Rousseau, à peine arrivé en terre libre, à Yverdun, s’était empressé d’écrire à M. et à Mme de Luxembourg ainsi qu’au prince de Conti, pour les remercier de leurs bontés ; dans ces premiers moments d’inquiétude et de délivrance, ses sentiments obéissant à la pente naturelle n’étaient pas encore aigris par la réflexion, ni son jugement faussé par la méfiance : il faut du temps et du travail pour en venir à sophistiquer et à se dénaturer à soi-même cette première sincérité des impressions involontaires. […] « D’après l’opinion que j’en ai, Monsieur, je l’ai jugé digne d’être connu de vous, et en lui procurant cet honneur, je crois lui donner la preuve la plus marquée du cas que je fais de lui. » Hume était à Edimbourg lorsqu’il reçut cette lettre ; il crut comprendre que Rousseau était déjà arrivé à Londres, et il s’empressa d’y écrire à quelques amis pour le recommander. […] De grâce, ne vous mettez point en colère, et ne répondez pas avec dureté (comme il vous est arrivé quelquefois) à une chose qu’il faut absolument que je vous dise.
On voyait, il y a quelque trente ans, à Paris, un de ces malheureux fous qui se croyaient le dauphin Louis XVII : celui-ci était parfaitement doux, paisible et nullement incommode ; seulement lorsqu’il lui arrivait, en compagnie de quelqu’un, d’être près du jardin des Tuileries et à l’entrée d’une des grilles, il quittait son monde pour faire le grand tour. — « Vous sentez bien, Mesdames, disait-il un jour d’un air mystérieux à deux dames qu’il avait accompagnées jusque-là, que je me dois à moi-même de ne pas traverser ce jardin. » Pour lui, traverser les Tuileries, c’eût été sanctionner l’usurpation et reconnaître l’intrus qui logeait au château. […] Le seul bien dont jouit l’Angleterre, et qui est inappréciable, c’est la liberté politique… Son gouvernement étant un mélange d’aristocratie, de démocratie et do monarchie, ce dernier élément, quoique très-limité, est assez puissant pour faire aller la machine sans le secours des deux autres, et pas assez pour nuire au pays ; car, quoique le ministre ait la majorité dans la Chambre, s’il veut faire quelque entreprise nuisible à la nation, ses amis l’abandonnent, comme il arriva dans la guerre de Russie. […] Il y aura samedi sept semaines, et c’est comme si ce malheur m’était arrivé hier.
Nous arrivons ainsi par degrés à tant de collecteurs et amateurs d’autographes qui, dès qu’ils ont réuni un certain nombre de pièces ou de bagatelles auxquelles ils s’amusent, ont hâte de les publier, et, qui, s’ils n’éclairent pas grand’chose, aident du moins à orner ou à égayer parfois des points de biographie littéraire. […] Envoyé par le roi pour châtier une rébellion et venger le meurtre du gouverneur de Bordeaux, Monneins son propre parent, qui y avait péri odieusement massacré, il arriva devant cette ville, enflammé de colère, n’y voulut entrer que par la brèche et en ennemi, après avoir fait abattre trente toises de murailles, désarma les bourgeois, en envoya cent cinquante au dernier supplice ; et en outre il fit dresser un épouvantable arrêt par le maître des requêtes, Étienne de Nully, le plus violent des hommes, arrêt par lequel il interdit le Parlement, fit enlever toutes les cloches de la ville, supprima les privilèges des bourgeois, les contraignit d’en brûler eux-mêmes les titres et chartes, et de plus, ils durent déterrer le corps du gouverneur Monneins « avec leurs ongles », aller en habits de deuil devant le logis du connétable lui crier miséricorde, et lui payer en fin de compte 200 mille livres pour les dépenses de son armée46. […] « Je m’approcherai mercredi le plus près de vous que je pourrai, c’est-à-dire à Feuillasse, si le mal n’y est arrivé. » On voit qu’il prend toutes ses précautions avant de communiquer avec les atteints et soupçonnés de contagion.
Lorsqu’on interroge sur lui, lui-même d’abord, bon témoin, des plus véridiques, et ceux qui l’ont connu, on arrive à se faire une idée fort juste de sa personne et de son genre d’originalité. […] Mais il arrive le plus souvent aujourd’hui que les noms des morts célèbres ne sont qu’un prétexte à l’amour-propre et à la jactance des vivants. […] Lorsque ma fortune a été un peu arrangée, et que les passions ont commencé à se ralentir chez moi, ce qui est arrivé de bonne heure, n’étant pas né très fort, c’est dans ce temps-là que j’ai cherché dans mon cabinet des ressources contre l’ennui. » A un moment, un peu tard comme Béranger, à trente-huit ans seulement, il trouva sa veine ; il fit sa première comédie, La Vérité dans le vin, la meilleure qu’il ait jamais faite (1747), et il devint le divertisseur en vogue du comte de Clermont, et surtout du duc de Chartres, bientôt duc d’Orléans.
Les Vaudois en armes organisaient la défense, et quoi qu’on puisse dire de ce qui arriva dans la suite de cette atroce guerre, cette première levée de boucliers, avec les instructions à la fois militaires et morales qui y présidèrent, et dont on a tous les articles, est d’une simplicité naïve et d’une générosité exemplaire. […] On raconte que ceux qui arrivèrent à Genève y entrèrent en chantant d’une voix grave un psaume des Hébreux fugitifs, traduit par Théodore de Bèze : Faut-il, grand Dieu, que nous soyons épars ! […] S’il m’arrivait de boire souvent comme j’ai fait ce jour-là, je recevrais bientôt une correction sur mon dérèglement. » Le roi le retira de Casal en ce temps-là pour lui donner le gouvernement de la ville et province de Luxembourg.
Le souverain, en ceci, se montra plus libéral que les grands et que les particuliers, ce qui arrive quelquefois. […] C’est le monde ; cela arrive à nous tous, plus tard ou plus tôt ; mais il faut donc se tenir dans une assiette telle que cela ne puisse arriver par notre faute. (30 novembre 1774.) » Parole sage et vraie pour tous ceux qui sont acteurs, à quelque degré, sur ce vaste théâtre où chacun joue son rôle, grand ou petit, et doit avoir à cœur de le jouer de son mieux !
Cette débutante m’avait échappé et ne méritait pas une pareille indifférence : après Mlle Mars, il n’y a point d’ingénuités qu’elle n’égale ou ne surpasse ; elle n’est pas niaise comme il arrive quelquefois aux innocentes des autres théâtres, elle n’est que franche et naïve ; l’accent juste, vrai, une excellente tenue, beaucoup d’aisance, de simplicité, de naturel ; que de bonnes qualités presque enfouies à ce théâtre ! […] Elle y faisait verser d’abondantes larmes, et il arriva un jour qu’un mauvais plaisant qui avait entendu parler de ce succès larmoyant irrésistible et qui l’attribuait à l’engouement du parterre, vint solennellement se placer au balcon, étalant sur le rebord une couple de mouchoirs blancs pour étancher les flots de pleurs qui allaient couler. […] Imaginez deux oiseaux du ciel qui vivent de quelques graines et miettes de pain, et qui voient arriver, sur le pied d’ami, un bon grand vautour affamé de chair, qui se dispose à faire honneur à leur repas.
Je crois bien que deux ou trois des moindres héros se noyèrent avant d’atteindre le rivage ; mais le reste, les plus vaillants, y arrivèrent sans trop d’efforts, la plupart à la nage, et l’un même sans presque avoir besoin de nager. […] A ses heures riantes, ce qui est rare, quand elle oublie un moment sa peine et qu’elle se met à décrire et à conter, il lui arrive le défaut tout contraire à la diffusion éthérée de Lamartine, elle tombe dans le petit, dans l’imperceptible, dans la vignette scintillante : Un tout petit enfant s’en allait à l’école… O mouche, que ton être occupa mon enfance ! […] « Arrivées en Amérique, elle trouva sa cousine veuve, chassée par les nègres de son habitation ; — la colonie révoltée, la fièvre jaune dans toute son horreur.
Un écrivain a fleuri et brillé en son temps ; il est mort ; le goût public a changé ; sa renommée a vieilli et a pâli ; on le cite encore à la rencontre, on a de lui une ou deux pièces qui seules survivent au reste des œuvres oubliées ; il semble que tout soit dit sur son compte : et voilà subitement qu’un homme arrive, littérateur ou non de métier, mais ayant au cœur je ne sais quelle étincelle littéraire, et cet homme un matin se consacre à cette mémoire défunte, la réchauffe, la restaure, s’applique de tout point à la rehausser. […] Dans cette Chartreuse si goûtée de nos pères, et où quelques bons vers seulement nous arrivent à la nage dans un torrent de rimes, il disait : Persuadé que l’harmonie Ne verse ses heureux présents Que sur le matin de la vie, Et que sans un peu de folie On ne rime plus à trente ans… Dans une pièce adressée à ma Muse, il disait encore, toujours dans ce même sentiment de la brièveté : Moi que le Ciel fit naître moins sensible A tout éclat qu’à tout bonheur paisible, Je fuis du nom le dangereux lien ; Et quelques vers échappés à ma veine, Nés sans dessein et façonnés sans peine, Pour l’avenir ne m’engagent à rien. […] Ce sont là de ces faiblesses telles qu’il en arrive aux gens honnêtes un peu amollis par la vie domestique ; mais on se demande ce qu’est devenu l’homme d’esprit.
Cela m’arriva dernièrement. […] Si cette lettre désirée arrive durant un dîner de famille, on ne peut s’empêcher de l’ouvrir aussitôt, devant tous ; on oublie qu’on n’est pas seule, les larmes coulent, et les bons parents de sourire, et la grand’mère de dire le mot de toutes les pensées : « Si tu avais un mari et des enfants, cette amitié disparaîtrait bientôt, et tu oublierais Mlle Cannet. » Et la jeune fille, racontant à ravir cette scène domestique, se révolte, comme bien l’on pense, à une telle idée : « Il me surprend de voir tant de gens regarder l’amitié comme un sentiment frivole ou chimérique. […] Les volumes de Lettres de Mme Roland nous arrivent tout tachetés de ces mouillures qui sautent d’abord aux yeux ; ce sont les lieux-communs de son siècle ; il n’y a que plus de fraîcheur et de grâce dans les traits originaux sans nombre dont ils sont rachetés.
Thiers est arrivé, sur ce point de l’entreprise d’Espagne étudiée dans son origine, à un résultat des plus curieux et des plus satisfaisants pour l’histoire comme pour la morale. […] Et puis la Fortune souriait encore, et réparait tout : personne n’arrivait tard, personne ne se trompait ! […] On arrive enfin à Saragosse, à ce siège unique, effroyable, qu’on est bien forcé d’admirer au milieu de l’horreur, et qui restera comme le plus fameux exemple de la résistance patriotique en face d’une invasion étrangère : Rien dans l’histoire moderne, dit M.
Dans l’Antiquité, on a Sapho pour quelques accents et quelques soupirs de feu qui nous sont arrivés à travers les âges ; on a la Phèdre d’Euripide, la Magicienne de Théocrite, la Médée d’Apollonius de Rhodes, la Didon de Virgile, l’Ariane de Catulle. […] Elle s’éprit d’elle à l’instant, ou mieux, elles s’éprirent l’une de l’autre, et on le conçoit ; si on ne regarde qu’au mérite des esprits, il n’arrive guère souvent que le hasard en mette aux prises de plus distingués. […] Arrivons vite à son titre principal, à sa gloire d’amante.
Voilà l’homme qui n’était tout entier lui-même que lorsqu’il s’animait et s’échauffait, ce qui lui arrivait si aisément. […] Diderot, qui hantait les ateliers, arrive dans celui de David : il voit un tableau que le peintre achevait ; il l’admire, il l’explique, il y voit des pensées, des intentions grandioses. […] Et pourtant, à travers cela, et sans trop y viser, il a su, de toutes ces choses éparses, en sauver quelques-unes de durables, et il nous apprend comment on peut encore atteindre jusqu’à l’avenir et à la postérité, y arriver, ne fût-ce qu’en débris, du milieu du naufrage de chaque jour.
Il arrivait à la renommée, à la popularité, et il en jouissait, tout misanthrope qu’il avait été jusque-là, avec une fraîcheur première. […] Voilà comme en remontant dans les causes secondes on arrive à Dieu, cause de tout. […] Il était de ces individus distingués à qui il a été donné d’arriver à la perfection dans leur genre et de mettre le fini à leur nature : ils ont fait peu, mais ce peu est parfait et terminé.
Mais Rousseau, toutes les fois que son amour-propre et son coin de vanité malade sont en jeu, ne se gêne en rien pour mentir, et j’en suis arrivé à cette conviction qu’à l’égard de Grimm, il a été un menteur. […] Peut-être ce temps glorieux pour les muses de ma patrie n’est-il pas éloigné. » Trente ans plus tard, ayant reçu du grand Frédéric un écrit sur la littérature allemande, dans lequel ce monarque, un peu arriéré sur ce point, annonçait à la littérature nationale de prochains beaux jours, Grimm, en lui répondant (mars 1781), lui faisait respectueusement remarquer que cela était déjà fait et qu’il n’y avait plus lieu à prédire : « Les Allemands disent que les dons qu’il (Frédéric) leur annonce et promet leur sont déjà en grande partie arrivés. » Tout en étant devenu Français et en se déclarant depuis longtemps incompétent sur ces matières germaniques, Grimm avait évidemment suivi de l’œil la grande révolution littéraire qui s’était accomplie dans son pays à dater de 1770, et lui-même, nationalisé à Paris, à travers la différence du ton et des formes, il mérite d’être reconnu comme un des aînés et des collatéraux les plus remarquables des Lessing et des Herder. […] je ne sais pas un mot de ce que vous ferez demain, par exemple ; depuis que je vous connais, cela ne m’est point arrivé. » La morale avait fort à souffrir de ces relations qui s’établissaient si aisément et si publiquement dans le monde du xviiie siècle.
Tourguénef arrive à cette hallucination par le fini de ses portraits. […] Mais toute sa vie, quand la vieillesse arrive, se résume en ce zéro : « Des paroles, toujours des paroles, jamais d’actions. » Roulant ainsi d’entreprise en entreprise, de place en place, d’un pays à un autre, il finit par se faire obscurément et inutilement fusiller sur une barricade, à l’étranger, sans armes, et lorsque l’émeute est déjà réprimée. […] Ce désenchanté de la vie a la plus vive horreur de la mort et de la vieillesse : « … Puis tout à coup, comme de la neige qui nous tombe sur la tête, voir arriver la vieillesse et avec elle sa compagne, la crainte de la mort, cette crainte qui nous mine et nous ronge sans cesse, puis enfin le plongeon dans l’abîme.