qui se formèrent afin de le combattre, prirent sa mesure, et des armes semblables à celles dont il se servait. […] Par leur inconscience, les hommes en société forment des sortes de monstrueux êtres anonymes que des forces aveugles régissent avec fatalité. […] Ce qui conditionna la littérature passée, c’est le fait accompli ; ce qui formera la littérature de demain, c’est le fait à accomplir, rendu possible, inévitable même, par sa qualité vis-à-vis de notre exigence utilitariste. […] Au fond, ils ne forment ensemble qu’un seul cycle. […] À cette école, il se formait fortement.

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