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1090. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Chamfort, comme le xviiie  siècle, qui se fit bâtard autant qu’un siècle peut se faire tel, en rompant avec les traditions de son histoire, n’a point, au fond, de notion première : la notion du bien et du mal. […] Nous ne tenions pas à voir au fond de cet abîme les choses qu’ils savent aussi bien que nous, et que tout bâtard garde, hélas !

1091. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Malgré les sévérités embarrassées et entortillées de son livre, il n’est pas, au fond, un méchant homme pour les dames, ce Livet. […] Je ne crois point que l’on ait écumé plus avant le fond de pot du xviie  siècle.

1092. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Que peut-on croire, en effet, de la vérité de ses conclusions historiques quand on se rappelle qu’entre dans des idées nouvelles au moment où il allait sortir de la vie, il se proposait de reconstruire, de fond en comble, l’édifice qu’on nous avait donné, depuis tant d’années, comme un monument inébranlable ? […] Combat de Titan dans lequel les autres hommes n’ont plus rien à voir, car ici toutes les législations défaillent, tous les législateurs manquent d’éloquence et d’autorité, et il n’y a que devant Dieu que puisse capituler un homme qui a prononcé ce grand mot, qui a fait lever du fond des abîmes de son âme cette immense raison : mon honneur !

1093. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Triste procédé, qui pourrait dispenser la Critique de s’occuper d’un ouvrage dont le fond est déjà connu, si, d’un autre côté, le nom de l’auteur, le titre du livre, et les quelques points de suture qui tiennent les morceaux dont il est composé rapprochés, ne révélaient pas suffisamment l’éternel dessein de propagande contre lequel on ne saurait mettre trop en garde les esprits faibles sur lesquels Michelet, avec son talent mystico-sensuel, peut beaucoup agir. […] Sensible, inconséquente, entraînée, vraie femme au fond sous ses airs grenadiers de virago, amazone de la pensée qui n’eut jamais le sein coupé, madame de Staël se prit d’horreur pour la Révolution qu’elle avait aimée.

1094. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Réalistes d’hier et Naturalistes d’aujourd’hui relèvent tous, plus ou moins, de Gœthe, sa théorie de l’art pour l’art ayant abouti pour les esprits grossiers, mais conséquents, à la théorie de la nature pour la nature, qui, au fond, est absolument la même chose. […] Prépotence ancrée jusqu’au fond de la crédulité humaine, mais redoutable.

1095. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Le génie du poète, quand réellement il existe, est si extraordinairement beau, qu’on ne voit plus rien à côté : tout s’y fond et tout s’y efface… et la gloire, bête presque toujours, ne l’est point quand elle ne voit que le poète dans le poète ! […] Il reparut pour mourir et pour chanter, du fond de sa prison, ce dernier chant du cygne assassiné, qui a été le plus magnifique cri d’aigle qui ait jamais été poussé, de cette force-là, parmi les hommes !

1096. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Et M. d’Héricault, avec son regard aigu, a regardé dans le fond de ces mains-là… Elles n’étaient pas toutes tachées de sang, mais toutes, sans exception de fange ; car c’est une fange que la lâcheté… En ce vil temps, on était plus bas que sous Marat. […] Ce fut la fin de la Terreur et de Robespierre, puisque la Terreur et Robespierre, que j’appelais, il n’y a qu’une minute, les deux vaincus de Thermidor, au fond, n’en faisaient qu’un, tant ils s’étaient incarnés l’un dans l’autre, étreints, confondus et fondus !!

1097. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

On a dit qu’il était duelliste, et, au fond, il ne l’était pas. […] Ils avaient deviné l’aristocrate bourgeois qui veillait au fond de ce républicain, dont l’habit noir avait la propreté de l’habit bleu de Robespierre.

1098. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

… Mais, entre nous, je crois bien que ce n’en était pas… Cette fameuse Madame Récamier, cette Juliette à dix mille Roméos, dont ils ont tous, en Europe, raffolé au temps de leur jeunesse, au fond, ne me fait pas l’effet ici d’être vivante. […] Il n’y a point de murmure au fond de mon cœur, et si j’avais un moyen de vous causer un instant de plaisir, je serais consolé de toutes mes peines. » Voilà le langage et l’accent de ces lettres… J’en pourrais citer de plus enflammées, je me bornerai à celle-là, qui nous donne un Benjamin Constant humble à force d’amour, et qui fait précisément de sa nature une autre nature, qui est l’envers même de la sienne.

1099. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Et cependant, malgré cet ennui inconnu en Allemagne, mais partout ailleurs insupportable, d’une logique qui déchiquète l’abstraction plus que toutes les autres logiques qui aient jamais été publiées par les anatomistes du raisonnement, malgré l’effrayante spécialité de son langage et tout ce qui nous empêche, de peser sur le texte même d’Hegel, nous ne pourrons pas ne point l’atteindre, puisque nous voulons vous parler des travaux d’un écrivain qui en a fait le fond et le but de ses œuvres. […] Mais, au fond, dans toutes ces stupides et éloquentes matérialités de Diderot, il n’y avait pas plus d’audace et de niaiserie que dans la théorie idéaliste d’Hegel, cette théorie qui croit aller du néant au devenir, de l’être à la notion, du sujet à l’objet, du fini à l’infini, de la connaissance à la volonté, bref, de l’Idée à la Nature, et qui n’y va pas !

1100. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

Tel est le fond de ce livre dans lequel un esprit, fait pour mieux que cela, se remue puissamment dans le vide et finit par mourir faute d’air, comme un robuste oiseau pris sous la machine pneumatique. […] Il l’est par l’expression et par le fond des choses, et comme il est tel dans le dix-neuvième siècle, il est très au-dessous, en réalité, des hommes du dix-huitième, car l’erreur, changée d’époque, ressemble à un monstre déterré.

1101. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Il n’y a pas que le génie littéraire de Fontenelle, retrouvé au fond de sa fonction, comme une chose oubliée à sa place dans l’intérêt de son successeur. […] Il y a là, dans cette publication de chez les frères Garnier, huit à dix volumes qui ne sont que la fleur d’un panier très plein et très profond, dans le fond duquel je ne plongerai pas mes mains indignes, mais je me permettrai de toucher, sans appuyer, au velouté de toute cette fleur.

1102. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

au fond, du Renan ou du Strauss, rapetassé et remis à neuf ? […] IV Cependant, on est obligé de le reconnaître, malgré ces faiblesses de sceptiques embarrassés qui sont le fond des sciences humaines, M. 

1103. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Il y a évidemment, au fond des incroyables rodomontades, affectées ou vraies, qui commencent son livre ou le parti pris d’un jeune homme peut-être modeste, qui sait ? […] Religieuse envers et contre toutes les philosophies qui l’ont dépravée, la sienne est tellement altérée de la soif du dieu personnel, appelé par lui le dieu inconnu, qu’il en fait incessamment bomber l’idée concrétisée sur le fond voyant de son panthéisme oublié.

1104. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Jules de Gères »

Je ne crois point, pour ma part, — moi, l’adversaire de toute académie quand il s’agit d’art ou de littérature, et qui me moque de ces sociétés, affectations organisées, coteries bonnes pour tous les Vadius et les Trissotins de la terre, — je ne crois point que Jules de Gères eût besoin d’un si pauvre stimulant pour revenir à la poésie, pour réveiller la Muse qui dormait au fond de son âme comme la Nuit de Michel-Ange… Quand toutes les sociétés de sonnettistes (s’il y en a plusieurs) auraient manqué à la France, qui ne s’en doute pas, il fût retourné à la poésie, qui est son destin, de par cette imagination que la vie peut blesser, comme les dieux sont blessés dans les batailles d’Homère, mais ne meurent pas de la perte de leur sang immortel… Jules de Gères est, de nature, très au-dessus des petites sociétés littéraires dont il peut avoir la condescendance, mais il n’a aucunement besoin d’elles pour se retrouver un poète, — c’est-à-dire un solitaire, un isolé, une tour seule (il me comprendra, le poète de la Tour seule !). Il sait de reste que, lion ou gazelle, le poète n’obéit qu’à sa nature, et qu’il ne marche librement dans le fond de sa pensée que comme le lion et la gazelle dans leurs déserts ou dans leurs bois !

1105. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

que le son du cor est triste au fond des bois est bien belle. […] Le style du poète reste toujours aussi mélodieux de pureté que jamais, mais c’est moins la forme du poète qui est changée que son fond même… Cette coupe d’ivoire, incrustée d’argent, que j’ai tant admirée, je la vois bien encore ici, mais elle ne renferme ni les saveurs ni les senteurs d’autrefois.

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