Ici le vieillard de La Fontaine dit à sa façon, et c’est-à-dire d’une façon douce, tranquille, souriante, avec bonhomie, le grand mot de Gœthe : « Par-dessus les tombeaux, en avant ! […] Et ce qu’il y a de charmant dans cette fable, c’est précisément le contraste parfaitement voulu, parfaitement médité et concerté, le contraste entre la jeunesse présomptueuse qui n’accorde même pas au vieillard la liberté, la licence de travailler en quelque sorte à long terme ; et, tout au contraire, cette sorte de méditation du futur qui accompagne le vieillard dans son labeur et qui lui fait dire : Voilà des jeunes gens qui me suppriment dans leur pensée, et moi, c’est à des gens qui ne sont pas encore, c’est à mes arrière-neveux que je songe déjà Voilà une très jolie leçon de sagesse, tout à fait dans la manière d’Horace en même temps que dans la manière de Virgile, une très jolie leçon de sagesse antique avec quelque chose, je crois, de plus attendri, de plus doux, de plus mouillé de la tendresse moderne et de la tendresse, j’allais dire chrétienne, mais il ne faut pas dire chrétienne, en parlant de La Fontaine, ce serait trop une erreur, enfin d’une tendresse qui avoisine déjà le christianisme et qui en a senti quelque légère influence. […] Son humeur aussi me sembla douce. […] Tout méchant qu’était notre gîte, je ne laissai pas d’y avoir une nuit fort douce.
Il a surtout une tournure de pensées, vive, naturelle, & délicate ; sa versification est douce, harmonieuse, & facile ; sa poésie, pleine d’images & d’agrémens ; sa morale est utile, sans être austere ; un peu trop voluptueuse, sans être cependant libertine ; philosophique, sans être hardie ni indécente.
Racan est le premier qui ait su faire rendre aux chalumeaux François ces sons doux & naïfs qui firent autrefois les délices & la gloire de l’Italie.
Pendant des années, Bernis supporta avec insouciance et gaieté cette condition de gêne, ce contraste entre ses goûts et sa situation, entre tout ce qu’il voyait et ce qu’il n’avait pas : il avait « l’âme courageuse et douce ». […] Quant à des places politiques meilleures, il est convenu entre les deux amis que le mieux est de ne rien presser ; le mot d’ordre est celui-ci : « À l’égard des places, il faut savoir lever le siège quand elles se défendent trop longtemps. » Bernis a là-dessus une tactique constante, une voie douce et par insinuation : « Ne pas prendre les places d’assaut et ne point refuser celles qui veulent se rendre d’elles-mêmes. » Enfin, le terme de l’apprentissage arrive, et Bernis, rappelé à Paris, se met en route à la fin d’avril 1755. […] La première commotion passée, il se dit avec ce bon sens et cette réflexion sans amertume dont il était pourvu et qui formait la base de son caractère : « Je n’ai plus de fortune à faire : je n’ai qu’à remplir honnêtement la carrière de mon état, et à m’acquérir la considération qui doit accompagner une grande dignité : pour cela la retraite est merveilleuse. » C’est sous cette dernière forme, non plus politique, non plus tout à fait mondaine, non pas absolument ecclésiastique, mais agréablement diversifiée et mélangée ; c’est dans cette retraite suivie et couronnée bientôt d’une grande ambassade, qu’il nous sera possible de l’étudier désormais en sa qualité de cardinal, et que nous aimerons à reconnaître de plus en plus en lui le personnage considérable, d’un esprit doux, d’une culture rare et d’un art social infini.
Il est doux et poli, et je le crois bonhomme. […] Malgré ce léger apprêt, toute cette correspondance ne laisse pas d’être d’un doux et assez vif agrément. […] Chaque place, chaque allée, chaque banc lui rappelaient les douces heures passées dans l’entretien de celui qui n’était plus : « Depuis que j’ai perdu ce pauvre Deyverdun, s’écriait-il, je suisseul, et, même dans le paradis, la solitude est pénible à une âme faite pour la société. » Vers ce temps, il songea assez sérieusement ou au mariage, ou du moins à adopter quelqu’une de ses jeunes parentes, une jeune Charlotte Porten (sa cousine germaine, je crois) : « Combien je m’estimerais heureux, écrivait-il à la mère de cette jeune personne, si j’avais une fille de son âge et de son caractère, qui serait avant peu de temps en état de gouverner ma maison, et d’être ma compagne et ma consolation au déclin de ma vie !
Mais, malgré sa misanthropie apparente, je ne crois pas qu’il y ait nulle part un homme plus doux, plus humain, plus compatissant aux peines des autres, et plus patient dans les siennes ; en un mot, sa vertu paraît si pure, si constante, si uniforme, que jusqu’à présent ceux qui le haïssent n’ont pu trouver que dans leur propre cœur des raisons pour le soupçonner. […] C’est dans la Correspondance de Garrick, publiée en Angleterre, dans une lettre qui lui vient de France, que je lis les observations bien fines, et d’un bien grand sens, d’une femme de mérite, connue par ses succès au théâtre et dans les lettres, Mme Riccoboni ; ces réflexions qu’elle adressait à Garrick trouveront accès, j’en suis sûr, auprès de tous les bons esprits, des cœurs doux, indulgents et modestes : « La rupture de M. […] Un naturel doux, sensible, un cœur honnête, un esprit juste, voilà les garants de l’historien32.
Le jour où l’on comprend enfin ce poëte, cette fleur de plus, où elle existe pour nous dans le monde environnant, où l’on saisit sa convenance, son harmonie avec les choses, sa beauté que l’inattention légère ou je ne sais quelle prévention nous avait voilée jusque-là, ce jour est doux et fructueux ; ce n’est pas un jour perdu entre nos jours ; ce qui s’étend ainsi de notre part en estime mieux distribuée n’est pas nécessairement ravi pour cela à ce que les admirations anciennes ont de supérieur et d’inaccessible. […] Depuis trois années le champ de la poésie est libre d’écoles ; celles qui s’étaient formées plus ou moins naturellement sous la Restauration ayant pris fin, il ne s’en est pas reformé d’autres, et l’on ne voit pas que, dans ces trois ans, le champ soit devenu moins fertile, ni qu’au milieu de tant de distractions puissantes les belles et douces œuvres aient moins sûrement cheminé vers leur public choisi, bien qu’avec moins d’éclat peut-être et de bruit alentour. […] Dans ces Idylles en vers libres, pleines de moutons à la Des Houlières, d’agneaux volages ou gémissants qu’enchaînent des rubans fleuris ; dans ces premières élégies où voltige l’Amour en bandeau et où il est tant question de tendres feux, de doux messages et de fers imposteurs, on est, en souriant, reporté à cette génération sentimentale nourrie de Mme Cottin, de Mme Montolieu, que Misanthropie et Repentir attendrissait sans réserve, que Vingt-quatre Heures d’une Femme sensible n’exagérait pas, et qui lors du grand divorce de 1810, s’apitoya avec une exaltation romanesque sur la pauvre châtelaine de la Malmaison.
Depuis les cinq ou six dernières années, cette disposition est manifeste dans le monde, et n’a fait que se confirmer à chaque occasion, en maint exemple grand ou petit ; mais, si elle a ses motifs que je viens de dire, ses avantages relatifs, son bon sens rapide et ses délicatesses, la disposition d’esprit que nous reconnaissons ici et que nous saluons à son heure manque pourtant trop essentiellement de doctrine, d’inspiration à soi, d’originalité et de fécondité, pour devenir le ton d’un siècle, à moins que ce siècle ne soit prédestiné avant le temps aux douces vertus négatives et au régime du déclin. […] Quand on ne connaît les gens, surtout ceux de sensibilité et d’imagination, qu’à partir d’un certain âge, et durant la seconde moitié de leur vie, on est loin de les connaître du tout comme les avait faits la nature : les doux tournent à l’aigre, les tendres deviennent bourrus ; on n’y comprendrait plus rien si l’on n’avait pas le premier souvenir. […] C’est pur, doux, uni, presque souriant ; le dédain y perce, y percera bientôt, mais voilé d’abord sous la grâce sévère : Tu dell’ ira maestro e del sorriso Divo Alighier…….
Envoyé en pénitence à La Flèche, par une punition fort douce, convenons-en, et de bien peu de durée, il ne revint à Paris que pour récidiver de plus belle : la Chartreuse courut avec la pièce des Ombres, qui en est la suite, et un libraire les imprima. […] Gresset était d’une physionomie douce, fine, et qui devait s’accommoder du sourire. […] Des pensées plus douces et plus humbles lui sourirent ; le bonheur domestique lui fit envie.
Ses vagues, quand elles lèchent sans bruit la grève de sable humide, rappellent la respiration douce du sommeil d’un enfant sur le sein de sa mère. — Émotion ! […] Or, soit que les fils fussent moins tendus, soit qu’ils fussent d’une nature plus élastique et plus plaintive, soit que le vent soufflât plus doux et plus fort dans l’une des petites harpes que dans l’autre, nous trouvâmes que les esprits de l’air chantaient plus tristement et plus harmonieusement dans les cheveux blancs que dans les cheveux blonds d’enfant ; et, depuis ce jour, nous importunions souvent notre tante pour qu’elle laissât dépouiller par nos mains son beau front. […] C’est une femme qui parle : Quand, assise à douze ans, à l’angle du verger, Sous les citrons en fleurs, ou les amandiers roses, Le souffle du printemps sortait de toutes choses, Et faisant sur mon cou mes boucles voltiger, Une voix me parlait, si douce au fond de l’âme, Qu’un frisson de plaisir en courait sur ma peau.
Comme ils passaient par la roseraie Avec de si doux yeux à nul ne leur mentir. […] Ce sont tes frères les Souvenirs ; Ils marchent sur des feuilles mortes Et portent des miroirs où leurs faces pâles Se confrontent à d’autres faces, les mêmes et plus pâles, Ils savent tous les coins des vieux jardins et les ombres, Et les clefs de toutes les portes Et l’âtre doux en reflet aux dalles, Et la maison filiale d’aïeules graves, Et d’autres qui teillaient le chanvre sur les portes Auprès de celles qui sont mortes. Pauvre Âme, les vois-tu venir, Espoirs, Désirs et Souvenirs, Ces doux frères que te ramène Une amertume bue à la même fontaine ?
L’amour, le dévouement, la tendresse, les noms des plus belles et des plus douces choses, prennent dans sa bouche, un son irrité et rauque. […] Ainsi parle-t-elle, d’un ton ferme et doux, avec de grands yeux clairs et une décence d’ange ; et, en écoutant cette confession de fille entretenue prononcée par une voix de vierge, on se rappelle le mot de Henri Heine : « J’ai vu des femmes qui avaient le vice peint en rouge sur leurs joues, et, dans leur cœur, habitait la pureté du ciel. […] L’amour maternel rend furieuse cette douce créature ; elle saute, en criant, au visage de l’homme, qui n’a que le temps de s’enfuir.
toute la vie alors était tournée à la sociabilité ; tout était disposé pour le plus doux commerce de l’esprit et pour la meilleure conversation. […] La vie de d’Alembert en devint plus douce, la considération de Mlle de Lespinasse s’en accrut. […] Mon âme n’avait pas besoin d’aimer ; elle était remplie d’un sentiment tendre, profond, partagé, répondu, mais douloureux cependant ; et c’est ce mouvement qui m’a approchée de vous : vous ne deviez que me plaire, et vous m’avez touchée ; en me consolant, vous m’avez attachée à vous… Elle a beau maudire ce sentiment violent qui s’est mis à la place d’un sentiment plus égal et plus doux, elle a l’âme si prise et si ardente, qu’elle ne peut s’empêcher d’en être transportée comme d’ivresse : « Je vis, j’existe si fort, qu’il y a des moments où je me surprends à aimer à la folie jusqu’à mon malheur. » Tant que M. de Guibert est absent, elle se contient un peu, si on peut appeler cela se contenir.
On ne peut certes se venger plus spirituellement et par une plaisanterie plus décente : mais c’est déjà se venger, et la première préface n’avait rien de cette douce amertume de la seconde. […] Le Château de cartes est un des plus gracieux proverbes, des plus complets dans leur cadre, et des plus agréablement tournés à une douce moralité. […] Théodore Leclercq a très bien peint sa douce paresse et son humeur peu ambitieuse, qui laissait à son observation tout son jeu et toute sa lucidité : « Assez bon observateur, dit-il, positivement parce que je reste en dehors des prétentions actives, je regarde faire, et j’écris sans remonter plus haut que le ridicule, qui est mon domaine, laissant des plumes plus fortes que la mienne combattre ce qui est odieux. » Là où il est le plus charmant et le plus naturellement dans son domaine, c’est quand il peint les légers ridicules dont il ne s’irrite point, mais dont il sourit et dont il jouit, les ridicules des gens qu’on voit et qu’on aime à voir, avec qui l’on joue la comédie sans qu’ils se doutent qu’ils la jouent doublement eux-mêmes.
Au milieu de la joie de tous et des chansons, une seule voix bien douce se plaint. […] La langue dans laquelle Jasmin écrit est le patois du Midi ; mais ce mot est bien vague et ne donnerait pas une juste idée de son doux idiome et du travail d’artiste avec lequel il l’a réparé. […] lorsque monteront tuiles et chevrons, mon âme sentira quelque chose de plus doux.
Si Grimm disait aux Français bien des vérités dures sur la musique, il en disait d’autres très agréables sur la littérature ; la Voix ou le Génie, parlant de la France en style prophétique et en se supposant dans les temps reculés, s’exprimait ainsi : Ce peuple est gentil ; j’aime son esprit qui est léger, et ses mœurs qui sont douces, et j’en veux faire mon peuple, parce que je le veux, et il sera le premier, et il n’y aura point d’aussi joli peuple que lui. […] J’ai été très contente de lui ; il est doux, poli ; je le crois timide, car il me paraît avoir trop d’esprit pour que l’embarras qu’on remarque en lui ait une autre cause. […] Il avait reçu des lettres qui l’engageaient à revenir vivre à Genève ; on lui offrait une place de bibliothécaire avec appointements, un sort honnête et doux : Quel parti dois-je prendre ?