Depuis les anciens, le monde n’avait pas entendu de pareils accents. […] Nul ne les égalant en zèle, nul ne pouvait les égaler en moyens ; leurs navires couvraient toutes les mers pour opérer le sauvetage du vieux monde et le rapporter à l’ancien monde italien. […] Maintenant que nous n’avons plus celui qui fut le premier auteur d’un travail d’érudit, mon ardeur à écrire s’éteint, et je n’ai presque plus ce grand bonheur que me donnait l’étude des anciens ; cependant, si vous avez un si vif désir de connaître mon malheur, et comment s’est montré ce grand homme dans les derniers actes de sa vie, bien que je sois empêché par mes larmes, et que mon esprit recule même devant un souvenir qui doit renouveler ma douleur, je cède cependant à vos si vives et si honnêtes instances ; et je ne veux pas manquer à l’amitié qui nous unit.
Parmi les plus anciens écrits scientifiques en langue vulgaire se rencontrent un lapidaire, un bestiaire, compilations de récits merveilleux et puérils sur les pierres précieuses et sur les animaux : science plus fantastique, plus stupéfiante que toutes les aventures des chevaliers de la Table ronde. […] Appliquée dans les écoles de philosophie ancienne à sauver les chefs-d’œuvre de la poésie et les mythes de la vieille religion de la condamnation inévitable que la conscience morale de l’humanité, chaque jour plus éclairée, eût portée contre leur primitive grossièreté, l’allégorie fut reprise par les chrétiens, d’abord pour autoriser l’étude de la littérature païenne, puis pour justifier aux yeux des fidèles maints passages des saintes Ecritures, dont leur simple honnêteté se fût scandalisée, enfin pour exposer sous une forme plus attrayante et plus vive les vérités dogmatiques de la religion et de la morale. […] L’Évangile est sa règle, il s’y tient, il le défend : il dispute contre ceux qui lui semblent s’en éloigner, il se fait le champion de l’ancienne foi contre les nouveautés de l’Évangile éternel, et c’est pour purifier la religion, qu’il fait une si rude guerre à la corruption de l’Église, aux vices des ordres monastiques.
Il nous aide à nous figurer l’état d’esprit de ce public qui admirera un peu pêle-mêle Benserade, La Fontaine, Perrault, Boileau, plus sensible aux qualités effectives des œuvres qu’aux principes spéculatifs des théoriciens, plus sensible surtout à la convenance qu’à l’art, à la vérité qu’à la poésie, et parfaitement satisfait de toute œuvre qui parle clairement à son intelligence : il ne cherche dans les livres que des idées, et ses idées ; il ne se préoccupe guère des anciens. […] Tous les deux sont assez près de regarder le respect des anciens comme une dévotion de cuistre : pour eux, ils les jugent en honnêtes gens, par leur raison, sans leur attribuer de supériorité sur les modernes en vertu de leur antiquité. […] Tout à l’heure, avec Furetière, nous avons rencontré la bourgeoisie, dont les lettres de Guy Patin363, ce médecin parisien si frondeur et si caustique, nous offriraient un type un peu antérieur et contemporain du monde précieux, dont nous rencontrerons encore le type tout à l’heure chez nos grands écrivains, mais un type élargi, affiné par le double contact des anciens et de la cour.
Dans l’éloquence religieuse sortie du cœur du dix-septième siècle, il signale « un art nouveau inconnu des anciens et sans modèle » ; il n’en est pas touché. […] Dans les cruautés de l’ancienne justice envers le criminel, il y avait du moins du respect pour l’homme. […] Mais l’ancien me semble avoir un grand avantage sur le moderne.
Et c’est justement parce que cette association est utile à la défense de l’organisme, qu’elle est si ancienne dans l’histoire de l’espèce et qu’elle nous semble indestructible. […] C’est qu’il aurait fallu d’abord détruire l’ancienne classification et la remplacer par une nouvelle où les séries de sensations musculaires auraient été réparties en quatre classes. […] Peu importe d’ailleurs ; les expériences, si elles étaient irréprochables, pourraient être probantes contre la théorie ancienne.
À douze ans, dans un grenier, Rimbaud a connu toutes les femmes des anciens peintres. C’est à feuilleter des « magazines », que Francis Jammes s’éprend de Clara d’Ellebeuse, la petite écolière des anciens pensionnats. […] Ce Narcisse qu’ils croient un legs des anciens âges, c’est « le cadeau des temps futurs », son baiser est celui du génie.
Restait à trouver le gendre aristocratique, le fils du Grand Turc rêvé par l’ancien patron des Trois Sultanes. […] Évadée d’abord, libérée ensuite par la Guerre de l’Abolition, elle est retournée dans la plantation où elle a rendu fous d’amour les deux fils de son ancien maître, à ce point que l’un a poignardé l’autre ; sur quoi sa sœur naturelle l’a dénoncé et fait pendre. […] Pour le moment, il se contente de le persifler, avec mauvais goût sur l’ancienne domesticité de sa mère.
Le peuple venait de faire un feu de joie des guenilles de l’ancien régime. […] Elle a honte de son ancien métier. […] Ainsi l’ancienne société sera tombée pierre à pierre ; ainsi la providence aura complété l’écroulement du passé.
« Je signalerai seulement deux pièces dignes de mention parmi celles qui ont succombé : l’une, un dialogue extrêmement spirituel, et parfois poétique aussi, entre deux anciens camarades de collège, un poète et un banquier ; le sujet du concours y est traité un peu trop sans gêne, toutefois. […] Une autre pièce qui a longtemps attiré l’attention de la sous-commission et du jury est un conte dont la scène se passe en Normandie, et qui sent tout à fait sa littérature familière du xviiie siècle, poésie courante, négligée, gracieuse toutefois et spirituelle, dernier souvenir d’un genre ancien et qui s’efface. […] Quel magnifique spectacle que de voir cette patrie universelle des intelligences s’étendre sans limites dans l’espace et le temps, embrasser dans son sein l’ancien et le nouveau monde, établir partout le règne de l’opinion, adoucir les horreurs de la guerre et faire respecter même dans les combats les saintes lois de l’humanité3.
Sully lui attribue ainsi qu’à Villeroi une part directe dans le rétablissement des Jésuites en France (1604) ; il suppose que ces deux conseillers, Jeannin et Villeroi, malgré leur entière conversion monarchique, avaient encore dans l’esprit quelque reste du vieux levain, « quelque diminutif de semence espagnolique et ligueuse dans la fantaisie », et qu’ils étaient portés à favoriser ce qui tenait à leur ancien parti. […] Il importait que Jeannin et l’ancien ambassadeur Buzenval, qui y retournait avec lui, arrivassent à La Haye avant un certain jour où une détermination pouvait être prise.
Ledieu fait des phrases sur Homère et Démosthène ; pour couper court à ces assertions vagues qui tendraient à faire du lévite et du prêtre par vocation un nourrisson des neuf Muses, on peut recourir à Bossuet lui-même dans une note qu’il a tracée de ses études jusqu’à l’âge de quarante-deux ans environ : à cette première époque, et avant d’entrer dans cette seconde carrière de précepteur du Dauphin qui le ramena heureusement par devoir aux lettres et aux lectures profanes, il était sobre dans ses choix de ce côté, sobre et même exclusif : Virgile, Cicéron, un peu Homère, un peu Démosthène, … mais les choses avant tout, c’est-à-dire les saintes Écritures anciennes et nouvelles, l’Ancien et le Nouveau Testament, médité, remédité sans cesse dans toutes ses parties ; ce fut du premier jour sa principale, sa perpétuelle lecture, celle sur laquelle il aspirera à vieillir et à mourir : Certe in his consenescere, his immori, summa votorum est , disait-il.
Frochot, retiré dans son village d’Aignay, ne fit du moins aucune démarche : ce fut le Conseil municipal de Paris qui prit l’initiative d’un acte de réparation et qui alla jusqu’à redemander son ancien préfet au ministre de l’intérieur, l’abbé de Montesquiou. Mais il était difficile de faire de l’ancien et si dévoué serviteur de Napoléon jusqu’en 1813 un royaliste de bonne qualité, et Frochot lui-même, avec sa probité et sa droiture, prétendait bien, dans cette triste affaire Malet, avoir été dupe, rien que dupe, et pas autre chose.
Un sage orateur ancien disait : « La foule m’applaudit, est-ce donc qu’il me serait échappé quelque sottise ? […] C’est encore un ancien, l’aimable et sage Ménandre, qui disait que dans ce monde, en fait de bonheur et de succès, le premier rang est au flatteur, le second au sycophante ou calomniateur, et que les gens de mœurs corrompues viennent en troisième lieu.
En histoire, Taine a repris le sujet qui avait tenté Tocqueville faire comprendre, par la description de l’ancien régime, de la Révolution, du régime nouveau, ce qu’est la France contemporaine. […] Outre les ouvrages que je nomme ci-dessous, il a écrit son Voyage aux Pyrénées (1855), ses études sur les Philosophes français du xixe siècle (1855-56), sa Vie et opinions de Thomas Graindorge (1863-65), ses Notes sur l’Angleterre (1872).Éditions : Hachette, in-18 : De l’lntelligence, 2 vol ; Littérature anglaise, 5 vol. ; Philosophie de l’art, 2 vol. ; Essais de critique et d’histoire, 1 vol. ; Nouveaux Essais, 1 vol. ; Derniers Essais, recueil posthume, 1894, 1 vol. ; Origines de la France contemporaine, 7 vol. in-8 (Ancien Régime, 1 vol ; Révolution, 3 vol. ; Empire, 2 vol.)
Trop de gens — même parmi ceux qui font profession d’écrire l’histoire littéraire ou de diriger le public dans le jugement des ouvrages anciens et nouveaux — trop de gens ne sont habitués qu’à lire rapidement comme on lit un-journal ou comme on lit un roman, à parcourir plutôt qu’à lire. […] On appuiera plus ou moins sur certains rapports des œuvres françaises avec les modèles anciens, selon que les auditeurs seront capables de connaître ceux-ci dans l’original ou seulement par des traductions.
L’ancienne critique dogmatique, telle que la concevaient Boileau, La Harpe, Nisard ou Brunetière, la critique qui fixait des étalons moraux, sociaux, littéraires et qui reconnaissait aux œuvres plus ou moins de valeur suivant qu’elles se conformaient plus ou moins à ces étalons semble de plus en plus abandonnée. […] C’est en vain que beaucoup s’ingénient à renouveler les anciennes formes d’art, à secouer les routines ; ils font rarement œuvre vivante.