/ 2151
782. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Je ne puis pas m’empêcher d’en douter ; mais c’est précisément parce que je ne suis pas destiné à y vivre. […] Moi qui, à d’autres points de vue, l’aime si peu, je ne puis m’empêcher de le reconnaître en passant. […] Notre devoir est de la bien régir, de l’empêcher de tomber en faillite ou de se précipiter dans la mort. […] Défiez-vous du respect humain qui vous empêche de vous reconnaître et qui vous voile à vous-même. […] L’observateur prend partout son bien, même malgré lui ; il ne peut s’empêcher de voir et ne peut s’empêcher de consigner ce qu’il a vu.

783. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

D’autres marquis, quelque vingt ans auparavant, à Londres, encombraient la scène du « Théâtre du Globe », et n’empêchaient point Shakespeare ni ses contemporains de se soustraire à la « règle des trois unités ». […] Pour les, précieux, c’est une autre affaire, quoique ce soit au fond la même chose, mais ce ne sont pas les livres, c’est le monde, eux, qui les empêche de voir la nature. […] Claude, le médecin architecte, qui mourut en 1688, est assez connu par L’Art poétique et les épigrammes de Boileau, lesquelles n’empêchent point la colonnade du Louvre d’être une fort belle chose. […] Son expression n’a pas tout à fait trahi sa pensée ; mais, poète autant que critique, il n’a pas pu, dans sa formule, s’empêcher de réserver les droits de son amour-propre. […] Mais enfin, dans l’ensemble, il a heureusement caractérisé une œuvre dont les défaillances d’exécution ne sauraient nous empêcher de reconnaître la grandeur et la nouveauté.

784. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Quoique l’homme de Lettres se dise que de pareils hommes sont nés tels, que leur caractère froid & flégmatique dépend de leur sang, il ne peut s’empêcher d’avoir pour eux cette antipathie qui doit se rencontrer entre des âmes si opposées. […] Ce qui empêchera toujours les Ecrivains de devenir profonds, c’est de n’écrire point ce qu’ils sentent avec le plus de force. […] Tout homme qui réfléchira sur la forme actuelle de notre Tragédie, sentira combien la premiere direction qui lui fut donnée, a été fatale à l’Art dramatique, & ne pourra s’empêcher de regretter alors que les Mairet, les Rotrou, véritables instituteurs de la maniere reçue, aient eu quelque connoissance des anciens. […] Chacun n’a-t-il pas le droit de juger, & l’homme qui ne peut me faire goûter ses écrits parviendra-t-il à m’empêcher de lire ceux d’autrui ? […] L’intention de Molière, dans cette, pièce a sûrement été pure ; mais on ne peut s’empêcher néanmoins d’avouer qu’elle paroît équivoque, à l’examen.

785. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Je refuse, mais je ne puis m’empêcher de songer à tous les gens, que l’acceptation aurait mis à mes pieds, au respect, que j’aurais conquis dans la maison de la princesse, enfin à la facilité, avec laquelle j’aurais trouvé des éditeurs, pour illustrer La Maison d’un artiste, Madame Gervaisais, etc., etc. […] Jeudi 4 février En arrivant chez Daudet, en train de s’habiller pour le théâtre, je ne puis m’empêcher de lui dire, que j’aime beaucoup mieux la mort naturelle de la Menteuse, dans sa nouvelle, que sa mort par l’empoisonnement de la pièce. […] Quelquefois, le paisseau était remplacé par un fusil, jeté sur l’épaule, et sans carnassière et sans chien, je le voyais tout à coup mettre en joue quelque chose, que ma vue de myope m’empêchait de distinguer : c’était un lièvre, que son coup de fusil roulait, et qu’il me donnait à porter. […] Ce soir, une femme du monde, m’attaque gentiment sur l’horreur, professée dans mon Journal, pour le progrès dans les choses, me parlant de la vie magique, surnaturelle, que lui a faite le téléphone : « Tenez, il y a une heure, je causais à Londres avec un Anglais, pour une affaire que j’ai là-bas ; quand vous êtes entré, je m’entretenais avec ma sœur, à Marseille, lui disant que je vous attendais ; dans la journée, j’avais arrangé un mariage et un divorce… Hier j’étais fatiguée, je m’étais couchée de bonne heure, mais ne dormant pas, je me suis mise à causer avec un monsieur, dont j’aime l’esprit… mais un monsieur, que les convenances m’empêchent de recevoir fréquemment… N’est-ce pas, dit-elle, en riant, c’est singulier pour une femme, dans son lit, de causer avec un monsieur, qui est peut-être dans le même cas… Et vous savez, si le mari arrive, on jette le machin sous le lit, et il n’y voit que du feu. […] Les lettres sont brutalement arrachées des mains de Marthe par Nachette, et les paroles un peu bêtotes qui suivaient, remplacées par la rentrée du mari, au moment où Marthe est penchée, aplatie sur la table, pour les reprendre : rentrée qui empêche toute explication, et qui ne fait pas la femme si complice de la vilaine action de Nachette.

786. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

On lui suscita quelques chagrins à son retour ; ce qui ne l’empêcha pas de servir ensuite chez différens peuples. […] Toutes ces précautions n’ont pas empêché qu’il ne s’en soit perdu une grande partie. […] L’ordre chronologique qui isole les objets, empêche aussi de lire cet ouvrage de suite ; mais si vous vouliez un livre où les matieres fussent plus liées, vous pourriez lire les Elémens de l’histoire de France depuis Clovis jusqu’à Louis XV. par M. l’Abbé Millot, en 2. vol. […] Il entre quelquefois dans de trop grands détails ; la beauté de son style empêche presque qu’on ne s’apperçoive de ce défaut. […] Il n’est jamais permis à un historien de prendre un ton dogmatique, & il doit être extrêmement retenu dans les réfléxions ; celles de Strada ont du brillant ; mais tout l’éclat par lequel il prétend éblouir ses lecteurs n’empêche pas les gens sensés de trouver que cet écrivain manque de jugement.

787. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Cette conclusion nationaliste n’empêche pas Lasserre de reconnaître les mérites de Goethe, Schopenhauer ou Nietzsche, mais c’est précisément en ce qu’ils s’éloignent de l’esprit allemand. […] Cette bonté, jointe à la bonhomie de la province, empêcha le timide orgueilleux qui se cachait en Jean-Jacques de souffrir dans la société qui fréquentait chez sa protectrice. […] Tant de soins n’empêchent pas Senancour de retomber constamment en présence de la vision la plus plate : celle de sa carrière pauvre et manquée. […] Juste de Constant s’était revêtu de cette ironie douloureuse, arme des natures blessées et fines, qu’un obstacle empêche d’être elles-mêmes. […] Il empêche d’obéir à l’ineffable.

788. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Je n’ai pu, je l’avoue, m’empêcher d’en sourire, et si j’avais eu la présomption de croire m’être bien fait connaître, j’eusse été soudain guéri de ma vanité. […] Si j’attaquai des chefs principaux, ce fut moins pour les humilier que pour mettre un frein à leur orgueil, et pour empêcher que l’enthousiasme du vulgaire ne les érigeât en tyrans. […] On voit que cette fable, sujet de l’École des femmes, est propre au mouvement de la comédie mixte, parce qu’elle ne se complique ni trop ni trop peu, et que le cours des faits dépendant de la marche des caractères n’empêche pas ceux-ci de se mouvoir à leur aise, et de se dessiner largement. […] Ces explications empêcheront qu’on ne se méprenne, en voulant assigner à chaque rôle ce qui lui est proprement convenable. […] Cette même faiblesse offre à la comédie un digne sujet de ridicule ; c’est la fureur de croire prévenir ce qu’on ne saurait empêcher.

789. (1895) Hommes et livres

C’est une affaire d’État et une question de patriotisme, que d’empêcher Muratori de consulter une charte d’Othon, qui autoriserait certaines revendications de l’empereur ou d’un prince italien. […] Et cependant je ne puis m’empêcher de trouver qu’on les oublie injustement dans nos histoires de la littérature. […] Je ne puis m’empêcher de remarquer qu’en France ce sont moins des érudits que des gens de théâtre qui ont préconisé les unités. […] Qui nous empêchera de concevoir un cinquième tome, ou bien cinq, dix, douze épisodes nouveaux à intercaler au milieu des quatre premiers ? […] Les signes prennent une valeur absolue et empêchent de songer aux choses.

790. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Tantôt l’élévation des aperçus empêche le critique d’être biographe exact ; tantôt les efforts du biographe pour être précis et fidèle empêchent le critique d’être élevé. […] Il ne fallait rien moins que ces considérations pour l’empêcher de se rendre aux vœux des siens, quelque insolente que fût la manière dont ils les exprimèrent. […] La grossesse de la Reine l’avait empêchée d’accompagner son époux ; mais un grand nombre de seigneurs, de princes, Monsieur, Madame et la Reine mère, assistaient également à cette fête. […] tais-toi, tu m’empêches de dormir. — Est-ce que c’est à toi que je parle ? […] Grimarest prétend qu’il poussait chez lui l'ordre jusqu’à la minutie, et que le moindre retard, le moindre dérangement le faisait entrer en « convulsions », et l’empêchait de travailler pendant quinze jours.

791. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Il fallait dire : « J’en lis qui sont du Nord et d’autres du Midi. » Ça n’empêche pas le vers de La Fontaine d’étre charmant. […] Les autres sont des effrontées, soit ; mais elles n’empêchent point que celles-là n’existent. […] Mais ces choses n’empêchent point qu’il ne soit amoureux très profondément. […] Vous ne pouvez pas les empêcher de se marier. […] Que rien désormais ne peut empêcher ce mariage qu’elle déteste ?

792. (1903) La pensée et le mouvant

Car c’est là ce que notre représentation habituelle du mouvement et du changement nous empêche de voir. […] Le simple bon sens répondait : le temps est ce qui empêche que tout soit donné tout d’un coup. […] Mais c’est ce que nos habitudes intellectuelles nous empêchent d’apercevoir. […] Mais je sais aussi que cet attachement à l’antiquité n’empêche pas votre Université d’être très moderne et très vivante. […] Le peintre l’a isolée ; il l’a si bien fixée sur la toile que, désormais, nous ne pourrons nous empêcher d’apercevoir dans la réalité ce qu’il y a vu lui-même.

793. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

La chaude frénésie de l’existence empêche ces gens de regarder l’horizon, et cependant ils vont mourir. […] Mais la rime riche aurait eu cet inconvénient de faire saillie d’une manière trop forte, et d’empêcher l’effet de fluidité heureuse qui était dans ses intentions d’artiste. […] Les plus éloquentes phrases n’empêcheront pas que l’existence, dépourvue de signification d’au-delà, ne roule et ne retombe sans cesse sur un fond immobile de désespoir. […] Les excès qui ont pu être commis au nom de ce principe ne doivent pas empêcher la critique de reconnaître la très réelle valeur de la tâche accomplie. […] Ce qui empêche aujourd’hui l’existence de semblables juges et de semblables arrêts, c’est un déplacement singulier de notre point de vue.

794. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Comme ces disputes sont la vie même et la santé de toutes trois, ne les regrettons pas, ne les empêchons pas. […] Mais le journal de droite oblige à une certaine sagesse le fanatique de gauche en créant une résistance qui l’empêchera de descendre dans la rue. […] Aucun esprit bien fait ne songe à empêcher un professeur de régenter dans sa classe, dans son école, dans son université, dans ses livres scolaires : il ne saurait guère exister d’enseignement sans cela. […] L’Art poétique couronne l’œuvre de la génération classique et ne la précède pas, et la forme même du vers, l’obéissance aux lois du poème didactique, empêchent l’esprit critique de s’y manifester librement. […] Cela ne doit pas nous empêcher de parler de bon goût et de mauvais goût, de croire à un bon goût et à un mauvais goût, ou plutôt à de bons goûts et à de mauvais goûts.

795. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Veut-on savoir ce qui l’empêche de décrire le front d’Orante ? […] Il n’est aucun temps où un tel effort ne soit violent pour l’amour-propre, et où le ridicule qui s’attache à l’indifférence sur ce point n’empêche un homme, non seulement de la confesser aux autres, mais de se l’avouer à lui-même. […] A quel titre l’empêcherait-on de chercher, comme la morale et la philosophie, le vrai par la raison ? […] En peut-on citer un, même chez les nations étrangères, pour peu que tous les esprits cultivés soient d’accord de sa beauté, dont les doctrines de Boileau eussent empêché les belles parties, ou n’aient pas par avance signalé les défauts ? […] Il ne les empêche pas du moins de naître, et il nous apprend à les attendre avec patience en lisant leurs devanciers.

796. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

. — Ce qui ne l’empêchait pas de se dire avec satisfaction : Août 1738. — Le fondement de ma fortune a pour texte ces deux mots, que j’ai déjà déclarés à plusieurs personnes : Il y a un métier à faire où il y a prodigieusement à gagner, c’est d’être parfaitement honnête homme. […] Le fait est que son frère s’étant dégoûté de cette place, et ayant obtenu l’intendance de Paris qui était un motif de congé, avait engagé son aîné à s’en accommoder à son défaut et nullement à son détriment : ce qui n’empêcha point qu’il n’y laissât ensuite donner une fausse couleur.

797. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Villars en était venu à se défier de la fidélité de l’électeur dans l’alliance, tant il le voyait indécis, mal entouré, et sollicité en sens contraire par sa famille et par ses proches ; il craignait d’un moment à l’autre une défection : « Cette bataille empêche un grand changement », écrivait-il à Chamillart au lendemain d’Hochstett ; et il ajoutait : Je crois devoir vous supplier, monsieur, de représenler à Sa Majesté qu’il est bon qu’elle paraisse entièrement satisfaite de la valeur de M. l’électeur, de celle du comte d’Arco, des troupes de M. l’électeur, bien que dans la chaleur du combat je n’aie pu m’empêcher de me plaindre un peu de leur flegme10.

/ 2151