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13. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

C’est pour cela que Taine est un modèle… C’est dans Taine et dans les écrivains qui lui ressemblent qu’on apprendra le style qu’on peut apprendre. »‌ Nous avons naturellement cité ce passage, si bien d’accord avec nos théories ; et c’est une joie de voir cette fois M. de Gourmont, contraint de se retourner contre M.  […] Pour apprendre à écrire, nous l’avons toujours dit, il faut évidemment avoir d’abord des dispositions, et l’on ne forme son style que si l’on a des aptitudes à le former. […] Je n’ai fait toute ma vie que des raisonnements, je suis habitué aux abstractions ; il faut que je sorte de moi-même, que je change toutes les allures de ma pensée, que j’apprenne le style descriptif23. »‌ La question est donc tranchée, Taine lui-même nous le dit : son évolution a été réfléchie ; il a changé volontairement sa manière : cet effort lui a coûté ; il a peiné, travaillé, persisté, et le labeur a fini par développer ses dispositions naturelles, et c’est ainsi qu’il s’est assimilé le style descriptif, où il a, d’ailleurs, excellé.‌ […] Comment apprendre le dialogue ?

14. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

. — On apprit à Chambord la mort du bonhomme Corneille, fameux par ses comédies ; il laisse une place vacante dans l’Académie. » Le bonhomme Corneille ou le grand Corneille, cela revient au même ; Dangeau avait été du jeune monde, et, comme nous dirions, de la jeune école. […] Deux jours après, à Fontainebleau, on apprend la mort de M. de Cordemoy, qui laisse une seconde place vacante dans l’Académie. […] Des pièces de Racine qui sont de sa première manière, Dangeau nous apprend laquelle Louis XIV préférait : « Le soir (dimanche 5 novembre 1684, à Fontainebleau), il y eut Comédie-Française ; le roi y vint, et l’on choisit Mithridate, parce que c’est la comédie qui lui plaît le plus. » Mais quand Racine eut fait Esther, ce fut certainement la pièce de prédilection de Louis XIV, si l’on en juge par le nombre de fois qu’il y assista. […] Mercredi 22 août, à Versailles. — J’appris que Saint-Ruth allait commander les troupes qu’on envoie dans les Cévennes et dans le Dauphiné, comme Asfeld commande celles qui sont en Poitou ; ce sera apparemment avec beaucoup de succès des deux côtés. […] On a appris aussi qu’à Grenoble tous les huguenots avaient abjuré. » — « Mardi 16, à Fontainebleau. — On apprit que tous les huguenots de la ville de Lyon s’étaient convertis par une délibération prise à la maison de ville, les ministres et tout le consistoire y étant ; les dragons n’y étaient point encore arrivés. » On s’était tant dit qu’on vivait sous un règne de prodiges que rien n’étonnait plus.

15. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

À celle-ci, une enfant de dix ans, elle voudra un jour apprendre la harpe ; mais la harpe est trop lourde, et, au bout de six mois, la maîtresse s’aperçoit que l’enfant devient bossue ; ce que voyant, elle lui redresse la taille moyennant un corps baleiné et une plaque de plomb qu’on fait venir de Paris. […] J’apprenais à jouer au billard et quelques jeux de cartes, le piquet, le reversi, etc. […] Mais tout ce qu’elle apprenait là en ce moment, remarquez-le bien, elle le rendra tout à l’heure à d’autres ; car, si elle a la passion d’apprendre, elle a surtout la verve d’enseigner. […] À la promenade, un pharmacien botaniste suivait les jeunes princes pour leur apprendre les plantes. […] Elle lui avait fait apprendre, en effet, et manipuler dès l’enfance tant de choses diverses, qu’il n’était presque aucune branche des connaissances ni des arts sur laquelle il ne pût se croire du métier, de manière à en remontrer à chacun dans l’occasion : il le laissait peut-être trop voir étant roi.

16. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

La plûpart des hommes, appliquez dès l’enfance à de vils métiers, vieillissent donc sans avoir eu l’occasion d’apprendre ce qu’il étoit necessaire qu’ils sçussent, afin que leur génie pût prendre son essort ? […] Ainsi j’avouë que la plûpart de ces hommes passent quelquefois comme les hommes vulgaires, et qu’ils meurent sans laisser un nom qui apprenne à la posterité qu’ils ont été. […] Quand la malignité des conjonctures auroit asservi l’homme de génie à une profession abjecte avant qu’il eut appris à lire, voilà ce qu’on peut supposer de plus odieux contre la fortune, son génie ne laisseroit pas de se manifester. Il apprendra à lire à vingt ans, pour joüir indépendemment de personne du plaisir sensible que font les vers à tout homme qui est né poëte… bien-tôt il fera lui-même des vers. […] Enfin ce ne sont pas les lettres qu’on enseigne à un homme qui le rendent poëte : c’est le génie poëtique, que la nature lui donna en naissant, qui les lui fait apprendre, en le forçant de chercher les moïens d’acquerir les connoissances propres à perfectionner son talent.

17. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre IV. Le développement général de l’esprit est nécessaire pour bien écrire, avant toute préparation particulière »

L’art d’écrire s’apprend donc en même temps qu’on apprend la littérature, l’histoire, les sciences, par cela même qu’on les apprend, en même temps qu’on avance dans la vie, par cela même qu’on vit : l’étude et l’expérience sont les vraies sources de l’invention et du style. Si l’on a bien appris, si l’on a bien vécu, c’est-à-dire comme un être actif et conscient, toutes les connaissances et toutes les émotions antérieures concourront insensiblement dans tout ce qu’on écrira, et, sans qu’on puisse marquer précisément l’empreinte d’aucune, elles se mêleront dans toutes nos pensées et dans toutes nos paroles, comme on ne saurait dire quelle leçon de gymnastique ou quel aliment entre tous a donné au corps la force dont il fait preuve un certain jour au besoin.

18. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

En général, quand nous apprenons une leçon par cœur ou quand nous cherchons à fixer dans notre mémoire un groupe d’impressions, notre unique objet est de bien retenir ce que nous apprenons. Nous ne nous soucions guère de ce que nous aurons à faire plus tard pour nous remémorer ce que nous aurons appris. […] Une pièce de vers apprise au collège nous est-elle restée dans la mémoire ? […] Comment apprendre par cœur, quand ce n’est pas en vue d’un rappel instantané ? […] James mettait d’abord trois ou quatre jours à apprendre un sermon par cœur.

19. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Telle étoit la raison des anciens Philosophes, de ces Sages qui ont dominé quelque temps les esprits : & que nous a-t-elle appris ? Que leur avoit-elle appris à eux-mêmes ? […] En matiere de Religion & de Culte, la Divinité seule peut apprendre aux Hommes ce qu’elle en exige & ce qui leur convient. […] Ce qu’ils enseignent d’utile, la Religion nous l’avoit appris avant eux, & d’une maniere plus modeste & plus simple. […] Son principal objet est d’apprendre aux Hommes de tour rang & de tout âge, que le bonheur ne sauroit consister que dans la pratique de leurs devoirs.

20. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Par l’explication, un professeur de lycée ou d’université se propose d’apprendre à lire à ses élèves. L’instituteur apprend à lire l’alphabet, et le professeur de lycée ou d’université apprend à lire la littérature. […] Il faut que j’aie appris à distinguer le sens du livre de l’usage que j’en fais. […] En un mot, lire avec réflexion, lire pour comprendre et de façon à comprendre, lire pour se donner non seulement des impressions fortes, ou des impressions multiples, mais pour acquérir une intelligence claire, précise et distincte des textes, c’est une chose qui ne se fait pas toute seule — si vous exceptez quelques individus qui seront toujours, en tout, au-dessus de toutes les règles et de toutes les pédagogies, et qui, tout de même, auront profit à ne pas les ignorer ; c’est une chose qui s’apprend ; et c’est la chose qu’on apprend par l’exercice de l’explication de textes. […] Les élèves n’en retiraient rien que l’habitude d’appliquer des formules apprises par cœur à des ouvrages qu’ils n’avaient pas lus : acquisition utilisable au baccalauréat, pernicieuse d’ailleurs pour l’esprit.

21. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Apprendre quelle est sa situation exacte vis-à-vis de l’ensemble du monde, rejeter brutalement l’idéalisme et la flatterie pour s’inonder de réalité.‌ […] Ce texte, je voudrais le voir gravé en lettres énormes au fronton de tous les édifices français, appris par cœur dans toutes les écoles, inscrit en épigraphe en tête de tous nos discours politiques. ‌ […] Voilà la vérité, qu’une nation telle que la nation française peut ou doit apprendre à se laisser dire. […] On apprend les langues étrangères pour apprendre les peuples étrangers. Le temps des grandes naïvetés est passé, et il est grand temps d’étudier les causes de la grandeur et de la faiblesse des autres peuples ; il faut apprendre aussi à connaître les dessous des choses ».‌

22. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 29, si les poëtes tragiques sont obligez de se conformer à ce que la geographie, l’histoire et la chronologie nous apprennent positivement » pp. 243-254

Section 29, si les poëtes tragiques sont obligez de se conformer à ce que la geographie, l’histoire et la chronologie nous apprennent positivement remarques à ce sujet sur quelques tragedies de Corneille et de Racine . je crois donc qu’un poëte tragique va contre son art, quand il peche trop grossierement contre l’histoire, la chronologie, et la geographie, en avançant des faits qui sont démentis par ces sciences. […] Un poëte ne doit aussi rien changer, sans une grande necessité, à ce que l’histoire et la fable nous apprennent des évenemens, des moeurs, des coûtumes et des usages des païs où il place sa scene. […] Enfin ce fait est détruit par tout ce que les historiens nous apprennent de la vie de Junia Calvina. […] Tacite nous apprend que dès les premiers jours du regne de Neron, Agrippine obligea cet affranchi celebre à se donner la mort. […] Racine suppose que son Antiochus, celui qui fut blessé dans un combat des troupes d’Othon contre celles de Vitellius, et qui avoit mené un secours aux romains devant Jerusalem, fut roi de Commagene sous l’empire de Titus, quoique les historiens nous apprennent que le pere de ce prince infortuné ait été le dernier roi de commagene.

23. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Le souvenir de la leçon, en tant qu’apprise par cœur, a tous les caractères d’une habitude. […] Mais comme les souvenirs appris sont les plus utiles, on les remarque davantage. […] Il est vrai que l’exemple d’une leçon apprise par cœur est assez artificiel. […] En ce sens, un mouvement est appris dès que le corps l’a compris. […] Ce ne sont pas des mots que nous apprenons d’abord à prononcer, mais des phrases.

24. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Racine, Boileau, Bossuet et Fénelon nous apprendront à corriger, à limer, à arrondir nos phrases… Leurs nombreuses ratures mêmes nous enseigneront quelque chose de l’art dont ils ont revêtu leur génie…37 » On pourrait, dit Mme de Staël, composer un traité sur le style d’après les manuscrits des grands écrivains…38 » Il serait quelquefois à désirer, dit Chénier, que nous eussions les brouillons des grands poètes, pour voir par combien d’échelons ils ont passé39. […] Le travail, selon lui, n’apprend pas à écrire, parce qu’il y a de grands génies qui n’ont pas eu besoin de travailler, comme si nous n’avions pas dit cent fois qu’un Manuel de style n’est pas fait pour les grands génies et comme s’il n’était pas, d’ailleurs, historiquement prouvé que les plus grands écrivains eux-mêmes ont énormément travaillé! […] Uzanne n’a pas l’air de se douter que nous l’avons publié uniquement pour prouver ce qu’il a la prétention de nous apprendre, et aussi parce que cet ouvrage était la confirmation éclatante de nos conseils « insidieux ». […] Albalat, dit-il, est convaincu qu’on peut apprendre à écrire comme on apprend à compter !!! 

25. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Pourquoi passer six ans à apprendre, tant bien que mal, une langue morte ? […] Peut-être même devrait-on faire précéder la rhétorique par la philosophie ; car enfin, il faut apprendre à penser avant que d’écrire. […] Il est certain qu’on pourrait apprendre ainsi beaucoup de mots dans une langue en assez peu de temps. […] Voulez-vous donc apprendre promptement une langue, et avez-vous de la mémoire ? apprenez un dictionnaire, si vous pouvez, et lisez beaucoup : c’est ainsi qu’en ont usé plusieurs gens de lettres.

26. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

L’expérience peut seule nous apprendre si cette loi se vérifie. […] Elle ne m’a pas appris comment est l’espace et qu’il satisfait à la condition dont il s’agit. Je savais en effet, avant toute expérience, que l’espace satisfera à cette condition ou qu’il ne sera pas, je ne puis pas dire non plus que l’expérience m’a appris que la géométrie est possible ; je vois bien que la géométrie est possible puisqu’elle n’implique pas contradiction ; l’expérience m’a appris seulement que la géométrie est utile. […] Je n’y aurais jamais songé, si je n’avais pas appris d’avance, par le moyen que nous venons de voir, à distinguer les changements d’état des changements de position, c’est-à-dire si mon œil était immobile. […] Évidemment non, tout ce que nous pouvons dire c’est que l’expérience nous a appris qu’il est commode d’attribuer à l’espace trois dimensions.

27. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 23-32

Mais où le soi-disant Théologien a-t-il appris que j’aye été chassé de chez M. […] S’il eût interrogé sur ce point le Philosophe Géometre, dont il est le très-humble serviteur, il lui auroit appris qu’il me rencontra chez M. Helvétius l’avant-veille du funeste accès de goutte qui l’enleva aux Lettres & à la Société ; il auroit pu lui apprendre encore, que…… Admirez, je vous prie, Monsieur, l’adresse avec laquelle le Libelliste tâche de répandre un air de vérité sur la double imputation qui m’a été faite par M. de Voltaire, & à laquelle j’ai déjà répondu. […] Le soi-disant ne se borne point à des injures calomnieuses : il me donne des avis admirables ; il m’apprend des anecdotes impies sur quelques Auteurs ; il fait des sorties tout-à-fait touchantes contre les gens d’Eglise ; il passe en revue plusieurs articles des Trois Siecles, pour avoir occasion de se déchaîner contre les bons Ecrivains qui ne sont pas Philosophes, & d’élever à la sublimité du génie ceux qui sont reconnus pour tels.

28. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Il y a trois ans que je n’aurais pas eu cette délicatesse ; mais depuis, j’ai appris bien des choses qui me la prescrivent comme un devoir. […] Et les choses qu’elle dit avoir apprises depuis trois ans sur le compte de madame de Montespan, avaient-elles réellement occupé son attention ? […] Elle voulait voir le roi, elle voulait recevoir sa mission de la bouche du roi, et apprendre, dans une nouvelle entrevue, le prix qu’elle pouvait espérer d’un heureux accomplissement de cette mission ; tous ses doutes étaient simulés pour arriver à ce but. […] Au reste, La Bruyère nous apprend ce que c’était dans ce temps-là qu’un directeur, et la correspondance de madame de Maintenon avec le sien nous apprend ce que c’était que Gobelin. […] Elle nous apprend qu’elle travailla à meubler elle-même au moins une de ces petites maisons. « Je montais à l’échelle pour faire l’ouvrage des tapissiers, parce qu’il ne fallait pas qu’ils entrassent.

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