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691. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Fénelon connaissait les hommes, et ne paraît pas avoir trop compté sur leur bonté ni sur leur reconnaissance ; il le dit en plus d’un endroit au duc de Bourgogne, et avec un accent singulièrement pénétré, qui montre qu’il ne se faisait aucune illusion en ce point : « Quand on est destiné à gouverner les hommes, il faut les aimer pour l’amour de Dieu, sans attendre d’être aimé d’eux… » Je renvoie au passage, il est pénible de transcrire au long de si laides vérités7. […] [NdA] Je ne dois pas, en écrivant, tout à fait oublier que Le Moniteur s’affiche au coin des rues ; voici toute la citation trop vraie ; je l’offre à ceux qui lisent dans la chambre : « Quand on est destiné à gouverner les hommes, il faut les aimer pour l’amour de Dieu, sans attendre d’être aimé d’eux, et se sacrifier pour leur faire du bien, quoiqu’on sache qu’ils disent du mal de celui qui les conduit avec bonté et modération. »

692. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Ses petits Mémoires, destinés à ses enfants, et qu’on publie aujourd’hui dans un texte plus exact, c’est-à-dire dans une langue plus inégale qu’on ne les avait précédemment, ne doivent point, si l’on veut prendre de lui une entière idée, se séparer jamais de la grande Histoire à laquelle il renvoie sans cesse, et où il se montre par ses meilleurs et ses plus larges côtés. […] … » Mais c’est la réponse de l’Amiral qui est belle de tristesse, de prévoyance et de prophétie ; tout un abrégé de sa destinée tragique s’y dessine ; il répond : « Puisque je n’ai rien profité par mes raisonnements de ce soir sur la vanité des émeutes populaires, la douteuse entrée dans un parti non formé, les difficiles commencements (et il revient ici à l’énumération des obstacles)… ; — puisque tant de forces du côté des ennemis, tant de faiblesse du nôtre ne vous peuvent arrêter, mettez la main sur votre sein, sondez à bon escient votre constance, si elle pourra digérer les déroutes générales, les opprobres de vos ennemis et ceux de vos partisans, les reproches que font ordinairement les peuples quand ils jugent les causes par les mauvais succès, les trahisons des vôtres, la fuite, l’exil en pays étrange… ; votre honte, votre nudité, votre faim, et qui est plus dur, celle de vos enfants.

693. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

tout ce qui s’accorde si bien avec la destinée terrestre et sociale de l’homme ne doit-il pas être considéré bien moins comme une illusion que comme une harmonie ? […] Chanet ne se laisse point envelopper dans ce dilemme : il observe et trace les limites, les distinctions spécifiques entre l’homme et les bêtes, et qui lui paraissent suffire pour motiver la différence des destinées.

694. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Les journées longues, mélancoliques, d’Emma solitaire, livrée à elle-même dans les premiers mois de son mariage, ses promenades jusqu’à la hêtrée de Banneville en compagnie de Djali, sa fidèle levrette, tandis qu’elle s’interroge à perte de vue sur la destinée et qu’elle se demande ce qui aurait pu être, tout cela est démêlé et déduit avec la même finesse d’analyse et la même délicatesse que dans le roman le plus intime d’autrefois et le plus destiné à nourrir les rêves.

695. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Ces deux formes si inégales ont éprouvé chez nous des destinées bien différentes : la dernière, une des plus nobles formes de l’art, une des créations choisies de l’esprit humain, a fourni d’immortels chefs-d’œuvre et a mis pour jamais en lumière les noms les plus glorieux de notre littérature et de notre poésie ; l’autre forme, au contraire, n’a promu à la célébrité (au moins chez nous) aucun nom d’auteur et de poëte, et n’a laissé, quoi qu’on s’efforce de faire aujourd’hui pour être juste, que des œuvres sans élévation, sans action durable et féconde. […] Insistant avec Adam en particulier sur la félicité qui, lui est destinée, et lui montrant le jardin du Paradis, Dieu y introduit lui-même le couple humain.

696. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Plus je vis et je réfléchis, moins je me sens ce que je voudrais être, destiné pour un meilleur avenir. […] Il s’écriait d’un accent déchirant : « Si je pouvais trouver à vivre loin d’une Cour, dans un pays de liberté, je m’y traînerais à quatre pattes, mes enfants sur le dos. » A d’autres jours, à des moments moins irrités et moins amers, mais non moins tristes, il disait en paroles d’un découragement profond : « Combien je donnerais des années qui me sont encore destinées pour en passer une ou deux avec vous, au moins à portée de vous voir quelquefois !

697. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

Lebrun, dans sa jeunesse, sans précisément s’endormir, perdit, en effet, du temps à rêver et à être heureux : il faut en tout genre, quand on aime la gloire, être prompt à saisir, à remplir sa destinée. […] alors, quand le premier ne meurt pas tout à fait, il reste traînant et souffrant désormais ; il est comme un malade que le second doit soutenir parfois et supporter, sans trop le gourmander pourtant ; le frère solide, sensé, raisonnable, dont le tour est venu, donne le bras au frère poète qui languit plus ou moins longtemps et qu’il est destiné à ensevelir.

698. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Que celui qui aurait osé, s’il avait été Romain, reprocher à l’antique Sénat sa politique persévérante, conquérante et assimilatrice à tout prix, cette politique qui agissait et opérait uniquement en vue de la grandeur et des destinées de Rome, que celui-là jette la pierre à Louvois, tout occupé de former et de remparer d’une enceinte infranchissable ce vaste quartier de terre, ce pré carré, comme l’appelait Vauban, ce beau gâteau compacte qui constitua depuis lors l’unité de notre territoire ! […] On fit venir, l’année suivante, à Strasbourg, des Pères de l’Oratoire, dont était le célèbre Du Guet, pour tâter encore les consciences et sonder le terrain sur cette œuvre des conversions : elles ne prirent pas, — ni chez les Catholiques, ni chez les Protestants : « Les Catholiques, écrivait Du Guet (1682), sont soldats pour la plupart, occupés à la citadelle, aux forts, à autre chose qu’a leur conscience ; les hérétiques bourgeois sont sur leurs gardes, et le magistrat est un homme délicat qui a l’œil à tout, qui se plaint de tout, et qui fait de toutes choses une affaire d’État. » Strasbourg, en maintenant sa communion mi-partie et en sauvant quelques-unes de ses franchises municipales, fut vite assimilée et gagnée aux sentiments et aux destinées de sa patrie nouvelle.

699. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

sa destinée et son but. […] Ce qui devient comique, c’est que Paris lui semblait, au point de vue du Gouvernement, un tel embarras et un tel fléau, qu’il ne trouvait rien de mieux à conseiller à un monarque qui veut agir librement et en dehors d’une sphère d’influences délétères, que d’abandonner Paris, « l’égout de l’Europe », à sa destinée de cloaque et de Babel, et de transférer le siège de l’empire à Bourges.

700. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Les chefs du peuple n’ont, pour ainsi dire, aucune idée de la postérité ; les orages du présent sont si terribles, les revers et la prospérité portent si loin la destinée, que toutes les passions sont absorbées par les événements contemporains. […] Le stoïcien Brutus, dont la farouche vertu n’avait rien épargné, laissant voir un sentiment si tendre dans ces moments qui précèdent et ses derniers efforts et ses derniers jours, surprend le cœur par une émotion inattendue ; l’action terrible et la funeste destinée de ce dernier des Romains, entourent son image d’idées sombres qui jettent sur Porcie l’intérêt le plus douloureux24.

701. (1890) L’avenir de la science « V »

Mais, dira-t-on, la science accomplira-t-elle ces merveilleuses destinées ? […] Fichte, dans l’ouvrage où se révèle le mieux son admirable sens moral, a merveilleusement exprimé ce sacerdoce de la science (De la destinée du savant et de l’homme de lettres, 4e leçon.

702. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Comme les êtres destinés à vivre, l’esprit humain fut, dès ses premiers instants, complet, mais non développé : rien ne s’y est depuis ajouté ; mais tout s’est épanoui dans ses proportions naturelles, tout s’est mis à sa place respective. […] Le style analytique appelle à son secours une ponctuation compliquée, destinée à disséquer les membres divers.

703. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

On reconnaît là l’homme qui a couché de longues années, comme chambellan, dans leur chambre, qui a assisté à leurs insomnies et à leurs mauvais songes, et qui, depuis la fleur de leur âge jusqu’à leur mort, n’a pas surpris dans ces destinées si enviées un seul bon jour : Ne lui eût-il pas mieux valu, dit-il de Louis XI, à lui et à tous autres princes, et hommes de moyen état qui ont vécu sous ces grands et vivront sous ceux qui règnent, élire le moyen chemin… : c’est à savoir moins se soucier et moins se travailler, et entreprendre moins de choses ; plus craindre à offenser Dieu et à persécuter le peuple et leurs voisins par tant de voies cruelles, et prendre des aises et plaisirs honnêtes ? […] Dans un temps où tout le monde se croit propre à la politique, il ne serait pas mal d’aller regarder en lui quelles sont les qualités requises chez ceux que la nature a destinés à cette rare science.

704. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Ce jeune homme, que la nature destinait aux études brillantes et littéraires et à l’art de la parole, se ressentira toujours, même sous sa forme grave, de ce peu de discipline première. […] On y voit Patru partagé alors entre la volupté et la gloire, s’occupant du choix d’un genre de vie et du problème de la destinée, travaillé d’agitations, de nobles inquiétudes, de ces « divines maladies » qui sont également inconnues aux courtisans et au peuple ; plein surtout d’un beau feu pour l’éloquence, se met tant aux champs dès qu’on n’en parle pas à son gré, critique déjà en ce point, très docile sur tout le reste.

705. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

On réserve ces aveux pour le tribunal de la confession ; on ne les destine pas à l’histoire. » Tout au plus, en effet, quand on est averti par l’histoire et par les pamphlets du temps, peut-on deviner quelques-uns des sentiments dont elle ne fait que nous offrir la superficie et le côté spécieux. […] De ces deux destinées, l’une représente en définitive une grande cause et se termine pathétiquement en légende de victime et de martyre ; l’autre se répand et se disperse en anecdote et presque en historiette à demi graveleuse, à demi dévote, et où il entre un grain de satire et de gaieté.

706. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Nisard, « d’amour et de dégoût de la vie », du sentiment de la vanité des choses uni à un désir insatiable d’être et de vérité ; c’est le sentiment que l’âme éprouve en présence du problème de sa destinée, comme te disait M.  […] Quelles que soient les destinées des croyances dogmatiques, il y aura toujours des hommes qui pourront dire : « L’Évangile parle à mon cœur. » Ceux-là seront de race chrétienne, lors même qu’ils ne croiront pas à tout ce que croient les fidèles.

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