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587. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

On ne sçauroit refuser à M. de Voltaire la justice d’avoir toujours écouté la critique, lorsqu’elle étoit impartiale & juste. […] Aussitôt qu’il eut achevé l’ouvrage, il se fit un devoir de l’envoyer à celui dont il ambitionnoit le suffrage, & dont il croyoit la critique & les lumières sûres. […] Les divisions de ces deux illustres écrivains produisirent souvent des traits lumineux : leurs personnalités furent mélées d’une critique saine.

588. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Et cela étant, force nous est de nous replier vers les ouvrages sérieux, quelle que soit la date de leur publication, sous peine de n’avoir rien à indiquer à la Critique qui attend des œuvres, et qui, à un certain degré dans le mauvais et dans le vulgaire, se détourne et n’examine plus. La publication du livre d’Auguste Nicolas : Du Protestantisme et de toutes les hérésies dans leur rapport avec le Socialisme 7, est bien loin d’avoir épuisé l’attention que la Critique, qui commence à s’en occuper, doit à son livre et à son auteur. […] Nous sommes tellement sur la lisière de la Critique qu’il faut nous le rappeler sans cesse pour n’être pas tenté d’y entrer.

589. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Il y a là-dessus une belle page de critique hégélienne dans l’Étude d’Edmond Scherer que j’ai déjà citée. […] Bourget, dans sa Préface, en semble avoir surtout aux critiques, et je viens de montrer qu’il n’avait pas tort. […] Le même critique lui reproche encore « au point de vue social » le dangereux exemple de son sacrifice. […] Dure condition de la critique ! […] mais la critique n’a pas tort !

590. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 16-17

Belles-Lettres, Langues savantes, Philosophie, Mathématiques, Théologie, Critique, Histoire sacrée & profane, ecclésiastique & littéraire, tout a été de son ressort, & voilà pourquoi il n’a fait qu’effleurer chacune de ces parties. […] Ajoutons qu’ils ont souvent copié l’Auteur, qu’ils se sont efforcés de déprimer ; & quand ils ne l’ont pas copié, ce n’a été que pour s’égarer, ou montrer une partialité puisée dans le Dictionnaire historique, littéraire & critique, qu’ils ont également décrié.

591. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 417-418

En effet, il faudroit être bien aveugle, pour ne pas s'apercevoir que la répétition des jugemens portés cent fois sur nos plus grands Poëtes, les critiques minutieuses qu'il se permet sur les Ouvrages de Corneille & de Rousseau, l'appareil qu'il s'efforce de donner à des vérités connues de tout le monde, l'air d'importance qu'il attache aux plus petits objets, les détails mesquins auxquels il s'abandonne dans sa Préface, sont des preuves très-certaines que son mérite n'étoit rien moins que formé & supérieur, & que son Panégy riste [comme nous l'avons remarqué ailleurs* à ce même sujet] est aussi partial & aussi peu modéré dans ses éloges, qu'il est injuste & outré dans ses critiques.

592. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

C’est que tout s’y agite : politique, art, science, critique et calomnie. […] Après la critique, critique de théâtre, de romans, de peinture ou de musique, voici mon auteur d’un acte de vaudeville qui me signale les poètes. […] C’est un écrivain consciencieux, correct ; de ceux qu’on ne critique pas, mais qu’on ne loue pas. […] Peu à peu les critiques parlèrent de Volupté et reprochèrent sa lenteur à M.  […] Non, je n’ai pas songé à m’ériger en critique de la littérature française.

593. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Il avait défendu contre la critique d’Hoffman des Débats le beau poëme des Martyrs, et plus tard, en 1826, il attaqua M. de Chateaubriand pour son discours sur la liberté de la presse. […] En supposant qu’il se l’exagérât un peu, qu’il accordât à son judicieux et savant correspondant un peu trop de valeur et d’action, on aime à voir cette part si largement faite à la critique et au conseil par un esprit si éminent et qui s’est donné pour impérieux. […] C’est pour avoir supprimé ce second rôle, celui du conseiller, du critique sincère et de l’homme de goût à consulter, c’est pour avoir réformé, comme inutiles, l’Aristarque, le Quintilius et le Fontanes, que l’école des modernes novateurs n’a évité aucun de ses défauts. […] Joseph de Maistre injuste dans sa critique et dépassant presque toujours le but qu’il voulait atteindre, parce que, pour ne suivre que les inspirations de la raison, il lui aurait fallu avoir dans l’esprit plus de calme qu’il n’en Avait. »  — Ce sont là des truisms, comme disent les Anglais, et il semble que le réfutateur ait voulu infliger cette pénitence à l’impatient et paradoxal de Maistre, de ne pas les lui ménager.

594. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

pour que cette publication se produise en paix et s’impose à la Critique comme un sentiment auquel le respect défende de toucher ? […] Et nous autres critiques, obligés d’avaler les premiers, pour les déguster, de telles choses, nous qui, par état, sommes exposés à cette torture d’eau, — la pire des tortures, disait la Brinvilliers, n’avons-nous pas le droit d’élever des digues contre de pareilles inondations ? […] Dans les autres fragments, au contraire, dans le Voyage en Sicile, la Course au lac d’Onéida, et surtout les Quinze jours au Désert, plusieurs critiques, parmi lesquels on doit ranger Sainte-Beuve, ont annoncé qu’ils avaient découvert et cueilli un Tocqueville nouveau, à l’imagination rosée, dont personne ne pouvait se douter dans le grave publiciste américain. […] sur l’attestation d’un tel critique nous avons cherché obstinément la petite nuance qui devait faire de Tocqueville un très joli poète au goût éveillé de Sainte-Beuve, et qui l’eût achevé ainsi en Montesquieu, car Montesquieu a fait des vers sur Venise, et même un peu légers pour un président à mortier, et il a écrit son Temple de Gnide ; mais notre recherche a été vaine.

595. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Cependant, la Vie de l’Aigle de Meaux, tout oppressive qu’elle fût pour le faible talent de Bausset, eut un succès réel quand elle parut, et ce succès s’immobilisa dans l’espèce de considération qu’elle a gardée, mais dont les causes ne sauraient échapper qu’à une critique sans pénétration et sans regard. […] Car Bossuet, le Bossuet de la critique, qu’il faut aller chercher sous le Bossuet de l’histoire et je dirais presque de la légende, est victime de sa propre renommée. […] Avec un regard très fin et très juste de critique qu’on ne s’attendait pas à trouver embusqué dans le fourré d’une érudition si profonde, Floquet a très bien vu l’influence de la vie intime et cachée sur le génie de Bossuet et sur son âme. […] Aussi se demande-t-il, en vrai psychologue et en observateur profond, ce que dut gagner l’esprit de Bossuet dans ces longues heures passées au chœur, dans les loisirs vigilants de la Contemplation et de la Prière ; et il se répond comme se répondrait Sainte-Beuve, le grand critique des influences : qu’il y apprenait la mélancolie.

596. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Mais d’histoire dans sa tenue correcte, dans son renseignement critique et profond, il n’y en avait pas. […] Mais, puisqu’il faut se rabattre à la critique littéraire, disons que c’était presque une honte pour la littérature française que d’avoir de si magnifiques récits à mettre en œuvre sans une main qui fût attirée par ces magnificences et qui les plaçât dans la lumière, par amour seul de leur beauté. […] L’abbé Maynard vient de publier sur saint Vincent de Paul un immense travail, qui n’est pas seulement de l’hagiographie, mais de l’histoire, de l’histoire comme il en faut aux esprits de cette génération, qui ne comprend plus rien aux œuvres naïves, et dont on doit plier l’orgueil incrédule et chicanier sous la science, la critique et les faits. […] L’hagiographie, cette peinture byzantine littéraire, avec son inspiration macérée, avec ses nimbes mystérieux et rayonnants, ne touche guères que les cœurs qui les voient, ces nimbes, sans qu’on ait besoin de les leur montrer, et c’est pourquoi l’abbé Maynard a mieux aimé faire de l’histoire, — de la vaste et forte peinture d’histoire, — avec tout le ragoût de critique et de renseignement qu’une civilisation très avancée et très difficile exige maintenant de l’historien.

597. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Cette forme du conte, plus dure à manier dans sa brièveté que celle du roman dans sa longueur, cette forme concentrée, dans laquelle il faut se ramasser sans rien perdre de sa sveltesse, pouvait, par le seul fait de sa concentration, éclater sous sa main et le frapper dans sa prétention de conteur, qu’il n’en serait pas moins pour cela resté lui-même, avec sa valeur d’idées prouvée par les livres que j’ai énumérés : l’Homme, — Physionomies de saints, — la Parole de Dieu, ce dernier livre de Hello, qui échappe à la compétence de la critique profane, mais que des prêtres n’ont pas craint de lire dans leurs chaires, comme si c’était là de la littérature sacrée ! […] Malheureusement (je l’ai dit déjà et c’est la seule critique qu’il y ait à faire dans ces Contes), tout n’y est pas de la même puissance, et j’y retrouve l’inégalité que j’avais indiquée déjà dans les premiers ouvrages de Hello, cette inégalité qui est dans la nature des hommes qui vont très haut, et qui retombent d’autant plus raide et plus bas qu’ils se sont élevés davantage. […] Un reproche pourtant que la critique pourrait hasarder, c’est d’avoir laissé un des Deux étrangers trop dans le vague de l’ombre, et de n’avoir pas mis assez de clarté dans ce redoutable personnage… On croit bien pressentir qu’il est l’Homme des Sciences occultes, quelque Magicien investi de sataniques pouvoirs, puisqu’il promet la Science universelle au docteur Williams, lequel meurt de ce funeste don ; mais le conteur aurait précisé davantage cette grandiose et inquiétante figure que son conte n’aurait été ni moins effrayant, ni moins mystérieux. […] V. aussi les Plateaux de la Balance (Critiques ou juges jugés), IIe  série des Œuvres et des Hommes.

598. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

… Que cette littérature de feuilleton fût restée modestement au bas de ces journaux que le vent de chaque jour emporte vers ces cabinets où s’en allait le Sonnet d’Oronte, la Critique n’aurait point à en parler… Mais, après le succès fait par les portières de loge ou de salon, que l’auteur nous donne comme des œuvres cette littérature de feuilleton, aussi éphémère que les articles de mode de madame de Renneville, la Critique a vraiment le droit de s’instruire en faux contre tant d’aplomb, et de dire à ces trois volumes : « Vous ne passerez pas !  […] Il fut une minute la coqueluche d’une critique qui s’en est guérie. […] IV Voilà le grand, le capital reproche que la Critique est en droit de faire à l’auteur de cette trilogie : Un début à l’Opéra, M. de Saint-Bertrand et le Mari de la Danseuse.

599. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

En 1678, il avait fait détruire toute l’édition d’une Histoire critique de l’Ancien Testament, que l’oratorien Richard Simon avait fait imprimer. […] Il n’a pas évidemment la liberté critique d’un savant de nos jours : sa raison est soumise à la foi. […] Dans les controverses, dans les expositions de faits, dans les discussions critiques, il a une brièveté, une rapidité, une négligence même, qui répondent bien peu à la définition banale de son style, qui passe pour uniformément sublime et pompeux. […] L’Histoire des variations des Églises protestantes est un traité de controverse, où se révèlent d’autres qualités de l’historien, la science et la critique des textes, le sens de la vie et des âmes individuelles. […] Brunetière, la Philosophie de Bossuet, Revue des Deux Mondes, 1er août 1891 (Études critiques, t. 

600. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Renan considère le roman comme un genre inférieur et peu digne, pour parler sa langue, des « personnes sérieuses », lorsque la science, la critique et l’histoire sont là qui offrent un meilleur emploi de nos facultés. […] Et quand il n’aurait aucune vérité, quand il ne serait pas, à sa façon, œuvre d’histoire et de critique, pourquoi le dédaigner ? […] Mais Charles est en même temps un analyste très pénétrant, très lucide, très armé de sens critique ; de bonne heure il perce Marthe à jour, la voit telle qu’elle est, et de bonne heure il cesse de l’aimer. […] Ainsi, à peine ai-je formulé mes critiques que je ne suis plus si sûr de leur justesse. […] Sur Garnotelle, dans Manette Salomon, ils sont inépuisables : … Presque toute la critique, avec un ensemble qui étonnerait Coriolis, célébrait ce talent honnête de Garnotelle.

601. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

M. de la Baumelle doit en donner au premier jour une édition avec des remarques critiques, pleines de goût & de finesse. […] L’auteur a accompagné ses piéces d’observations critiques, où il se censure de la meilleure grace du monde. […] Il devoit désarmer la critique & il l’a désarmée. […] On peut dire à la louange de son critique, qu’il ne l’a pas imité dans ses défauts. […] Esprit, finesse, critique, légéreté de style, rien ne manquoit à ce Poëte aimable.

602. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

La pièce se donna pour la première fois sur le théâtre de l’hôtel de Bourgogne, le 21 novembre 1670 ; elle eut d’abord plus de trente représentations, un succès de larmes, des brochures critiques pour et contre, des parodies bouffonnes au Théâtre-Italien, enfin tout ce qui constitue les honneurs de la vogue. […] Mais cette intelligence attentive, cette élévation pénétrante qui s’applique si bien à démontrer, à reconstituer à nos yeux les chefs-d’œuvre de la Grèce, l’éloquent critique ne daigne pas en faire usage à notre égard, et il nous en laisse le soin sous prétexte d’incompétence, mais en réalité comme l’estimant un peu au-dessous de sa sphère. D’autres que lui, d’éminents et ingénieux critiques que chacun sait, ont à leur tour repris la tâche et réparé la brèche avec honneur. […] Pourquoi l’intelligence critique ne consentirait-elle pas au même effort équitable pour apprécier convenablement des œuvres moins hautes sans doute, plus délicates souvent, sociales au plus haut degré, et qu’il suffit de reculer légèrement dans un passé encore peu lointain, pour y ressaisir toutes les justesses et toutes les grâces ? […] C’est par lui et par sa lutte sérieuse que le poëte remettait son œuvre sur le pied tragique, et prétendait corriger ce que le reste de la pièce pouvait avoir de trop amollissant : « Ce n’est point une nécessité, disait-il en répondant aux chicanes des critiques d’alors, qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie : il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. » Geoffroy, qui cite ce passage dans son feuilleton sur Bérénice, s’en fait une arme contre ceux qu’il appelle les voltairiens en tragédie, et qu’il représente comme altérés de sang et et de carnage dramatique.

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