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556. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Il nous faudrait des chefs qui nous éduquassent mieux, qui eussent donner l’essor à nos mouvements, qui laissassent aller nos saillies pour mettre les esprits dans l’habitude d’un mouvement noble et d’un feu qui les élèverait, et rétablirait le génie et le goût comme dans le beau siècle de Louis XIV, et peut-être mieux ; des chefs qui récompenseraient à propos et ne puniraient les Français que par la privation des grâces, seule façon de diriger les gens à talents. […] Il estime que le malheur de la plupart des hommes provient d’inquiétude, et de cette poursuite éternelle de quelque chose d’autre, au lieu de jouir de ce qu’on a : « Les hommes, dit-il, sont toujours in via et jamais in mansione. » Il attribue cette inquiétude à l’exemple, à l’imitation, à des causes étrangères à la nature de l’homme : « C’est une mauvaise et extraordinaire habitude, croit-il, dont nous pouvons être corrigés par le progrès de la raison universelle, comme on l’a été de la superstition et de quantité d’habitudes barbares et de façons de penser peu approfondies. » Pour lui, il est heureux et content de vivre ; il lui semble assister à un beau spectacle, à un joli songe ; si l’envie prend parfois au spectateur de faire l’acteur, c’est une faute, on est sifflé (il en sait quelque chose), et l’on s’en repent. […] Il définit la bienfaisance de façon presque à dégoûter d’y chercher l’idée plus élevée et la flamme de charité.

557. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Tant que les hommes de talent vivent, on est singulièrement injuste envers eux, ou plutôt on est ce qu’on doit être ; chacun en parle à sa guise : on les agite, on les exalte, on les déprécie ; on les retourne en cent façons ; on leur signifie et on leur assigne des vocations restreintes ; on les diminue s’ils s’y enferment, on les rabat et on les rabroue dès qu’ils essayent de s’étendre et d’en sortir. […] Un jour, après juillet 1830, comme il en était venu à un degré de gêne extrême ou plutôt de détresse qui sautait aux yeux, et qui s’accusait même d’une façon cynique, un de ses amis lui dit : « Que n’écris-tu ce que tu dis tout le long du jour ? […] Horace n’y mettait pas tant de façon ; il voyait avec son œil de peintre et rendait à l’instant son effet.

558. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

L’écrivain nous y raconte ce qu’il appelle son château en Espagne, son rêve à la façon d’Horace, de Jean-Jacques et de Bernardin de Saint-Pierre : une maisonnette couverte en tuiles, avec la façade blanche et les contrevents verts, la source auprès, et au-dessus le bois de quelques arpents, et paulum silvæ. […] Lorsqu’il y a un ou deux ans, le prince Metcherski publia ses ingénieuses poésies, tout empreintes du cachet romantique le plus récent, je ne sais quel critique en tira grand parti contre la façon moderne, et affirma qu’on n’aurait pas si aisément contrefait la muse classique ; c’est une sottise. […] Le vicomte de Launay a de telles façons délicates d’injurier, qu’on essayerait vainement de les égaler par la louange et qu’on ne peut les rendre à la belle muse qu’en se taisant. — (Je me suis dédit depuis de ce ferme propos, et j’ai parlé de Mme de Girardin dans les Causeries du Lundi avec bien du plaisir.)

559. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

cette façon de louer nous paraît fade ; nous voulons mieux quand nous parlons d’un écrivain : malgré la difficulté de juger plus à fond et de percer plus avant quand il s’agit d’un contemporain, d’un ami, notre plaisir est d’y viser, de nous jouer même autour de la difficulté : …. […] Mais, dans la littérature politique, le contraste naturellement se tranche d’une façon plus directe encore. […] Il reçut de la Grèce sa façon de sentir, de juger, de s’exprimer ; il fut Athénien par ses idées sur l’art, sur le beau.

560. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Les personnes enthousiastes qu’un beau zèle anime n’y mettent pas tant de façons. […] Une vie comme celle de Mme de Krüdner, et de la façon dont vient de l’écrire M.  […] Eynard, un moraliste qui saurait les tours et les retours, les façons bizarres de la nature humaine ; mais je ne puis qu’indiquer le sens et l’intention de l’analyse, aimant peu pour mon compte à pousser à bout ces sortes de procès.

561. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Octave Feuillet est en quelque façon le descendant d’Héliodore et de Mlle de Scudéry. […] Il est remarquable que Julia qui a quinze ans, aime exactement de la même façon que Mme de Campvallon, qui en a trente. […] Par deux fois il est amoureux, je dis follement amoureux, et ce n’est guère le fait d’un homme qui vit les yeux fixés sur le féroce testament de son père et que l’exercice de l’esprit critique, le détachement supérieur et le scepticisme transcendental auraient dû empêcher d’aimer de cette façon et à ce degré.

562. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Des érudits de trente ans, comme La Boétie, mouraient à la façon des héros de Plutarque, en prononçant de graves discours, qu’ils semblaient réciter de mémoire, comme une leçon apprise aux écoles. […] De son exil il adresse à la reine de Navarre, en réponse à quelque envoi de vers, cette pièce touchante que lui inspirent les chagrins domestiques de Renée de France : Car en mon cueur, si secours on luy nie, Veu la façon comment on la manye, Diray qu’elle est de la France bannye Autant que moy, Qui suis iey en angoisseux esmay, En attendant secours promis de toy Par tes beaulx vers, que je me ramentoy Avecques gloire ; Et bien soulvent part moy ne puis croire Que ta main noble ait eu de moy memoire, Jusqu’à daigner m’estre consolatoire Par tes escriptz. ` Cette lettre de Marguerite, il la lit ou la chante, tantôt haut, tantôt à voix basse ; de cette façon dit-il, je me console.

563. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

. — Le problème, c’est de rendre l’homme aussi utilisable que possible et de le rapprocher, autant que faire se peut, de la machine infaillible : pour cela, il faut l’armer des vertus de la machine ; il faut qu’il apprenne à considérer les conditions où il travaille d’une façon machinale et utile comme les plus précieuses : pour cela il est nécessaire qu’on le dégoûte, autant que possible, des autres conditions, qu’elles lui soient présentées comme dangereuses et décriées. — Ici la pierre d’achoppement est l’ennui, l’uniformité qu’apporte avec elle toute activité mécanique. […] L’argent nous possède plus que nous ne le possédons ; il nous lie et nous tyrannise de mille façons. […] Ni à l’une ni à l’autre d’une façon décisive.

564. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

L’empire, dont ils reprirent l’idée pour leur compte, qu’était-il, sinon une façon de se rattacher à Rome, source unique de toute autorité légitime ? […] L’esclave cultivé, qui se sentait l’égal de son maître, devait le haïr et le maudire, mais l’esclave philosophe, qui se sentait supérieur à son maître, ne devait se trouver en aucune façon humilié de le servir. […] Ce qu’il faut dans un tel état, c’est la plus grande variété possible entre les individus ; car chaque originalité c’est l’esquisse d’un aspect des choses ; c’est une façon de prendre le monde.

565. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Mais où se montre de la façon la plus éclatante et la plus singulière la prédominance tyrannique de la conception réaliste chère à toute cette époque, c’est peut-être dans le caractère que prend alors le socialisme. […] Comme elle a été tour à tour tranchée par la loi en deux sens opposés, elle permet de constater d’une façon très précise la curieuse dépendance qui relie certaines modifications littéraires et certaines modifications législatives. […] » ― En dépit de ces oppositions, les écrivains ont continué et continueront avec raison à dire leur mot sur des problèmes qui nous concernent tous comme citoyens et comme hommes et à croire que le talent ne perd rien à servir la cause de la civilisation ; et selon leurs opinions, leurs tempéraments, le milieu où ils vivent, retenant ou poussant en avant la société dont ils font partie, ils ne cesseront d’entrecroiser d’une façon étroite l’histoire de la littérature et celle du droit.

566. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Ecoutez donc de quelle puissante façon il est entré dans ma vie. […] Mais en même temps, et précisément au milieu de l’exposition historique, le livre doit soutenir un examen et une description détaillés de la grande époque musicale qui fut l’œuvre du génie de Beethoven et qui s’étend de ses compositions à toutes les musiques plus modernes. » Qu’une telle façon de penser me fût infiniment sympathique, vous devez le comprendre, Elisabeth ; elle l’était d’autant plus que le Tannhæuser avait évoqué dans mon âme l’enthousiasme le plus délicieux. […] Et ce monde que je n’ai jamais aimé fait que je me retire toujours plus en moi-même et dans le petit centre de ceux qui pensent comme moi, par la façon dont il juge cette amitié.

567. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Grattez l’élégance vernie et superficielle de son style, vous trouverez une tendance, à peine contenue, à la panse et à la trogne de la facétie rabelaisienne et je ne sais quelle façon prosaïque et positive d’entendre les choses, peu favorable à l’éclosion de la poésie. […] Ils admirent, avec des yeux ébahis, comme tout cela brille d’une façon romantique ; ils dressent les oreilles pour entendre la chanson… des moineaux. » Au fond, M.  […] Vraiment, à la façon dont on représente les artistes sur la scène, vous les prendriez pour des truands en belle humeur qui n’ont d’autre affaire que de vexer les bourgeois, prendre la taille aux fillettes et danser comme des polichinelles détraqués.

568. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Mais, de quelque façon qu’on la juge, il va quelque chose de terriblement féminin dans cette prostitution vengeresse, dans ce talion impur de la maîtresse délaissée. […] Il veut reprendre immédiatement possession de cette femme, qui refuse de lui rendre son corps déshonoré ; il la poursuit par la chambre, à la façon d’un animal fondant sur sa proie. […] Il a l’air de sortir d’une tabatière Touquet, à la façon d’un diable à surprise.

569. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

A la façon dont sa femme de chambre la reçoit, on devine qu’elles ont gardé les galants ensemble : sa familiarité insolente a trahi leur complicité. […] Alexandre Dumas vient de rentrer dans sa voie ; et à la façon dont il la parcourt, on dirait qu’il a repris un nouvel élan. […] Elle veut savoir ce qu’est cet enfant, et quel est son père, et quelle est sa mère ; et, à la façon dont elle la questionne, madame de Montaiglin doit déjà trembler pour ses coiffes.

570. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Ce livre est celui que Lesage refera et recommencera dans la suite en cent façons sous une forme ou sous une autre, le tableau d’ensemble de la vie humaine, une revue animée de toutes les conditions, avec les intrigues, les vices, les ridicules propres à chacune. […] Rien de plus vrai qu’une telle remarque, et dans Gil Blas il a amplement usé de cette façon de voir qui distribue quelques petits vices aux plus honnêtes gens. […] Par là surtout il se distingue de Voltaire, qui mord et rit d’une façon âcre.

571. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

— On aura puisé dans les pages qui précèdent une représentation de la critique qui diffère dans une large mesure de la façon dont on la conçoit d’habitude. […] Les penchants que les travaux analytiques révèlent en eux, la sensibilité que ces êtres montrent, l’enchaînement divers des mobiles, des actes, des pensées, des impressions causées par les événements, des dispositions maintenues malgré les hasards de la carrière, sont des faits psychologiques vrais, comme sont vrais aussi les détails extérieurs de leurs vie, leur visage, leur teint, leur gesticulation, leurs façons de vivre, de se vêtir, de mourir. […] Une analyse esthosychologique se compose de trois parties essentielles : d’une analyse des composants d’une « ouvre, de ce qu’elle exprime et de la façon dont elle exprime ; d’une hypothèse psycho-physiologique construisant au moyen des éléments précédemment dégagés, l’image, la représentation de l’esprit dont ils sont le signe, et établissant, si possible les faits physiologiques en corrélation avec ces faits psychologiques.

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