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710. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

J’aperçus aussitôt mon beau-père qui, plongé dans un grand fauteuil au coin de la cheminée dont la trappe était baissée, coupait les pages d’un livre nouveau avec un poignard à lame large, courte et forte. […] J’apercevais la vérité de ma situation. […] Adossé au mur, dans la rue solitaire, il la regarda très longtemps, sans qu’elle parût s’apercevoir de cette présence indiscrète. […] « Allons, voyons, — dit, en trempant son pinceau dans la colle, le curé, qui ne m’avait pas aperçu, — la suite, donc…, Stella matutina ! […] Ces recherches nous transportent, pendant quelques pages, en Perse, où l’auteur nous donne un aperçu très curieux de l’intérieur des harems et de celles qui les habitent.

711. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Il faut ajouter que si l’on a le nez fin, on s’aperçoit vite de sa méprise et du trouble qu’on apporte, et qu’on trouve aisément quelque moyen ingénieux de se retirer, sans même avoir laissé croire aux gens qu’on s’est aperçu de la gêne où ils se trouvaient. […] Arnolphe s’en aperçoit, et l’idiot qu’il est ! […] Elle n’est pas assurément sans s’être aperçue que Tartuffe avait douceur de cœur pour elle. […] Mlle Devoyod ne s’en est point aperçue ; mais le public lettré a goûté, en dépit d’elle, comme il devait, cette mesure et cette grâce. […] Le dieu vient au-devant d’elle : elle l’aperçoit, et soudain la voilà frappée.

712. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Quand il vous dit que le christianisme a réparé et comme créé la moralité humaine, parce que les mœurs dépendent de la femme, et que la femme date du christianisme, quel aperçu profond ! […] Elle était un fait : elle s’est à peine aperçu et de son professeur et de son critique. […] Elle ne s’aperçoit pas qu’Aristophane est un grand artiste. […] D’abord elle aperçoit désormais, mieux qu’elle ne faisait auparavant, le vide étrange et la puérilité où en est arrivée la poésie française de son temps. […] » Elle s’assit sur une pierre… elle se mit à genoux… Je m’aperçus qu’elle priait… « Rentrons, dit-elle, le froid m’a saisie.

713. (1895) Hommes et livres

En ce temps où l’éducation des enfants préoccupe à si juste titre les esprits clairvoyants qui aperçoivent les intérêts vitaux de la patrie, il n’est pas inutile de jeter un regard sur les conditions dans lesquelles nos aïeux trouvèrent la solution du problème ; nous y apercevrons les origines de la crise actuelle. […] N’est-ce pas assez, pourtant, d’apercevoir que la religion n’a aucune place dans sa vie morale, et n’a été pour lui, en aucun instant, ni un frein ni une force ? […] Bourgeois a très bien aperçu : un Alberoni patriote, héritier de Pétrarque ou de Jules II, précurseur de Cavour et de Garibaldi. […] Le Sage n’aperçoit pas encore la nature : il n’est pas le moins du monde paysagiste ; il a une sécheresse d’impressions de voyages qui devient amusante à force d’excès. […] On l’aperçut dans un genre dont l’objet, analogue à celui de la comédie, était la peinture spirituelle et satirique du monde et des caractères.

714. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Le philosophe grec a-t-il aperçu entre la comédie et la tragédie je ne sais quelle profonde et secrète identité ? […] Si l’âme ne se fait belle, elle n’aperçoit point la beauté, a dit Plotin ; j’ajoute : Si l’âme ne se fait poétique, elle n’aperçoit point la poésie. […] Non, Molière, la philosophie « n’apprend point à bien faire un potage », mais elle aurait dû vous apprendre à respecter le savoir, et à ne point faire de petits jeux de mots contre le raisonnement, qui, bien loin de « bannir la raison », lui fait apercevoir par la voie des conséquences logiques tant de choses qu’on n’aurait jamais soupçonnées ! […] Mais, en sortant du temple, il aperçoit un esclave qui en sort aussi, et il entend chanter un corbeau à gauche.

715. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Mais est-il une doctrine pratique qui puisse se passer de tout aperçu théorique ? […] Cela suffit pour que Socrate ait comparé les signes démoniques à des révélations ; ils équivalaient logiquement, selon sa doctrine, à des aperçus anticipés sur un avenir inaccessible à la prévision humaine213. […] Mais, si cette transition d’un sens à un autre a été possible, c’est grâce à l’apparition intermittente dans la succession psychique de paroles intérieures particulièrement vives ; ce fait, vaguement aperçu par certains hommes, et désigné plus ou moins nettement dans leur langage, ne parut point étrange à leurs interlocuteurs ; ils reconnurent un phénomène qui leur était familier ; l’allusion étant comprise, elle s’acclimata dans la langue commune jusqu’à devenir une métaphore presque banale. […] Souvent aussi, c’est le parleur lui-même qui, réveillé par le son de sa propre voix et par l’étonnement de ceux qui l’entourent, s’aperçoit non seulement qu’il a parlé mal à propos, mais encore qu’il pensait avec intempérance, qu’il était ému, agité, que son visage a dû le trahir avant sa parole ; il est ainsi provoqué à réfléchir, à se connaître lui-même ; il observe sa parole intérieure ; elle s’est révélée à lui en devenant extérieure ; il apprend tout au moins qu’elle est l’antécédent ordinaire de l’exclamation involontaire31. […] Si, dans la rue, j’aperçois un ami qui vient à moi, ou bien si je suis devant sa porte, attendant qu’il réponde à mon appel, je passe naturellement de la parole intérieure calme et toute personnelle à une sorte de répétition préalable de la conversation que je vais avoir ; malgré moi, le bonjour et d’autres mots plus particulièrement adaptés à la circonstance me viennent à la mémoire.

716. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Pas de complications, pas de mélodrame, de la sincérité et de l’émotion, voilà le menu du livre, dont le résumé tiendrait en quelques lignes, car il ne s’agit que d’un honnête homme qui s’aperçoit que sa femme en aimait un autre avant de le prendre pour mari. […] Le drame, très simple, qui nous conduit au dénouement, sert de cadre à de hauts aperçus philosophiques, sans que le côté sentimental, la note dominante du roman en devienne amoindrie. […] Une fillette nous aperçut enfin et courut au peintre avec une vivacité affectueuse. […] Je m’aperçois que j’ai consacré à ce roman plus que l’espace qui m’est permis, sans avoir résumé ce livre touffu d’idées, chose rare dans les productions contemporaines. […] Il m’aperçut tenant le flacon et aussitôt s’écria avec fureur : « Comment, drôle !

717. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Béranger] » pp. 333-338

Une place modeste dans une administration publique suffisait à ses besoins ; il la garda jusqu’au jour où il s’aperçut que son indépendance allait en souffrir.

718. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

J’allai dans cette forêt sombre, Douce retraite des amants, Et j’en aperçus un grand nombre Qui poussoient les beaux sentiments.

719. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Bœrne. Lettres écrites de paris pendant les années 1830 et 1831, traduites par M. Guiran. »

Sa candeur d’enthousiasme m’a tout à fait rappelé Brissot, lorsqu’avant la révolution de 89 il visitait l’Angleterre et l’Amérique, comme de saintes contrées que la liberté avait déjà bénies ; les premiers cottages riants qu’il apercevait sur la route en sortant de Douvres, l’émouvaient aux larmes et lui semblaient un bienfait des institutions.

720. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Il en est quelques-uns, morts jeunes, qui n’ont pas eu le temps de mûrir, et dont tous les écrits le laissent apercevoir : mais un certain charme de fraîcheur et de naïveté y compense les défauts, qui sont imputables à l’âge plutôt qu’au talent de l’homme.

721. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

L’auteur considéra que les deux seuls de ces chapitres qui eussent quelque importance par leur étendue, étaient des chapitres d’art et d’histoire qui n’entamaient en rien le fond du drame et du roman, que le public ne s’apercevrait pas de leur disparition, et qu’il serait seul, lui auteur, dans le secret de cette lacune.

722. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XIV. Parallèle de l’Enfer et du Tartare. — Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables. »

Il y rencontre la malheureuse Didon ; il l’aperçoit dans les ombres d’une forêt, comme on voit, ou comme on croit voir la lune nouvelle se lever à travers les nuages .

723. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Il l’ignora tant qu’il n’eut pas occasion de s’en douter ; il s’en aperçut quand il eut envie de peindre ce qu’il voyait.

724. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Si, dans le Jocelyn que nous possédons, on aperçoit jusqu’à la fin quelque trait d’amour trop tendre, ce reste de faiblesse a dû être corrigé, durant les longues années suivantes, par cette vie toute pratique, de laquelle le Botaniste nous a dit :  La douleur qu’elle roule était tombée au fond ; Je ne soupçonnais pas même un lit si profond ; Nul signe de fatigue ou d’une âme blessée  Ne trahissait en lui la mort de la pensée ; Son front, quoiqu’un peu grave, était toujours serein ; On n’y pouvait rêver la trace d’un chagrin  Qu’au pli que la douleur laisse dans le sourire, À la compassion plus tendre qu’il respire.  […] En parlant de son chien avec effusion, avec charité, il est toujours dans cette large voie humaine, au bout de laquelle, du plus loin, on aperçoit près de leurs maîtres les chiens d’Ulysse et de Tobie. […] Il y a de la douleur toujours (car l’homme la traîne partout), mais moins de vices ; et, tandis qu’en bas, dans les foules, nos pas se heurtent, tournent souvent sur eux-mêmes, et finalement se découragent, de loin, d’en haut, aux yeux du pasteur et du poëte, s’aperçoit mieux peut-être la marche constante de l’humanité sous le Seigneur.

725. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Ce qu’il connut bien vite, ce qu’il goûta et saisit aisément du xviiie  siècle, ce fut le côté mondain, la façon spirituelle, sceptique, convenable toujours, l’aperçu vif, court, net, délibéré, léger quelquefois, sensé en courant, moqueur avec grâce ; en un mot, M. […] Chacun, dans cette lecture, peut apprécier la marche du critique, le procédé savant des tableaux, la nouveauté expressive des figures, cette théorie éparse, dissimulée, qui est à la fois nulle part et partout, se retrouvant de préférence dans des faits vivants, dans des rapprochements inattendus, et comme en action ; cette lumière enfin distribuée par une multitude d’aperçus et pénétrant tout ce qu’elle touche. […] Ce mélange, cette construction élégante et savante d’idées, de faits nombreux, d’aperçus et de rapprochements, n’avait d’unité qu’en lui, et s’est comme dispersée au moment où il s’est tu.

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