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162. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

De même, les paysages intéressent davantage quand ils ne font que servir de cadre à l’action, qu’ils l’appuient ou lui font repoussoir, qu’ils ne se trouvent pas mis là en dehors et comme à côté de l’intérêt dramatique. […] En même temps, il exige des scènes dramatiques, attendu que là où il n’y a de drame d’aucun ordre, il n’y a rien à raconter : une eau dormante ne nous occupe pas longtemps, et la psychologie des esprits que rien n’émeut est vite faite. […] A vrai dire, le dramatique est là où se trouve l’émotion, et la grande supériorité du roman sur la pièce de théâtre, c’est que toute émotion est de son domaine. Au théâtre, le dramatique extérieur, à grand fracas, est presque le seul possible : sur la scène, penser ne suffit pas, il faut parler ; si l’on pleure, c’est à gros sanglots. […] Les pittoresques lazzaroni ou les criminels dramatiques sont plus rares que nos vulgaires laboureurs, qui gagnent honnêtement leur pain et le mangent prosaïquement à la pointe de leur couteau de poche.

163. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

C’est dans la forme dramatique que M.  […] Il y a du dompteur dans l’auteur dramatique qu’a été M.  […] Dumas a fait entrer dans la littérature dramatique un élément nouveau. […] « Une action dramatique, dit M.  […] Sardou a appris son métier d’auteur dramatique.

164. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bergerat, Émile (1845-1923) »

Théodore de Banville Voici un poème dramatique d’un éclat éblouissant, compliqué et mystérieux, dont le succès est assuré d’avance, parce qu’il répond non pas à-un besoin, mais, ce qui est bien plus, à une aspiration ardente, à un désir effréné. […] Il débutait ainsi, à dix-huit ans, dans la carrière dramatique, que son maître, Sarcey, lui avait probablement ouverte à son insu, en lui apprenant la scène à faire aux dépens de la grammaire latine.

165. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

N’est-ce point que l’on commence à se désintéresser des demi-conventions dramatiques ? […] Or pour les spectateurs la compréhension de la musique est souvent rendue ou difficile ou tout à fait impossible, s’ils ne peuvent se faire une idée claire du drame qui tout d’abord s’offre à eux, s’ils ne comprennent pas les paroles par lesquelles les personnes du drame unissent dans leur sphère le cœur musical à la tête dramatique, pour former l’entier organisme artistique. […] Enfin, en Espagne la merveilleuse poésie dramatique nationale, ne se basant que sur le moyen âge, s’affaiblit ce plus en plus. De toutes parts on reconnaît la nécessité de revenir aux anciens ; mais en prenant modèle sur les restes de leur poésie dramatique la tragédie classique française paraît s’être trompée. […] La Revue d’art dramatique du 1er février : chronique de M. 

166. (1895) Hommes et livres

Une telle œuvre relève de la rhétorique et non de l’art dramatique. […] Ainsi la critique érudite aurait faussé le développement naturel de notre poésie dramatique. […] Dumas n’aient pas eu recours, nos naturalistes l’ont soigneusement ramassé pour révolutionner l’art dramatique. […] Peut-être, en revanche, est-il moins dramatique qu’on n’a voulu le dire. […] En second lieu, les auteurs dramatiques, comme hommes de lettres, sont esclaves des règles.

167. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Vitet, l’un des écrivains qui ont le plus contribué comme critiques à l’organisation et au développement des idées nouvelles dans la sphère des arts, un de ceux qui avaient le plus travaillé à mettre en valeur la forme dramatique de l’histoire et à la dégager des voiles de l’antique Melpomène ; homme politique des plus distingués, il se trouvait en présence d’un homme d’État chargé de le recevoir sur un terrain purement littéraire. […] Il eut d’ailleurs la justesse de reconnaître tout d’abord que, dans ce genre mixte, où l’auteur n’est ni franchement poëte dramatique ni historien, mais quelque chose entre deux, on pouvait très-bien réussir, sans qu’il y eût pour cela une grande palme à cueillir au bout de la carrière : l’auteur n’a devant lui, disait-il, ni la gloire des Corneille, ni celle des Tite-Live. […] Il ne serait pas impossible, nous le croyons, d’arriver à donner le sentiment réel, vivant et presque dramatique de l’histoire, par l’excellence même du récit ; et, au besoin, les belles pages narratives par lesquelles M. 

168. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Tous les sentiments dramatiques que le théâtre futur allait bientôt faire connaître aux âmes, terreur et pitié, angoisse et espoir, étaient en germe dans les émotions que les contrastes de la nature suscitaient en lui. […] La Muse dramatique, attachée comme une Pythie esclave au trépied du dieu, s’échappe ainsi du sanctuaire et passe du côté de l’humanité. […] Thespis arrive ; la statue surgit, la tragédie parle, abrupte et inculte encore, mais ayant déjà forme dramatique, perfectible puisqu’elle est viable : le miracle est fait.

169. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

* *  * Je termine par une petite observation de mœurs dramatiques que me communiquait hier mon ami — et vaudevilliste Ma… Nous venions de relâcher en vue du Gymnase. […] — La première crinoline dramatique de notre temps, c’est M.  […] Deuxième biche (indignée et dramatique)

170. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Églé et l’Amoureux de quinze ans sont deux tableaux d’un dessin pur et gracieux ; et cependant, lorsque l’auteur se livre à des compositions dramatiques, on voit que c’est encore la muse de la chanson qui l’inspire ; elle veut essayer un ton plus grave, des manières plus imposantes, mais elle se trahit à la naïveté de son langage, à la délicatesse de ses formes, et l’œil le moins clairvoyant reconnaît Érato sous le masque de Thalie. […] C’est ainsi que Marivaux écrivant des comédies, faisait encore des romans, et que Lesage écrivant des romans, faisait encore des comédies ; car, ce n’est pas seulement la facilité de combiner des scènes et de développer une intrigue qui constitue l’auteur comique, c’est l’art de saisir les caractères, d’observer les mœurs, et d’en présenter un tableau dramatique et fidèle. […] Mais passons aux temps modernes, et hâtons-nous d’arriver à l’époque la plus mémorable de notre gloire dramatique, à l’apparition de Molière.

171. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Comme poëte dramatique, on n’a point la verve profonde de Molière ou l’esprit étincelant de Beaumarchais. […] … A ce compte-là, s’il fallait l’admettre, l’art du roman ne serait plus que la puissance « de bâtir un Alhambra sur une pointe d’aiguille », et l’art dramatique, composé autrefois de caractères, de passion et d’esprit — le plus que l’on pouvait en mettre, et on n’en mettait jamais assez ! […] La vie des Faux Démétrius de Russie, cet imbroglio dramatique, cette mystification pour tout un peuple, cette sanglante et incroyable comédie, deux fois recommencée et toujours avec le même prestige, avec la même force d’illusion, l’histoire des Cosaques d’autrefois, ce poëme dix mille fois plus poétique que le Corsaire de lord Byron, et qu’un Byron seul, doublé d’un Hogarth, pouvait raconter, ont été écrites par une plume qu’elles n’ont pas réchauffée, et qui avait plus de netteté et de tranchant autrefois, quand elle écrivait des romans bien moins romanesques que ces histoires.

172. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

. — Critique dramatique. — Romans : le Capitaine Fracasse. […] Sa double carrière de critique d’art et de critique dramatique commence régulièrement à la Presse pour ne plus s’interrompre depuis. […] Pour moi, qui viens de relire bon nombre de ces feuilletons de Théophile Gautier sur l’Art dramatique, j’ai plutôt admiré comme il s’acquitte de sa tâche en parfaite bonne grâce, comme il se tire des difficultés et triomphe à demi de ses goûts sans les sacrifier toutefois. […] Ce qu’il loue le plus, ce qu’il soutient et défend de tout son cœur, les tentatives dramatiques d’amis illustres, n’obtiennent que des succès douteux et très-combattus : il lui faut dissimuler tant qu’il peut ces résistances obstinées de la masse bourgeoise à ce qu’il admire et à ce qu’il aime.

173. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Reçu à l’Académie française en novembre 1811, à l’âge de trente-trois ans ; dans l’intime faveur des ministres Bassano et Rovigo ; rédacteur en chef officiel du Journal de l’Empire, remplissant la scène française et celle de l’Opéra-Comique par la variété de ses succès, connu d’ailleurs encore par les joyeux soupers du Caveau et par des habitudes légèrement épicuriennes, on se demandait quel était l’avenir de ce jeune homme brillant, au front reposé, au teint vermeil ; s’il n’était (comme quelques-uns le disaient) que le plus fécond et le plus facile des paresseux, un enfant de Favart ; s’il ne faisait que préluder à des œuvres dramatiques plus mûres, et où il s’arrêterait dans ces routes diverses qu’il semblait parcourir sans effort. […] Lebrun-Tossa, son ami alors et son collaborateur en perspective, non pas un projet de canevas, mais une véritable pièce en trois actes et en vers, presque semblable en tout à celle qui est imprimée sous le titre de Conaxa, et qu’il en tira, comme c’est le droit et l’usage de tout poëte dramatique admis à reprendre son bien où il le trouve, une comédie en cinq actes et en vers, appropriée aux mœurs et au goût de 1810, marquée à neuf par les caractères de l’ambitieux et du philanthrope, et qui mérita son succès. […] Littérairement, cette pièce de l’Intrigante nous paraît faible, très-faible ; et ici, après avoir relu celle des Deux Gendres infiniment supérieure, après nous être reporté encore aux autres productions dramatiques de M.  […] La chute de l’Empire coupa court, ou à peu près, à la carrière dramatique de M. 

174. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Émile Augier »

Un marquis tarte à la crème, deux caillettes, dont l’une n’est que la Bélise de Molière servilement copiée, et un type d’Henri Monnier, à présent commun comme la borne, voilà les épouvantables éléments dont se compose le cléricalisme qui fait trembler, et auquel Augier, cette tête de linotte dramatique, oppose, pour l’aplatir, Giboyer le vénal, monsieur son bâtard et la demoiselle Fernande, née de l’adultère… La critique, cette courtisane de tous les publics dont elle devrait être l’institutrice, a battu des mains comme un simple Gringalet du lustre, et fait ensuite, sur le tremplin du lieu commun, sa pirouette mélancolique en l’honneur des partis vaincus. […] Émile Augier travaille donc en vieux et en petit, mais ses nielles dramatiques ne se relèvent pas par la pureté, la précision, le vif étincelant du détail.

175. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Et, si j’avais une érudition dramatique plus considérable, je pourrais, j’en suis sûr, multiplier les exemples. […] Il ne faut jamais chicaner un poète dramatique sur son point de départ. […] Il fit, lui, des échaudés dramatiques. […] Un auteur dramatique nous est-il né ? […] Et cette mesure, les auteurs dramatiques ne pourront jamais, quoi qu’ils fassent, la dépasser Pourquoi ?

176. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Ce fut là, devant un public de lettrés, que nous lûmes Henriette Maréchal, à l’exemple d’autres auteurs plus connus que nous, aussi soucieux de leur dignité, et qui ne croyaient pas faire acte d’insolence envers le public, en consultant le premier salon de Paris sur l’effet d’une œuvre dramatique. […] Or, cela je le déclare tout à la fois le comble de la difficulté et le summum de l’art dramatique des années qui vont venir, — et je me trouve tout seul, pas assez fort pour y arriver. […] Non, l’art dramatique ne deviendra pas tout à fait ce que j’ai prédit : « Quelquechose digne de prendre place entre des exercices de chiens savants et une exhibition de marionnettes à tirades », non, mais toutes les scènes de la capitale sont fatalement destinées à se transformer en des Édens, plus ou moins dissimulés. […] Puis sur les planches je ne trouve pas le champ à de profondes et intimes études des mœurs, je n’y rencontre que le terrain propre à de jolis croquetons parisiens, à de spirituels et courants crayonnages à la Meilhac-Halévy ; mais, pour une recherche un peu aiguë, pour une dissection poussée à l’extrême, pour la récréation de vrais et d’illogiques vivants, je ne vois que le roman ; et j’avancerais même que si par hasard le même sujet d’analyse sérieuse était traité à la fois par un romancier et un auteur dramatique, — l’auteur dramatique fût-il supérieur au romancier, le premier aurait l’avantage et le devrait peut-être aux facilités, aux commodités, aux aises du livre. […] Quand même le romantisme ne posséderait pas à sa tête l’homme unique qui a doté l’art dramatique de la plus sonore langue poétique qui fût jamais, le romantisme aurait un théâtre ; et, ce théâtre, il le devrait à son côté faible, à son humanité tant soit peu sublunaire fabriquée de faux et de sublime, à cette humanité de convention qui s’accorde merveilleusement avec la convention du théâtre.

177. (1914) Boulevard et coulisses

Vous pouvez voir dans certaines comédies de Meilhac et Halévy, qui sont, outre des œuvres dramatiques d’une fantaisie supérieure, de précieux tableaux de nos mœurs, vous pouvez voir les charmantes précautions que prenait alors une femme du monde pour aborder une comédienne, et réciproquement. […] Grosclaude y faisait les échos de théâtre et la critique dramatique, et il parlait des auteurs et des artistes sur un ton irrespectueux qui contraste étrangement avec la dévotion d’aujourd’hui. […] Observons immédiatement que la formule « art dramatique » ne nous est pas nécessaire pour poursuivre l’entretien. […] Les nouvelles entreprises dramatiques de cette saison les ont fait sortir de partout, d’en haut et d’en bas. […] Et la profession d’artiste dramatique n’a pas tardé à les rejoindre.

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