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682. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Son dessein eût été d’agir militairement, de démanteler les petites places qui ne pouvaient tenir, et de fortifier les principales, Nîmes, Montpellier, Uzès ; « Nous avions, dit-il, des hommes assez suffisamment pour faire une gaillarde résistance ; mais l’imprévoyance des peuples et l’intérêt particulier des gouverneurs des places firent rejeter mon avis, dont depuis ils se sont bien repentis. » Dans ses remarques sur les Commentaires de César, admirant l’influence qu’eut Vercingétorix sur les peuples de la Gaule pour leur faire accueillir les meilleurs moyens de défense : Il a eu, dit-il, le pouvoir de faire mettre le feu à plus de vingt villes pour incommoder leurs ennemis, ce qui témoigne son bon sens… Son grand crédit est remarquable ; car, à des peuples libres, au commencement d’une guerre, avant que d’en avoir éprouvé les mauvais succès et dans l’espérance de pouvoir vaincre sans venir à des remèdes si cuisants, il leur persuade de mettre le feu à leurs maisons et à leurs biens, pour la conservation desquels se fait le plus souvent la guerre.

683. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Causant un jour avec Biron du procès du roi, elle lui dit « que c’était l’événement le plus cruel et le plus abominable qu’on eût vu jusqu’alors, et que son seul étonnement était qu’il ne se fût pas trouvé un brave chevalier français pour mettre le feu à la salle où siégeait la Convention, brûler les scélérats qui y étaient, et délivrer le roi et la reine de la prison du Temple ». […] Un jeune aide de camp du duc arracha son uniforme et le jeta dans le feu, en disant qu’il rougirait de le porter désormais.

684. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

À quarante-sept ans, il avait perdu toutes les dents du côté gauche de la mâchoire supérieure, et on les lui avait même si mal arrachées qu’il y avait une fistule, un trou pratiqué entre la bouche et la cavité nasale, à quoi l’on dut remédier par le feu. […] Le roi et feu Monsieur aimaient beaucoup les œufs durs. » Fagon nous donne l’aperçu d’un souper du roi déjà vieux (1709), qui répond bien à un tel dîner ; il est vrai que cela avait toutes les peines du monde à passer : « La variété, dit-il, des différentes choses qu’il mêle le soir à son souper avec beaucoup de viandes et de potages, et entre autres les salades de concombres, celles de laitues, celles de petites herbes, toutes ensemble assaisonnées comme elles le sont de poivre, sel, et très fort vinaigre en quantité, et beaucoup de fromage par-dessus, font une fermentation dans son estomac, etc. » Si tel était un souper ou un dîner ordinaire de Louis XIV, il est curieux de voir quelles étaient ses diètes, quand on le mettait au régime ; par exemple (1708) : « Le roi, fatigué et abattu, fut contraint de manger gras le vendredi, et voulut bien qu’on ne lui servit à dîner que des croûtes, un potage aux pigeons, et trois poulets rôtis ; le soir, du bouillon pour y mettre du pain, et point de viandes… Le lendemain, il fut servi comme le jour précédent, les croûtes, un potage avec une volaille, et trois poulets rôtis, dont il mangea, comme le vendredi, quatre ailes, les blancs et une cuisse ! 

685. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Deleyre, dans le feu de la jeunesse, émancipé et venu à Paris, s’était concilié aussitôt des protecteurs et des amis par ses qualités aimables ; Montesquieu, Duclos, Diderot, le duc de Nivernais, lui portèrent intérêt, lui firent ou lui voulurent du bien. […] Le grand artiste, le grand tragique, au contraire, l’homme « au front de marbre et aux mains en feu », dominera même les douleurs ; s’il doit les ressentir pour son compte, il est fait encore plus pour les couler dans son génie, pour les rendre ensuite, transposées et transformées, aux yeux de tous, et les étaler avec des attitudes apitoyantes ou terribles.

686. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Vous connaissez le tableau de Meissonier, la Confidence, ce jeune amoureux qui, à la première lettre reçue, n’a de cesse qu’il n’ait versé son secret dans le sein d’un ami plus expérimenté, et qui, après le déjeuner qu’il pavera, au dessert, lit avec feu cette missive si tendre à l’ami tranquille et satisfait qui écoute et qui digère. Ici, c’est tout autre chose ; c’est le jeune homme en feu qui sort de la maison où il a conquis le bonheur ; il a besoin d’éclater, son cœur déborde ; il est dans l’impatience de dire au premier qui l’interrogera : Je suis heureux.

687. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Probablement, à quelques endroits, les plus connaisseurs dirent : « C’est bien là Lebrun avec ses hardiesses et ses défauts. » L’erreur, même de la part de gens de goût, était excusable : l’ode entière était animée d’un beau feu. […] Un toit, la santé, la famille ; Quelques amis, l’hiver, autour d’un feu qui brille ; Un esprit sain, un cœur de bienveillant conseil, Et quelque livré, aux champs, qu’on lit loin du grand nombre Assis, la tête à l’ombre, Et les pieds au soleil.

688. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Le triage se fit dans un entresol de la rue Saint-Florentin : Talleyrand, renversé dans son fauteuil, les jambes en l’air et appuyées contre le manteau de la cheminée, recevait des mains des deux acolytes les pièces condamnées et les jetait au feu. […] À peine avait-il le pied hors de la chambre que de Perray s’empressa de repêcher la lettre compromettante et de la tirer du feu.

689. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

On a mis le feu à cet édifice. […] Au milieu de ces oublis, de ces absences, où pourtant ne manquent jamais la bonne foi et la candeur, notez comme très-présent un portrait de feu le cardinal-duc de Rohan, qui est le plus joli, le plus vrai et le plus malin du monde.

690. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Et ceux qui étaient encore en feu il y a dix ans, et ceux qui se sont produits et déjà fatigués depuis, et ceux qui ressaisissent aujourd’hui de bons éclairs d’une ferveur littéraire longtemps ailleurs détournée, tous ne sont pas si loin de s’entendre pour de certaines vues justes, de certains résultats de goût, de sens rassis et de tolérance. […] Mais, ainsi que je l’ai posé en commençant, depuis trois ou quatre années, les choses politiques s’étant graduellement apaisées ou affaissées en ce qu’elles avaient d’habituellement imminent et absorbant, on a le loisir, on se regarde ; rien ne s’est recomposé littérairement et avec le feu des premières œuvres ; du moins les individus se retrouvent, s’essayent ; il y a une sorte de retour des uns à leurs anciens travaux, il y a persistance et perfectionnement chez d’autres, un peu de désabusement chez tous, mais en somme une disposition assez favorable et qui s’intéresse avec assez de sincérité.

691. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Abandonné dans ses mœurs, perdu de fortune, n’ayant plus ni feu, ni lieu, ce fut pour lui et pour son talent une inestimable ressource que de se trouver maintenu, sous les auspices d’une femme aimable, au sein d’une société spirituelle et de bon goût, avec toutes les douceurs de l’aisance. […] Il attribue la décadence de l’ode en France à une cause qu’on n’imaginerait jamais : … l’ode, qui baisse un peu, Veut de la patience, et nos gens ont du feu.

692. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

. — Une petite fille de dix-huit mois rit de tout son cœur quand sa mère et sa bonne jouent à se cacher derrière un fauteuil ou une porte et disent : « Coucou. » En même temps, quand sa soupe est trop chaude, quand elle s’approche du feu, quand elle avance ses mains vers la bougie, quand on lui met son chapeau dans le jardin parce que le soleil est brûlant, on lui dit : « Ça brûle. » Voilà deux mots notables et qui pour elle désignent des choses du premier ordre, la plus forte de ses sensations douloureuses, la plus forte de ses sensations agréables. […] La soupe trop chaude, le feu du foyer, la flamme de la bougie, la chaleur du plein midi au jardin, et enfin le soleil forment une de ces classes.

693. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Cette porte leur est fermée, et la mienne aussi… C’est le sentiment que j’aurai toujours pour un homme qui condamne le beau feu de Benserade, et qui ne connaît pas les charmes des fables de La Fontaine. Il n’y a qu’à prier Dieu pour un tel homme, et à souhaiter de n’avoir point de commerce avec lui. » On peut s’étonner de voir le beau feu de Benserade placé si près des charmes de La Fontaine.

694. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Et enfin Commynes, qui démêle les vraies raisons, même dans l’héroïsme, remarque que les meilleurs archers sont ceux qui n’ont rien vu, qui n’ont pas vu encore le fer de l’ennemi (nous dirions le feu), parce qu’ils ne connaissent pas le péril. […] Il était à table ; il perdit subitement la parole ; il voulait s’approcher de la fenêtre ; mais, croyant bien faire, on l’en empêcha, et on le retint près du feu.

695. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Mais ce qu’il savait être surtout dans ces leçons, c’était un improvisateur animé, intéressant, pittoresque, anatomiste avec feu devant les gens du monde, décrivant les appareils des sens d’une manière visible, les développant de l’expression et du geste, poursuivant du doigt dans l’espace les moindres filets nerveux, les fibres les plus ténues, déroulant à n’en pas finir des considérations peu précises, peu concluantes, mais ingénieuses souvent et déliées comme leurs objets. […] En achevant de lire Pariset sur Pinel et Corvisart, j’ai pris aussitôt Cuvier sur les mêmes sujets, et j’ai senti toute la différence qu’il y a entre un homme instruit, disert, comme Pariset, qui a du feu, du coloris, de la sensibilité, mais qui déborde et divague souvent, et un esprit du premier ordre, toujours maître de lui et de son sujet, qui, en se hâtant, touche à tous les points essentiels, ne néglige aucun des caractères de l’homme, retrace le trait principal des doctrines sans se détourner jamais, marque en passant les rapports, les dépendances des diverses branches, signale les influences positives, soulève ou écarte les objections.

696. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Un jour, Brienne, entrant à petits pas dans la chambre du cardinal, au Louvre, le trouva sommeillant au coin de son feu, dans son fauteuil : sa tête allait en avant et en arrière par une sorte de balancement machinal, et il murmurait, tout en dormant, des paroles inintelligibles. Brienne eut peur qu’il ne tombât dans le feu, et appela le valet de chambre Bernouin, qui le secoua assez vivement.

697. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

On comprend toutefois, même sans entrer dans le vif des matières, que lorsqu’en 1824, l’abbé Gerbet eut fondé, de concert avec M. de Salinis, un recueil religieux mensuel intitulé Le Mémorial catholique, et qu’il eut commencé à y développer ses idées avec modération, avec modestie, et pourtant avec ce premier feu et cette confiance que donne la jeunesse, il y eut là, pour ne parler que de la forme extérieure des questions, quelque chose de ce qui signala en littérature la lutte d’un esprit nouveau contre l’esprit stationnaire ou retardataire. […] Voici quelques vers (car, sans y prétendre, l’abbé Gerbet est poète) qui rendent déjà le premier effet et qui marquent le ton de l’âme ; la pièce est intitulée Le Chant des Catacombes, et elle est destinée, en effet, à être chantée51 : Hier j’ai visité les grandes Catacombes                    Des temps anciens ; J’ai touché de mon front les immortelles tombes                    Des vieux chrétiens : Et ni l’astre du jour, ni les célestes sphères,                    Lettres de feu, Ne m’avaient mieux fait lire en profonds caractères                    Le nom de Dieu.

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