Monsieur, comte d’Artois, qui avait précédé son frère, était à peine installé aux Tuileries, qu’il avait (indépendamment du ministère officiel, dès lors constitué) ses conseillers à part, son comité intime, sa police secrète : Il y avait donc, nous dit M. de Viel-Castel, deux gouvernements, l’un officiel, connu de tous, conduisant les affaires, composé en général d’hommes sages et expérimentés, mais pour qui le prince n’éprouvait ni confiance ni sympathie, bien qu’il les ménageât beaucoup ; l’autre, occulte, formé pour la plus grande partie de courtisans sans lumières et d’intrigants sans conscience, n’agissant qu’indirectement sur l’administration, mais surveillant et contrariant par des voies souterraines ceux qui en étaient chargés, se préoccupant beaucoup plus des personnes que des choses, et régnant d’une manière absolue sur l’esprit du lieutenant général. […] La sécurité manquait à ce régime ; on en avait conscience ; l’opinion publique était démoralisée, et les conspirations (même sans se lier entre elles) s’essayaient déjà de toutes parts.
Nous ne savons pas nous associer, comme les gens d’Outre-Manche, poursuivre un but avec conduite, patiemment, légalement, par calcul et conscience. […] Nous n’avons pas leur réflexion, leur tristesse ; nous ne savons pas, comme eux, nous imposer une consigne et resserrer nos inclinations entre des limites tracées par nous-mêmes ; nous ne sommes point, comme eux, profondément chrétiens ; notre instinct n’est point moral ; nous n’avons, au lieu de conscience, que l’honneur et la bonté ; nous ne prenons point la vie comme un emploi sérieux, assombri par les alarmes d’un avenir immense, mais comme un divertissement dont il faut jouir sans arrière-pensée et en compagnie.
Est-ce que ce Cours familier de Littérature, ouvrage essentiellement neutre et étranger aux querelles du temps, ne laisse pas scrupuleusement en dehors toutes ces questions inviolables de conscience et toutes ces questions irritantes de partis qui ne sont propres qu’à distraire, hors de propos, la jeunesse de l’étude des belles œuvres de l’esprit humain ? […] Je ne dirai pas le mot ; mais qu’ils l’entendent dans le fond de leur conscience et qu’ils rougissent !
La géographie seule vous répondra et rectifiera d’un coup d’œil sur l’atlas, aussi bien que d’un retour de conscience, la puérile manie d’aller brûler et dévaster un palais impérial merveilleux, musée du monde antérieur à Pékin ! […] Mais si l’on considère de l’humanité son âme, son intelligence, sa moralité, sa destinée évidemment supérieure à cette vie et à cette mort entre lesquelles elle s’agite, sa connaissance de Dieu, l’hommage qu’elle rend à ce maître suprême de ses destinées individuelles ou collectives, la transition entre le fini et l’infini dont elle paraît être le nœud par sa double nature de corps et de pensée, sa conscience, faculté involontaire, révélation, non de la vérité, mais de la justice, son instinct évidemment religieux, son inquiétude sacrée qui lui fait chercher son Dieu, avant tout créature sacerdotale, chargée spécialement par l’Auteur des êtres de lui rapporter en holocauste les prémices de ce globe, la dîme de l’intelligence, la gerbe de l’autel, l’encens des choses créées, la foi, l’amour, l’hymne des créations muettes, la parole qui révèle, le cri qui implore, l’obéissance qui anéantit le néant devant l’Être unique, le chant intérieur qui célèbre l’enthousiasme, qui soulève comme une aile divine l’humanité alourdie par le poids de la matière, et qui la précipite dans le foyer de sa spiritualité pour y déposer son principe de mort et pour y revêtir d’échelons en échelons sa vraie vie, son immortalité dans son union à son principe immortel !
Tous ceux qui aidèrent à faire connaître ou aimer les anciens, à dégager la formule où l’imitation docile et le libre examen se concilient dans le large culte de la vérité, Ronsard et Scaliger avant Malherbe et Balzac, Corneille comme Pascal, mais aussi l’Académie, mais même le monde précieux, et ses poètes si doctement guindés ou si délicatement faux : tous, avec plus ou moins de conscience, par des voies plus droites ou plus détournées, amènent insensiblement notre littérature au point où Boileau la prend pour la dresser d’un coup dans la pureté de son type. […] Chapelain est un de ces demi-génies, plus confus que complexes, en qui l’avenir lutte avec le passé, et qui n’ayant pas une claire conscience du chemin qu’ils suivent, semblent souvent marcher au hasard, tant il y a d’arrêts, de reculs et d’indécisions dans leur allure.
Gaston Paris savait que ce qu’il nous faut prendre à la science, Messieurs, c’est sa conscience. […] Si nous songeons aux méthodes des sciences, de la nature, que ce soit aux plus générales, aux procédés communs de toutes les recherches qui portent sur des faits, et que ce soit moins pour construire notre connaissance que pour éclairer notre conscience.
Laissons ces désirs pousser librement vers, la conscience d’eux-mêmes. […] Ils sont dramatiques par leurs combats avec la conscience.
Soucieux d’accroître la beauté de la race dont nous nous sentons les gardiens, convaincus de l’importance de l’esthétique considérée comme science vivante, ayant pris conscience de nos droits qui sont ceux de tous les hommes, nous nous sommes imposé une grande et haute mission. […] Certainement, beaucoup d’entre nous en ont conscience.
À Rome comme en Europe, partout, parmi les Cabinets comme parmi les peuples, on eut conscience — une conscience rapide — de la valeur inquiétante pour les uns, rassurante pour les autres, d’un Pape qui différait de Pie IX, auquel il succédait, par des qualités d’un autre ordre, Pie IX avait été glorieusement le non possumus de l’Église, souffrante et persécutée, mais indéfectiblement et éternellement l’Église ; Léon XIII serait-il davantage ?
Il est peu de membres de l’Institut qui, en faisant leur examen de conscience, ne trouvent dans leur vie un roman, ou peut-être, (qui sait ?) […] Pour une pareille conscience, la vie passée de Francis Nayrac ne sera pas un obstacle au mariage projeté. […] Filon énumère les « personnalités » marquantes avec la conscience et l’exactitude d’un « Monsieur de l’orchestre » ; mais, en même temps, il les dessine, au passage, d’un trait vif, spirituel et net. […] Il aimait à diriger les consciences féminines et se plaisait dans la société des femmes, bien qu’il se défendit de les regarder. […] Et beaucoup de bourgeois, s’ils sondaient leur conscience, y trouveraient peut-être des péchés tout pareils.
Nous étions tous un peu comme lui, je veux dire que nous éprouvions un scrupule de conscience à nous complaire dans la lecture d’un écrivain qui avait accepté l’Empire. […] Les romanciers d’aujourd’hui doivent, au contraire, revendiquer et défendre cette supériorité de culture que représente la lucidité de la conscience morale. […] Il ne les prononçait pas, mais tout proclamait en lui cette sérénité d’une conscience qui n’a pas cessé de se tourner vers les clartés éternelles. […] Ces phénomènes ont été enregistrés, à travers les siècles, par toutes les consciences préoccupées de vie morale. […] Ils n’ont plus comme récompense que la conscience du devoir envers le sol que leurs pères et eux ont tant labouré.
Leconte de Lisle, dans un esprit dont les pensées ne sont point neuves, sans religion, mais par une manière triste et forte d’être mystique avec matérialité, d’avoir une claire conscience de son projet, une claire vision de son but et de ses chemins, confine au futur, sans en être, mais se ressent du passé surtout en ces points où, par l’usage et peut-être l’abus des facultés rationnelles, il pressentait l’instant actuel.
I S’il est vrai que la faculté du progrès soit un des caractères essentiels et distinctifs de notre espèce, l’homme dut en avoir une vague conscience dès le jour où par la réflexion il prit possession de soi. […] Sans conscience et sans choix l’arbre dresse ses branches vers la lumière : l’ascension du genre humain vers le mieux est toujours la conquête d’un volontaire effort et la récompense d’un mérite. […] Dès lors on sera disposé à voir, avec Bunsen, dans le sentiment que l’homme a de Dieu la force primordiale et constante qui meut les nations, le souffle toujours vivant qui pousse l’humanité vers le vrai et le juste, l’instinct originel de notre race, instinct qui, se développant graduellement de l’inconscience à la conscience, donne naissance à toute langue, à toute constitution sociale et politique, à toute civilisation. […] Plus tard, quand le dogme monothéiste se fut dégagé dans la conscience du genre humain et qu’on soupçonna l’existence d’une cause ordonnatrice de l’univers, l’harmonie de l’ensemble parut impliquer nécessairement entre les différons êtres vivans les liens de parenté les plus étroits. […] Il n’a pas de pensées qu’il traduise au dehors, il ne combine pas des moyens en vue de fins à atteindre ; c’est la nature qui par un art inné dont elle n’a pas conscience, s’ordonne elle-même, et d’espèce en espèce, de règne en règne, poursuit et réalise le mieux.
Les vérités les plus essentielles à l’humanité, celles qui lui ont permis d’ordonner sa conscience et ses actes, de prolonger son existence éphémère par la suite ininterrompue de la tradition, — ces vérités primordiales, c’est elle qui les a mises en circulation sous des formes indestructibles. […] Cette vérité-là n’est pas à la merci d’un syllogisme, elle existe et elle agit en nous, même à notre insu ; et si nous la découvrons tout à coup, ce n’est pas par l’artifice d’une logique adroite, mais parce qu’elle était mûre pour notre conscience. […] Nous recréerons des individus qui sont l’épanouissement et la conscience des races, des aristocraties qui sont la sauvegarde des nationalités. […] À cause de cela et d’autres raisons plus vitales qu’il n’est pas besoin de dire, — ô Latins, Espagnols, Italiens, nos frères, et vous, Roumains, Hellènes, qui renaissez à la lumière après une si longue éclipse ; et vous, Slaves, dont la conscience religieuse est parente de la nôtre, qui nous apportez le trésor intact de votre jeunesse et l’immensité de votre force, — serrez vos rangs, unissez-vous ! […] Tu inondais de ta clarté les chimères décevantes, les ruses et les complots des consciences mauvaises, tu tenais la sauvagerie du Barbare humiliée devant ta grâce.
— Tout est réglé, compassé, invariable, jusque dans les moindres détails du costume royal, du geste royal, de la conscience royale et du plaisir royal. […] Pour s’affiner, il s’est détraqué ; il a opposé le surnaturel à la nature, et l’épuration de la conscience humaine au développement de l’animal humain. […] Il a une qualité rare chez les écrivains et les artistes, la conscience ; même cette conscience est chez lui scrupuleuse et méticuleuse : il ne s’abandonne pas, il ne croit jamais avoir assez étudié et réfléchi, il ne suit pas le premier jet vif et spontané de son impression et de son émotion. […] Ils se glorifient d’obéir à leur conscience ; ce n’est donc point à eux de violenter la conscience d’autrui. […] Mais qu’ils ne réclament rien au-delà, rien qui soit contre notre conscience, rien qu’un peuple honnête ne puisse imposer à un peuple honnête.
Verlaine leur donna peut-être une conscience plus nette de la légitimité de leur entreprise en leur rendant plus perceptible la gêne des règles périmées qui se survivent à elles-mêmes. […] Les Parnassiens ne s’en servirent que comme d’ornements agréables, sans avoir conscience de leur sens profond, pour l’enjolivement de leurs vers. […] Cet instant est celui qu’il faut noter, qu’il faut « clicher », parce qu’il synthétise une multitude variée d’états de conscience et c’est à synthétiser que consiste le travail effectif du poète. […] Le livre de vers apparaît donc comme « un drame se passant dans une conscience avec un personnage principal, se multipliant en une foule de personnages qui ne sont que facettes de ses idées avec l’évocation du reflet sur sa conscience des personnages qu’il évoque comme interlocuteurs56. » De cette conception d’un vaste ouvrage, tel que les Palais Nomades, résulte son heureuse variété. […] Elle n’est point curieuse de popularité et elle ne cherche d’autre assentiment que celui d’une conscience très scrupuleuse de poète.