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317. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

. — « Aux Dieux de la ville, aux Dieux du pays, aux Dieux des champs et de l’Agora, je jure, si la victoire est à nous, si Thèbes est sauvée, d’égorger des brebis sur leurs autels, de leur sacrifier des taureaux, et de consacrer en trophée, dans leurs demeures divines, les armures et les dépouilles prises à l’ennemi !  […] C’est sous le jour d’un vitrail illuminé par les rayons du divin Phœbus, que les chefs d’Argos apparaissent cavalcadant dans la plaine. […] Chargé d’une longue échelle, il s’avançait et criait, avec d’énormes jactances, que même le tonnerre divin ne l’empêcherait pas de faire crouler la ville en ruines. […] Elle jeta à terra le philtre divin, et remonta vers le ciel, laissant cette bête féroce crever sur sa proie.

318. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

C’est par là que ces deux religions diffèrent essentiellement des autres, et révèlent une origine divine. […] Les miracles, dira-t-on, sont divins, soit ; mais les raisons de croire aux miracles sont des raisons humaines, du même ordre que celles que l’on donne pour n’y pas croire. […] Si nous n’avons pas d’autorité, vous n’en avez pas davantage, et vous tombez dans une contradiction qui au moins nous fait défaut : c’est qu’il y a un livre sacré et divin, auquel vous devez vous soumettre, et ce livre, c’est vous qui le jugez. […] Et, si l’égalité des trois personnes divines n’est pas un dogme fondamental, pourquoi l’égalité de deux d’entre elles en serait-elle un ?

319. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Avec cette sensibilité qui ne fut pas toujours en lui une force saine et gouvernée, mais qui est une force puisqu’elle n’a pas péri dans son excès même, Sainte-Beuve, fatigué probablement de l’esprit raffiné des décadences, sybarite blessé par plus que le pli de ces monceaux de roses dans le calice desquelles nous avons écrasé tant de cantharides pour qu’elles pussent mieux nous enivrer, Sainte-Beuve, en un temps donné, devait par sensualité intellectuelle revenir aux suavités vraies, et, de cette plume qui a écrit Volupté, analyser aussi le plaisir divin que nous donne le premier des grands génies chastes. […] Il n’en eût pas fait quelque chose d’énervé dans sa fusion et dans son harmonie, quelque chose de plus anthropomorphite que divin, comme cet Apollon du Belvédère auquel il le compare. […] Le meilleur du génie du chantre d’Énée, dont la conception a été du reste très bien comprise par Sainte-Beuve, c’est d’être un Latin, le génie latin dans une organisation divine. […] Sainte-Beuve, qui pour travailler, ne mettait pas de manchettes comme Buffon, n’en est pas moins de l’école de Buffon, de la patience, de la rature, de l’accouchement à l’aide des secrétaires ; Sainte-Beuve n’avait pas le génie facile de la lettre, cet abandon dans le sentiment qui insinue dans la lettre une langueur divine, ou cette impétuosité dans la sensation du moment qui la fait jaillir de la plume, comme un oiseau s’échappe de la main !

320. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Quand un homme qu’on pourrait appeler le dernier des prophètes, écrivait, au commencement du siècle : « Il faut nous tenir prêts pour un événement immense dans l’ordre divin, vers lequel nous marchons avec une vitesse accélérée qui doit frapper tous les observateurs », il montrait une fois de plus cette longue prévision qui est à la créature humaine ce que la prescience est à Dieu, et qui part d’une inspiration plus profonde que le génie. […] La flamme divine manqua toujours à ce cœur plein d’un sang grossier. […] Il est bien évident que, pour nous qui sommes restés fidèles à la vérité, de pareilles assertions peuvent être discutées et poussées, les unes après les autres, dans l’abîme tourbillonnant de l’inconséquence ; mais, quoi qu’il en soit, on n’en reconnaît pas moins, sous ces affirmations plus faciles à articuler qu’à prouver, les racines à moitié arrachées du catholicisme, le germe oublié que rien n’a pu étouffer, la trace de ces idées traditionnelles mal effacées d’abord et qui finiront par reparaître, lettre par lettre, comme les merveilleux caractères de quelque palimpseste divin. […] Peter Maurice examina — si une chose si violente peut s’appeler de ce nom si calme : examiner, — les principaux écrits puséystes, les Tracts en général, et en particulier ceux qui traitent de la succession apostolique, la lyra apostolica, enfin les idées admises de plus en plus par les anglo-catholiques sur le service divin, les cérémonies, les vêtements, etc., idées qui doivent rappeler bien douloureusement à un protestant comme Peter Maurice toutes les abominations de la Babylone écarlate.

321. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

alors que la démocratie a fait la Révolution, comment croire encore à la monarchie de droit divin ? […] Ce n’est pas la masse, c’est un individu qui crée le Parthénon, la Divine Comédie, et la Marseillaise ; c’est un individu qui trouve la formule d’un monde nouveau, formule absolument vraie pour lui qui l’a tirée de ses entrailles, et suffisamment vraie pour plusieurs générations ; et c’est un autre individu qui brise la formule vieillie, pour délivrer son âme et celle de ses frères de douleur. […] Quand nous avons analysé tous les éléments de la Divine Comédie ou de Phèdre, avons-nous prouvé que ces œuvres furent un résultat « nécessaire », qui ne pouvait être autre chose ? […] Tout s’y fond en une synthèse, fût-ce même à l’insu du créateur : le passé lointain, l’âme d’un peuple, les amours charnelles, les angoisses divines.

322. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Le souverain de droit divin, c’est la raison. […] Disputer sur l’image divine, c’est de l’idolâtrie.

323. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Le sentiment paternel a cela de divin, il est vrai, qu’il se paye comme Dieu avec lui-même et qu’il est heureux uniquement de ce qu’il existe. […] Et, en effet, pour ce génie mystiquement politique, la souveraineté était un fait de l’ordre supranaturel et divin que les fautes, les excès, les aveuglements, les folies des familles dépositaires de cette chose — la souveraineté — ne pouvaient elles-mêmes jamais invalider, et contre laquelle tout ce qu’on faisait était, comme le dit Bossuet, nul de soi.

324. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

— un autre aurait été plus doux pour mon cœur, celui de votre CONCUBINE et de votre fille de joie, espérant que bornée à ce rôle j’entraverais moins vos glorieuses destinées. » On a vu dans ce dernier mot une abnégation à la sainte Thérèse, quelque chose qui, déplacé de l’ordre divin dans le désordre humain, rappelait le cri sublime de la religieuse espagnole : « Quand vous me damneriez, Seigneur, je vous aimerais encore, même en enfer !  […] — et que les paroles d’Héloïse sont une vertu sortie des bords divins de sa robe ? 

325. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

II Quand Ballanche les publia, ces lettres, pour la première fois, non seulement il donnait à ce qui restait de cœurs purs en France, après les impuretés du xviiie  siècle, une sensation divine bien au-dessus de toutes les sensations que le Génie lui-même peut donner, mais en plus il préservait Mademoiselle de Condé des derniers outrages de ce xviiie  siècle expirant… L’amour de Mademoiselle Louise de Condé pour La Gervaisais, d’une princesse du sang de France pour un petit officier des carabiniers de Monsieur, cet admirable et chaste amour, discret, englouti dans deux âmes d’élite qui eurent également leur renoncement dans l’amour, cette chose rare qui achève l’amour dans ce qu’il a de plus sublime, avait transpiré comme un parfum qu’on percevrait mieux dans une atmosphère empestée, et cette transpiration d’un sentiment ineffablement pur au milieu d’une société corrompue, cette société avait dû en faire ce qu’elle faisait de tout. […] Je crois trop aux miracles de la Grâce divine toute-puissante pour que la sainteté, la hauteur et la profondeur de la sainteté de Mademoiselle de Condé puissent m’étonner, mais c’est en elle la femme — la femme en dehors de Dieu — qui m’étonne !

326. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

un autre aurait été plus doux pour mon cœur, celui de votre CONCUBINE et de votre fille de joie, espérant que bornée à ce rôle, j’entraverais moins vos glorieuses destinées. » On a vu dans ce dernier mot une abnégation à la sainte Térèse, quelque chose qui, déplacé de l’ordre divin dans le désordre humain, rappelait le cri sublime de la religieuse espagnole : « Quand vous me damneriez, Seigneur, je vous aimerais encore, même en enfer !  […] et que les paroles d’Héloïse sont une vertu sortie des bords divins de sa robe ? 

327. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Il manque même de haine philosophique, quoique de Rémusat doive avoir, tapies quelque part, les haines de sa philosophie, et quoique le scepticisme du temps et la glace de son tempérament aient bien diminué cette rage contre l’Église qu’ont tous, au fond du cœur, les philosophes, et que Cousin, lâche, mais indiscret, révélait en la couvrant de ce mot, dit justement à propos d’Abélard : « Il avait déposé dans les esprits de son temps le doute salutaire et provisoire, qui préparait l’esprit à des solutions meilleures que celles de la foi. » Charles de Rémusat n’a jamais eu de ces imprudentes et impudentes paroles d’un homme dont l’espérance trahit l’hypocrisie, mais à quelque coin, dans cet esprit moyen, dans cette âme de sagesse bourgeoise, il y a toujours, prête à se glisser au dehors, l’hostilité contre toutes les grandes choses que nous croyons… Comme Abélard, le héros de toute sa vie, comme Bacon, qu’il a aussi commenté, de Rémusat s’est toujours plus ou moins vanté d’être un écrivain de libre examen et de libre pensée, un philosophe contre la théologie, un adversaire de l’autorité sur tous les terrains, en religion comme en politique, — et comme l’Église est l’autorité constituée de Dieu sur la terre et qu’elle a le privilège divin « que les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre Elle », de Rémusat, qui est une de ces portes-là, — non pas une porte cochère, aux cuivres insolemment luisants et aux gonds tournant à grand bruit, mais une petite porte, discrète et presque cachée à l’angle et sous les lierres prudents de son mur, — de Rémusat entend bien prévaloir contre l’Église et lui prouver que son privilège divin n’est qu’une prétention !

328. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

Mais, ni parmi les insurgés contre la mort, ni parmi les cabrés devant le Sphinx qui ne répond que dans la tombe, je n’en vois aucun de la convulsion prolongée, de la profondeur dans la conscience du mal de mourir plus épouvanté et plus épouvantant que ce phtisique de vingt-cinq ans, jetant sa phtisie contre toute consolation humaine et divine, enfermant le monde entier dans les [crevasses de son poumon, et, de cet abîme de purulence qui le dévore, envoyant ses crachats empoisonnés jusqu’à Dieu ! […] — ajoute-t-il en insistant, — je ne crois pas au ciel, mais je crois à l’enfer, où ma place est marquée de toute éternité ; à un enfer où l’inique Jeffries qui doit me juger m’ôtera, pour me confondre, le sentiment de l’iniquité divine, et par ses tout-puissants prestiges, domptant, éblouissant, affolant ma conscience, me fera avouer en grinçant des dents que l’injustice est juste, que l’horreur est clémente, qu’une faiblesse d’un instant exige une éternité de peine infinie ; que le péché originel, la prédestination, le petit nombre des élus, la damnation de Socrate et des enfants non baptisés, sont des miracles de miséricorde, et qu’il est juste et très juste qu’éternellement avec eux je hurle, et qu’éternellement ils râlent avec moi !!!

329. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

« Mais ce fut pour cet homme divin le chant du cygne, ce furent les derniers accents de sa voix ; et nous, comme si nous eussions dû l’entendre toujours, nous venions au sénat, après sa mort, pour regarder encore la place où il avait parlé pour la dernière fois. […] Cette faculté ne peut donc venir que de Dieu seul ; elle est essentiellement céleste et divine. Ce qui pense en nous, ce qui sent, ce qui veut, ce qui nous meut, est donc nécessairement incorruptible et éternel ; nous ne pouvons pas même concevoir l’essence divine autrement que nous ne concevons celle de notre âme, c’est-à-dire comme quelque chose d’absolument séparé et indépendant des sens, comme une substance spirituelle qui connaît et qui meut tout. […] Jamais on ne trouvera d’où l’homme reçoit ces divines qualités, à moins que de remonter à Dieu. […] Quelle que soit donc la nature d’un être qui a sentiment, intelligence, volonté, principe de vie, cet être-là est céleste, il est divin, et dès lors immortel.

330. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Cela semble une chose épouvantable d’être tenu à une vie honnête et réglée par le grand devoir divin. […] Il n’a jamais été troublé le moins du monde de ce qui indignait si fort un Proudhon ou un Michelet et, par exemple, de ce que suppose d’arbitraire divin la théorie de la grâce. […] Certaines inquiétudes morales de ce temps lui sembleraient d’un heureux augure : il les jugerait semées dans les esprits par une suprême « prévenance » de la bonté divine. […] Il l’a pris, dis-je, tel que son développement historique l’a fait, parce que ce développement est divin. […] Il ne doute point que le moyen âge n’ait connu la fraternité divine dans l’inégalité apparente des conditions et n’ait presque réalisé l’unité morale nécessaire au bonheur universel.

331. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Jongleur de mots et de rimes, il étonne, en impose par ses merveilleux tours d’acrobatie versificatrice, sauf à communiquer le divin frisson poétique. […] Il est resté l’ami préféré de ma pensée ; la flamme de ses vers est tellement mêlée à ma vie, à ma jeunesse, à mes amours, à mes cris de liberté que je l’aime comme moi-même, et que je ne puis remonter le cours de mes années sans me rappeler, à chaque aurore, l’attrait divin de ses poésies. […] Littérairement Verlaine est supérieur aux grands romantiques ; il balbutie, mais il lui arrive de balbutier des choses divines. […] Et alors, vous direz peut-être avec moi que, dans notre littérature, le nom de Leconte de Lisle est le premier qui se doive balbutier à côté de celui du divin Racine. » Pierre de Querlon. […] À mon usage, j’adore Vigny pour son orgueil et son élégance, Musset et Verlaine pour leur souffrance, Hugo pour ses fureurs divines, mais Lamartine me fait dormir.

332. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Auriac, Victor d’ (1858-1925) »

Peut-être lui reprochera-t-on de s’attarder dans des rêveries païennes et de retrouver toujours au fond de l’idylle champêtre, comme dans ses grisailles parisiennes, ce seul mot divin rabâchage : « Je t’aime »… Les boursiers et les bookmakers hausseront les épaules devant tes vers ; ils riront du rêveur qui préfère sa chanson aux performances du favori du Derby.

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