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1610. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

C’était un talent laborieux, flexible, facile, actif, abondant, se contentant beaucoup trop d’à-peu-près dans l’ordre de la poésie et de l’art, et y portant du faux, mais plein de ressources, d’idées, et d’une expression élégante et précise dans tout ce qui n’était que travail littéraire ; de plus, excellent conteur, non pas tant dans ses Contes proprement dits que dans les récits d’anecdotes qui se présentent sous sa plume dans ses Mémoires ; excellent peintre pour les portraits de société, sachant et rendant à merveille le monde de son temps, avec une teinte d’optimisme qui n’exclut pas la finesse et qui n’altère pas la ressemblance. […] Cela touché, il faut vite reconnaître ses aimables qualités sociales, cette facilité à prendre à tout, cette finesse sous la bonhomie et cette cordialité qui sait trouver une expression ingénieuse : « J’ai toujours éprouvé, disait-il, qu’il m’était plus facile de me suffire à moi-même dans le chagrin que dans la joie.

1611. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Chamillart, piqué d’honneur à son tour, sentant la probité en bourgeois, mais digne ce jour-là, par l’expression, d’être le secrétaire d’État de Louis XIV, fit à cette lettre une réponse qui est la meilleure preuve que les temps de la noblesse féodale avaient cessé : Monsieur, j’ai reçu la lettre que vous avez pris la peine de m’écrire au sujet des comptes du Biélois : si la somme avait été véritablement employée, vous n’offririez pas d’en faire le remboursement à vos dépens ; et, comme vous n’êtes pas assez grand seigneur pour faire des présents au roi, il me paraît que vous ne voulez éviter de compter avec les gens de plume que parce qu’ils savent trop bien compter. […] Je ne crois pouvoir rien ajouter à la force de cette expression, ne sachant point dire ce que je sens.

1612. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Dans une préface latine où, selon l’usage des modernes qui écrivent en latin, il cherchait un peu trop l’expression élégante, Rollin, opposant la manière de Cicéron à celle d’Aristote, avait parlé des fleurs de l’élégance cicéronienne (Tullianae elegantiae flosculis). […] Rollin n’est pas dénué de finesse et d’esprit quand il parle en son nom ; mais il faut chercher ces rares endroits où son expression s’anime et s’évertue d’elle-même Après avoir cité quelques passages des Éloges de Fontenelle et les avoir loués, il y remarque un défaut : S’il était permis, dit-il, de chercher quelque tache parmi tant de beautés, on pourrait peut-être en soupçonner quelqu’une dans un certain tour de pensées un peu trop uniforme, quoique les pensées soient fort diversifiées, qui termine la plupart des articles par un trait court et vif en forme de sentence, et qui semble avoir ordre de s’emparer de la fin des périodes comme d’un poste qui lui appartient à l’exclusion de tout autre.

1613. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Ils montrent une femme, une femme du xviiie  siècle aimant la vie, l’amusement, la distraction, ainsi que l’aime, ainsi que l’a toujours aimée la jeunesse de la beauté, une femme un peu vive, un peu folâtre, un peu moqueuse, un peu étourdie, mais une femme honnête, mais une femme pure, qui n’a jamais eu, selon l’expression du prince de Ligne, « qu’une coquetterie de Reine pour plaire à tout le monde ». […] L’Histoire humaine, voilà l’histoire moderne ; l’histoire sociale, voilà la dernière expression de cette histoire.

1614. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Une partie des lieds de Heine, et de quelques autres poètes, ne sont pas que l’expression d’une humeur particulière, que de l’écriture morte, lue silencieusement et solitairement par une élite. […] Heine eut des goûts divers, s’éprit et subit de nombreuses influences artistiques ; c’est-à-dire que beaucoup de choses et de différentes lui ont plu, ou encore que ses sentiments étaient assez variables pour être successivement satisfaits et charmés par des expressions artistiques dissemblables entre elles et pouvant varier de la rêverie vague des romantiques allemands, au rude réalisme de la poésie populaire, à la précision et à l’esprit des prosateurs français.

1615. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Un Mythe est la conque sonore d’une idée… » Le symbolisme nous a donné, en outre d’une réforme poétique, une intelligence plus claire du rythme3 et des moyens d’expressions de l’art. […] Pour le rythme, l’expression, les naturistes eux-mêmes lui sont redevables encore.

1616. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

À propos d’un hémistiche de Bérénice, Voltaire écrit : c’est une Expression heureuse et neuve dont Racine enrichit la langue, et que par conséquent on critiqua d’abord 26. D’autre part, ceux qui ont ri de certaines expressions non moins heureuses apportées par les symbolistes ou les naturistes ignoraient souvent qu’on en pouvait trouver exemple chez les classiques (Cf. 

1617. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

D’un bout à l’autre de l’Empire romain c’était, suivant l’expression de Montesquieu, une « incessante circulation d’hommes ». […] Il y aurait donc plus qu’une métaphore dans l’expression : supprimer les distances.

1618. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Victorin Fabre avait des qualités de jeune homme, et supérieures à celles que cet âge présente d’ordinaire : il avait la générosité de la jeunesse, il y joignait un esprit grave, une application constante, une faculté d’analyse et d’examen qui, dans l’expression, savait se revêtir de nombre et d’un certain éclat.

1619. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Au tourment du langage et à l’impuissance d’expression, on aurait dit des prêtres sur le trépied ; et, à ce sujet, l’on se rappelle peut-être encore avec quelle loyauté, assurément bien méritoire, l’auteur du Clocher de Saint-Marc a porté sentence contre lui-même dans le Mercure.

1620. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Il nous a semblé que son élégance, parfois un peu scrupuleuse, se refusait trop ces expressions familières et fortes, ces tours vifs et francs, que notre vieille langue offrait en foule à son choix, et qui s’adaptaient si naturellement à Tacite.

1621. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Beaucoup de ces hymnes ne sont que de tendres et mélodieuses prières, où les couleurs de la nature, les enchantements de la poésie, viennent prêter leur charme à l’expression d’une foi paisible et soumise.

1622. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

Mais on sent combien il est profitable pour l’accélération des esprits que de telles questions de philosophie politique se traitent dans un recueil accrédité, avec développement, avec science, amour du bien, et un talent d’expression qui y répand lumière et chaleur.

1623. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

La pensée de l’auteur, souillée par l’histoire de son temps, ne peut s’astreindre à cette pureté d’expressions qui doit toujours servir à peindre les images même les plus révoltantes.

1624. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Plusieurs des hommes qui ont pris un grand ascendant sur les destinées de la France, étaient dépourvus de toute apparence de grâce dans l’expression et de brillant dans l’esprit : peut-être même devaient-ils une partie de leur influence à ce qu’il y avait de sombre, de silencieux, de froidement féroce dans leurs manières comme dans leurs sentiments.

1625. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

Lorsqu’on est fidèle à cette résolution, ces hommes mêmes qui troubleraient le repos de la vie, si l’on se rendait dépendants de leur reconnaissance, vous donnent cependant des jouissances momentanées par l’expression de ce sentiment.

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