Les prosateurs, qui, tel Jean-Jacques, suivent la dictée d’une voix intérieure et retournent vingt fois dans leur tête les phrases qu’ils construisent ; ceux qui, tel Flaubert, les font passer par leur « gueuloir » pour en éprouver l’euphonie, attachent une légitime importance aux délicates combinaisons de syllabes qui forment ce qu’on appelle « le nombre ». […] Nés tous deux du langage instinctif, ils se sont attachés chacun à l’un des deux ^éléments qui le composaient ; le premier a travaillé sur les cris et les inflexions qui expriment les différents sentiments ; le second sur les sons qui sont devenus des mots exprimant des idées. […] … Il s’agit bien de montrer ici un homme qui passe ; là un pâtre qui conduit ses bestiaux ; ailleurs un voyageur qui se repose ; en un autre endroit, un pêcheur, la ligne à la main et les yeux attachés sur les eaux ?
Les lueurs des vitraux, le feu pâle des cierges, le reflet du ruban jaune qui attache son chapeau de velours, lui donnent l’aspect d’une morte. […] Un peu étonné et fort désappointé, il se rend chez une connaissance de son père, un ingénieur civil, qui le fait attacher aux travaux de Roquefavour, à raison de cinquante sous par jour. […] Rien ne repousse chez moi des goûts qui m’attachaient à la vie.
Sur sa petite chaise, où elle est attachée, quand elle est à table entre nous, elle a des renversements, comme en face de visions au plafond de choses ou d’êtres invisibles, auxquels s’adressent ses petits bras tendus et son gazouillement aimant. […] Il était alors attaché au maréchal, et a pu assister à leur réveil, qui est une chose émotionnante même pour le directeur de la prison, — et où le silence, le terrible silence entre les paroles dites, — est d’un effet qu’on ne peut exprimer. […] Lundi 31 octobre Deshayes attaché au Musée Guimet, en me rapportant un exemplaire de mon Journal, envoyé à Burty, me dit qu’il est malade, en proie à des troubles nerveux, qui lui apportent une hésitation dans la trouvaille des mots : un cas, dit-on, de migraine ophtalmique.
Théophile Gautier dit que la langue de cette littérature est « marbrée déjà des verdeurs de la décomposition » ; quelque prix qu’on attache aux verdeurs, un cadavre qui se décompose sera toujours inférieur physiologiquement et esthétiquement à un corps anime par la vie, parce que le cadavre marque non une évolution en complexité et en unité tout ensemble, mais une dissolution et un retour aux forces plus élémentaires, plus simples et plus désagrégées. […] L’émotion esthétique se ramenant en grande partie à la contagion nerveuse, on comprend que les puissants génies littéraires s’attachent volontiers à vice représenter le plutôt que la vertu. […] Les écrivains modernes ne sont pas seulement amenés a l’étude des vices ou des passions fortes, mais aussi à l’étude des monstruosités, et cela pour diverses raisons : la première est l’intérêt scientifique ; on éprouve une plus grande curiosité à l’égard de tout ce qui est dans l’espèce une anomalie, un « phénomène » ; en outre la science moderne, — physiologie ou psychologie, — attache une importance croissante à l’étude des états morbides, parce que ces états permettent de saisir sur le fait la dégradation de nos diverses facultés, de constater celles qui ont la plus grande force de résistance, d’établir ainsi des lois de la vie physique ou psychique valant même pour les êtres bien portants.
Même les personnages que leurs auteurs se sont attachés à rendre médiocres et moyens, M. […] Il faut donc que les réalistes et les idéalistes, usent les uns comme les autres d’imagination et s’attachent à modifier, à déformer, à dénaturer le réel, ce qui diffère entre ces deux grandes écoles, c’est non l’exactitude, la justesse de la vision, mais la manière d’altérer ce que leur montre la nature et d’en tirer des œuvres qui n’ont rien de semblable12. […] Les monarchies comme les républiques s’attachent à empêcher par des institutions de bienfaisance et de prévoyance que la lutte pour la vie ne soit fratricide jusqu’au bout.
La Barre, voulant qu’un poëte épique donne tout à l’agréable, qu’il ne présente à ses lecteurs que des tableaux gracieux, des situations neuves & intéressantes, sans qu’il ait le moindre projet de moraliser, désapprouvoit beaucoup l’auteur des Voyages de Cyrus qui, traitant la même matière, avoit dit, dans une dissertation qui se trouve à la tête d’une édition de Télémaque, que ce n’étoit pas tout de sçavoir plaire dans un poëme, qu’il falloit encore s’attacher à instruire. […] Il ne s’est pas même attaché à redoubler d’attention, & de verve dans le peu d’endroits que Despréaux a traduits. […] Elle se moque d’un héros qui s’occupe d’amour, lorsqu’il devroit avoir la tête remplie des grandes vues que les dieux ont sur lui ; qui, dans le temps que la reconnoissance vouloit qu’il s’attachât à Carthage, prétexte leurs ordres pour aller s’établir dans tel coin de la terre plutôt que dans tel autre, & trahit une reine qui s’est livrée à lui, & l’a comblé de biens pour devenir le ravisseur d’une femme promise à un autre prince.
Sa famille, attachée par tradition au parti guelfe, était patricienne et consulaire dans la république. […] Les personnages passent comme des fantômes sous le fouet des démons et sous l’œil du poète ; l’intérêt, sans cesse morcelé et interrompu, passe avec eux et ne laisse qu’un éblouissement dans l’imagination ; tandis que, dans l’épopée telle que je la concevais, l’intérêt attaché aux mêmes âmes dans des péripéties diverses ne se rompait qu’à leur réunion définitive et à leur béatitude éternelle. […] Toujours attaché à la grande figure symbolique du Dante, Ozanam méditait, dans ses derniers jours, une histoire complète de la littérature, depuis le cinquième siècle jusqu’au treizième.
Cela n’attache pas ; cela éblouit. […] Ils sont dans ce regard effaré et énigmatique que le père attache sur ses pauvres enfants à ce bruit qui renferme cinq condamnations à une mort lente. […] Ainsi il me sembla entendre le murmure d’un fleuve dont l’écume étincelle en courant de rocher en rocher, en témoignant de l’inépuisable fécondité de sa source ; et de même que le son prend sa forme et sa note dans le cou de la harpe, et de même que l’air sonore s’insinue par les trous du chalumeau attaché à la musette, ainsi ce murmure du fleuve monta par le cou de l’aigle comme s’il eût été creux ; et là il devint voix, et de son bec sortirent des paroles telles que les attendait mon cœur, où je les écrivis !
Empirisme et dogmatisme s’accordent, au fond, à partir des phénomènes ainsi reconstitués, et diffèrent seulement en ce que le dogmatisme s’attache davantage à cette forme, l’empirisme à cette matière. […] Ce qui nuit d’ordinaire au rapprochement, c’est l’habitude prise d’attacher le mouvement à des éléments, — atomes ou autres, — qui interposeraient leur solidité entre le mouvement lui-même et la qualité en laquelle il se contracte. […] La matière se résout ainsi en ébranlements sans nombre, tous liés dans une continuité ininterrompue, tous solidaires entre eux, et qui courent en tous sens comme autant de frissons. — Reliez les uns aux autres, en un mot, les objets discontinus de votre expérience journalière ; résolvez ensuite la continuité immobile de leurs qualités en ébranlements sur place ; attachez-vous à ces mouvements en vous dégageant de l’espace divisible qui les sous-tend pour n’en plus considérer que la mobilité, cet acte indivisé que votre conscience saisit dans les mouvements que vous exécutez vous-même : vous obtiendrez de la matière une vision fatigante peut-être pour votre imagination, mais pure, et débarrassée de ce que les exigences de la vie vous y font ajouter dans la perception extérieure. — Rétablissez maintenant ma conscience, et, avec elle, les exigences de la vie : de très loin en très loin, et en franchissant chaque fois d’énormes périodes de l’histoire intérieure des choses, des vues quasi instantanées vont être prises, vues cette fois pittoresques, dont les couleurs plus tranchées condensent une infinité de répétitions et de changements élémentaires.
« Ne sont-ce pas, nous dit-on, des qualités semblables qui attachent à La Fontaine l’adolescence comme le premier âge, la maturité comme la vieillesse ? […] D’abord il faut que les circonstances ne soient pas communes et vulgaires, telles qu’elles ne méritent point d’être remarquées : elles doivent, autant qu’il est possible, être neuves et originales, capables d’attacher l’esprit et d’exciter l’attention. […] On s’attacha des oreillers sur la tête avec des linges, c’était un rempart contre ce qui tombait. […] « Comme elles ne consistent, dit Rollin, que dans certains tours et un certain arrangement de paroles, et que les paroles ne doivent servir qu’à exprimer les pensées, on sent assez qu’il serait absurde de s’attacher à ces tours et à cet arrangement, en négligeant le fond même des pensées et des choses. […] Ses paroles toutes divines, qui devaient lui attirer les respects des hommes, le font attacher à un bois infâme ; et l’ignominie de ce bois, qui devait couvrir ses disciples d’une confusion éternelle, fait adorer par tout l’univers les vérités de son Evangile.
Le lecteur remarquera que l’on a employé les mots qui paraît…, comment il semble…, personnelle… On les souligne pour bien définir à l’avance la valeur que l’on attache à ces pages. […] Sans attacher à ces outrances une importance extrême, il est bon de les rappeler. […] Tout le domaine de l’inconscient et du demi-conscient, auquel la psychologie actuelle attache avec justesse tant d’importance, est supprimé du coup. […] Il en a trouvé une, à laquelle il s’était attaché passionnément, qu’il a développée, soutenue, défendue avec une ardeur jamais lassée. […] La tradition philosophique et religieuse, elle, attache un grand prix à la durée.
Rigal s’est attaché d’abord à établir, et ce que l’on peut considérer désormais, grâce à lui, comme acquis à l’histoire littéraire. […] Rigal s’attachât donc plutôt à étudier le moment que l’homme, et qu’il sacrifiât un peu de l’analyse de l’œuvre à l’histoire de l’époque. […] On ne le voit pas bien, quand on s’attache, comme on fait d’ordinaire, à la faille principale de l’Astrée. […] Attache-toi à la nature des choses et des actions ; à tes rapports avec ton semblable, à l’influence de ta conduite sur ton utilité particulière et sur le bien général. […] Ou encore, quand la société n’aurait d’autre objet qu’elle-même, non seulement nous serions tenus de toutes nos obligations envers elle, mais c’est alors qu’il faudrait nous y attacher plus étroitement que jamais.
C’est pourquoi, au jugement du christianisme primitif, résolu à lutter contre le relâchement des mœurs païennes, l’art est condamnable quand il vise à nous faire admirer la beauté : il nous détourne de notre véritable objet pour nous attacher à ce qui est périssable. […] Les passions l’attachent plus que les vices : les vices ne sont que des maladies qui corrompent plus qu’elles n’agitent, les passions sont des mobiles qui poussent l’âme vers l’action. […] Saint Denis et ses compagnons sont « battus, mis sur le chevalet, rôtis sur le gril, exposés aux bêtes féroces, plongés dans un four ardent, attachés à la croix ». […] Assurément : « nous ne croyons pas que le mensonge et la bassesse soient nécessairement attachés à la condition domestique ! […] Quelques-uns gardent « leur barbe enfermée dans un petit sac de peau violette » que deux cordons attachent aux oreilles.
Ceux qui étaient attachés à l’idée par amour de la mode, se débandent et se dispersent, et tant mieux, oh ! […] Ceux qui tenaient à l’idée pour elle-même n’y restent attachés que davantage, délivrés des gêneurs et des compromettants. […] à y regarder d’un peu près, et même sans s’arracher les yeux, il est évident que Michelet n’attache pas une immense importance aux écrits de son ami. […] Il attache évidemment une grande importance à la question. […] De nos jours, on ne s’attache qu’à les sauver.
Enfin, qu’elles reviennent ou non, je n’y attache que l’importance de ne pas souffrir. […] Mais il a un but, et il y va assez simplement ; c’est ce qui m’y attache. […] Au fond, quand j’y pense, tout ceci est indigne de vous et de moi : médire un peu, bâiller beaucoup, se faire par-ci par-là des ennemis, s’attacher par-ci par-là quelques jeunes filles, se voir faner dans l’indolence et l’obscurité, voir jour après jour et semaine après semaine passer, Kammerjunker171, et quoi encore ? […] Benjamin Constant voit beaucoup dès lors une jeune personne (Wilhelmina ou Minna) attachée à la duchesse régnante, et songe sérieusement à l’épouser ; il mêle d’une façon étrange ces espérances nouvelles aux souvenirs de fidélité qu’il prétend garder, et il fait du tout un hommage très-bigarré à Mme de Charrière. […] Benjamin Constant s’était laissé marier à Brunswick, en 1789, avec une jeune personne attachée à la duchesse régnante.
Il sentait lui-même qu’il avait eu tort de se décourager un moment, et dans des lettres d’un accent pénétré, d’une intention élevée et soutenue, il s’attachait bientôt, au contraire, à remonter le moral de son gendre et ami Paul Delaroche. […] Il lui fut donné d’être, au moins au début et pour la mise en train, le peintre de notre armée de Crimée et d’attacher son nom à ce réveil de notre grande gloire.