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274. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Le contrat social n’a point du tout pour but de maintenir la liberté. « En aucun cas le maintien des libertés individuelles ne peut être le but du contrat social. » Le but du contrat social c’est de faire l’individu plus heureux, et non plus libre. […] Ira-t-on à ce but par la soumission aux règles de la morale ? […] Toutes les religions et toutes les morales depuis qu’il y en a, n’ont pas eu d’autre but, et n’ont pas eu d’autre effet. […] Quel est le but de cette évolution si douloureuse ?

275. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Walsh1101, « l’encourageait en lui disant qu’il y avait encore un chemin ouvert pour exceller ; car si les Anglais avaient plusieurs grands poëtes, ils n’avaient jamais eu de grand poëte qui fût correct ; et il l’engageait à faire de la correction son étude et son but. » Il suivait ce conseil, s’exerçait la main par des traductions d’Ovide et de Stace, et par des remaniements du vieux Chaucer. […] But now secure the painted vessel glides, The sun beams trembling on the floating tides ; While melting music steals upon the sky, And soften’d sounds along the waters die ; Smooth flow the waves, the Zephyrs gently play. The lucid squadrons round the sails repair : Soft o’er the shrouds aerial whispers breathe, That seem’d but Zephyrs to the train beneath. […] Thou wilt not find my shepherdesses idly piping on oaten reeds, but milking the kine, tying up the sheaves, or if the hogs are astray, driving them to their styes. My shepherd… sleepeth not under myrtle shades, but under hedges ; nor does he vigilantly defend his flocks from wolves, because there are none.

276. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Le côté mental de l’attention, ce qui pour notre conscience même en fait le fond, à savoir la tendance de l’appétition vers un certain but, avec direction simultanée de l’activité intellectuelle vers ce but, n’est-il encore qu’un épiphénomène, un aspect surajouté ? […] La véritable utilité de la conscience, dans l’inspiration, c’est de poser, par le désir, le but et l’effet final à atteindre : les moyens se présentent ensuite d’eux-mêmes en vue de la fin. […] Il y a à la fois adaptation intellectuelle à un but, finalité immanente, et concentration de mouvements selon une direction déterminée, mécanisme moteur. […] Nous revenons ainsi à concevoir « la mathématique universelle » comme le but poursuivi par le raisonnement et par la science. […] Les applications principales du symbolisme sont celles qui ont pour but de représenter un idéal sous des formes sensibles.

277. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Rousseau d’Athènes, possédant un style admirable pour les chimères, mais n’ayant pas la moindre connaissance des hommes, ni le moindre tact des réalités, et donnant à sa république idéale des lois en perpétuelle contradiction avec la nature humaine et avec la fondation, la conservation et le but des sociétés. […] Le livre tombe des mains avant d’avoir dit son dernier mot, tant on a perdu de mots oiseux à l’attendre ; l’esprit est saisi à chaque instant d’une de ces impatiences fébriles qui bouillonnent en nous jusqu’à un véritable accès de colère, croyant toujours toucher à un but qu’on lui dérobe toujours ; or, irriter et impatienter l’esprit, ce n’est pas un bon procédé pour le convaincre. […] Échécratès demande à Phédon : « Étais-tu auprès de Socrate, le jour où il but la ciguë dans sa prison, ou bien en as-tu seulement entendu parler ? […] « Et n’est-ce pas le but de toute philosophie ? […] … » Après avoir dit cela, il porta la coupe à ses lèvres, et la but avec une tranquillité et une douceur incomparables.

278. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Il s’ensuit encore que ces mêmes personnages sont, comme on l’a dit, plus victimes que héros et qu’ils excitent, ce qui était d’ailleurs le but de Voltaire, plus de pitié que d’admiration. […] L’une soutient que la littérature, ayant pour but unique le beau et ainsi sa fin en elle-même, n’a rien à voir avec la morale, n’a nullement à se soucier de savoir si elle pousse au bien ou au mal. […] Le danger est alors qu’elle introduise cette préoccupation de moraliser les gens dans des genres qui ne s’y prêtent pas ; qu’elle dénature les faits pour les accommoder au but qu’elle poursuit ; qu’elle fausse la vérité historique pour soutenir une thèse ; qu’elle fausse, au théâtre ou dans le roman, la vérité psychologique, en vue d’aboutir à tel dénouement, dans l’intention de rendre sympathique ou antipathique telle opinion ou tel personnage. […] J’ignore si l’anecdote est authentique, et peu m’importe ; mais elle enseigne que, pour mesurer le résultat obtenu par l’effort de ceux qui prétendent terrasser un vice ou une superstition, il faut très souvent regarder dans la direction opposée au but qu’ils ont visé.

279. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

C’est dans ce but qu’il publia en 1791 la brochure intitulée : Esprit de la Révolution et de la Constitution de France, que les collecteurs de ses Œuvres n’ont point jugé à propos d’y recueillir, comme n’étant point assez jacobine. En effet, dans cette brochure qui a un but électoral, Saint-Just, âgé de vingt-trois ans, ne se montre point tel encore qu’il sera dix-huit mois plus tard. […] Il pense que Louis XVI peut être jugé, et qu’il ne doit être considéré ni comme roi inviolable ni comme simple citoyen, c’est-à-dire qu’on ne lui doit accorder aucune garantie : L’unique but du Comité (de législation) fut de vous persuader que le roi devait être jugé en simple citoyen ; et moi, je dis que le roi doit être jugé en ennemi, et que nous avons moins à le juger qu’à le combattre. […] Venant proposer une mesure qui a pour but de diminuer la misère des patriotes indigents, il dira : Que l’Europe apprenne que vous ne voulez plus un malheureux ni un oppresseur sur le territoire français ; que cet exemple fructifie sur la terre ; qu’il y propage l’amour des vertus et le bonheur : le bonheur est une idée neuve en Europe !

280. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Quel était le but de cette association ?‌ Elle déclare « que tous les efforts tentés jusqu’à ce jour pour atteindre son but (l’émancipation économique des classes laborieuses) ont échoué, à cause du manque de solidarité entre les diverses branches du monde des travailleurs, et à cause de l’absence de tout lien fraternel unissant entre elles les classes ouvrières des divers pays ».‌ […] Je ne prétends pas avoir donné en ces quelques lignes une image fidèle et nette de ces trois hommes, qui ont joué des rôles divers, mais capitaux, dans l’évolution de la pensée moderne ; mais si j’ai réussi à montrer l’objet commun de leurs réalisations et de leurs efforts, c’est-à-dire la poursuite de plus en plus réelle, de plus en plus parfaite, de plus en plus riche d’une claire possession de la vie, de ses millions de formes, de sa liberté et de sa mobilité infinies, j’aurais suffisamment rempli mon but qui est de concentrer l’attention sur ce point central. […] Dans ce but je dois chercher par tous les moyens à ce que mon pays domine tous les autres, en leur enlevant des fragments de territoire pour l’augmenter, en se hérissant lui-même de forteresses et de canons : plus je suis hostile à tout ce qui vient de l’extérieur, hommes et choses, plus je me cantonne solidement sur mon coin de terre, plus je suis rebelle à la pénétration du dehors, plus je m’isole, plus mon pays est fort et prospère.

281. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Tandis que nous écrivons, par une sorte d’instinct théâtral et de tradition, des chapitres qui gravitent tous autour d’une scène principale, un peu comme les actes d’une pièce dramatique ; tandis que nous faisons un livre très un et très serré, destiné à être lu sans arrêt, eux, ils écrivent une sorte de journal intime ; ils superposent les détails, sagement, posément, avec l’amour de l’heure présente qui ne connaît pas l’avenir, sans la même hâte vers le but, et ils songent aux misses qui parcourront vingt pages avant une course à cheval, au chasseur de renard qui revient au logis et qui a besoin d’une petite dose de lecture pour calmer la fièvre de ses veines, au commerçant de la Cité, à l’ouvrier anglais, libres avant le coucher du soleil, et qui prendront le livre et le poseront bientôt sur le coin du dressoir, heureux d’avoir trouvé l’occasion d’une larme ou d’un sourire qui n’étaient pas permis dans le travail du jour. […] La doctrine que je repousse me semble d’abord méconnaître le but véritable de la littérature et de l’art. […] disant : « L’art est un moyen d’union parmi les hommes, … une activité qui a pour but de transmettre d’homme à homme les sentiments les plus hauts de l’âme humaine. » De tout temps, de très grands artistes ont considéré de la sorte leur mission dans le monde. […] La vie élégante, par exemple, qui pourrait parfaitement être le sujet d’un roman populaire, est presque toujours étudiée dans le but exclusif de plaire à ceux qu’on nomme les gens du monde.

282. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Si vous en venez à bout, vous n’aurez pas fait une mince besogne. » L’objet et le but étant ainsi indiqués, l’auteur entame son récit et nous déroule son histoire. […] Il est arrivé en grand à Cervantes pour son Don Quichotte, ce qui est arrivé à La Fontaine avec ses Fables, entreprises d’abord pour un but particulier ; à mesure qu’il avançait, il a insensiblement, non pas perdu de vue, mais agrandi, étendu et serré de moins près son premier objet ; il a fait entrer toute la vie humaine dans son cadre et nous a rendu cette vaste comédie « aux cents actes divers. » Le plan de Don Quichotte n’a rien d’exact, et il a varié sensiblement dans le cours de l’exécution. […] « J’espère prouver qu’un but aussi mesquin n’est pas celui que Cervantes se proposa d’atteindre, et que jamais génie ne fut victime d’une injustice pareille à celle dont les trois siècles les plus lettrés des annales humaines se sont rendus coupables envers lui… » Et l’auteur de la brochure s’attache à dégager l’amertume que recèlent, selon lui, plusieurs passages de Don Quichotte ; il fait comme ceux qui recherchent dans la misanthropie d’Alceste un coin caché de l’humeur de Molière.

283. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

C’est que le but aussi est différent. […] S’il n’était qu’un abréviateur, s’il n’avait prétendu que faire un abrégé chronologique, il se trouverait inférieur peut-être dans le détail à ces deux élégants écrivains que j’ai cités : mais il a voulu bien autre chose, il a un bien autre but. […] Il goûta, lui aussi, les opprobres dans sa fuite précipitée de l’Égypte et dans son exil de quarante ans dans le désert ; il but, à sa manière, le calice pendant les fréquentes révoltes de son peuple ; il eut un avant-goût des choses de Jésus-Christ, même par l’amertume.

284. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

Nous avons vu, dans un triton ou une grenouille, le train postérieur, séparé du reste, exécuter des mouvements complexes, adaptés à un but, et capables, si les circonstances changent, de s’adapter à un autre but. […] C’est pourquoi, lorsqu’on les sépare, chacun d’eux est encore un centre indépendant d’actions réflexes coordonnées et adaptées à un but.

285. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Opposons-la à une fable philosophique, qui ne sait qu’aligner des idées générales, et à la fable primitive qui ne sait qu’entasser de petits faits sensibles ; et voyons si la seconde recherche ne confirme pas la première, en conduisant par une autre voie au même but. […] En effet, quand deux personnes conversent, vont-elles droit au but ? […] S’il prête un discours à un personnage, il en fera un tout indissoluble, où chaque phrase prouvera la conclusion, où le syllogisme intraitable se cachera sous les dehors de la passion, où le but, comme un moteur souverain, produira, disposera, conduira toute la machine et tous les mouvements.

286. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Avons-nous une destinée, un idéal, un devoir, ou bien nous agitons-nous sans cause et sans but ? […] Desjardins a oublié de nous dire qu’il ne donnait aucun sens plus solide aux termes justice, amour, bien, loi, illusion, vanité, destinée, idéal, but, précédemment avancés.) […] Des élans sans direction sûre ni but précis, des élans non réprimés, lâchés dans la société qu’on veut traiter, pour son bien, suivant la formule d’une sorte de socialisme de sacristie protestante.

287. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

La proportion apparaîtra, en effet, bien faible, de ses conséquences funestes, des cas où il est accompagné d’une impuissance, de ceux où il détourne une activité de ses buts véritables, à la somme des avantages qu’il procure. […] C’est de cet état de fait qu’il déduit le conseil qu’il se donne à lui-même : « Sois en harmonie avec toi-même. » Cette maxime en effet, si on ne. la prend pas comme un frein trop fort de nature à paralyser le mouvement nécessaire à la vie, peut être utile à distinguer la limite où le Bovarysme cesse d’être l’expression d’un progrès normal pour dévier vers la pathologie : « Sois en harmonie avec toi-même », cela signifie avec plus de détail : Sache parmi le grand nombre de notions qui sont proposées à l’admiration de ton esprit, sache distinguer celles qui doivent demeurer pour toi de simples objets de connaissance, de celles qui peuvent être des buts pour ton activité. […] Préfère celles-ci, réserve pour elles toute ton ardeur, qu’elles soient seules pour toi des buts.

288. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Pour nous renfermer dans les limites de la peinture, j’ose avancer que rien n’a plus souvent écarté les bons peintres du veritable but de leur art, et ne leur a fait faire plus de choses hors de propos, que le desir de se faire applaudir sur la subtilité de leur imagination, c’est-à-dire sur leur esprit. […] Je l’ai dit déja, les tableaux ne doivent pas être des enigmes, et le but de la peinture n’est pas d’exercer notre imagination en lui donnant des sujets embrouillez à deviner. Son but est de nous émouvoir, et par consequent les sujets de ses ouvrages ne sçauroient être trop faciles à entendre.

289. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Ce dernier point constituait, à proprement parler, le seul but pratique de cette école. […] Cet ordre de considérations générales, sur lequel la critique a peu de prise, parce qu’à cette hauteur, du moment qu’elle n’accepte pas l’élément mystérieux qui dirige, elle n’a plus qu’à tenir terre et à se déclarer incompétente ; cette réduction du problème politique de la société au problème religieux et moral, cet effort et ce retour vers un même but par un côté réputé supérieur, sont devenus assez familiers dans ces derniers temps à beaucoup d’esprits ardents, élevés ; et, pourvu que l’indifférence politique et une sorte de quiétisme transcendant n’en résultent pas dans la pratique et les luttes du citoyen, il n’y a rien à redire à cette manière de coordonner et d’étager les questions.

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