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1200. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Laissé seul avec la conscience de son devoir, il se trouvera fort embarrassé ; à force d’être général, ce devoir n’aura rien de direct ni de pratique, et les instruments lui feront défaut pour l’accomplir. […] Cas de conscience, querelles de ménage, légers dissentiments domestiques, voilà les ressources qui restent à cet esprit d’indépendance absolue. […] On dit que la plus grande récompense de l’homme de bien est dans la conscience du devoir accompli ; de même, la plus grande récompense du critique est de sentir que le grand homme qu’il apprécie se serait reconnu dans ses paroles. […] Prenons, si vous voulez, l’éveil de la conscience : le fait sera plus saisissant. […] Il mourut en 1648, à la veille du procès du roi Charles, juste à temps pour que sa conscience ne fût pas mise à de nouvelles épreuves.

1201. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Après avoir pris l’avis de membres de la famille et de plusieurs des plus intimes amis de l’auteur, voilà tout ce que dans notre âme et conscience nous avons cru pouvoir faire de meilleur. […] Aussi n’est-il pas de petites infamies et même de grandes que ne se permettent, en pareil cas, sans le moindre scrupule de conscience, les plus honnêtes gens du monde. […] Les mariages à la cophte, les noms arabes, les soirées de mangeurs d’opium, les mœurs des fellahs, tous les détails de l’existence mahométane sont rendus avec une finesse, un esprit et une conscience d’observation rares. […] Ces quelques partisans, peu nombreux mais fanatiques, le soutinrent de la voix et de la plume, et raffermirent dans la conscience de lui-même. […] De ces études d’une conscience si scrupuleuse, d’une observation si profonde, il taisait des tableaux pleins de hardiesse, de fougue et d’originalité, ajoutant, comme tout grand artiste, son âme à la nature.

1202. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Parfaitement en repos, il le dit du moins, vis-à-vis de sa conscience, il trouve dans le simple sentiment de son existence, dans la perception des moindres mouvements de son âme, une jouissance douce et continue. Sur ce point, il établit une distinction bien subtile entre « l’amour-propre » et « l’amour de soi-même » : l’amour-propre c’est la vanité, il la blâme ; l’amour de soi-même, c’est le plaisir que prend l’individu dans la conscience de son être. […] Combien cette influence devait-être profonde pour étouffer, dans un tel homme, la conscience de sa force, sinon celle de sa valeur, en même temps que le pressentiment de ses destinées ! […] Elle n’est pas non plus orgueilleuse, car loin d’avoir la conscience de facultés supérieures, Senancour souffre du sentiment de son insuffisance. […] Il a fallu de longs et persévérants efforts, une lutte infatigable de l’homme contre sa conscience et sa raison, pour parvenir enfin à cette brutale insouciance.

1203. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

» Le pied étranger, qui avait conscience d’un corps étranger, ne bougea pas. […] Nous irons chercher notre inspiration, non dans le mot d’ordre de telle ou telle coterie, mais uniquement dans les lumières de la conscience et de la raison loyalement interrogées. […] Quel travail s’est fait depuis dans la conscience humaine ! […] Il est très possible qu’il les refuse, mais au moins vous n’avez rien à vous reprocher : vous avez fait en conscience votre besogne d’apôtre. […] Ponsard, ce ponsardiste sans le savoir, avait composé sa comédie de l’Honneur et l’Argent, quand il allait, sans arrière-pensée cupide et sans autre salaire que la satisfaction de sa conscience, déposer sur l’autel du Seigneur, sa vertueuse offrande de chaque jour.

1204. (1925) Comment on devient écrivain

L’auteur d’Eugénie Grandet rêva toute sa vie la fortune ; mais ses besoins d’argent n’influencèrent jamais sa conscience d’artiste. […] On peut parfaitement traiter un cas de conscience, une crise d’âme, l’étude d’un caractère comme René ou Adolphe. […] C’est seulement au moment de mourir que lui revient la conscience de son indignité. […] Tâchez de peindre chez le paysan les luttes de conscience, les réactions passionnelles, les souffrances que dégagent les grands sentiments naturels : l’amour, la maternité, le travail, l’esprit de famille. […] On peut à la rigueur bâcler des articles de journaux ; mais la critique n’a d’autorité que si elle est honnêtement écrite, c’est-à-dire écrite avec netteté, en toute conscience, avec l’amour de la forme, le goût du travail, la volonté de dire quelque chose de nouveau.

1205. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Il les appréciait un peu (moins la raillerie) en gentilhomme issu du xviiie  siècle ; il se reprochait devant sa conscience, comme Chatterton, d’avoir menti en affichant la foi dans ses vers. […] Cette assertion serait inexplicable, si je ne me rappelais que De Vigny était l’homme qui avait le moins conscience de la réalité et des choses existantes ; dès qu’il avait le moins du monde intérêt, — un intérêt d’amour-propre ou d’imagination, — à ne pas voir un fait, il ne le voyait pas.

1206. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

En dévotion, nous avons par Port-Royal ses examens secrets de conscience : les raffinements de scrupules y passent toute idée. […] Il est fort bien disposé pour sa conscience ; voilà qui est fait… Croyez-moi, ma fille, ce n’est pas inutilement qu’il a fait des réflexions toute sa vie ; il s’est approché de telle sorte de ses derniers moments, qu’ils n’ont rien de nouveau ni d’étranger pour lui. » Il est permis de conclure de ces paroles, ajoute M.

1207. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

« Je pense que tout homme qui peut espérer quelques lecteurs rend un service à la société en tâchant de rallier les esprits à la cause religieuse ; et dût-il perdre sa réputation comme écrivain, il est obligé en conscience de joindre sa force, toute petite qu’elle est, à celle de cet homme puissant qui nous a retirés de l’abîme. […] Il cherche les tableaux sublimes plus que les raisonnements victorieux ; il sent et ne dispute pas ; il veut unir tous les cœurs par le charme des mêmes émotions, et non séparer les esprits par des controverses interminables : en un mot, on dirait que le premier livre offert en hommage à la Religion renaissante fut inspiré par cet esprit de paix qui vient de rapprocher toutes les consciences. » En parlant ainsi, il caractérisait l’ouvrage tel qu’il l’avait autrefois conseillé à son ami, mais non pas tel tout à fait que celui-ci l’avait exécuté en bien des points : l’esprit de douceur et de paix n’y respirait pas avant tout, et il y avait plus d’éclat que d’onction.

1208. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Cette seconde supposition est plus probable ; car tout l’art de Poe porte la marque d’une clarté, d’une volonté, d’une pleine conscience qui en constitue le troisième élément primitif. […] Il est de notoriété commune que tout violent mouvement d’âme, si celui qui l’éprouve s’efforce de l’examiner et de le manier, cesse d’affecter la conscience comme émotion et devient cette chose atone, claire et utile, une connaissance10.

1209. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Alfred de Vigny, et les autres traductions que nous achevons chacun séparément, sont des travaux entrepris de conscience ; nous pourrions écrire en tête, comme Montaigne : ceci est une œuvre de bonne foi. […] Nous nous sommes expliqué franchement sur toutes les questions ; nous avons proclamé nos admirations avec une grande probité littéraire, sans aucune influence d’amitié ou d’opinion ; pourquoi ne pas apporter en littérature cette indépendance de principes, cette conscience passionnée qui seule réussit maintenant en politique ?

1210. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Mais est-ce moi ou lui, dans sa conscience de poète, qu’il a entendu ? […] Avant Charles II d’Angleterre, avant Jacques II, ce grand homme méconnu qui eut plus de conscience que de gloire, — ce que les hommes, qui font la gloire, ne comprennent pas et ne peuvent pardonner, — on n’avait point vu de rois en exil, ou si on en avait vu, c’était dans un exil armé, menaçant, toujours prêt à être le rebondissement de ces Dieux Termes de la Royauté qu’on avait jetés par-dessus la frontière qu’ils avaient si longtemps gardée, et qui s’opiniâtraient à revenir… Mais de rois prenant leur parti de la chose, vivant tranquillement dans l’exil, s’y engraissant, chanoines royaux de cet exil, ou s’y dégraissant de leurs majestés, on n’en avait pas vu.

1211. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Sa gloire profitera, sans nul doute, à celle de ses œuvres que dans sa conscience d’artiste il estimait le plus. […] Cela dit, pour l’honneur de la vérité et pour l’apaisement d’une conscience dont Balzac sentit noblement les murmures, je n’aurai plus qu’à exprimer en peu de mots le jugement du critique littéraire sur un livre inouï, de première originalité dans l’imitation, et qui enlève désormais le sens à ce mot d’inimitable que l’on voit prodigué dans les traités de littérature.

1212. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Faute de savoir le vrai, les hommes tâchent d’arriver au certain, afin que si l’intelligence ne peut être satisfaite par la science, la volonté du moins se repose sur la conscience. […] La philosophie contemple la raison, d’où vient la science du vrai ; la philologie étudie les actes de la liberté humaine, elle en suit l’autorité ; et c’est de là que vient la conscience du certain. — Ainsi nous comprenons sous le nom de philologues tous les grammairiens, historiens, critiques, lesquels s’occupent de la connaissance des langues et des faits (tant des faits intérieurs de l’histoire des peuples, comme lois et usages, que des faits extérieurs, comme guerres, traités de paix et d’alliance, commerce, voyages.)

1213. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Et il lui conseille de ne point se soucier de ceux qui menacent de changer de parti si lui-même il ne change sur l’heure de religion : Gardez-vous bien de juger ces gens-là sectateurs de la royauté pour appui du royaume, ils n’en sont ni fauteurs ni auteurs… Quand votre conscience ne vous dicterait point la réponse qu’il leur faut, respectez les pensées des têtes qui ont gardé la vôtre jusques ici ; appuyez-vous, après Dieu, sur ces épaules fermes, et non sur ces roseaux tremblants à tous vents ; gardez cette partie saine à vous, et dedans le reste perdez ce qui ne se peut conserver.

1214. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Vous direz que je blasphème contre ce vénérable sacrement auquel vous êtes si dévot ; mais ne vous mettez pas en peine de ma conscience, qui sait bien séparer le saint d’avec le profane, le précieux de l’abject, et qui enfin vous pardonne avec saint Paul ; et contentez-vous de cela, s’il vous plaît, sans me demander des approbations et des louanges.

1215. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Louis de Kergorlay, l’ami intime, l’intelligence sœur de M. de Tocqueville, et qui lui fut de bonne heure un confident unanime et comme une seconde conscience.

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