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330. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

quoique Villon ne puisse passer rigoureusement pour un grotesque ; c’est un fils direct des trouvères et un malicieux aïeul de Voltaire. […] A propos de Colletet père et de Colletet fils, il ajoute : « Voilà ce que c’est que d’être poëte et d’avoir des enfants poëtes. […] les grands hommes ne devraient jamais avoir de postérité : les Césars engendrent communément des Laridons, et les Racine père des Racine le fils… » Je ne m’amuserai pas à réfuter ce que le spirituel auteur a lancé là en passant comme une de ces espiègleries bien irrévérentes qui font sa joie ; je le renverrai seulement à la très-belle page des Soirées de Saint-Pétersbourg (3e Entretien), dans laquelle Joseph De Maistre, qui ne passe pas pour être esclave du lieu commun, rend à Racine fils un hommage aussi touchant que celui que Montesquieu payait à Rollin. […] Un chacun les doit estimer, Ainsi qu’un ange tutélaire ; La vertu, c’est de les aimer, L’innocence est de leur complaire… ; soit que, voulant consoler un fils affligé de la mort d’un père, il lui dise tout crûment : Un homme de bon sens se moque des malheurs, Il plaint également sa servante et sa fille ; Job ne versa jamais une goutte de pleurs Pour toute sa famille.

331. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Elle eut quatre fils, et perdit son mari étant enceinte du quatrième. Ces quatre fils vivent. […] Le second des quatre fils était le futur dominicain. […] Je ne dirai point les causes de cette catastrophe ; outre qu’elles ne sont pas de mon sujet, il répugne au fils de la patrie de creuser trop avant dans les douleurs nationales, et il laisse volontiers au temps tout seul le soin d’éclaircir les leçons renfermées par Dieu même au fond des revers. […] Drouot était fils d’un boulanger de Nancy, le troisième de douze enfants : Issu du peuple par des parents chrétiens, il vit de bonne heure, dans la maison paternelle, un spectacle qui ne lui permit de connaître ni l’envie d’un autre sort, ni le regret d’une plus haute naissance ; il y vit l’ordre, la paix, le contentement, une bonté qui savait partager avec de plus pauvres, une foi qui, en rapportant tout à Dieu, élevait tout jusqu’à lui, la simplicité, la générosité, la noblesse de l’âme, et il apprit, de la joie qu’il goûta lui-même au sein d’une position estimée si vulgaire, que tout devient bon pour l’homme quand il demande sa vie au travail et sa grandeur à la religion.

332. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

(Voir Le fils adoptif du guinnârou). […] Ainsi, dans le conte de La femme de l’ogre, le fils du guinné soustrait sa mère à l’appétit paternel mais, après l’avoir menée hors d’atteinte, il s’en retourne près des siens. […] Voir à ce sujet : Le kitâdo vengé — Les jumeaux de la pauvresse — Le fils adoptif du guinnârou, — L’orpheline et son frère, — Déro, — Les talibés rivaux, etc., etc. […] Quand il arrive à des indigènes d’avoir des enfants retardés dans leur développement et qu’ils soupçonnent d’être fils de guinné, ils peuvent obliger leurs parents à les reprendre en les exposant dans de certaines conditions et en les adjurant de retourner avec ceux de leur race. […] Le grigri révélateur d’aînesse (Bilâli. — Les quatre fils du chasseur).

333. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Quoiqu’en vertu de sa théorie Renan ait le droit de mentir et de faire mentir Jésus-Christ sans le dégrader, il ne s’y fie pas cependant, et il nous invente un Jésus-Christ visionnaire, constitué, dans les racines de son être, le Fils de Dieu, comme on est constitué mécanicien. […] Ce fut violenté par l’opinion qu’il accepta le titre de fils de David ; il n’y tenait pas, nous dit Renan avec un lâché admirable ! […] Jésus, non pas Christ, qui veut dire sauveur, mais Jésus, le fils du charpentier, l’homme aimable et poétique, le garçon délicieux, est enrégimenté dans la bande de Renan par Renan. […] Le fils du diable doit être un grand clerc. […] Seulement, il faut le répéter, que sont pour nous, les fils de l’Église, les rêves de ce dernier des protestants, qui a rongé et réduit à n’être qu’un homme le Jésus-Christ auquel Luther et Calvin croyaient encore ?

334. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Son père, procureur du Roi à Hesdin, assista à sa profession ; la veille, il lui avoit donné les avis salutaires qu’un père respectable pouvoit donner à un fils : il lui tint ce propos entre autres, en présence de la Communauté de Saint-Wandrille, si je ne me trompe, que s’il manquoit de son vivant aux engagements qu’il étoit parfaitement libre de contracter ou de ne pas contracter, il le chercheroit par toute la terre pour lui brûler la cervelle. […] Un petit-neveu de l’abbé Prevost avait démenti cette anecdote par une lettre adressée à la Décade philosophique (20 thermidor an XI) ; il lui avait suffi de rappeler que le père de l’abbé Prevost n’était mort qu’en 1739, c’est-à-dire à une date où son fils, âgé de quarante-deux ans, avait eu le temps de sortir du cloître et d’épuiser bien d’autres aventures. Dans la note précédente, nous voyons que, loin que ce soit le fils qui tue le père, c’est le père qui menace de tuer son fils, dans le cas où celui-ci viendrait à rompre ses vœux.

335. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

« Ton enfant est bien beau pour un fils d’aristocrate », disait un jour un représentant du peuple à sa mère. […] que Racine fils, nourri dans la pureté et la religion du foyer domestique, s’entendait mieux à cette pudeur qui accompagne toute vraie piété ! […] Nous touchons ici à un défaut essentiel dans l’éducation de M. de Lamartine, à une erreur de cette mère excellente qui, nourrie de Jean-Jacques et de Bernardin dont elle associait les systèmes avec ses croyances, ne voulut élever son fils qu’à l’aide du sentiment. […] Il semble avoir complètement oublié qu’il est fils, et qu’il s’agit de ses père et mère.

336. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Elle avoit épousé le fils de l’entrepreneur du canal de Briare, appellé Guyon. […] Dans ses extases de joie, l’amante, saintement passionnée, disoit à son amant dans le seigneur : « O mon fils ! […] O mon fils !  […] Saint Hyacinthe, connu par la part qu’il eut à la plaisanterie de Mathanastus, passa pour leur fils Bossuet, raconte-t-on, étoit très-jeune lorsqu’il contracta cet engagement.

337. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Quelle opposition de caractère & de goût entre le père & le fils ! […] Racine le fils*. […] Au reste, ce prince n’aimoit pas plus les philosophes & les sçavans que les poëtes : témoin l’exil du célèbre Wolf & le mauvais accueil qu’il fit au jeune Baratier, fils d’un François réfugié, qui lui fut présenté comme un prodige d’érudition. […] Un fameux peintre à portrait l’a représenté appuyé sur un bureau, ayant devant lui les œuvres de son illustre père, & sous ses yeux, ce vers d’Hippolyte, dans la tragédie de Phèdre : Et moi, fils inconnu d’un si glorieux père, Je suis encore loin… *.

338. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Et on le vit bien, quand il fit ce chef-d’œuvre de style qui s’appelle La Fin d’un Monde ou la suite du Neveu de Rameau, dans lequel ce fils de Diderot — il l’était — se montra égal, si ce n’est supérieur, à son père ! […] IV Oui, Sterne, dont il était le fils, — comme il était, je l’ai dit déjà, le fils de Diderot, car en littérature (et il n’y a qu’en littérature), on peut être le fils de deux pères sans inconvénient et sans immoralité, — Sterne, cet homme simple et exquis, qui n’avait pour vêtir son génie que trois chemises blanches et une culotte de soie noire !

339. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

J’ai relu les Mémoires de la vie de Racine par son fils ; on me dira que Racine fils n’avait pas connu son père, qu’il n’en parlait que par ouï-dire, par tradition, d’après M. de Valincour ou tel autre : c’est trop vrai, et je regrette qu’il n’y ait pas de Mémoires plus directs sur cette vie illustre ; mais nous en savons encore moins là-dessus, ce me semble, que Racine fils ou que ceux d’alors dont aucun n’a tenu un tel langage, Oh !

340. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Une vie est l’histoire — un peu laborieusement contée, sous l’influence encore proche de Flaubert — d’une pauvre créature sacrifiée, qui souffre par son mari, puis par son fils, et qui meurt. […] Et tout de suite après il nous donne Pierre et Jean, un drame serré, une lutte courte et déchirante entre la mère coupable et accusée et le fils inquisiteur et juge. Et je n’ai guère lu de pages plus émouvantes que celles où la mère se confesse à l’autre fils, le fils de l’amant.

341. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

On admiroit ces coups de maître où le fils le plus amoureux sacrifie son amante à son père ; où ce même fils entre chez sa maîtresse qui vient de promettre sa main au vainqueur de son amant. […] Piganiol de la Force remarque, d’après un autre écrivain aussi spirituel que lui, que le corps de ce ministre ambitieux est placé dans le même endroit où étoient auparavant les latrines du collège de Calvi : « Soit, dit-il, que la providence, qui gouverne tout, ait voulu humilier, après sa mort, un homme qui avoit joué un si grand rôle dans le monde ; soit qu’elle ait voulu confondre l’orgueil des hommes, en leur faisant voir où se terminent les honneurs qu’ils estiment le plus. » Corneille étoit de Rouen, fils d’un maître des eaux & forêts.

342. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Il a un fils né avec l’étoffe d’un habile homme, mais à qui il a malheureusement appris à aimer le repos et à mépriser la gloire. […] Ce n’est pas lui, messieurs, qui l’emporte, c’est moi… puis il mit le tableau de son fils sous son bras et s’en alla. […] Si ce Brutus-là, qui juge son fils si sévèrement, qui estime le talent de Pigalle, mais qui n’aime pas l’homme, avait été présent à la séance de l’académie française, lorsqu’on y prononça sur les prix !

343. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

« Et moi aussi, dit Socrate, j’ai une famille, j’ai trois fils, dont l’un est sorti de l’enfance et les deux autres ont encore besoin des secours de leur père ; je n’en ferai cependant paraître aucun pour vous attendrir, et ce n’est ni par mépris ni par orgueil, ces sentiments ne peuvent entrer dans le cœur de Socrate ; mais la gloire de ses juges, la sienne, celle de la république lui défendent de donner un tel exemple, à son âge surtout, et avec le nom qu’il porte ; car, dit-il, que ce nom soit mérité ou ne le soit pas, on est persuadé que Socrate est au-dessus des hommes ordinaires. […] Tu lui dois ta naissance, celle de ton père, le lien sacré qui a uni ton père à la femme qui t’a donné le jour ; ton éducation, ta vie, ton âme, tout lui appartient ; tu es son fils et son esclave. Qu’elle arme contre toi des bourreaux, qu’elle te jette dans les fers, qu’elle t’envoie aux combats pour recevoir des blessures et mourir, ton devoir est d’obéir ; fuir ou quitter ton rang est un crime ; dans les tribunaux, dans les prisons, sur les champs de bataille, partout les ordres de la patrie sont sacrés ; un citoyen qui se révolte contre elle est plus coupable qu’un fils armé contre son père… » Les lois continuent : « Il ferait beau entendre Socrate racontant sous quel déguisement ridicule il s’est enfui de sa prison !

344. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

L’orateur parle avec éloquence de tous les maux que nos ancêtres ont soufferts sous ce tyran ; il peint les brigandages et les rapines, les riches citoyens proscrits, leurs maisons pillées, leurs biens vendus, l’or et les pierreries arrachées aux femmes ; les vieillards survivant à leur fortune ; les enfants mis à l’enchère avec l’héritage de leurs pères ; le meurtre employé comme les formes de justice, pour s’enrichir ; l’homme riche invoquant l’indigence, pour échapper au bourreau ; la fuite, la désolation ; les villes devenues désertes et les déserts peuplés ; le palais impérial, où l’on portait de toutes parts les trésors des exilés et le fruit du carnage ; mille mains occupées jour et nuit à compter de l’argent, à entasser des métaux, à mutiler des vases ; l’or teint de sang, posé dans les balances, sous les yeux du tyran ; l’avarice insatiable engloutissant tout, sans jamais rendre, et ces richesses immenses perdues pour le ravisseur même qui, dans son économie sombre et sauvage, ne savait ni en user, ni en abuser ; au milieu de tant de maux, l’affreuse nécessité de paraître encore se réjouir ; le délateur errant, pour calomnier les regards et les visages, le citoyen qui de riche est devenu pauvre, n’osant paraître triste, parce que la vie lui restait encore, et le frère, dont on avait assassiné le frère, n’osant sortir en habit de deuil, parce qu’il avait un fils. […] On le voit exerçant la main de ses fils, encore jeunes, à écrire les grâces qu’il accordait aux criminels : on le voit ouvrant les prisons, et se plaignant au ciel de ce qu’il ne peut ouvrir les tombeaux. […] Valentinien le donna pour précepteur à son fils.

345. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 15, des personnages de scelerats qu’on peut introduire dans les tragedies » pp. 115-119

Mais, dira-t-on, Phédre viole volontairement les loix les plus saintes du droit naturel, elle aime le fils de son mari, elle lui parle de sa passion, elle tente tout pour le seduire, enfin ce qui fait le caractere le mieux marqué d’un scelerat, elle accuse l’innocent du crime qu’elle même a commis. […] Le sujet de la tragedie est l’avanture funeste de Macarée fils d’éole, et de Canacée soeur de Macarée.

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